Origines de l’enseignement médical en Lorraine

ORIGINES
DE
L’ENSEIGNEMENT MÉDICAL
EN LORRAINE


LA FACULTÉ DE MÉDECINE DE PONT-À-MOUSSON

Par G. TOURDES

PROFESSEUR DE LA FACULTÉ DE MÉDECINE DE NANCY

DISCOURS DE RÉCEPTION

Messieurs,

Je ne me suis pas fait illusion sur les motifs de vos bienveillants suffrages ; vous avez accueilli le professeur de Strasbourg, l’Alsacien rejeté au delà des Vosges, qui s’est arrêté, comme tant d’autres, le plus près possible de sa terre natale. C’est à vos sentiments patriotiques que je dois cette hospitalité si honorable ; elle ne m’en est que plus précieuse.

Héritière des deux nobles cités qui sont tombées à la fois, Nancy représente la civilisation française sur cette nouvelle frontière que nous a faite le sort changeant des armes ; ce rôle, vous y étiez préparés ; votre ville l’avait joué avec éclat ; notre Faculté de médecine, reculant de trente lieues, est venue s’ajouter à des institutions déjà florissantes. Compléter ainsi votre Académie, c’était renouer la chaîne des temps. Vous me permettrez d’appeler un moment votre attention sur les origines de l’enseignement médical dans cette belle et patriotique province. Le passé donne des gages et l’initiative lorraine avait créé les institutions qu’elle vient de reconquérir.

La médecine pendant le moyen âge. — La médecine a son histoire, qui est un des côtés remarquables du développement de l’esprit humain ; elle a ses phases qui sont liées à celles de la civilisation. Dans le grand naufrage des sciences et des lettres qui suit l’invasion des populations germaniques, l’enseignement médical disparaît ; il n’en existe pas de traces, en Lorraine, pendant toute la durée du moyen âge. Des écoles se rouvrent dans les monastères et autour des cathédrales, elles enseignent aux laïques, comme aux ecclésiastiques, les langues grecque et latine, les éléments des sciences, mais la médecine n’a point de place dans leur programme.

Il est souvent question de maux terribles, d’épidémies cruelles et peu des disciples d’Hippocrate. La piété des fidèles s’adressait aux églises et aux cloîtres, les malades étaient déposés sur les tombeaux des saints évêques. Ce n’étaient pas seulement des secours surnaturels qui sortaient de ces pieux asiles, où se conservaient les traditions de la science. La vocation médicale s’ajoutait à l’esprit de charité, et plus d’un moine, plus d’un ecclésiastique séculier se livrait à la pratique de l’art. Une inscription du xive siècle rappelle à Verdun les services d’un chanoine et curé, qui était en même temps maître ès arts et en médecine. Un pauvre moine de Saint-Remi, en 991, part à pied de son couvent pour aller étudier à Chartres un manuscrit des Aphorismes d’Hippocrate. Les bons médecins étaient rares a cette époque ; un évêque lorrain va se faire traiter à Salerne. En 1245, un Italien apporte en Lorraine un manuscrit du poëme latin de cette école célèbre, chacun veut en avoir une copie ; les médecins, craignant cette concurrence, poursuivent et persécutent l’étranger et demandent qu’on brûle l’ouvrage.

Le dévouement faisait défaut comme la science. Pendant la peste de Verdun, en 1584, on avait établi hors des murs des barraques destinées à recevoir les malades, ils sont soignés par des religieux ; le médecin de la ville avait été moins soucieux de sa dignité que de ce conseil de Paré, qui ne s’adresse pas au corps médical : « Le plus souverain remède que je puisse enseigner contre la peste, c’est de s’enfuir aussitôt qu’on le peut et de se retirer en air sain. » Il avait quitté Verdun, et n’y était rentré qu’à la fin de l’épidémie. Le magistrat lui retira sa pension pour tout le temps de son absence ; mais ensuite il revient sur cette décision, nonobstant la faute qu’il avait faite d’abandonner la ville au besoin et à charge qu’en temps de nécessité, il ne l’abandonnerait plus.

Qu’attendre du corps médical tel qu’il existait alors, composé d’hommes sans instruction première, sans études spéciales, de vie et de mœurs inconnues, comme le dit un chroniqueur du temps ? C’est en vain que par des mesures sévères on cherchait à arrêter le fléau de ces prétendus guérisseurs ; l’évêque de Toul, en 1515, les excommunie et les frappe d’amendes arbitraires ; le duc Raoul enjoint, sous peine de mort, à ceux qui se mêlaient de médecine, de donner auparavant des preuves de capacité. L’absence d’enseignement médical empêchait l’instruction de se répandre ; sur 44 médecins rétribués par les ducs, de 1471 à la fin du xvie siècle, 5 seulement sont qualifiés de docteurs[1], et pour les maladies graves, les souverains faisaient venir des médecins étrangers. Un centre d’instruction médicale devenait nécessaire, il va se former bientôt, en se rattachant à une institution importante qui modifie puissamment l’état intellectuel du pays.

Fondation de l’Université de Pont-à-Mousson. — C’est dans le xiie et le xiiie siècle que les grandes Universités se fondent. La médecine même les a devancées par l’école célèbre qui prend naissance dans le monastère du mont Cassin. Bologne d’abord, Paris vers 1206, Montpellier en 1220, Oxford, Cambridge, vers la même époque, sont en possession de ces premières Universités, où se ranime le culte des lettres et des sciences. C’est vers Paris et Montpellier que se dirigeaient les rares médecins de la Lorraine qui pouvaient entreprendre ces lointains voyages. À la fin du xvie siècle, après la Renaissance, une nouvelle impulsion est donnée à ces fondations, un second groupe d’Universités surgit, Reims en 1547, Strasbourg en 1566, Douai en 1560, sous Philippe II, Leyde en 1574 ; c’est parmi ces institutions qui naissent pour ainsi dire à la fois, que se place, en 1572, l’Université lorraine.

Le cardinal de Lorraine, frère du grand-duc de Guise, de celui qui reprit Calais et qui défendit Metz, et le duc Charles III, furent les créateurs de cette Université. L’idée première était d’arrêter les progrès de l’hérésie et de développer les lettres et les sciences dans cette province, reste glorieux du grand royaume d’Austrasie. Le cardinal avait rapporté du concile de Trente l’idée d’établir un collége où les clercs et les jeunes nobles lorrains, sous des maîtres savants et dévoués à l’Église, pourraient se former à l’étude des lettres et à l’exercice d’une solide piété. Le cardinal, qui avait déjà créé l’Université de Reims, communique ses vues à Charles III, qui accepte le choix de la compagnie de Jésus pour diriger l’Université.

À la cour, au conclave, dans ses voyages, il est si amoureux et affectionné à cette œuvre, dit un contemporain, qu’il ne parle d’autre chose. Vers le 20 janvier 1572, il s’en ouvre à Borgia, général de l’ordre. Maldonat était le confident de ses pensées et avait assisté à la conférence de Saint-Denis, où se décida la création définitive.

Peu après l’élection de Grégoire XIII, le cardinal et Charles III adressent au nouveau pape une requête motivée. Poussés par le zèle et la religion, et par une charité fervente envers leur prochain, ils ont résolu d’élever en Lorraine « une Université d’arts et de sciences, dans laquelle on ferait leçons continuelles de théologie, des droits, de médecine et de philosophie. » Les termes mêmes de la requête sont reproduits dans la bulle qui donne l’institution canonique à l’Université, le 5 décembre 1572 ; elle sera composée de quatre Facultés, dont deux, la théologie, la philosophie et les arts, appartiendront à la compagnie de Jésus. La bulle détermine pour ces deux Facultés le nombre des professeurs et les matières de l’enseignement. Les deux autres Facultés, de droit civil et canonique et de médecine, seront dirigées par leurs doyens, professeurs et docteurs, et d’après leurs statuts et usages, à l’instar de celles de Paris et de Bologne, dont elles obtiennent tous les priviléges. La Faculté de médecine de Pont-à-Mousson est donc instituée par la bulle, avec les prérogatives qui appartiennent aux deux Universités les plus célèbres, avec le droit de créer des bacheliers, des licenciés et des docteurs.

Pourquoi la ville de Pont-à-Mousson avait-elle été choisie pour être le siége de l’Université nouvelle ? C’était le centre des trois évêchés : Toul, Metz et Verdun ; c’est la que devait s’élever cette forteresse destinée à arrêter les progrès des novateurs. Cette ville paisible, sur les bords du fleuve célébré par Ausone, semblait promettre aux arts et aux sciences un asile sûr, éloigné des commotions politiques. Dans cette belle Lorraine, nous disait un de ses historiens qui a su le mieux approfondir son passé et préparer son avenir, quelques villes ont eu comme une mission particulière, un rôle qu’elles ont joué tour à tour à Nancy, le centre administratif, le gouvernement et la résidence du souverain ; à Pont-à-Mousson, le mouvement intellectuel et religieux, l’éducation de la jeunesse ; avant l’invasion suédoise, Saint-Nicolas-du-Port était le siége principal d’une industrie et d’un commerce considérable ; Lunéville a été le Versailles d’une cour nouvelle ; Metz, à côté de nous, représentait la gloire militaire qui renaît après les désastres.

Le premier recteur, le père Hey, de la compagnie de Jésus, vante la situation de l’Université nouvelle ; par les charmes de la campagne, la richesse du sol, la salubrité de l’air, par l’avantage de cette belle rivière navigable, elle ne le cède à aucune autre de ces Universités qu’il a visitées en Italie, en France, en Flandre et en Germanie ; il s’étonne qu’un lieu si favorable aux muses (musis tam accomodatum locum), ait été si longtemps négligé par les ducs de Lorraine. « La Providence, sans doute, réservait ce site privilégié à la gloire de notre compagnie et à l’honneur du cardinal. » Nous retrouvons dans l’Histoire et le Tableau de Nancy, par M. Guerrier de Dumast, un témoignage de l’admiration qu’inspire cette riante vallée de la Moselle, avec ces charmants paysages « qui n’ont rien, à la vérité, de vosgien ou d’alpestre, mais qui présentent l’idéal de tout l’ornement dont paraît susceptible une nature douce et civilisée ».

L’Université se fonde au milieu des difficultés et des luttes ; le cardinal, qui pressentait sa fin, hâte l’organisation de son œuvre ; la bulle est promulguée le 3 mars 1573, les Facultés de théologie et des arts sont inaugurées le 8 novembre 1574, et le cardinal meurt le 15 décembre de la même année. Pendant deux ans, les deux Facultés, dirigées par les jésuites, composent toute l’Université, avec les cours de grammaire, d’humanités et de réthorique.

Prospérité de l’institution. — La prospérité de l’institution est rapide ; déjà, en 1577, elle attirait une foule d’écoliers qui émerveillaient les contemporains. Dans un éloge du cardinal et du duc de Guise, publié à Paris par Nicolas Boucher, la Conjonction des lettres et des armes des deux illustres princes, l’auteur constate que cette Université érigée naguère à Pont-à-Mousson, est déjà florissante. « Cette ville, qui s’appelait d’abord Pons αμουσος, est devenue la mère des Muses ; on y accourt d’Allemagne, de France, des villes et des villages circonvoisins. » Il nous montre cette longue file d’écoliers traversant le pont de la Moselle au son de la cloche qui les appelle dans leur gymnase : « Is longus ordo venientium ex transpontanis, media interjecta Mosella, ad sonitum tintinnabuli, in cispontanum collegium. » Et c’est merveille de voir qu’une si grande affluence d’auditeurs se soit rassemblée en si peu de temps. Le père Abram, de la compagnie de Jésus, le premier historien de l’Université, parle même des prodiges qui ont accompagné sa fondation : « C’est une nouvelle étoile dans la constellation de Cassiopée, c’est une naissance monstrueuse qui symbolise la défaite de l’hérésie. » L’auteur d’un Commentaire de l’hymne à la philosophie de Ronsard, dans une épître dédicatoire à Charles III, datée de Pont-à-Mousson du 28 juillet 1580, constate que cette Université, « pour le brief temps de sa fondation, est déjà célèbre et florissante, qu’il n’y a académie en Allemagne, ni cette ancienne et fameuse Université de Cologne même, ni en France, excepté celle de Paris, qu’en fréquence de bonnes leçons et affluence de disciples, elle ne surmonte et désavance ».

Charles III voulait compléter son Université et y introduire les facultés de droit et de médecine, autorisées par la bulle, mais ici il rencontre des difficultés qui n’étaient pas inattendues. Maldonat craignit que la paix de l’Université ne fût troublée le jour où les légistes entreraient dans le corps enseignant. La suprématie du recteur religieux serait contestée par les deux Facultés séculières ; la discipline serait difficile à maintenir parmi les étudiants. « Or est-il, écrivait-il au duc en 1579, que ladite compagnie ne sauroit gouverner une Université selon ses constitutions, s’il y avoit d’autres études que celles qu’elle exerce, comme seroient les lois, canon et médecine, car ni les maîtres, ni les escholiers de ces Facultés ne se soumettroient jamais à la discipline d’icelle. » Charles III ne se laissa pas ébranler par ces objections ; il voulait une Université brillante et complète, comme celles de Bologne et de Paris ; la bulle la lui avait promise, et le temps lui a donné raison en prouvant l’exagération des craintes que faisaient naître les deux Facultés nouvelles.

La Faculté de droit. — C’est l’enseignement du droit qui est établi le premier ; en 1596, l’Écossais William Barclay arrive à l’Université, proscrit, dénué de tout. Neveu du recteur Hey, il ouvre ses cours dans une des salles du collége, puis dans sa maison, sur la rive gauche de la Moselle. C’est une réputation qui commence ; plus tard le livre De regno illustrera ce nom, auquel l’auteur de l’Argénis, son fils, né en Lorraine en 1581, donnera un nouvel éclat. Les Écossais arrivent dans cette Université ; Marie Stuart, nièce du cardinal de Lorraine, déjà captive, « licet ab Anglis captiva teneretur », y fonde un collége d’écoliers de cette nation. En 1580, on adjoint à Barclay, comme institutaire, un prêtre nommé Pierre Lestrées ; mais l’enseignement du droit n’en reçoit pas une grande impulsion. Charles III, pour affermir son œuvre, veut un homme déjà célèbre, dévoué et énergique, préparé à cette tâche. Cujas refuse ; il s’adresse à Grégoire de Toulouse, qui organise en maître la Faculté nouvelle.

Laissons parler ici l’historien de Grégoire, M. l’abbé Hyver : « L’honneur d’avoir tout à régler dans une Faculté où rien n’était ordonné, fut peut-être l’attrait le plus sensible qui conduisit Pierre Grégoire à Pont-à-Mousson. Un esprit comme le sien devait se complaire à établir en maître tout ce qui pouvait rehausser la science, à laquelle il avait voué sa vie. Personne n’était mieux préparé que lui pour cette œuvre d’organisation. Cette science si vaste s’alimentait d’un travail dont les âpres austérités étaient légendaires dans l’Université. On se représentait cet ascète de la science, à l’âge où les ménagements sont un devoir, sans feu, au milieu des rigueurs de l’hiver, non pas courbé sur ses livres, mais couché sur les in-folios ouverts devant lui, et s’usant les genoux, comme la postérité devait le dire de Cujas, dans ce culte et on oserait presque dire dans cette adoration de la vérité. » Insistons sur ces traits, parce qu’ils vont caractériser avec non moins de vérité le fondateur de la Faculté de médecine, l’illustre Charles Lepois, qui joignait aussi à une science profonde l’énergie du caractère et le dévouement. Il est digne de remarque que les deux Facultés de droit et de médecine aient été organisées l’une et l’autre par l’homme le plus éminent qu’elles aient possédé.

Commencements de la Faculté de médecine. — La Faculté de médecine vient compléter la dernière l’Université de Pont-à-Mousson ; Toussaint Fournier, médecin lorrain, le 25 octobre 1592, ouvre des cours dans sa maison, sur la rive gauche de la Moselle. Comme pour le droit, un enseignement restreint précède la création régulière de l’école. Pont-à-Mousson, d’ailleurs, avait des traditions en ce qui concerne les soins des malades. La charité des Antonistes, dès le xiie siècle, avait établi dans cette ville trois hôpitaux destinés à recevoir les pèlerins, les pauvres et les personnes atteintes de l’affection qu’on appelait alors le feu de saint Antoine. Les comtes de Bar leur avaient fait des donations en 1217 et 1266, à la condition que « ces revenus seroient despendus en faire charités aux pauvres et malades qui seront ostelés et reçus en ladite maison ». Grégoire, en 1597, par son testament, donne une somme importante à l’un de ces hospices. C’est Charles Lepois, médecin ordinaire du duc de Lorraine, qui, à la demande du souverain, organise, en 1598, la Faculté de médecine, dont il est le premier doyen. Il s’établit sur la rive gauche de la Moselle, près de la Faculté de droit ; la construction qui s’élève, est « environnée aussi de cette pureté d’air et de solitude nécessaire à une école dont le silence ne doit être troublé par aucun bruit extérieur ».

Charles Lepois. — Lepois (Carolus Piso) a été la plus grande personnalité médicale de la Lorraine. Il appartenait à une famille qui a donné à la science plusieurs hommes distingués. Antoine Lepois, médecin de Charles III, est connu par un Discours sur les médailles, qui parut en 1579. Nicolas Lepois, qui succède à son frère, résume pour l’instruction de son fils les travaux des médecins les plus illustres, depuis Hippocrate jusqu’au xvie siècle. Foes, qui voit le manuscrit, en 1580, engage l’auteur à le rendre public. Plusieurs éditions de cet ouvrage se répandent dans toute l’Europe, et Boerhaave le fait réimprimer à Leyde, en 1736, pour l’instruction de ses disciples. « C’est une bibliothèque entière, dit-il, puisqu’elle contient toutes les doctrines des Grecs, des Romains, des Arabes, et depuis le renouvellement des lettres, tout ce qu’il y a de bon dans les auteurs, jusqu’au milieu du xvie siècle. » Boerhaave est plein de vénération pour la mémoire de Nicolas Lepois et pour celle de son fils, le grand Charles Lepois, comme il l’appelle : « Il a augmenté la science de la médecine que son père lui avait transmise ; ses ouvrages vous apprendront ce qu’il y a de plus beau et de plus certain dans la médecine. Je lui ai donné particulièrement les plus grands éloges, ajoute le professeur de Leyde, parce qu’il confirme la théorie par un grand nombre d’observations ; parce qu’il l’orne d’une érudition consommée et surtout parce qu’il démontre, par les recherches anatomiques, la cause et le siége des maladies dont il vient de donner l’histoire d’après nature. » Lepois est placé parmi les précurseurs de l’anatomie pathologique moderne. Il voulait toujours rendre ses ouvrages plus parfaits, et nous n’aurions rien de lui, dit Dom Calmet, sans l’empressement de ses confrères et les ordres du souverain, qui l’obligèrent à faire imprimer ses livres. Il ne connaissait d’autre passion que l’étude et le désir ardent de perfectionner la médecine.

Ce praticien habile était en même temps un érudit de premier ordre ; latiniste et helléniste comme on l’était alors, il connaissait l’hébreu, l’arabe, l’italien, l’espagnol ; il partageait avec Grégoire le privilége d’une érudition presque sans limites, et il était bon de posséder cette science en présence d’un ordre qui avait su complimenter en dix-sept langues le cardinal de Lorraine.

Le doyen de Pont-à-Mousson avait tout ce qu’il fallait pour organiser une école ; actif, dévoué, plein d’autorité et de science, il s’acquittait de sa charge de professeur, dit Dom Calmet, avec toute l’assiduité qu’elle exige ; sa maison n’avait rien de fermé pour les étudiants ; ses livres leur étaient communs ; il continuait son enseignement en dehors de l’école ; « il les menait encore chez ses malades pour leur apprendre à observer et faire l’application de ce qu’il venait de leur expliquer. » N’est-ce point la méthode de la clinique moderne ? Nous retrouvons dans cette Université l’affection du maître pour l’élève, si touchante dans les établissements de cette époque ; l’étudiant venu de loin y trouvait comme une nouvelle famille, une direction et un appui, au besoin des remontrances sévères, des secours dans sa pauvreté, des larmes aussi et des honneurs pour ses funérailles, si une mort prématurée le frappait loin des siens.

Le père Abram constate que, malgré les difficultés qu’il suscitait à son ordre, Lepois était d’une grande piété ; Dom Calmet le reconnaît, tout en taxant le premier historien de l’Université d’un peu d’exagération à cet égard. La fin de Lepois a été digne de sa vie ; il apprend en 1636 que la peste vient d’éclater à Nancy ; il se rend aussitôt dans sa ville natale pour soigner ses compatriotes ; il est atteint par le fléau et meurt victime de son dévouement. La Faculté de Pont-à-Mousson pouvait-elle mieux commencer que par ce noble exemple de science profonde et d’honneur médical !

Les prétentions des Facultés séculières. — L’Université est maintenant complète, elle a ses quatre facultés, cinq, comme l’on disait alors, en comptant pour deux les facultés de droit civil et canonique. Le collége des Jésuites est sur la rive droite de la Moselle, avec la théologie, la philosophie et les arts ; sur la rive gauche, dans deux bâtiments voisins, fonctionnent les Facultés de droit et de médecine. Aussitôt surgissent les difficultés prévues par Maldonat, le conflit permanent entre les Facultés laïques et le recteur religieux. Grégoire de Toulouse demande pour sa Faculté le rectorat, ou du moins l’alternance de cette dignité ; il s’appuie sur les termes de la bulle, qui accorde aux Facultés séculières de Pont-à-Mousson les mêmes priviléges qu’aux Universités de Paris et de Bologne. Emporté par son ardeur, il oublie l’avertissement qu’il a lui-même donné dans son livre De Republica : comment les royaumes finissent par la division de interitu regnorum per divisiones. Il publie, en 1583, son Règlement académique, supprimé par le prince. La Faculté de droit se retire à Saint-Mihiel avec ses élèves ; elle cède enfin à la bulle de Sixte-Quint et à un règlement du 24 janvier 1587, qui consacre la suprématie du recteur appartenant à la compagnie de Jésus ; mais Grégoire obtient une espèce de satisfaction : la Faculté de droit aura son chancelier et son sceau, et le doyen sera nommé par le prince.

La Faculté de médecine à peine installée soulève une question d’un autre genre. Lepois refuse au recteur le serment d’obédience, et ne veut pas recevoir de lui la licence d’enseigner. Après une longue lutte, la Faculté de médecine se soumet comme celle de droit, mais la formule, arrêtée en 1624, est adoucie en ce qui concerne la permission d’enseigner. Il ne paraît pas que l’on ait obtenu de Lepois lui-même la prestation de serment ; il y opposait sans cesse de nouvelles difficultés et des restrictions ; mais le père recteur, satisfait de sa victoire, — il avait obtenu l’essentiel, l’unité dans l’Université et la direction de l’enseignement, — ne la poussa point jusqu’à ses conséquences dernières envers le doyen, si renommé par son caractère et par sa science et si bien en cour.

Les préséances. — La Faculté de médecine dispute ensuite la préséance à la Faculté de droit ; Lepois demande que dans les cérémonies publiques les deux Facultés marchent suivant le même alignement. Le Duc décide que la Faculté de droit aura le pas, comme étant la plus ancienne ; mais pour consoler les médecins, le cardinal de Lorraine leur envoie sa robe fourrée d’hermine ; cette fourrure décorera à l’avenir le costume des professeurs. C’était la procession publique de Saint-Nicolas qui donnait lieu surtout à ces questions de préséance.

Après des difficultés sans nombre, une ordonnance de 1604 détermine enfin l’ordre dans lequel marcheront les 35 catégories de personnages qui composent la procession de l’Université, depuis les élèves de sixième jusqu’au recteur, jusqu’au peintre et aux graveurs de l’Université, qui ferment la marche[2]. Il est bien établi que, pour les Facultés, l’ordre sera la théologie, le droit, la médecine, la philosophie et les arts. Les costumes sont aussi décrits avec soin.

Les règlements avaient beau être précis, les difficultés renaissaient toujours ; les Facultés de droit et de médecine, dit le père Abram, ont fait naître bien des chicanes et des altercations, et avaient suscité bien des tracasseries au recteur de l’Université, par-devant le souverain. Les deux Facultés disputent leurs bedeaux aux recteurs et veulent en être immédiatement précédées, elles y réussissent ; elles refusent de reconduire le recteur jusqu’à son domicile, à la suite des cérémonies religieuses ; elles n’acceptent pas les gants que le recteur avait l’habitude de distribuer à la suite de la procession, parce que « in distribuendis chirotecis » il avait servi les docteurs en théologie avant de s’adresser aux professeurs de droit et de médecine ; les deux Facultés disputent le pas aux docteurs en théologie qui ne sont pas professeurs. Le doyen de droit se fait faire un costume comme les présidents de chambre de Saint-Mihiel, on le lui conteste, il perd son procès ; mais il en gagne un autre contre un personnage qui avait voulu imiter le costume des professeurs. Le doyen de médecine dispose son banc en travers dans l’église, pour ne pas préjudicier aux droits de sa Faculté, et le doyen de droit fait trois fois rétablir le sien à la place d’où l’avait écarté le bedeau de la théologie. On s’étonne des disputes frivoles soutenues par des personnages aussi graves, de l’importance accordée aux questions de préséance et de costume et à toutes les cérémonies extérieures ; mais il s’agissait de la dignité d’une Université naissante, de ses droits et de ses priviléges, et cependant il est difficile de ne pas s’en tenir à cette remarque de Pascal, au sujet des légistes et des médecins de son temps : la majesté de la science serait assez vénérable par elle-même, sans tout l’appareil dont ils l’entourent.

Le nom de l’Université. — Une des disputes les plus singulières s’éleva au sujet du nom de la ville où siégeait l’Université ; nous le mentionnons parce que le doyen de la Faculté de médecine y prit part. Était-ce Mussipontana ou Pontimussana qu’il fallait dire de l’Université nouvelle ? Grégoire de Toulouse accuse les jésuites d’hérésie grammaticale et d’attentat à la souveraineté du duc, pour avoir changé le nom d’une de ses villes ; approfondissant la question philologique, il propose les dénominations les plus diverses, pourvu que ce ne soient pas celles de ses adversaires. Le père Leclerc répond par un gros volume où il montre que, si la bulle du pape s’est servie de l’expression Pontis musioni, dès le début son ordre a fait prévaloir la dénomination plus euphonique de Mussipontum. Charles Lepois, qui était alors mal avec les Pères et avec la Faculté de droit, propose une autre dénomination, Ponte ad Monticulum, Ponte ad Montionem, qui, dit le père Abram, pourrait bien être la meilleure. Un abbé séculier croit concilier les prétentions rivales en accordant un des noms à la rive droite et l’autre à la rive gauche de la Moselle. Le Parlement de Paris, dans une occasion analogue, avait laissé libre de prononcer certains mots comme on l’entendrait ; le duc en fit de même, il ne prit pas de décision, et dans un règlement qui parut à cette époque, le rédacteur officiel a grand soin de répéter comme synonymes les deux dénominations. La dissidence se prolongea jusqu’à la fin de l’Université ; Dom Calmet dit encore : « Urbs Pontimussana quam corrupte vocant Mussipontanam. » La postérité impartiale a tranché le différend, en donnant aux habitants le nom adopté par les jésuites et à la ville celui que proposaient leurs adversaires.

Le sentiment du devoir, comme celui de leurs droits, était profond chez ces hommes graves et simples ; le cardinal fait un appel à l’union, et réunit les professeurs, le 10 juillet 1604, pour aplanir ces difficultés d’un commun accord.

Jalousie des Universités étrangères. — L’Université prospère et les élèves y affluent ; ce sont des Flamands, des Liégeois, des Irlandais et des Écossais, des Allemands, des Français surtout. En 1602, l’Université comptait 1 600 élèves ; en 1607 le même nombre, plus 400 élèves en droit et en médecine. Ce qui contribue à ce succès, c’est que les frais d’études, d’examens, de diplômes, sont bien moins élevés à Pont-à-Mousson que dans les autres Universités. Ainsi dans les argumentations publiques de la Faculté de philosophie, on ne donne de droits de présence qu’aux maîtres ès-arts qui ne sont pas de la compagnie. L’Université de Paris s’émeut de ce succès, et à sa sollicitation, le Parlement rend un arrêt, le 22 mars 1603, qui ordonne à tous les Français qui étudiaient à Pont-à-Mousson et à Douai, de rentrer dans leur pays pour y faire leurs études ; une ordonnance royale confirme cet arrêt. « C’est, dit le père Abram, parce qu’ils voyaient bien que leurs écoles étaient abandonnées, et que les étudiants se rendaient plus volontiers dans les colléges qui étaient sous notre direction, mais cette prohibition nous fut plutôt favorable, elle nous mit en renom, et pour une cinquantaine d’élèves qui nous quittèrent, il nous en arriva un bien plus grand nombre, même de France. » Un document, qui nous a été communiqué par M. l’abbé Hyver, montre que dans le xviiie siècle, en 1758, la Faculté de médecine de Paris témoignait peu de bienveillance à sa sœur de Lorraine ; c’est en forme de mémoire, signé par le doyen Boyer et par les professeurs, un blâme très-vif de quelques formules déposées à la chancellerie de Pont-à-Mousson ; la grammaire, dit-on, n’y est pas plus ménagée que la science : « Turpe nobis visum est medicum, imo medicastrum, non vitasse saltem errores in adolescente verberibus emendandos. » On accuse ces formules de compromettre la vie des malades et de mêler à contre-temps les indications les plus opposées.

Priviléges de l’Université. — L’Université devient bientôt une des institutions les plus connues et les plus respectées de la province. Les souverains lui accordent des distinctions et des priviléges ; on peut lire dans Rogéville la longue liste des ordonnances qui étendent ou renouvellent ces immunités. Les professeurs de la Faculté de médecine avaient en même temps le titre de médecins ordinaires des ducs de Lorraine, la plupart d’entre eux furent anoblis. Louis XIV, en 1671, voulut revenir sur ces titres si libéralement accordés par les ducs de Lorraine, mais Léopold, en 1698, leur rendit toute leur efficacité. Les principaux priviléges des membres de l’Université consistaient en immunités de taxes et en dispense du logement des gens de guerre.

Les emblèmes de la Faculté. — Le doyen de la Faculté de médecine a payé un juste tribut d’hommage au fondateur de l’Université. L’ouvrage consacré à louer les vertus de Charles III parut en 1609, à Pont-à-Mousson, sous le titre bizarre de Makarismos, ou Couronnes de vertus et de bonheur cueillies dans le jardin de la Sagesse et déposées sur la tombe du prince. Lepois montre le deuil de cette ville qui était devenue un nouveau Parnasse. Les eaux de la fontaine sacrée se répandaient non-seulement sur la Lorraine, mais sur les terres éloignées, échauffées par un autre soleil. L’Université, dans le frontispice du livre, gravé par Bellange, est représentée sous la forme de la Philosophie et des neuf Muses qui jettent des couronnes de chêne, de laurier, de myrte, de cyprès, sur le lit de mort de leur bienfaiteur ; à chaque couronne correspond une des vertus du prince. Charles Lepois, dit Dom Calmet, ajoute à chacune de ces neuf couronnes autant de commentaires en style poétique ; « l’érudition immense et bien choisie dont il est orné, n’en diminue pas la force ; il y a semé quantité de traits admirables de la vie de ce grand prince, qui n’auroient pas été connues sans ce livre. » La Faculté de médecine a aussi sa place dans la pompe funèbre de Ruelle, gravée en 1609 ; l’Université est une vierge royale assise sur un trône, entourée des emblèmes des sciences et des arts ; elle a sur ses genoux les insignes de la théologie, la croix et la bible, dans la main droite l’épée, et dans la main gauche la verge entourée du serpent, symboles des Facultés déjà célèbres de droit et de médecine. Dans le fond, la gravure représente la ville universitaire avec son pont historique.

Observatio singularis Mussipontana. — La Faculté de médecine prenait sa place parmi les institutions les plus connues. Un fait médical rare en tout temps, mais dont l’explication échappait alors, attira l’attention des savants sur l’Université nouvelle : « Prodigium unum et multiplex, verum et incredibile, exhibet Mussipontana civitas. » Pillement, doyen de la Faculté de médecine, publie en 1659 ce fait extraordinaire d’un corps pétrifié : « Observatio singularis Mussipontana fœtus extra uterum in abdomine retenti, tandemque lapidescentis. » C’est lui qui a ordonné les recherches anatomiques, marchant ainsi sur les traces de Lepois : « Itaque medicæ facultatis decanus et primarius, in hac alma Universitate Pontimussana professor, de mortua cadaver secari jussit. » Un volume réunit les opinions des médecins les plus célèbres, judicia varia celeberrimorum virorum, appartenant aux Universités d’Angleterre, de France, d’Allemagne, sur ce cas qui répand au loin la réputation de l’école lorraine. Là se trouvent les noms, qui ne sont pas oubliés tous, de Horstius, Strauss, Disby, Bartholin, Gunther, Sébitz de Strasbourg, Guy Patin et d’autres encore. Le doyen de Paris est sceptique, il cite Lucien et il insinue que ce fait pourrait bien être une fable digne d’Ésope et non une histoire ; un autre répète avec Scaliger que l’homme étant souvent aveugle et insensé, il faut qu’il consente æquo animo à ignorer quelque chose. Un troisième, dans un distique latin, en appelle à l’avenir :

Multa homini natura dedit cognoscere, plura
Non dedit ; hæc alio tempore forte dabit.

Cette conclusion est la plus sage, et le fait de Pont-à-Mousson, éclairci maintenant, a sa place dans l’histoire de la science.

Les études médicales à Pont-à-Mousson. — L’érudition, à cette époque, tenait une large place dans l’enseignement médical, qui consistait en grande partie à expliquer et à commenter les ouvrages des anciens. Un des premiers érudits de cette époque, Anucius Foëss, de Metz, qui publia une édition complète d’Hippocrate d’après les manuscrits de Fontainebleau et du Vatican, a été reçu docteur en médecine à Pont-à-Mousson. D’après le conseil de Lepois, il avait dédié son premier ouvrage au duc Charles III de Lorraine.

Les études pratiques se développaient aussi à l’Université naissante. Si nous ne trouvons point la preuve certaine d’un enseignement clinique, que rendait probable le développement des services hospitaliers dans une ville où depuis longtemps se rendaient de nombreux malades, nous y voyons les traces d’une institution appelée à rendre de grands services et à compléter l’instruction des jeunes médecins. Un règlement de 1757, article 6, établit que les stipendes des villes de Nancy et de Pont-à-Mousson seront données par élections en plein collége, aux plus convenables d’entre les agrégés et les professeurs, pour l’instruction des candidats et le service des pauvres. Verdier, un de nos auteurs estimés de jurisprudence médicale, qui était docteur agrégé du collège de Nancy en même temps qu’avocat au Parlement de Paris, signale cette institution propre à la Lorraine et si utile au service des pauvres comme à l’enseignement pratique d’une Faculté.

Malgré les préjugés de l’époque, les souverains favorisent par diverses ordonnances les études anatomiques. La chaire d’anatomie est créée une des premières à Pont-à-Mousson ; des recommandations sont faites aux magistrats pour faciliter ce genre d’études ; on met à la disposition de la Faculté un certain nombre de corps provenant des prisons ou d’exécutions judiciaires[3]. Les Jésuites ne s’opposaient pas à ce genre de recherches auxquelles Lepois avait donné l’impulsion. On en a la preuve dans une anecdote citée par Abram. En 1628, un père succombe à une maladie inconnue aux médecins, aucune des recherches anatomiques qu’exige la science n’est négligée, Abram lui-même en rapporte les détails.

L’enseignement de la chirurgie est rattaché dès le début à la Faculté de médecine ; c’était le moyen de relever cette profession, abandonnée alors à des hommes illettrés ; mais cette mesure n’est pas maintenue, Stanislas lui-même fit des efforts inutiles pour réunir les deux professions, séparées par des répugnances et des préjugés invétérés. La bibliothèque de Nancy possède un manuscrit du roi de Pologne, où il apprécie avec un grand sens les rapports qui existent entre ces deux parties du même art. « Si l’on doit convenir, dit-il, qu’il n’y a point de maladie, ou au moins la plupart, qui n’ait besoin des secours du médecin et du chirurgien, il est étonnant que l’usage ait séparé ces deux sciences, comme si elles étaient incompatibles. Réunies dans le même sujet, elles le rendraient plus habile dans l’une et dans l’autre ; on n’aurait pas besoin d’écoles séparées, le principe des deux études n’étant pas séparé. »

La chirurgie a eu aussi ses jours d’éclat, surtout en ce qui concerne une spécialité. La fréquence des affections calculeuses en Lorraine avait appelé de bonne heure l’attention sur l’opération de la taille ; il résulte d’une note de M. Lepage que cette opération aurait été pratiquée en Lorraine dès la fin du xve siècle, en 1496 et 1497. Rivard, de Neufchâteau, suit les cours de Pont-à-Mousson, puis se rend à Paris pour se perfectionner dans la pratique de son art ; il est rappelé par Léopold en 1715, et mis à la tête d’une fondation créée à Lunéville pour combattre les affections calculeuses. Ce chirurgien est nommé démonstrateur d’anatomie à la Faculté de Pont-à-Mousson, et deux fois par an il se rend à Lunéville pour pratiquer les opérations nécessaires. Cette fondation, augmentée par le duc François en 1732, par Stanislas en 1740, qui y attache un chirurgien en chef et quatre aides, rend à la province d’incontestables services, qui se prolongent jusqu’à nos jours. Saucerotte, en 1787, a retracé l’histoire de cet établissement[4].

En 1628, une chaire de pharmacie est créée à l’école ; elle est occupée par un docteur en médecine qui a les mêmes droits que les autres professeurs. Une maîtrise de pharmacie est aussi établie à Pont-à-Mousson. Les Jésuites, dans leur collége même, avaient donné un grand développement à cet art ; leur pharmacie comprenait trois laboratoires placés dans une aile de bâtiment démolie depuis peu, et les comptes qui se trouvent aux archives de Nancy montrent l’importance de cet établissement. Les théories chimiques étaient celles que permettait cette époque, l’alchimie y tenait une grande place ; on s’occupait de la pierre philosophale, de la transmutation des métaux, de la recherche de l’absolu. Un médecin lorrain, Guibert, ruiné et détrompé, attaque vivement l’alchimie dans un discours imprimé à Strasbourg en 1604. Un alchimiste allemand alors célèbre, Libavius, lui répond avec violence, accusant les Lorrains d’ignorance et de mauvais goût, lui reprochant sa patrie et sa religion, comme si, dit Dom Calmet qui rapporte cette histoire, on n’eût pas pu, avec bien plus de raison, lui reprocher l’une et l’autre. Le médecin lorrain lui répond avec non moins d’énergie ; il lui annonce la mort de l’alchimie, dans un nouveau livre imprimé à Toul en 1612, et il venge la Lorraine en citant les auteurs distingués qu’elle possédait alors.

La thérapeutique et l’histoire naturelle occupent aussi nos médecins ; Foëss, en 1561, publie un catalogue complet des médicaments ; de Mongeot, professeur de l’école, fait paraître, en 1620, un discours sur les médicaments domestiques ; plus tard, Jadelot composera une pharmacopée des pauvres. Les hautes questions de physique sont discutées ; deux professeurs de Pont-à-Mousson s’occupent de la comète de 1618 ; ils attribuent à ces astres des effets physiques et non des conséquences morales.

Les médecins de Nancy, plus que ceux de Pont-à-Mousson, font connaître les eaux minérales de la Lorraine ; Jean le Bon, médecin du duc de Guise et du cardinal de Lorraine, vante les eaux de Plombières ; Berthemin, en 1609, dans son enthousiasme, suppose que les eaux salées viennent en Lorraine immédiatement de la mer, « au moyen de canaux bien élabourés, calfeutrés et cimentés par le grand Architecte, qui a voulu encore bienheurer ce pays de ce don inestimable ». Paquotte, en 1719, publie une dissertation sur les eaux minérales de Pont-à-Mousson. Bagard signale le premier, en 1760, tout le parti qu’on peut tirer des eaux de Contrexéville ; une dissertation de Nicolas sur les eaux minérales de la Lorraine est couronnée en 1778 par l’Académie des sciences et belles-lettres de Nancy.

Le jardin botanique. — L’Université de Pont-à-Mousson n’avait eu à l’origine qu’un jardin botanique exigu et mal placé ; Léopold, voulant récompenser la Faculté des ouvrages qu’elle vient de produire et de son zèle à former de jeunes médecins, lui concède dans son château le terrain nécessaire pour fonder un nouveau jardin des plantes, et un bâtiment où seront placées les salles de démonstrations anatomiques et botaniques. Une circonstance particulière donne bientôt à ce jardin un grand développement. Le duc Léopold, malade, va consulter à Paris les médecins et les chirurgiens du roi ; une opération est jugée nécessaire. Le célèbre chirurgien La Peyronie vient la pratiquer le 21 décembre 1722 ; elle réussit, et aux démonstrations de la joie publique, dit Dom Calmet, on ne vit jamais mieux combien la Lorraine était attachée à ses princes. Le duc donne à La Peyronie 50 000 francs, la duchesse un diamant qui en vaut la moitié, la ville de Nancy une bourse remplie de florins d’or[5]. La Peyronie voulut visiter la Faculté de Pont-à-Mousson, comme l’avaient fait autrefois les médecins de Louis XIII ; il trouve le jardin encore dépourvu des plantes nécessaires, et, par un large envoi, il comble cette lacune. Dom Calmet rapporte qu’à son retour à Paris, le chirurgien fut fêté comme en Lorraine et que la première fois qu’il parut au Théâtre-Français, les spectateurs se levèrent et le couvrirent d’applaudissements.

Maladies épidémiques. — Des travaux sur les maladies populaires sont aussi sortis de cette école. Les épidémies étaient fréquentes en Lorraine ; la peste, par ses retours successifs de 1575 à 1590, a bien troublé les débuts de l’Université. Quand la maladie sévissait plus particulièrement sur une des rives de la Moselle, une barrière placée sur le pont séparait la ville en deux et les professeurs traversaient le fleuve pour aller donner leurs leçons. Cette barrière s’élève trop longtemps, au gré des étudiants qu’elle gêne ; ils en demandent la suppression au duc dans une requête en grec et en latin, sous forme d’odes et d’épîtres réunies en un volume, et la réponse étant supposée favorable, un soir ils détruisent la barrière et en précipitent les débris dans la Moselle. De 1631 à 1633, près de 3 000 habitants succombent aux atteintes du fléau. C’est une occasion de dévouement pour les médecins de Pont-à-Mousson, et aussi de travaux sur les maladies populaires. On publie des conseils préservatifs et curatifs, des instructions aussi prévoyantes qu’on peut les faire de nos jours, celle de Nancy entre autres ; c’est alors que paraît à Pont-à-Mousson, en 1623, l’Osmologie de Saint-Hillier, traité complet des fièvres pestilentielles. Peut-on s’étonner de la terreur que répandit en Lorraine, un siècle plus tard, l’annonce de la peste de Marseille ? Léopold, en 1720, rédige un mémoire où il prévient de l’invasion possible du fléau ; il ne quittera pas le pays, il se tiendra à portée du lieu où le malheur sera arrivé ; sa conscience et son devoir l’y obligent. Il interdit les marchés et les foires, il prescrit des quarantaines et des cordons sanitaires, il consulte les médecins les plus célèbres et il fait acheter et distribuer aux communes nécessiteuses les médicaments qu’ils ont recommandés.

Les professeurs. — Le nombre des professeurs n’était pas considérable dans les Universités anciennes ; les progrès de la science n’avaient pas encore rendu nécessaire la division des cours, et une véritable tendance encyclopédique régnait dans les écoles. Ces hommes laborieux et dévoués, possédant un vaste ensemble de connaissances, suffisaient à un enseignement multiple. La Faculté de théologie de Pont-à-Mousson avait quatre professeurs, celle de philosophie et des arts n’en avait que trois. Le nombre des professeurs en droit a varié de trois à cinq, avec un ou deux institutaires. La Faculté de médecine a commencé avec deux professeurs, l’un pour la théorie, l’autre pour la pratique, comme celles de Paris et de Strasbourg ; elle n’en a jamais eu plus de quatre ou de cinq par exception. Le 3 janvier 1602, Charles III, voulant rendre la Faculté de Pont-à-Mousson complète et illustre en tous ses membres, y ajoute un professeur d’anatomie et de chirurgie ; une quatrième chaire est créée en 1624 pour la matière médicale et la chirurgie. Paris n’avait que deux professeurs encore dans les premières années du xviie siècle, et le troisième maître n’a été nommé à Strasbourg qu’en 1626. La liste des professeurs de l’Université lorraine, publiée par Rogéville et par M. Lepage, complétée par M. l’abbé Hyver, et à laquelle nous avons ajouté un nom, comprend, pour 220 années d’existence, 30 professeurs, dont 23 ont été nommés à Pont-à-Mousson, de 1592 à 1768, et 7 à Nancy, de 1768 à 1793[6]. La Faculté de droit, avec dix années de plus, a eu 45 professeurs, dont 5 ont été nommés à Nancy.

Une galerie de portraits, dont notre Faculté a l’héritage, représente 14 professeurs de Pont-à-Mousson, en costume du temps, dont on peut contrôler l’exactitude par la description du père Abram, depuis la robe de panne de couleur pourpre, fourrée de l’hermine envoyée par le cardinal de Lorraine, jusqu’au bonnet carré, avec sa houppe violette et blanche pour la médecine, rouge et violette pour le droit. Onze autres portraits sont ceux de médecins distingués de la Lorraine, à l’époque où florissait l’Université. Cinq autres sont ceux de personnages célèbres, étrangers à la province. Antoine Louis, de Metz, secrétaire perpétuel de l’Académie royale de chirurgie, avait donné son portrait, avec celui de Guy de Chauliac, au collége de Nancy, dont il était agrégé d’honneur. Helvétius, médecin actif, bien en cour, qui voulait devenir le primat de la médecine française, est aussi représenté dans cette collection[7], qui se complète par les portraits plus récents de J.-B. Simonin, de Haldat et des Bonfils. La Faculté de droit de Pont-à-Mousson avait une collection analogue, qui a été détruite à Nancy, en 1871, pendant l’incendie du palais ducal.

Les concours. — Les professeurs ont d’abord été nommés directement par le souverain ; le concours a été introduit en Lorraine par l’invasion française, comme le disent les auteurs du temps, puis maintenu par Léopold, dans son édit du 16 juin 1699, comme étant le mode de nomination le plus juste et le plus utile au succès de l’école. L’appel était adressé aux docteurs de tous les pays, et l’on a conservé la belle formule par laquelle les Facultés convoquaient dans leurs comices ceux qui, se fiant à la solidité de leurs études, aspiraient à cette récompense de la vertu et de l’érudition. Dans le registre conservé aux archives départementales, nous trouvons la formule usitée pour la Faculté de médecine. Le 5 août 1770 un concours est annoncé, conformément à l’article 5 des lettres patentes du 3 août 1768, et dans les formes suivies déjà à Pont-à-Mousson : « Vacat cathedra professoris regii in Facultate medica Nanceiana. Doctores qui suorum studiorum fiducia et medicinæ peritia freti ambire volunt, sistant se in comitiis dictæ Facultatis, die quinto novembris anni 1770, ut super materiis ex theoria et praxi sortito ducendis, eruditionis suæ periculum postea facient publicis disputationibus et prælectionibus… Ex his demum peractis ei cathedra vacans assignatur qui meritis æstimatus fuerit præcellere. » M. Maggiolo a constaté que pour le droit neuf concours se sont tenus à Pont-à-Mousson, un à Nancy et un à Paris. Nous n’avons pas, pour la Faculté de médecine, des documents aussi précis, l’histoire des concours de Pont-à-Mousson nous manque ; nous savons seulement qu’après l’association de la Faculté de médecine et du collége des médecins de Nancy, en 1752, trois concours eurent lieu à Nancy, en 1756, 1757 et 1763, malgré les réclamations de la Faculté de Pont-à-Mousson, qui se plaignait du discrédit jeté sur elle par cette mesure, qui lui retirait l’acte le plus solennel qui appartienne aux Facultés.

Le registre de la Faculté contient les détails du dernier concours qui s’ouvrit à Nancy en 1770, avec la liste des questions posées. Dix candidats s’étaient fait inscrire : c’étaient des docteurs de Montpellier, de Strasbourg, de Nancy ; les voix se partagèrent entre un docteur de Montpellier et un docteur de Strasbourg, le premier l’emporta à la majorité d’un suffrage. Des lettres patentes du roi confirmaient le choix de la Faculté et donnaient au nouvel élu les droits, exemptions et priviléges qui appartenaient à ses prédécesseurs[8]. La prestation du serment était solennelle ; la formule en a peu varié, si ce n’est dans sa partie politique ; elle a été la même à Pont-à-Mousson, puis à Nancy. Le professeur jurait « de remplir avec exactitude et zèle les fonctions qui lui étaient confiées, de n’enseigner sciemment aucune hérésie, de n’introduire aucune discorde dans la Faculté, de vivre en paix, amitié et fraternité, autant qu’il le pourrait, avec ses collègues, de tout faire pour le bien de l’académie, de ne jamais lui causer de préjudice : Ita juro, ita promitto ; sic me Deus adjuvet !… »

Les registres de la Faculté de médecine de Pont-à-Mousson ont disparu ; la Faculté de droit, plus heureuse, a conservé les siens ; le premier doyen de la nouvelle Faculté de droit de Nancy, M. Jalabert, a pu ainsi rétablir avec détails la statistique de cette institution. Il résulte aussi d’un travail de M. Lepage, qu’en tenant compte de toutes les catégories, le nombre moyen des inscriptions pour la Faculté de droit s’élevait par année à 175, avec des variations notables suivant les années, et que les réceptions ont été en moyenne de 43 bacheliers, 50 licenciés par an, 2 docteurs par trois ans, environ 95 réceptions annuelles. Pendant toute son existence la Faculté de droit a reçu 5 564 bacheliers, 6 699 licenciés, 359 docteurs. La Faculté de médecine était un peu moins fréquentée que celle de droit ; les chiffres probables sont 100 à 150 élèves, 60 à 80 réceptions par année, dont une vingtaine de docteurs. Le registre de l’ancienne Faculté de Nancy, déposé aux archives, donne à cet égard des indications. La translation de la Faculté à Nancy n’a pas dû diminuer les réceptions ; elle les a probablement augmentées ; il en a été ainsi pour la Faculté de droit qui, ayant eu 491 réceptions dans les cinq années qui ont précédé la translation, en a compté 611 pour les cinq années qui l’ont suivie. Admettant qu’il en ait été de même pour la Faculté de médecine, le mouvement de Nancy, augmenté d’un cinquième, représenterait celui de Pont-à-Mousson, et nous trouverions dans le chiffre maximum de l’année 1791, 27 bacheliers, 34 licenciés, 19 docteurs, une indication probable du mouvement de l’école pendant sa dernière période à Pont-à-Mousson ; tout porte à croire qu’il a été plus considérable au commencement du xviie siècle, car le père Abram parle à deux reprises de 400 élèves en droit et en médecine qui fréquentaient l’Université. La ville de Pont-à-Mousson, dans la réclamation qu’elle a élevée en 1789, à l’occasion de la translation de l’Université à Nancy, parle de 400 à 500 étudiants qu’elle a perdus. Aucun écolier ne pouvait être inscrit dans les Facultés de droit et de médecine sans avoir fait une année de philosophie ; il fallait être maître ès arts pour être reçu docteur ; les études médicales duraient au moins trois ans.

Les réceptions. — Les réceptions, comme dans toutes les Universités anciennes, avaient à Pont-à-Mousson un grand éclat. Un auteur du temps nous montre le duc Charles III se détournant de son chemin pour y prendre part et visiter l’Université : c’était merveille de voir ce prince assister aux disputes philosophiques et théologiques, aux harangues et déclamations grecques et latines ; mais par respect pour ce prince, dit le père Abram, on argumentait souvent en français. Les insignes du doctorat étaient remis au récipiendaire en séance publique. Voici le serment que la Faculté de médecine faisait prêter au nouveau docteur : « Vous jurez que vous exercerez la médecine en homme d’honneur et de probité, et que vous éloignerez la haine et l’envie lorsque vous prescrirez des remèdes ; qu’autant que faire se pourra, vous ne prendrez rien des pauvres et les soulagerez sans récompense ; que lorsque vos malades seront en danger, vous les exhorterez à s’adresser à leurs pasteurs ; que vous ne donnerez aucun poison ni ne conseillerez d’en prendre ; que vous n’enseignerez et n’entreprendrez rien de contraire à la religion ; que vous respecterez les professeurs et les docteurs anciens de votre Faculté et que vous honorerez cette Université. » Depuis le serment d’Hippocrate jusqu’aux formules du moyen âge, la nature même de la profession médicale a inspiré de nobles paroles à ceux qui en rappelaient les devoirs.

Le père Abram a conservé le nom du premier docteur en médecine qui ait été reçu à la Faculté de Pont-à-Mousson : « Dieu, dit-il, d’une manière touchante, semble s’être réservé les prémices de cette Faculté, hujus Facultatis sibi delibasse primitias. À peine reçu, le docteur demande à entrer dans notre société, il y est admis et il meurt au bout d’un an, nous donnant tout espoir qu’il possède le bonheur éternel. »

Un vitrail du xvie siècle, œuvre d’un peintre lorrain, et se rattachant à une école de peinture sur verre qui florissait sous Charles III, représentait avec poésie ces luttes académiques. L’écolier devait franchir un camp ennemi et s’emparer d’une forteresse ; il rencontrait sous la tente l’Ignorance et la Stupeur, la Crainte, le Plaisir, la Paresse, l’Arrogance et la Timidité. Vainqueur de ces ennemis, il force une première enceinte, celle du baccalauréat ; il trouve sur les premiers degrés les emblèmes de la grammaire, de la rhétorique, de la dialectique. Quatre autres degrés, formés par toutes les branches de la philosophie et des beaux-arts le conduisent à une plate-forme de laquelle un maître présente au vainqueur l’anneau et le bonnet de maître ès arts. Minerve, au sommet, tient une lance avec une banderolle sur laquelle on lit le nom de la vérité : ΑΛΗΘΕΙΑ, et dans les nuages flotte le premier mot de la science divine : Theologia. On voit dans le lointain la ville et la rivière qui caractérisent Pont-à-Mousson. Ce vitrail, décrit avec détails par M. l’abbé Hyver, se trouvait à la bibliothèque de Strasbourg ; il a péri avec toutes les richesses de cette magnifique collection pendant l’incendie allumé dans la nuit fatale du 24 au 25 août 1870, par les projectiles ennemis.

Les thèses. — Un bien petit nombre des thèses soutenues à l’Université de Pont-à-Mousson ont échappé à la destruction et à l’oubli. Une des plus connues, est la thèse de philosophie et arts présentée par un des princes en 1625 : la Fleur des plus belles pratiques du compas de proportion, accompagnée de la planche de Callot, célèbre sous le nom de la Grande Thèse. La Faculté de droit ne possède aujourd’hui aucune de ces anciennes dissertations. Quelques thèses imprimées à Pont-à-Mousson, en 1628, par Jean Appier Hanzelet, ont cependant survécu ; on trouve dans l’une d’elles, soutenue en 1623, quelques-unes de ces propositions bizarres que le candidat s’engageait à soutenir ou à combattre, au gré de son adversaire : Ais, nego ; negas, aio ; l’une d’elles était relative à l’usage du vin permis ou défendu aux femmes. Dom Calmet cite la thèse soutenue en 1622, sous la présidence de Leverchon : An ignes accensi in contagione saluberrimi ? « Thèse savante et bien écrite, dit-il, ce qui me fait croire qu’elle n’est pas du candidat. Ceux qui connaissent les Universités savent que les étudiants ne font que prêter leurs noms aux thèses et qu’elles sont communément l’ouvrage des professeurs. » Le président de la thèse et un des examinateurs moururent de la peste, dont ils s’efforçaient de préserver les populations.

Trois thèses se trouvent à Pont-à-Mousson, entre les mains de M. l’abbé Hyver ; l’une d’elles a été soutenue en 1663, par J.-B. Alliot, le même qui rétablit la réputation des eaux de Plombières ; elle est relative au mouvement circulatoire du sang, d’après les idées d’Hippocrate, et aux maladies arthritiques : « Theses medicæ de motu sanguinis circulato et de morbis ex acre et præsertim arthritide. » Pierre Alliot, son père, aussi docteur de Pont-à-Mousson, eut à cette époque un moment de célébrité ; il avait inventé un spécifique contre le cancer ; appelé à Paris pour traiter Anne d’Autriche, il lui donna un moment l’espoir d’une guérison. Guy Patin, qui regardait cet état comme incurable, — et l’événement lui donna bientôt raison, — traita assez rudement le médecin lorrain : « On dit que la reine mère a de cuisantes douleurs et qu’elle a fait venir un médecin de Bar-le-Duc, nommé Alliot, grand charlatan et disciple de Van Helmont… » Le mot de charlatan se trouvait facilement sous la plume de Guy Patin lorsqu’il parlait de ses confrères. Les deux autres thèses ont été soutenues, l’une pour le doctorat, l’autre pour la licence, en 1730 et en 1731. Trois autres thèses ont encore été recueillies par notre collègue M. le professeur Simonin : celle de François-Joseph Callot, dédiée au duc Léopold, contenant deux dissertations, dont l’une célèbre les bienfaits de la médecine, imprimées à Nancy, mais argumentées in scholis medicorum Ponti-Mussi, les 15 et 28 janvier 1715. Les deux autres dissertations ont été soutenues à Nancy, après la translation, en 1769 et 1770. Les archives départementales possèdent une épreuve corrigée de la dernière thèse qui a été présentée à Nancy peu de temps avant la suppression des Universités. Ces quelques thèses[9], d’autres peut-être que renferment des bibliothèques particulières, avec les indications bibliographiques réunies par Beaupré et J.-B. Simonin, c’est à peu près ce qui reste des dissertations nombreuses sorties des presses de Pont-à-Mousson.

La typographie à Pont-à-Mousson. — La renaissance de la typographie en Lorraine coïncide avec la fondation de l’Université. Pont-à-Mousson, suivant l’historien de l’imprimerie en Lorraine, a quatre noms d’imprimeurs pour la fin du xvie siècle et 17 pour le xviie ; Nancy n’en compte que 11. Dès l’année 1580, un imprimeur et deux libraires figurent parmi les suppôts de l’Université. En 1594, Pont-à-Mousson avait déjà un imprimeur qui n’appartenait pas à cette institution. Un second imprimeur est nommé sous Henri II pour les Facultés de droit et de médecine, mais la surveillance de l’imprimerie appartient toujours au recteur, malgré les réclamations des Facultés. En 1622, une ordonnance défend sous peine de vie de rien imprimer sans autorisation. L’impression des thèses des quatre facultés et des ouvrages des professeurs, donnèrent une telle impulsion à l’industrie typographique, qu’en 1604 une fabrique de papier s’établit près de la ville. On a cru longtemps que le plus ancien ouvrage médical publié en Lorraine était la Rosa Gallica, de Chambier, médecin instruit, polygraphe, appelé semi-barbarus par Haller ; il avait réuni dans cet ouvrage des préceptes empruntés aux médecins anciens. Chambier avait été médecin du duc Henri de Lorraine, comme le prouvent des comptes de 1509 et 1510. Le duc, craignant son inconstance, lui avait donné une somme de 1 000 livres, à la condition que dans les quatre mois il achèterait une maison à Nancy. C’est bien dans cette ville qu’a été terminée la Rosa Gallica, comme l’indique cette suscription : Finis hujus pretiosæ margaritæ, apud Nanceium, Lotharingiæ primarium oppidum, anno 1512. Mais une autre indication, relevée par M. Beaupré, fait connaître que le livre a été imprimé à Paris en 1514. Thouvenin fait paraître à Nancy, en 1581, un recueil de sonnets dont plusieurs sont adressés aux Lepois. En 1582, il publie à Paris une épître, datée de Pont-à-Mousson du 28 juillet 1580, où il célèbre la gloire de l’Université. Le plus ancien ouvrage sorti des presses de la ville universitaire paraît être le Règlement de Grégoire, publié en 1583 ; le traité De Republica n’a paru qu’en 1596. Le livre de Lepois, Selectiorum observationum, a été imprimé à Pont-à-Mousson en 1618, et réédité plus tard à Leyde, à Francfort, à Leipsick et à Amsterdam. La typographie resta florissante à Pont-à-Mousson jusqu’à la fin de l’Université, et elle fournit pendant le xviie siècle, même aux époques troublées de 1635 à 1699, le cinquième des livres qui se publièrent en Lorraine.

Les médecins distingués de la Lorraine. — L’Université éleva le niveau de la profession médicale en Lorraine ; on y compta bientôt des médecins distingués : Cristophe Cachet, Lotharingius archiater, praticien répandu et poëte, qui composa, sous le nom d’Exercitationes equestres, un recueil d’épigrammes en six centuries, pendant qu’il allait à cheval visiter des malades ; Odet, qui publia en 1604 un livre sur l’art de conserver la santé, en style fort élégant, dit Dom Calmet, tellement que Charles III, à qui il était dédié, donna aussitôt à l’auteur des lettres de noblesse ; Demangeot, médecin-poëte ; Marquet, qui écrit sur les plantes de la Lorraine ; Mousin, dont le livre sur l’ivresse, Bachica Pandora furens medicis armis oppugnata, eut une grande notoriété ; son fils, médecin de Charles IV, qu’il accompagne à Tolède, où il fait, en 1605, une tentative inutile pour le délivrer ; les Alliot, deux médecins et deux bénédictins, qui ne renoncèrent pas à la médecine, et obtinrent du renom par la possession d’un prétendu spécifique contre le cancer.

À côté de l’Université, on voit, à Nancy et dans d’autres villes de la Lorraine, paraître des hommes distingués. Jadelot, Bagard, sont les deux grandes personnalités médicales de la seconde moitié du xviiie siècle. Harmand, médecin du roi Stanislas, fait connaître un des meilleurs moyens de combattre la mort apparente dans les asphyxies. Jadelot avait publié à Pont-à-Mousson une dissertation sur le même sujet ; il publie dans la même ville, en 1766, un Discours sur l’histoire de la médecine, depuis son origine jusqu’à cette époque. Bagard, auteur de travaux dont quelques-uns sont encore estimés, d’une thèse sur la Passion iliaque insérée dans la collection de Haller, d’une Dissertation sur les eaux minérales de la Lorraine (1763), complétée plus tard par les recherches de Nicolas (1778), président du collége des médecins de Nancy, créé sous son inspiration, directeur du Jardin botanique, qu’il embellit à ses frais, eut toutes les dignités et les occasions d’être utile que peut désirer un médecin. Il fut en rivalité avec l’école de Pont-à-Mousson, où on l’envoya présider un concours. Bagard fut consulté par Voltaire, atteint d’une maladie nerveuse et qui s’était adressé en même temps à Boerhaave et à Mead, illustres médecins de Leyde et de Londres. Voltaire, en remerciant Bagard, fait remarquer que les trois avis se trouvèrent conformes, et il déclare que les médecins sont les philosophes les plus utiles. Les biographies de Lepois, de Bagard, de Cupers, d’Anuce Foes, de Petit, etc., retracées par Jadelot, Harmant, Coste, Michel du Tennetar, Louis, etc., forment une partie intéressante de la littérature médicale de cette époque.

La médecine légale. — Les anecdotes se mêlent à cette histoire ; il y a des aventures dont nos médecins ont été les victimes ou les héros. C’est l’époque où la sorcellerie était épidémique en Lorraine comme dans le reste de l’Europe, où Nicolas Remy faisait cet étrange aveu qu’il avait condamné plus de huit cents sorciers, dûment con- vaincus, au dernier supplice, et ajoutait avec regret que le même nombre avait échappé à la mort par la fuite ou par la constance à ne rien avouer dans les tortures. Un médecin de Nancy, Delorme, médecin du duc, publie une lettre où il se vante d’avoir délivré le cardinal évêque de Metz et de Strasbourg, d’un sortilége mêlé à plusieurs grièves maladies physiques. La délivrance ne fut pas de longue durée, le cardinal mourut peu de temps après. Une aventure autrement tragique attendait un jeune médecin. Une veuve d’une grande beauté lui inspire une violente passion ; elle avait fait le vœu de ne pas se remarier et elle tient son serment. « Après avoir employé tous les moyens que la passion lui inspire, ce médecin a recours aux sortiléges, dit Dom Calmet, car il joignait la magie à sa profession. » La jeune femme résiste d’abord à ces maléfices, mais bientôt elle y succombe et elle présente les signes considérés alors comme les preuves d’une véritable possession. C’est un minime de Nancy, le père Pithoys, qui a le beau rôle dans cette triste affaire. Avec un grand bon sens et toute l’énergie d’un théologien convaincu, il soutient, pendant des conférences qui durent trois jours, en 1621, que cette femme n’est pas possédée ; mais il ne persuada ni le public ni les juges, et il faut bien le dire, ce fut un médecin qui porta à la victime le dernier coup. Le docteur Pichard Remy, écuyer, conseiller et médecin ordinaire de Son Altesse de Lorraine, publie un volume de 600 pages[10]pour justifier la réalité de la possession ; il s’appuie sur l’opinion conforme de six autres médecins, conseillers ordinaires du duc. Le dénouement fut celui des procès de ce genre ; Dom Calmet ajoute en note : « Le médecin magicien fut brûlé à Nancy, pour ses maléfices, le 2 avril 1622, avec une fille complice de ses crimes. » Mais la possession ne cessa pas avec la mort du magicien ; la dame, qui s’illustra d’ailleurs par des fondations pieuses et utiles, fut reprise des mêmes accidents, et un bref de Rome, du 10 septembre 1648, défendit de plus l’exorciser.

Quel était le rôle du médecin dans ces tristes affaires ? Il devait rechercher si la victime présentait des traces d’un état surnaturel échappant aux données de la science. Ainsi dans le procès d’André Desbordes, brûlé à Nancy en 1625, la sentence prononcée par les échevins de la ville est motivée, entre autres charges, sur un rapport de chirurgiens, qui, après un examen attentif, ont reconnu que le corps présentait plusieurs traces insensibles et diaboliques[11]. C’étaient ces insensibilités partielles de la peau qui s’observent dans l’aliénation mentale. Le chirurgien restait debout auprès du patient, pour régler la question d’après ses forces, pour en atténuer les suites ; triste rôle, meilleur que celui du juge ; il représentait au moins l’humanité dans ces affreuses scènes[12]. L’opinion publique d’ailleurs n’hésitait pas, elle se prononçait contre les victimes ; les souverains essayaient en vain de modérer les poursuites. Un doyen de la faculté de droit de Pont-à-Mousson faillit être victime d’une accusation de ce genre ; le père Abram rapporte cette histoire et ne paraît pas la mettre en doute. Une possédée déclare qu’il y avait en Lorraine un grand magicien dont elle ne voulait pas dire le nom, mais que bientôt le démon le marquerait au visage. Peu de temps après, le doyen eut à la face une marque suspecte ; le duc lui conseilla de fuir, il n’aurait pas pu le sauver. Les médecins ne jouaient pas partout ce triste rôle : les premiers ils ont protesté contre ces fatales erreurs. En 1595, Pigray, médecin des rois Henri II, Charles IX et Henri III, arracha au bûcher quatorze sorciers qui avouaient leur crime ; Ambroise Paré, celui du siége de Metz, venait de fonder en France la médecine légale, et la pratique faisait voir dès le début les bienfaits de la science nouvelle.

Le colloque de Phalsbourg. — Les médecins lorrains se sont aussi aventurés sans grand succès sur le terrain de la théologie ; nous avons eu ce qu’on peut appeler le colloque de Phalsbourg. On a publié à Pont-à-Mousson, en 1621, un opuscule intitulé : la Religion prétendue mourante à Phalsbourg, d’un coup de pistole, entre les mains de ses médecins et ministres. Une discussion publique avait eu lieu entre le père Oudet et un ministre, et celui-ci ayant le dessous, à cause, disait-il, de la gorge stentorée de son adversaire, un médecin huguenot, nommé Bouchard, demande à entrer en lutte. Il dépose une pistole, qu’il perdra si on lui prouve que la présence réelle est attestée par l’autorité d’un seul Père de l’Église des quatre premiers siècles ; mais il paraît, dit un contemporain, qu’il connaissait mieux les Pères de la médecine que ceux de l’Église, car le jésuite lui montre un texte, et Bouchard abandonne loyalement sa pistole, tout en gardant ses convictions. Oudet ne le crut pas cependant suffisamment vaincu, puisque l’année suivante, en 1622, à Pont-à-Mousson, il publie un autre livre, la Colonne de diamant érigée sur le cénotaphe ou tombeau vide du docteur Étienne Bouchard ; des médecins de Nancy y ajoutent des épigrammes contre leur confrère déclaré hérétique aux trois Facultés de médecine, de grec et de poésie.

Le médecin esclave. — Une aventure romanesque est celle du médecin esclave, qui conserva ce nom depuis sa captivité en Algérie. Un parent de Marquet, l’auteur du Dictionnaire des plantes de Lorraine, est reçu docteur à Pont-à-Mousson, en 1710 ; on a même le sujet de sa thèse : An venæ sectio in febre maligna ? Pour augmenter son expérience et satisfaire sa curiosité, il s’embarque sur un navire qui partait pour le Levant. Le bâtiment, au sortir du port, est attaqué par un corsaire algérien ; il est pris après une vive résistance ; Marquet est blessé dans l’action ; il en montre toujours la cicatrice. Vendu à un entrepreneur, il est employé comme maçon ; il se garde bien de révéler sa profession, ce qui lui aurait enlevé tout espoir de recouvrer sa liberté. Après trois ans, il parvient à faire connaître sa situation à sa famille ; ses parents étaient morts, ses frères étaient dispersés. Il ne lui restait qu’une sœur pauvre et incapable de payer sa rançon. Elle s’adresse au duc Léopold ; il traite de l’affaire en son conseil : « Il y a, dit-il, dans la collégiale de Saint-Georges une confrérie établie pour le rachat des captifs, et un tronc qui n’a pas été ouvert depuis longtemps. Je le ferai ouvrir en ma présence, et en cas d’insuffisance, j’y pourvoirai. Le tronc est ouvert ; il contenait les 4 000 livres nécessaires, le duc les y avait fait placer la veille. L’argent recueilli, il fallait négocier ; Léopold charge son envoyé à Vienne de traiter du rachat avec le représentant de la Turquie, sans dire l’intérêt qu’il y porte ; les pères de la Merci entreprennent la négociation ; elle réussit et Marquet quitte enfin l’Algérie, cette terre si redoutée alors. De retour en Lorraine, il est l’objet de l’attention universelle ; Léopold le nomme son médecin. Ce fait a été révélé par Bagard, médecin de Léopold ; ce sont des traits de ce genre qui ont motivé ces lignes du Siècle de Louis XIV : « Il est à souhaiter que la dernière postérité apprenne qu’un des moins grands souverains de l’Europe a été celui qui a fait le plus de bien à son peuple… Il prodiguait des présents avec cet art de donner qui est encore au-dessus des bienfaits ; il mettait dans ses dons la magnificence d’un prince et la politesse d’un ami… « Je quitterais demain ma principauté, disait-il, si je ne pouvais y faire du bien. »

Phases de l’Université. — Les institutions ont une carrière limitée, comme celle des hommes ; elles ont une mission qui commence et s’achève ; l’Université de Pont-à-Mousson a duré de 1572 à 1768 : 196 ans. Ajoutez-y 25 ans pour Nancy, de 1768 à 1793 ; c’est un total de 221 ans pour la vie de l’ancienne Université lorraine.

L’Université de Pont-à-Mousson a eu ses phases de prospérité et de décadence ; elle a ressenti tous les maux qui ont affligé la Lorraine. La peste a été pour elle une première cause de ruine ; l’invasion des maladies épidémiques a plus d’une fois fait fermer les cours. La guerre s’est jointe à ces fléaux. « L’année 1634, écrit un des pères sur ses registres, mit fin au bonheur et à la splendeur de l’Université et du collège et fut le commencement de son désastre et presque de sa ruine. » « En 1635, ajoute Abram, tout le poids de la guerre tomba sur la Lorraine et l’armée du cardinal de La Valette, dont une partie avait péri par la faim et les maladies, s’empara de Pont-à-Mousson. Les classes furent fermées de bonne heure ; plus de distribution de prix, ni de ces fêtes brillantes qui attiraient un si grand concours. La rentrée fut tardive, et de 1 000 escholiers il en revint à peine 150. » Les maux et la désolation qui régnèrent sur la Lorraine pendant toute cette année rejaillirent sur l’Université, car l’armée de Charles IV d’un côté, et de l’autre les Français, puis les Allemands et les Suédois, les Hongrois et les Croates, ravagèrent le pays, qui fut en proie à six armées. La première invasion française fut particulièrement fatale à l’Université. En 1636, les jésuites lorrains refusent de prêter serment à Louis XIII et sont expulsés du pays ; les Facultés de philosophie et de théologie perdent ainsi une partie de leurs maîtres. En 1638, la Faculté de médecine n’a plus de professeurs ; la Faculté de droit n’en a plus qu’un seul, qui ne fait pas de cours faute d’élèves.

Charles IV, rétabli dans ses États par la courte paix de Saint-Germain, cherche à faire renaître l’Université. Passant par Paris, au retour de sa captivité d’Espagne, il songeait déjà à relever cette institution. On en a la preuve dans une lettre de Guy-Patin, le célèbre doyen de la Faculté de Paris, adressée le 3 juin 1661 à Falconet, médecin de Lyon[13] : « Le duc de Lorraine est ici ; il veut rétablir l’Université de Pont-à-Mousson et y faire fleurir la médecine ; il y voudroit envoyer quatre médecins de Paris, auxquels il donnera de gros gages, lettres de noblesse, etc. On m’a demandé si j’en voulois être et que j’en serois le doyen, mais, si bene te novi, ajoute-t-il avec sa verve caustique, je crois que vous ne seriez point de cet avis, ni moi non plus… »

Sous Louis XIV, l’Université devient presque française ; elle est maintenue dans tous ses priviléges ; les professeurs sont appelés à Metz en 1681, pour y prêter serment de fidélité au roi. Un concours même se tient à Paris pour la Faculté de droit, et c’est de la capitale de la France que s’expédient les lettres de provision en vertu desquelles le nouveau professeur prend possession de sa chaire.

Le gouvernement de Léopold restaure l’Université lorraine ; le 5 novembre 1699 le duc vient lui-même à Pont-à-Mousson s’enquérir des besoins de l’Université. Il est harangué par le doyen de la Faculté de droit, au nom des Facultés de droit et de médecine, ce qui ressuscite les anciennes querelles ; le recteur affirme avoir seul le droit de parler publiquement au souverain. Un édit du 6 janvier 1699 réorganise les études et les réceptions. Les professeurs de la Faculté de médecine, après tant de vicissitudes, font connaître au duc leur pénible situation. Ils sont exposés à de grosses dépenses pour le rétablissement des exercices et de la réputation de la Faculté ; ils ont fait des avances pour la réfection de leur école : « Les habits de cérémonie que vos prédécesseurs leur ont donnés sont vermoulus et en lambeaux et hors d’état de servir. L’honneur de l’Université veut qu’on les renouvelle. » Léopold fait droit à cette requête ; le 2 mai 1699, il inscrit le doyen et les professeurs de la Faculté de médecine pour diverses sommes, sur l’état ordinaire des charges de son domaine. La médecine est favorisée différentes mesures ; l’enseignement de la chirurgie et de la pharmacie est établi par les ordonnances du 17 février 1707 et du 28 mars 1708 ; le Jardin botanique s’ouvre en 1719 ; la Faculté de droit reçoit aussi deux chaires nouvelles, mais on y supprime celle du droit français.

L’Université refleurit ; en 1720 elle attire de nouveau un grand concours d’élèves ; mais, suivant les auteurs du temps, elle n’atteint plus à sa splendeur première. La vie s’est affaiblie dans cette institution ébranlée par tant d’événements ; la ville de Pont-à-Mousson reste stationnaire ; Nancy prend une influence prépondérante et des idées de translation commencent à se produire. Déjà sous Léopold, dit Dom Calmet, il avait été question de ce changement : « On lui avait représenté que la ville de Pont-à-Mousson était décimée, qu’on n’y voyait plus d’étudiants étrangers ; que ces derniers viendraient volontiers à Nancy où ils trouveraient tout ce qu’ils allaient chercher dans les grandes villes de France ; que les étudiants en droit pourraient fréquenter la cour souveraine ; que la Faculté de médecine verrait avec plaisir ses élèves rechercher l’entretien des habiles médecins de Nancy, assister aux conférences qu’on y peut établir, se trouver dans les hôpitaux, se perfectionner dans l’anatomie… » Léopold n’admit pas ces raisons ; il pensait que le meilleur moyen d’assurer la prospérité de ses États était de ne pas dépouiller la province. En 1729, aux obsèques de ce prince, une discussion s’éleva encore entre les deux Facultés séculières et le recteur, qui se plaint que des invitations directes aient été adressées aux doyens des Facultés de droit et de médecine.

Création du collège de médecine. — Stanislas fit peu pour l’Université de Pont-à-Mousson, mais il établit à Nancy, par lettres patentes du 15 mars 1752, un collége de médecine investi d’attributions importantes pour la pratique et l’enseignement. Il fallait être associé à ce collége pour exercer la médecine à Nancy. Avec ses associés d’honneur et ses correspondants, il devint peu à peu le centre médical de la Lorraine. On y ouvrit des cours d’anatomie, de botanique, de chimie. Ce collége conférait, après examen, les stipendes des médecins des pauvres ; ses délégués vérifiaient les pharmacies ; il fondait une bibliothèque ; chargé de réunir des observations scientifiques et météorologiques, il fonctionnait aussi comme académie. Le 4 mai 1753, Faculté de médecine de Pont-à-Mousson est agrégée au collège de médecine de Nancy, dont les associés ont le droit de prendre part à la collation des grades ; c’était une grave atteinte aux priviléges de la Faculté de médecine.

Fin de l’Université de Pont-à-Mousson. — Les jésuites sont bannis de France en 1762 ; Stanislas les soutient en Lorraine ; mais cette province allait devenir française ; c’était une menace à courte échéance contre les pères qui dirigeaient l’Université et y occupaient deux Facultés importantes. Le roi de Pologne meurt le 23 février 1763 ; la Lorraine est réunie à la France et les destinées de l’Université de Pont-à-Mousson ne tardent pas à s’accomplir. Louis XV expulse les jésuites de la Lorraine, et par lettres patentes du 3 août 1768 « Sa Majesté, voulant donner à Nancy une plus haute marque de sa protection, et à l’avantage de ses sujets, transfère à Nancy l’Université de Pont-à-Mousson. Dès le 1er octobre, l’Université sera à Nancy et y reprendra ses cours. » L’Université de Pont-à-Mousson s’éteignait après avoir été pendant près de deux cents ans, de 1572 à 1768, le centre des études en Lorraine ; sa mission était bien finie ; le mouvement et la vie étaient ailleurs.

Il ne paraît pas que la ville dépossédée ait vivement résisté à la mesure qui lui portait un si grave préjudice ; le doyen de la Faculté de médecine, Joseph Jadelot, donne sa démission. Vingt ans plus tard, en 1789, Pont-à-Mousson redemande son Université ; la ville se plaint de l’absence des quatre ou cinq cents étudiants qui y versaient chaque année plus de 400 000 livres ; ces jeunes gens sont exposés maintenant aux dangers d’une grande ville ; l’Université est déchue depuis qu’elle est à Nancy ; la vénalité des grades a été le résultat de l’insuffisance des ressources ; les habitants des campagnes sont exposés à l’ignorance et à la cupidité de médecins qui n’ont obtenu leur titre qu’à prix d’argent et qui ne voient dans leur profession que le moyen de regagner ce qu’ils ont dépensé. La réponse de Nancy n’est pas moins amère ; elle retrace le tableau des derniers jours de l’Université mussipontaine frappée de décadence. La translation à Nancy a ranimé les études, le nombre des élèves a augmenté. La Faculté de médecine, directement attaquée, fait ressortir avec vivacité ce contraste ; elle rappelle les ressources en hôpitaux, amphithéâtres et collections, les deux colléges de médecine et de chirurgie qui existent à Nancy et qui manquaient à Pont-à-Mousson. C’est de part et d’autre une vive satire, avec les injustices de l’intérêt blessé et de la passion. L’Université de Pont-à-Mousson ne pouvait renaître ; elle avait fait son temps. Sans doute, elle n’a pas eu l’éclat des grandes écoles médicales, mais elle a laissé sa trace dans l’histoire de l’art, elle a été utile et elle a produit des médecins distingués. Nous appliquerions volontiers aux institutions ce qu’un critique profond a dit des hommes : « Il ne faut point traiter avec dédain les écrivains recommandables et distingués du second ordre, comme s’il n’y avait de place que pour ceux du premier. Ce qui est à faire à l’égard de ces écrivains si estimés de leur temps et qui ont vieilli, c’est de revoir leurs titres et de séparer en eux la partie morte, en n’emportant que celle qui mérite de survivre. » Cette part est assez belle dans l’Université qui finit, pour honorer l’origine des institutions médicales de la Lorraine.

Vestiges de l’Université à Pont-à-Mousson. — Que reste-t-il maintenant de cette Université dans la ville qu’elle a animée pendant deux siècles ? Entrez, sur la rive gauche de la Moselle, dans une fabrique qui était autrefois le couvent des antonins, et vous verrez sur l’autre rive, au pied de la montagne historique, s’étendre le long du fleuve le vaste bâtiment qui était le collége des jésuites et le siége de leurs deux Facultés ; il est resté le même, avec son église gothique, aux tours pesantes, quoique chargées d’ornements ; la cour d’honneur nous montre encore ses fenêtres et ses portes sculptées et au fond la grande salle où se faisaient les réceptions. Plus loin s’élève le couvent des prémontrés, bâti au commencement du xviiie siècle, vaste et gracieuse construction, dont la vue repose des styles sévères. Mais que retrouverons-nous sur la rive gauche de nos Facultés de médecine et de droit ? Un siècle a suffi pour en effacer presque complétement les traces. À l’extrémité d’une rue qui a changé de nom, un érudit nous montre une simple maison avec un portique modeste, un fronton et deux pilastres d’ordre ionique ; c’est là que se trouvait la Faculté de droit. Mais la Faculté de médecine ? C’est peut-être cette maison un peu plus grande que les autres, avec ses deux fenêtres aux voûtes géminées, dans le voisinage de la Faculté de droit ; Lepois s’était établi à côté de Grégoire ; mais ce n’est qu’un soupçon, rien n’est authentique. La caserne de cavalerie a été construite sur le terrain qu’occupait le Jardin botanique ; au coin de la rue, une maison aux angles solides, qui porte l’écusson à demi effacé des armes de Lorraine, paraît avoir été affectée à un service public ; c’est là que se trouvait la salle des démonstrations anatomiques et botaniques. L’église Saint-Laurent, aux voûtes surbaissées d’une construction si ancienne, était la paroisse des deux Facultés séculières ; c’est là que l’on se réunissait pour les offices de l’Université et pour ces processions, causes de tant de discordes. Notre savant guide, M. l’abbé Hyver, nous y indique la sépulture d’un professeur de la Faculté de médecine, décédé en 1691, et sauvée de l’oubli parce que trente ans plus tard on y déposait son fils, Pillement, doyen de la Faculté de droit : Sepultus fuit in parochia sancti Laurentii, sub scammo professorum, ad cornu evangelii. Ils reposent tous deux sous le fameux banc des professeurs qui fut l’occasion d’une scène digne du Lutrin, trois fois déplacé par le bedeau de la Faculté de théologie et trois fois remis en place par le doyen de la Faculté de droit. Pour cette Faculté, les sépultures sont plus nombreuses ; elles ont été retrouvées dans l’église des claristes. En parcourant ces ruines effacées dont il reste à peine un souvenir, on se rappelle involontairement ces paroles d’un livre sublime : « Dites-moi où sont maintenant tous ces maîtres et ces docteurs que vous avez connus lorsqu’ils vivaient et florissaient dans les sciences ? D’autres maintenant occupent leur place et je ne sais s’ils pensent seulement à eux. Ils semblaient être quelque chose dans leur vie et maintenant personne n’en parle. »

La Faculté de médecine de Nancy. — Nous arrivons maintenant à la courte et dernière période qui précède la fin de l’Université lorraine. La lettre patente du 3 août 1768 est promptement exécutée. Dès le 1er octobre, l’Université est à Nancy. Les Facultés de théologie et de philosophie sont placées dans la maison du noviciat des jésuites ; la Faculté de droit, dans le collége de ces religieux ; la Faculté de médecine, dans le collége des médecins, dont le Jardin botanique forme une des dépendances. Le recteur sera électif ; il est choisi pour la première fois dans la Faculté de droit. Cette installation a été brusque, elle reste longtemps incomplète et provisoire. C’est en 1770 seulement qu’on commence la construction de la nouvelle Université ; elle n’est achevée qu’en 1778. Toutes les Facultés y sont alors réunies et la Faculté de médecine en occupe l’aile orientale ; on place dans la salle principale les portraits des fondateurs, le cardinal de Lorraine et Charles III, et ceux des professeurs de Pont-à-Mousson.

On fait disparaître du sceau de l’Université le nom de cette ville. Pour la Faculté de médecine, c’est toujours l’antique sceau de Lepois, réédité dans l’intéressant travail de M. Chautard. Appuyé sur un coffret, avec les emblèmes de la médecine, saint Luc présente à la Vierge une plume pour signer la charte de la Faculté. La légende, dont les caractères sont dans le style du xvie siècle : Sigillum magnum Facultatis medicæ Mussipontanæ, a été modifiée par le graveur, qui en a fait disparaître le mot Mussipontanæ pour le remplacer, en caractères modernes, par celui de Nancy : Facultatis Nanceianæ. On avait changé les mots et non la chose. La Faculté transférée à Nancy n’était ni fortifiée ni agrandie ; elle arrive avec deux professeurs : ce nombre est porté à trois, un moment à quatre, pour redescendre à trois et à deux.

Le collége de médecine venait en aide à l’école ; il avait un matériel et un enseignement ; il était dirigé par des hommes distingués, parmi lesquels on compte Bagard et Harmant. Le collége de chirurgie, au contraire, créé par lettres patentes du 29 juin 1770, amoindrit la Faculté et en détache l’enseignement chirurgical. C’est une école nouvelle, composée de cinq professeurs qui se partageront entre eux, dit l’ordonnance, sur l’avis de notre premier chirurgien, le cours complet des études relatives à cet art. La Flize, lieutenant du premier chirurgien du roi, auteur de Mémoires couronnés par l’Académie de chirurgie, était le directeur de cette école, dont faisaient encore partie Lamoureux et Simonin. Le lieutenant du premier chirurgien du roi devait recevoir à la maîtrise les chirurgiens qui viendraient s’établir dans les villes du duché de Lorraine et de Bar. La Faculté proteste en 1777 ; elle avait réclamé en 1775 le rétablissement de la place de chirurgien prosecteur ; elle demande à intervenir dans les réceptions des chirurgiens, mais elle n’ose soutenir un procès contre le collége. La Faculté de Pont-à-Mousson avait été plus heureuse en 1762, contre le premier chirurgien du roi. On divisait ainsi des forces qu’il fallait réunir.

La Faculté essaie de développer les études anatomiques ; elle réclame, le 28 novembre 1775, l’exécution de l’article 17 de l’ordonnance de 1708, pour obtenir des corps de la maison de réclusion, quatre par an, en hiver. L’anatomie, en 1790, est transférée dans la grande galerie des ducs ; c’est au palais ducal que se réunissent les élèves.

La Faculté de médecine ne paraît pas avoir pénétré dans les hôpitaux, provenant de fondations diverses ; Stanislas y avait introduit en 1748 les frères de Saint-Jean de Dieu, en les subordonnant aux gens de l’art. C’est le collége des médecins qui avait sur les hôpitaux un certain droit de surveillance : les médecins de ces établissements devaient avertir le collége des cas extraordinaires qui exigeaient un examen particulier. (Art. 27 des lettres patentes de 1752.) Il ne paraît pas qu’une clinique régulière ait été organisée ; c’était évidemment le côté faible de la Faculté de Nancy, comme de celle de Pont-à-Mousson.

Un progrès notable a été l’établissement d’une chaire de chimie : la Faculté, s’adressant au garde des sceaux, M. de Miroménil, le 22 juin 1776, expose que la chimie est devenue une des parties essentielles de l’enseignement de la médecine et que jusqu’à cette année on n’en avait donné aucune leçon à Nancy, que les trois professeurs actuels de la Faculté ne peuvent suffire à cet enseignement et qu’un nouveau professeur est nécessaire. Une ordonnance royale accueille cette demande, dont elle constate toute l’utilité, et nomme à Nancy un professeur de chimie et un démonstrateur, en maintenant le concours pour le cas de vacance.

Les actes de la Faculté de médecine. — Les registres de la Faculté de médecine de Nancy ont été conservés ; ils comprennent tous les actes et toutes les délibérations de l’école depuis le 12 novembre 1768 jusqu’au 4 août 1793, avec les certificats d’études et de grades, du 8 août 1785 au 5 juin 1793. On y voit la vie intérieure de l’école, et toutes les formules de ses actes.

La statistique des réceptions peut s’établir pour les dernières années ; la Faculté reçoit en 1786 : 17 bacheliers, 16 licenciés, 11 docteurs ; en 1791 : 27 bacheliers, 34 licenciés, 19 docteurs ; en 1792 : 7 bacheliers, 9 licenciés, 5 docteurs. En 1793, on compte encore onze réceptions, dont deux de docteurs. Le dernier acte de bachelier, du 4 juillet 1793, concerne un Alsacien du diocèse de Colmar ; le dernier docteur, du 19 juillet 1793, est du diocèse de Langres. On remarque parmi les réceptions un grand nombre de candidats étrangers à la Lorraine ; il en venait de Strasbourg, de Liége, de Namur, de Caen, de Brest, de Rennes, de Perpignan, des provinces les plus éloignées, de la Bretagne et de la Normandie. Plusieurs hommes distingués ont alors pris des grades à Nancy : Coste, un des chefs de la médecine militaire, dont un Essai sur les moyens d’améliorer la salubrité de Nancy fut couronné par l’Académie de cette ville, à laquelle il appartenait ; Flamant, qui devint professeur à la Faculté de Strasbourg[14] ; un autre médecin de cette ville, mêlé aux aventures du magnétisme et du cardinal de Rohan. Nous retrouvons des certificats signés des noms de Corvisard, Berthollet, Darcet, Raulin, Bosquillon, Thomas Lauth, Spillmann, etc.

Les grades délivrés par la Faculté de Nancy ont été contestés en France. La Faculté avait reçu un candidat qui n’était pas maître ès arts ; intervenant au procès, elle soutint qu’un certificat de deux années de philosophie suffisait, mais elle revint ensuite à la jurisprudence commune, qui exigeait le diplôme. D’autres difficultés se soulevèrent à l’occasion de l’intervalle qui doit séparer les examens. La Faculté, accusée de procéder à des réceptions trop rapides, s’appuie sur l’ordonnance de 1708 qui n’exige pas d’intervalle entre les épreuves. Elle soutient plus tard un procès, et elle le gagne, contre la ville de Pont-à-Mousson, qui se refusait à payer une rétribution annuelle de 150 livres à un professeur, en échange d’un terrain que la Faculté lui avait concédé autrefois.

Une question de liberté de conscience a été soulevée à l’occasion d’une des dernières réceptions. Un candidat israélite ayant été reconnu admissible, la Faculté demande si elle peut lui conférer les grades, malgré les statuts anciens. L’Université de Pont-à-Mousson n’admettait pas les dissidents, de même qu’en Allemagne et en Angleterre on avait des Universités exclusivement protestantes. Déjà en 1646 la même difficulté avait été soulevée à l’occasion d’un licencié en droit : le Parlement de Metz avait ordonné de lui délivrer le titre, la Faculté était disposée à obéir ; mais il y eut un appel du recteur, dont on ne connaît pas le résultat. En 1663, pendant la domination française, le chancellier Le Tellier avait dit, à propos d’une difficulté semblable : « Il faut ôter l’article 1er, qui exclut les religionnaires d’être reçus aux degrés, cela n’ayant pas été fait ailleurs. Il était mieux de n’en pas parler du tout. » Les autorités du département consultées, au mois de juin 1793, déclarèrent que le diplôme devait être délivré. Cette pièce est restée aux archives, datée de 1793, avec le nom du récipiendaire, et elle nous donne la formule des diplômes du temps.

Un dernier concours a lieu en 1771. Sollicitée plus tard (le 26 juin 1791) d’appuyer la demande d’un docteur qui voulait être nommé directement professeur, la Faculté répond « que la grâce qu’il demande est opposée à la justice et au bien public. »

La suppression des Universités. — On pressentait les grands changements qui allaient être introduits dans les institutions médicales ; de graves abus devaient être réformés. À la fin du xviiie siècle, la France possédait 18 Facultés de médecine et 15 colléges de médecins ; sur ces 18 Facultés, 9 seulement recevaient un certain nombre de docteurs : Paris, Montpellier, Strasbourg, Toulouse, etc. ; Nancy est placé parmi les écoles qui conservaient encore une certaine activité. Les règlements variaient suivant les écoles ; les conditions d’admission étaient inégales. Le 12 septembre 1790, l’Assemblée nationale nomme un comité de salubrité chargé de réunir des renseignements sur l’état des écoles, et de préparer une réorganisation de la médecine. Les Facultés sont consultées. Jadelot, au nom de Nancy, fait un rapport digne d’être remarqué. Il demande l’unité de l’enseignement, la réunion de la médecine et de la chirurgie, la réduction du nombre des Facultés pour augmenter leur force et y concentrer plus de ressources. La correspondance s’engage avec le président du comité de Paris, médecin pacifique et dévoué dont le nom, qui a acquis plus tard une célébrité cruelle et imméritée, est plusieurs fois inscrit sur les registres de la Faculté de Nancy, notamment à la date du 8 octobre 1790.

La Faculté de médecine avait alors quatre chaires qui n’étaient pas toutes occupées : c’étaient celles d’anatomie et de physiologie, de pathologie générale, de matière médicale, de botanique et de chimie. Ce dernier cours et celui d’anatomie se faisaient seuls en français. Le 25 avril 1791, la Faculté de médecine perd son dernier doyen, le Dr Tournay. La Faculté écrit au comité qu’en présence des changements qui se préparent dans l’organisation de la médecine, elle pense qu’on ajournera toute nomination. Le Dr Guillotin, président du comité, répond que dans les circonstances actuelles tout concours doit être suspendu. Nous trouvons encore à cette date trois noms sur les registres de l’école, ceux de Jadelot, Guillemin et Nicolas ; le 10 décembre 1791, s’y ajoute pour un moment celui de Claude Antoine. Jadelot meurt le 27 juin 1793 ; la Faculté de médecine n’a plus que deux professeurs au moment où elle s’éteint. Le registre se termine, le 4 août 1793, par une lettre de Gohier, ministre de la justice, qui déclare que « dans un moment où la Convention nationale s’occupe de l’organisation de l’instruction publique, il ne doit plus être ouvert de concours pour remplacer les places devenues vacantes dans les Facultés et qu’il faut attendre la nouvelle loi. »

Le décret du 18 avril 1792 avait mis un terme à l’existence légale des Universités ; le 8 août 1793, la Convention supprime de fait les Facultés, les Académies, les Colléges, les Sociétés littéraires, en mettant les musées, les collections, les bibliothèques, les jardins botaniques, tout le matériel de la science, sous la surveillance des autorités locales. L’Université lorraine disparaissait avec ses quatre Facultés, avec les colléges de médecine et de chirurgie, sans avoir eu le temps de se développer à Nancy, sans avoir retrouvé, dans cette courte et dernière période, l’éclat de ses premiers jours.

La profession médicale tombe alors dans l’anarchie, dont Fourcroy a retracé le tableau ; plus d’enseignement, plus de titres, plus de réceptions régulières de médecins et de chirurgiens. Le désordre le plus complet a pris la place de l’ancienne organisation. « Ceux qui ont appris leur art sont confondus avec ceux qui n’en ont pas la moindre notion. La vie des citoyens est entre les mains d’hommes avides autant qu’ignorants. L’empirisme le plus dangereux, le charlatanisme le plus éhonté, abusent partout de la crédulité et de la bonne foi. » Nous trouvons l’écho des mêmes plaintes dans un document lorrain. Le conseil d’arrondissement de Sarrebourg s’exprime en ces termes : « Les charlatans ou assassins patentés se multiplient d’une manière effrayante, les villes sont infestées de ce fléau, mais c’est surtout dans les campagnes qu’il cause le plus de ravages. Les maladies les plus compliquées, les opérations les plus difficiles, n’effraient pas leur inexpérience ; ils entreprennent tout, et s’ils échouent, ils se sauvent par la raison suprême qui absout les plus habiles praticiens. »

Rétablissement de trois écoles de médecine. — Après avoir détruit, il fallait reconstruire ; ce sont les besoins des armées qui font d’abord renaître l’enseignement médical. Par la loi du 14 frimaire an III, trois écoles de médecins sont établies à Paris, à Montpellier et à Strasbourg. Plus tard, on en décréta six pour le territoire de la France agrandie. Ces trois écoles avaient pour mission de former des officiers de santé pour le service des hôpitaux, « principalement pour ceux de l’armée et de la marine ». Nancy ne trouva pas sa place dans cette nouvelle organisation, mais il paraît que cette ville fit des efforts pour obtenir l’école établie dans l’Est. Ehrmann, député du Bas-Rhin, combattit vivement cette demande, dans la séance du 14 germinal an VI : « Les malheurs de la guerre, les suites de la Terreur, le canon de Kehl, disait-il dans le langage imagé du temps, ont grondé autour du berceau du nouvel établissement » ; il en obtint le maintien et l’école de Strasbourg continua sa carrière jusqu’au moment où elle fut brisée par nos désastres au milieu de sa prospérité.

L’enseignement libre à Nancy. — Nancy avait perdu toutes ses institutions universitaires ; l’enseignement médical était abandonné au zèle et aux hasards de l’intérêt privé ; quelques médecins entreprennent de continuer l’œuvre de la Faculté et du collége, et créent un enseignement libre qui interrompt pour ainsi dire la prescription et sert de lien entre les institutions disparues et celles qui doivent renaître. Le 4 nivôse an IV, il se forme une Société de santé de la commune de Nancy, qui ouvre des cours et se charge du soin des indigents. La Société s’installe dans les bâtiments de l’ancien collége de médecine. Les professeurs de cette école libre de l’an VI furent Lallemand, pour l’hygiène et la médecine légale ; Mandel, connu par ses travaux de chimie ; Nicolas, nommé un moment à Strasbourg ; Salmon, Simonin, chargé de la matière médicale, et Willemet, qui professa la botanique. Nancy attache une grande importance à cette école ; dans une séance publique du 1er frimaire an VII, dont la Bibliothèque a conservé le programme, en présence des autorités civiles et militaires, Bonfils rappelle les services qu’a déjà rendus la Société. Le 11 frimaire an XI, Haldat et Serrière ouvrent un cours d’anatomie et de physiologie, non plus au palais ducal, mais dans l’ancien amphithéâtre de l’hôpital militaire, dans la salle même où Valentin, qui fut médecin en chef de l’armée de Saint-Domingue et qui contribua par ses travaux à introduire l’inoculation et la vaccine en Lorraine, avait donné les secours de son art aux nombreuses victimes de la journée du 31 août 1790. En 1807, la Société de santé n’existait plus ; une autre association se forme. Quatre médecins, de Haldat, Simonin, Serrière et Bonfils relèvent et maintiennent l’enseignement médical en Lorraine, faisant même accepter leurs certificats comme ceux d’une école publique de second ordre, jusqu’au moment où Nancy obtient, le 27 juin 1822, une école secondaire de médecine, qui devient en 1843 une école préparatoire ; ces institutions médicales représentent seules, pendant longtemps, l’Université lorraine et sont le point de départ de son rétablissement.

Restauration de l’instruction supérieure à Nancy. — Les institutions scientifiques et littéraires se sont relevées à Nancy dans l’ordre même où elles avaient autrefois pris naissance à Pont-à-Mousson. Les Facultés des sciences et des lettres appellent la Faculté de droit ; la Faculté de médecine vient la dernière compléter cet ensemble. L’Université française a remplacé l’Université lorraine. Un homme éminent a dit, en 1864, à l’inauguration de la Faculté de droit : « Votre nationalité n’était pas réellement séparée de la nôtre ; nous étions frères par le sol, nous l’étions avant, et sous les Romains. Si les révolutions du moyen âge nous ont un moment séparés, nous sommes restés unis par les mœurs, par l’esprit, par l’intérêt, par tout ce qui entraîne l’identité des sentiments. La séparation n’a été qu’accidentelle et politique. » Ces paroles réveillent dans nos cœurs un douloureux écho, elles nous donnent ainsi confiance dans l’avenir. C’est au milieu de nos désastres que vous avez reçu la Faculté nouvelle ; voici avec quels sentiments patriotiques le conseil de votre cité l’a accueillie : « Considérant, ont dit vos représentants, dans la séance du 7 juin 1871, que c’est un devoir pour la France de fournir aux compatriotes qui nous sont arrachés la possibilité de jouir des bienfaits d’une éducation française sans l’aller chercher dans des institutions placées trop loin d’eux ; que c’est là, du reste, un moyen d’entretenir dans le cœur des générations futures le pieux souvenir de la patrie perdue, et de leur montrer que cette patrie ne les oublie pas ; que la Faculté de Strasbourg peut être placée dans notre ville mieux que dans toute autre, ne fût-ce qu’à titre de dépôt ; que les succès obtenus par les Facultés des lettres, des sciences et de droit et par l’école de médecine, démontrent que cette ville est éminemment propre au développement d’institutions d’enseignement supérieur. » À ces motifs s’en joignaient d’autres, que cette notice a eu pour but de rappeler : rendre à Nancy ses Facultés, c’était renouer la chaîne des temps et faire revivre une institution qui avait été florissante. Les souvenirs de 1572 n’ont pas été inutiles à l’Académie nouvelle.

Vous avez contribué, Messieurs, à cette restauration des sciences et des lettres dans la capitale de la Lorraine ; vous étiez représentés dans cette lutte par le promoteur de toutes vos gloires, personnifiées pour ainsi dire en cet homme dévoué et convaincu, M. Guerrier de Dumast, qui apportait à cette revendication l’autorité de son caractère et d’une science encyclopédique. Ces institutions si désirées, vous les possédez maintenant, et, comme le disait un des premiers historiens de l’ancienne Université, gardons-les, en les développant, en les perfectionnant. Le concours de l’Académie de Stanislas ne manquera pas à cette œuvre.


BIBLIOGRAPHIE

Cette bibliographie se rapporte aux sources de l’historique de la Faculté de médecine de Pont-à-Mousson.

I. Manuscrits. — 1o Abram. Historia Universitatis et Collegii Mussipontani quam conscripsit pater Abram, societatis Jesu, ab institutione ad annum 1650 ; avec un index intitulé : Historiæ Universitatis ad anno 1572 ad annum 1650, in libros octo distributo, epitome sive index. (Manuscrit donné à la bibliothèque de Nancy par Nicolas Jadelot, professeur de la Faculté de Nancy et membre de l’Académie.) — 2o Murigothus. Traduction de l’histoire manuscrite de l’Université et du Collége de Pont-à-Mousson, du père Abram, jésuite, avec des notes par Murigothus. 8 volumes manuscrits, 1755. (Manuscrit de la bibliothèque de Nancy.) — 3o Liber facultatis juridicæ Academiæ Mussipontanæ 1582-1668 ; sur la première feuille : Registrum Academiæ Pontimussanæ in Facultatibus juris civilis et pontifici. (Manuscrit indiqué par M. l’abbé Hyver.) — 4o Manuscrit de Jadelot. Annales de l’Université de Pont-à-Mousson, depuis son établissement jusqu’à sa translation à Nancy. M. S. 1781. (Entre les mains de M. l’abbé Hyver.) — 5o Jalabert. Registre de transcription des actes et documents concernant la Faculté de droit de Nancy, contenant une notice chronologique et statistique sur l’ancienne Faculté de droit de Pont-à-Mousson, transférée à Nancy en 1768. — 1577 à 1793. (Registre de la nouvelle Faculté de droit de Nancy.) — 6o Archives départementales de Meurthe-et-Moselle. (a) Registre de la Faculté de médecine de Nancy, du 12 novembre 1768 au 4 août 1793, contenant les délibérations et les actes, les certificats d’études, les actes de réception, les indications des questions posées, etc. (b) Registre D, 82, du 8 août 1785 au 5 juin 1793, pour l’enregistrement des certificats d’études et des grades. (c) Pièces isolées, modèle de diplôme, épreuves, lettres. (d) Comptes de la pharmacie des Jésuites, Collége de Pont-à-Mousson, série H, nos 2163 à 2165, trois registres : délivrance de médicaments dans la maison et au dehors ; dépenses et achats de drogues. — 7o Manuscrit de Stanislas, roi de Pologne, renferment une note sur l’organisation de la chirurgie. (Bibliothèque de la ville de Nancy.)

II. Dom Calmet. Bibliothèque de Lorraine, ou histoire des hommes illustres qui ont fleuri en Lorraine, dans les Trois-Évêchés, dans l’archevêché de Trèves, dans le duché de Luxembourg. Nancy, 1751. — Notice de la Lorraine, t. II, p. 213, article Pont-à-Mousson. — De Rogéville. Dictionnaire historique des ordonnances des tribunaux de la Lorraine et du Barois, 2 vol. in 4o. Nancy, 177, article Université, t. II, p. 489 à 633. — L’abbé Lionnais, Histoire des villes vieille et neuve de Nancy, depuis leur fondation jusqu’en 1784, 2 vol. in-8o, Nancy, 1811. — Recueil des ordonnances de Lorraine, 15 vol. in-4o, t. I, VIII, IX et XII, 1733 et 1773. — A. Digot. Histoire de Lorraine, 6 vol., in-8o. Nancy, 1836. — Guillemin. Le cardinal de Lorraine, son influence politique et religieuse au xvie siècle. Fondation de l’Université de Rheims, p. 25 ; de Pont-à-Mousson, p. 445 ; Paris 1847. — Le père Carayon. L’Université de Pont-à-Mousson, histoire extraite des manuscrits du Père Abram, LIV, 552 p. Paris, in-8o, 1870. — Beaupré. Recherches historiques et bibliographiques sur les commencements de l’imprimerie en Lorraine et sur ses progrès jusqu’à la fin du xvie siècle, 1 vol. in-8o. Nancy, 1845. — Nouvelles recherches de bibliographie lorraine, 1 vol. in-8o. Nancy, 1856. — Guerrier de Dumast. Nancy, histoire et tableau, 1 vol. in-8o. Nancy, 1837. — Henri. Histoire de Pont-à-Mousson et de ses environs. Pont-à-Mousson et Nancy, 1839.

Verdier. Jurisprudence de la médecine en France, 2 vol. in-12, Paris, 1762, t. II, p. 515-520. — Jurisprudence de la chirurgie en France, 2 vol. in-12. Paris, 1764, t. II, p. 506. — Bégin. Histoire de la civilisation dans le pays messin. Metz, 1829. — Lettre sur l’histoire médicale du nord-est de la France. Metz, 1840. — J.-B. Simonin. Recherches topographiques et médicales sur Nancy. Paris et Nancy, 1854. — Esquisses de l’histoire de la médecine et de la chirurgie en Lorraine, depuis les temps anciens jusqu’à la réunion de cette province à la France. Nancy, 1858. — Herrgott. Article bibliographique sur l’Esquisse de l’histoire de la médecine et de la chirurgie en Lorraine. Gazette médicale de Strasbourg, 1858, p. 219. — Buvignier. Statuts des médecins, chirurgiens et apothicaires de la ville de Verdun. Journal de la Société archéologique, 1857, p. 11 et 30. — Servais. Recherches sur l’origine et la situation du corps médical dans le Barrois, et principalement à Bar-le-Duc. Journal de la Société d’archéologie lorraine, 1857, p. 107. Page:Mémoires de l’Académie de Stanislas, 1874.pdf/148 Page:Mémoires de l’Académie de Stanislas, 1874.pdf/149 Page:Mémoires de l’Académie de Stanislas, 1874.pdf/150 Page:Mémoires de l’Académie de Stanislas, 1874.pdf/151

  1. Une note manuscrite de M. Lepage, extraite des comptes des receveurs généraux, renferme les noms de 44 médecins qui ont reçu des honoraires des ducs de Lorraine, de 1471 à 1720. Avant la fondation de l’Université, 5 médecins seulement ont le titre de docteur. Anucius Foès, Antoine et Nicolas Lepois, figurent sur cette liste ; elle comprend en outre 44 chirurgiens, de 1463 à 1729 ; 4 sages-femmes, de 1492 à 1505 ; 18 apothicaires, de 1478 à 1669 ; 4 vétérinaires, de 1492 à 1562.
  2. D’après le règlement de 1604, l’ordre de la procession était ainsi réglé : les élèves de 6e, 5e, 4e, 3e, 2e, 1re, accompagnés de leurs maîtres. — Les élèves de la Faculté des arts et de philosophie. — Les bacheliers de cette Faculté et les maîtres ès arts. — Les étudiants en médecine, — en droit, — en théologie. — Les bacheliers en médecine, — en droit, — en théologie. — Le professeur de la Faculté de philosophie et des arts. — Les bedeaux de la Faculté de médecine.Les licenciés en médecine.Les docteurs en médecine, non professeurs. — Les professeurs.Le doyen. — Les bedeaux de la Faculté de droit. — Les licenciés en droit. — Les docteurs non professeurs. — Les professeurs. — Le doyen. — Les bedeaux de la Faculté de théologie. — Les licenciés en théologie. — Les professeurs non docteurs. — Les docteurs professeurs. — Le doyen. — Le chancelier de l’Université. — Le recteur. — Le vice-conservateur. — Le promoteur. — Les notaires. — Les questeurs. — L’imprimeur. — Le libraire juré. — Le peintre. — Le graveur. — Les appariteurs.
  3. L’article 5 de l’édit du 18 février 1707 prescrit aux professeurs d’enseigner les diverses parties de la chirurgie et de faire deux fois par an une démonstration anatomique sur les sujets qui leur seront fournis par les juges de Pont-à-Mousson, Nancy et autres lieux. L’ordonnance du 28 mars 1708 dit, art. 17 : « Enjoignons aux juges du bailliage de Pont-à-Mousson et à nos autres juges, ensemble aux directeurs des hôpitaux, de faire fournir des cadavres pour faire des démonstrations anatomiques, sur la signification qui leur en sera faite par notre professeur en chirurgie, lesquels cadavres seront, s’il échet, conduits en sûreté et à nos frais. (Ordonnances de Lorraine, t. Ier, p. 540 et 628.)
  4. Il ne paraît pas qu’un enseignement obstétrical ait existé à Pont-à-Mousson. Un arrêt du 22 juin 1720 est relatif à la nomination des sages-femmes en Lorraine. Dans les campagnes, elles étaient choisies par l’assemblée des femmes de la paroisse, qui désignaient celle d’entre elles qui leur paraissait la plus capable, et l’élue était tenue d’accepter. Dans les villes et lieux plus peuplés, un examen était fait par des médecins et chirurgiens-jurés. En 1771, on exige un stage ; l’enseignement n’est organisé à Nancy qu’en 1774 et 1786.
  5. On trouve en outre dans les Archives départementales de la Meurthe la mention d’une pension viagère : B, no 1705, année 1730 : « Payé 1 625 fr., pour un trimestre de la pension due au sieur La Peyronie, chirurgien du roi. »
  6. Voici la liste des professeurs de l’ancienne Université lorraine, à Pont-à-Mousson, de 1592 à 1768 ; à Nancy, de 1768 à 1793 :

    1o Toussaint-Fournier, licence du recteur, 25 octobre 1592 ; provision du souverain, 1599; décès, 1614. 2o Charles Lepois, né à Nancy en 1553, premier doyen de la Faculté de Pont-à-Mousson, 1598 à 1632. — 3o Pierre Barrot, anatomie, 1602 à 1630. — 4o Jean Levrechon ou Leurechon, médecin du duc Charles, 1606 à 1622. — 5o René Baudin, 1614 à 1635. — 6o Pierre-Claude Haguenier, professeur de pharmacie, 1628 à 1631 — 7o Marc Barot, nommé professeur d’anatomie en 1628 ou 1630, reçu en 1641 seulement à cause de sa jeunesse, décédé en 1679. — 8o Jacques Le Lorrain, médecin de Charles IV, professeur de 1641 à 1657. — 9o Noble Christophe Pillement, professeur en 1649, doyen en 1655, par le duc Nicolas-François, en 1657, par Louis XIV ; décédé en 1691. — 10o Jacques Mousin, nommé, en 1662, professeur et doyen par Charles, dont il était le médecin ; n’use pas de sa provision. — 11o Nicolas Guébin, professeur d’anatomie et de chirurgie en 1681, doyen en 1692, décédé en 1720. — 12o Noble Joseph Le Lorrain, 1692 à 1721. — 13o Guillaume Paquotte, né en 1675, professeur en 1698, doyen en 1692, mort en 1720. — 14o Malissain, Fr.-Eustache, professeur de chirurgie en 1708. — 15o Noble Maurice Grandclas, professeur en 1720, doyen en 1723, décédé en 1767. — 16o Denis Rivard, chirurgien opérant à Lunéville, 1715, démonstrateur d’anatomie à Pont-à-Mousson 1720, professeur 1738, décédé 1746. — 17o Noble François Le Lorrain, né en 1688, professeur en 1719, démissionnaire en 1743, décédé en 1766. — 18o Noble Joseph Jadelot, professeur en 1724, doyen en 1757, démissionnaire en 1768, à l’époque de la translation à Nancy, décédé en 1769. — 19o Noble Christophe-Henri Le Lorrain, adjoint à son père en 1737, titulaire en 1741, décédé en 1755. — 20o Laurent, professeur de chirurgie, démonstrateur d’anatomie, 1750. — 21o Pierre Parisot, professeur en 1756, décédé en 1763. — 22o Jean-André Tournai, professeur en 1758, doyen à Nancy en 1768, décédé le 25 avril 1791. — 23o Noble Nicolas Jadelot, professeur en 1763, fait les fonctions de doyen de Nancy en 1791 sans être nommé, décédé le 27 juin 1793. — 24o Pierre-Louis Grandoger de Foigny, professeur en 1769, décédé en 1770. — 25o Nicolas Guillemin, professeur en 1771, survit à l’école. — 26o Michel, professeur de chimie, 1771. — 27o Nicolas, démonstrateur de chimie en 1776, professeur en 1780, nommé le 3 nivôse an III professeur à Strasbourg, lors de l’organisation de la nouvelle école ; il n’y a point paru. — 28o et 29o Lamoureux, démonstrateur d’anatomie, 1776, et de la Porte, démonstrateur de chimie en 1781, ne figurent pas comme professeurs sur le registre de l’ancienne Faculté de Nancy, conservé aux archives départementales. — 30o Claude Antoine, 1791, médecin militaire distingué, décédé à Strasbourg le 22 décembre 1811 ; ce nom jusqu’ici n’avait figuré sur aucune liste. On trouve la mention suivante dans le registre de la Faculté de Nancy : « Claude Antoine, proposé unanimement par le Collége de médecine et de chirurgie, nommé provisoirement et sans concours, le 10 décembre 1791, par le Directoire du département. » Dans la dernière lettre adressée par la Faculté au ministre de la justice, le 1er juillet 1793, et qui annonce la mort de Jadelot, le 27 juin 1793, il est dit : « Il ne se trouve sur cette lettre que deux signatures (celles de Guillemin et de Nicolas) ; le troisième professeur, le citoyen Antoine (Claude), a été nommé médecin à l’hôpital militaire de Cherbourg, il en reviendra le plus tôt possible… » La réponse de Gohier clôt le registre.

  7. Voici les noms des professeurs de Pont-à-Mousson dont on a les portraits : Charles Lepois, Toussaint-Fournier, Levrechon, Pierre Barrot, Jacob Le Lorrain, René Baudin, Marc Barrot, Nicolas Guébin, Joseph Le Lorrain, Charles Paquotte, François Le Lorrain, Maurice Grandclas, Pierre Parisot.

    Les portraits des médecins distingués n’appartenant pas à l’Université sont ceux d’Antoine Lepois, 1524 à 1578 ; Nicolas Lepois, 1527 à 1590 ; Christophe Cachet, 1572 à 1624 ; Charles-Joseph Bagard, 1665 à 1723 ; François-Nicolas Marquet, 1682 à 1759 ; Charles Rousselet, 1622 à 1669 ; Pierre Alliot, le médecin de la reine Anne d’Autriche, mère de Louis XIV, 1666 ; Jean-Baptiste Alliot, médecin du roi, qui accompagna en Lorraine la princesse d’Orléans, future épouse de Léopold Ier, 1697 à 1721 ; Antoine Bagard, médecin de Léopold, 1696 ; Charles Bagard, médecin de Léopold et de Stanislas, créateur du Collège des médecins et du Jardin botanique de Nancy, 1696 à 1772 ; J.-B. Simonin, président du Collége de chirurgie, 1750 à 1836 ; de Haldat et les trois docteurs Bonfils.

    Les cinq médecins étrangers sont : Guy de Chauliac (portrait donné par Louis) ; Antoine Louis de Metz ; Helvétius ; Romow ; Humbert (de Morley).

  8. On n’a point de renseignements précis sur le traitement des professeurs de la Faculté de médecine. M. Dubois, pour la Faculté de droit, d’après les comptes des receveurs généraux, mis en évidence par M. Lepage, constate que Barclay avait, en 1577, 1 200 fr. de traitement fixe et 2 000 en 1597, plus 2 000 fr. comme doyen en 1598. Le traitement éventuel formé par les droits de sceaux, d’attestations, de collation des grades, était au moins égal. En tenant compte des changements survenus dans le prix de l’argent et de la valeur moindre du franc de Lorraine, M. Dubois pense que le total de ces deux traitements équivaudrait aujourd’hui de 12 à 15 000 fr. Les professeurs avaient en outre des pensionnaires. Ils étaient dispensés d’impôts, contributions, aides et subsides de tout genre et affranchis du logement des gens de guerre ; mais on voit par les comptes que les traitements étaient très-irrégulièrement payés. Les archives départementales renferment quelques comptes où figurent des paiements faits à des professeurs de la Faculté de médecine de Pont-à-Mousson, B. 1694, années 1727 à 1729 ; ce sont des notes isolées, pour de faibles sommes. Il est probable cependant que les professeurs de la Faculté de médecine étaient dans la même situation que ceux du droit. Jaloux de leurs prérogatives, approchant fréquemment la personne du duc, dont ils étaient les médecins ordinaires, ils n’auraient pas accepté d’infériorité à cet égard.
  9. J. B. Alliot : Theses medicæ de motu sanguinis circulato, et de morbis ex aere, præsertim de arthritide, Pont-à-Mousson, 1663, in-4o. — F.-J. Callot : Dissertatio prima de diabete. — Altera dissertatio de medicina. — Dixit, favente Deo et Deipara, diebus 25 et 26 mensis januarii anni 1715..., in scholis medicorum Ponti-Mussi. — J. F. Pays. Thesis medica de temperatura diversorum Lotharingiæ tractuum, pro doctoratu propugnanda a Joanne-Francisco Pays, Nanceiano, præside et auctore Mauritio Grandclas, Facultatis medicæ Pontimmussanæ professore et decano, 1728. — Robert : medico medicorum duce, thesis medica de Apoplexia, pro doctoratu medico propugnanda a domino Nicolao Robert, Pontimussano, medicinæ licenciato, diœcesis Tullensis, præside clarissimo D. Mauritio Grandclas, Suæ Celsitud.-Regiæ consiliario et medico, Facultatis medicinæ Pontimussanæ professore regio et decano, in aula medicorum, die 4o, anno Domini 1730, hora octava matutina. — Marcellin Cuper. Thesis medica de phthisi pulmonari, Deo duce et auspice Deipara, propugnanda a domino Marcellino Cuper, Nanceiani, medicinæ baccal., diœcesis Tullensis, pro licentiatu medico, præside clariss. dom. Maur. Grandclas, professore et decano, … in aula medicorum, die 22 junii hora octava matusina, anno Domini, 1731. — H. Michel, Metensis : Thesis physiologica de legibus quibus regitur machina vivens, sentiens et vivens, quam præside nobili viro Nicolao Jadelot, regis consiliario et medico, Facultatis medicæ Nanceianæ professore regio, propugnabit D. H. Michel, Metensis, die lunæ 13a martii, anno Domini 1769, hora decima, in aula majore collegii regii medicorum, pro baccalaureatu medico. — H. Martel. Civibus Nanceianis sacrum. Thesis medica, de aere, locis et aquis Nanceianis, quam præside nobili viro D. Nicolao Jadelot, regis consiliario et medico, Facultatis medicæ professore regio, necnon Academiæ regiæ scientiarum et artium Nanceianæ socio, propugnabit D. Henricus Martel, Fagensis, diœcesis Tullensis, medicinæ baccalaureus, in aula Facultatis medicæ Nanceianæ, die lunæ 20 mensis augusti, anno Domini 1770, hora decima matutina, pro licenciatu medico.
  10. Admirables vertus des saints Exorcismes sur les princes d’enfer possédant réellement vertueuse demoiselle Élisabeth de Ranfaing, avec ses justifications contre les ignorances et calomnies du F. Claude Pithoys, minime, par le sieur Pichard, escuyer, docteur en médecine, conseiller et médecin ordinaire de Leurs Altesses, Nancy 1622, vol. in-12 de 674 pages, avec 96 pages de supplément. L’avis des docteurs est du 31 décembre 1619 : « Ayant vu ses réponses, actes et mouvements, ils jugent et concluent que le principe et premier moteur des réponses, actions et mouvements, ne peut et ne doit être censé naturel… remettant au surplus à MM. les théologiens de décider et définir la qualité de ce principe, comme étant relevé au-dessus des bornes de la science médicale. » Ont signé Cachet, Berthemin, Mousin, Lefebure, Philippe, Odet, tous conseillers et médecins ordinaires de Son Altesse Royale (p. 172). Pichard affirme la possession avec plus de force, le 5 juin 1621 ; les approbations des théologiens sont du 31 juillet, du 4 août 1621 ; Pithoys est désavoué par les cordeliers le 16 juillet 1621. Le livre paraît en 1622 ; le supplice a lieu le 2 avril 1622. Pichard ne parle pas du médecin accusé du maléfice. On lit seulement à la page 12 du supplément : « Quelques-uns proclament que le sort durera autant que la vie de celui qui l’a baillé. »
  11. Il est dit dans le jugement rendu contre André Desbordes : « Sur les conclusions préparatoires du procureur général, à fin de razemement, visitation et sonde du dit Desbordes, pour reconnoître s’il avoit sur son corps quelques marques insensibles et diaboliques, deux chirurgiens furent chargés de constater la marque que le démon imprimoit à ceux qui avoient eu des rapports avec lui. » Les comptes indiquent un salaire de 18 francs payé, en 1624, au chirurgien qui avait visité et montré la marque tenue pour suspecte. Une fille impliquée dans l’affaire du médecin Charles Poirot, eu 1622, avait déclaré qu’elle s’était rencontrée avec Desbordes au sabbat. (V. Henri Lepage, André Desbordes, épisode de l’histoire des sorciers en Lorraine. Nancy, 1857.)
  12. Les archives départementales de la Meurthe, B. 1639, comptes de 1703 à 1719, contiennent une note des honoraires dus à Charles Bagard, doyen des médecins de Nancy, pour avoir assisté à la question ordinaire et extraordinaire donnée à dix-sept personnes, qu’il a ensuite visitées et soignées. La durée de l’assistance était de quatre à cinq heures. Le médecin demande 7 fr. par séance ; la taxe le réduit à 30 sous pour l’assistance, et à 15 sous pour les soins ultérieurs ; il lui est recommandé à l’avenir de faire ses mémoires par année. Le mot des Plaideurs, acte III, scène iv, en 1668, s’explique par les mœurs du temps.
  13. Lettres de Guy-Patin, t. III, p. 375. Édit. Reveillé-Parise. 3 vol. in-8°. Paris, 1846.
  14. « On vit sortir de cette école, tout à coup, des chirurgiens distingués…, un jeune professeur, le Dr Flamant, dont l’élocution facile et brillante est un des ornements de la Faculté de médecine de Strasbourg. » De Haldat, Éloge de Louis Valentin. Nancy, 1829, p. 6.