Ornithologie du Canada, 1ère partie/L’Aigle de Washington


Atelier typographique de J. T. Brousseau (p. 21-22).

L’AIGLE DE WASHINGTON.[1]
(Bird of Washington.)


« Audubon décrit, sous le nom d’aigle de Washington, une espèce d’aigle pêcheur que Chs. Ls. Bonaparte réunit à l’Aigle à tête blanche. L’ornithologiste américain l’observa pour la première fois en 1814, et fut, dit-il, plus heureux en découvrant cette nouvelle espèce, qu’Herchel en découvrant sa planète. C’était au mois de février : Audubon remontait le Mississippi ; une bise glaciale l’enveloppa, il était en ce moment mort à l’enthousiasme, et voyait avec indifférence défiler devant lui des myriades d’oiseaux aquatiques qui descendaient le fleuve. Tout-à-coup un Aigle passa au-dessus de sa tête, il se leva, et reconnut au premier coup-d’œil que l’espèce était nouvelle pour lui. Aussitôt il débarqua et vit l’Aigle se diriger vers de hauts rochers. Le lendemain il alla se poster vis-à-vis de cet endroit, et attendit patiemment la page d’Histoire que devaient lui fournir ces oiseaux jusqu’alors inconnus. Après quelques heures d’attente, il entendit un sifflement, et vit au bord de la saillie la plus élevée du rocher, deux oiseaux qui s’agitaient avec les signes de l’impatience et de la joie : c’étaient les aiglons qui saluaient le retour de leurs parents ; le père parut le premier, tenant dans son bec un poisson qu’il apporta à ses petits ; la mère vint ensuite, tenant aussi un poisson ; mais, plus prudente que son compagnon, elle jeta autour d’elle un regard défiant, et aperçut l’homme qui se tenait immobile en face du rocher : aussitôt elle lâcha sa proie, et se mit à tourner au-dessus de lui en poussant de grands cris pour l’éloigner. Les petits s’étant cachés, Audubon ramassa le poisson ; c’était une grosse Perche. Il revint le lendemain sans rien voir, puis le surlendemain et attendit toute la journée ; mais l’invasion avait été prévue et la famille avait changé de quartier. Deux ans après, il vit un aigle de la même espèce se lever au-dessus d’un enclos, où, quelques jours auparavant on avait tué des Porcs : il arma son fusil, et s’approcha doucement ; l’aigle l’attendit sans paraître effrayé, et mourut sur le champ ; il le dessina, le décrivit et lui donna le nom de Washington. L’hiver suivant il put observer à loisir les mœurs d’un couple de ces animaux. Leur vol est différent de celui de l’aigle à tête blanche : l’Aigle de Washington circonscrit un plus grand espace, et plane plus près de la terre et de l’eau ; quand il fond sur sa proie, il décrit autour d’elle une spirale, qui se rétrécit peu à peu, dans l’intention évidente d’empêcher tout mouvement de retraite, de sa victime ; il ne tombe sur elle qu’à quelques toises de distance, mais il s’élève peu, et son vol forme un angle très-aigu avec la surface de l’eau. »

L’aigle de Washington, tel que peint par Audubon, a fait le désespoir des naturalistes : il paraît qu’il n’existe qu’un seul individu de cette espèce dans les Musées de la Grande République, savoir dans le Musée de Philadelphie. Le professeur Baird nous écrit que tous les individus qu’on lui a envoyés comme étant des aigles de Washington, sur examen ont été reconnus comme des aigles à tête blanche : les scutelles sur les tarses, que leur assigne Audubon, ne se trouvent sur aucun aigle tué sur ce continent et c’est là ce qui embarrasse.

Deux beaux aigles[2] ont été tués au Saguenay l’année dernière : sont-ce des aigles de Washington ? On l’a prétendu.

Dimensions, 43 × 122.


  1. No. 41. — Haliaetus Washingtonii. — Baird.
    Haliaetus Washingtonii. — Audubon.
  2. Le Colonel Rhodes en possède un ; l’autre appartient à M. C. Pentland, de Québec.