Ornithologie du Canada, 1ère partie/La Fauvette bleue et rousse


Atelier typographique de J. T. Brousseau (p. 202-205).

LA FAUVETTE BLEUE ET ROUSSE.[1]
(Blue Bird.)


Il existe en ce pays un charmant petit oiseau, autour duquel se groupent mille souvenirs du foyer domestique, mille traditions populaires. Il semble prendre chez nos amis de l’ouest, la place qu’occupe en France le Rouge-Gorge, « le consolateur du Pauvre, l’oiseau du Bon Dieu. » Wilson lui a consacré plusieurs de ses pages les plus éloquentes. C’est la Fauvette bleue et rousse ou Blue Bird. Cet oiseau a les ailes longues, le vol si facile et si rapide qu’il brave son ennemi naturel l’Émerillon et semble se jouer de ses attaques. Il n’habite que les lieux découverts, se perche à la cime des arbres ; préfère la branche sèche au rameau feuillé, montre une grande antipathie pour les forêts, les taillis épais, et généralement pour toute espèce de bois ; il place son nid dans un trou d’arbre, se plaît avec ses semblables, voyage avec eux, et même avec d’autres petits oiseaux ; la société de ses pareils est pour lui un besoin, en tout autre temps que celui des amours. S’en trouve-t-il par hasard éloigné ? son cri, sans cesse répété, indique le désir pressant de les rejoindre. Ses accents ne sont pas sans agrément ; sa voix est sonore et variée ; au printemps seul, il la fait entendre de la cime des grands arbres. Le Blue Bird quitte le Canada en septembre et en octobre pour les contrées méridionales des États-Unis ; il voyage de concert avec d’autres oiseaux ; arrivé aux Bermudes, en Georgie, à la Floride et à la Louisiane, le terme de sa course automnale, il se réunit en bandes.

« Pendant la saison des amours, ces oiseaux sont querelleurs et batailleurs jusqu’à ce que l’accouplement ait lieu. Le creux d’un vieux pommier ou de tout autre arbre est le réduit obscur où la femelle cache son nid. De petites racines, des herbes grossières, de la mousse et des plumes entassées sans ordre, forment la couche où elle dépose quatre à cinq œufs. Elle s’occupe seule de cette mauvaise construction ; le mâle l’accompagne dans toutes les courses que nécessite la recherche de ces divers matériaux, et veille à sa sûreté pendant le travail et l’incubation. Deux couvées sont le fruit de leurs alliances. Les petits naissent couverts d’un duvet roux. Dès que la première nichée peut se passer des soins de la femelle, celle-ci s’occupe aussitôt de la seconde. Les jeunes se dispersent pendant le jour, pour chercher leur nourriture, et se réunissent le soir près du lieu de leur naissance, où ils se mettent sous la sauvegarde du mâle. Quand la seconde couvée est parvenue à sa perfection, l’une et l’autre se réunissent et forment une petite troupe, à laquelle les familles des cantons voisins se joignent pour se rendre sous un climat où les insectes, leur principale nourriture, se trouvent dans une abondance proportionnée aux besoins de tous. Les individus attardés cherchent leur pâture devant les granges, dans les champs de blé, de maïs et de millet. La Fauvette bleue et rousse a été vue dans le District de Québec ; on dit même qu’elle y couve, mais elle y est rare, tandis qu’elle est très abondante dans le Haut-Canada ; quelques-unes y passent l’année entière.

« Le vol de ces Fauvettes est sinueux et très rapide lorsqu’elles sont poursuivies par l’Oiseau de Proie ; il est lent et droit dans leurs voyages ; elles se tiennent alors à quelque distance les unes des autres, et répètent sans cesse leur cri plaintif. Quand elles veulent s’arrêter, elles descendent lentement et planent avec grâce jusqu’à ce qu’elles soient posées : elles se dispersent ensuite de tous côtés, mais elles ne manquent pas de se trouver le soir au rendez-vous, qui est ordinairement sur la lisière d’un bois : elles passent la nuit ensemble, partent au lever du soleil et ne se reposent que sur les dix à onze heures du matin. Leur naturel peu craintif permet de les approcher ; cependant elles savent très bien discerner le danger, car dès qu’elles voient qu’on les pourchasse, elles deviennent très défiantes. Les mâles, surtout, s’inquiètent plus promptement que les femelles. Les cantons découverts sont ceux qui leur conviennent le mieux ; aussi les voit-on presque toujours sur les clôtures des champs et des vergers, et rarement sur les arbres. Ils saisissent avec adresse l’insecte ailé qui voltige à leur proximité et plongent avec une grande vélocité sur celui qui se pose sur l’herbe. Ils vivent aussi de vers et de vermisseaux, et ils semblent les préférer à tout autre aliment ; car c’est presque toujours à terre qu’ils cherchent leur pâture. Le nom de Fauvette peut convenir à cette espèce comme nom générique, mais non autrement ; car il n’a dans son naturel aucune analogie avec les vraies Fauvettes.

« Un beau bleu d’outremer brille sur la tête du mâle, ainsi que sur le dessus du cou, le dos, le croupion et sur les pennes des ailes et de la queue, dont le côté interne est noirâtre ; la gorge, le devant du cou, le haut de la poitrine et les flancs sont roux ; le milieu du ventre et les parties postérieures blancs ; une petite tache d’un gris bleu sépare l’œil du bec, qui est noir de même que l’iris ; les pieds sont bruns. »

Longueur totale, 7 ; envergure, 10.

Le bleu est mat sur le plumage des adultes, et comme lustré sur celui des vieux, mais seulement pendant la belle saison.

La femelle a des couleurs ternes, si ce n’est sur les barbes extérieures des pennes primaires, alaires et caudales qui sont d’un beau bleu ; un gris-brun, faiblement mélangé de bleu, règne sur toutes les parties supérieures ; la teinte ferrugineuse qui couvre la gorge et la poitrine, borde à l’extérieur les pennes secondaires et les couvertures des ailes ; celles-ci sont d’un gris bleuâtre dans le reste de leur étendue ; le bec est brun, et les pieds sont d’une nuance sombre.


  1. No. 158. — Scialia scialis. — Baird.
    Scialia Wilsonii.Audubon.