Origine des plantes cultivées/Première partie

Première partie
Notions préliminaires et méthodes employées.
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ORIGINE

DES PLANTES CULTIVÉES




PREMIÈRE PARTIE


NOTIONS PRÉLIMINAIRES ET MÉTHODES EMPLOYÉES

CHAPITRE PREMIER

DE QUELLE MANIÈRE ET À QUELLES ÉPOQUES LA CULTURE A COMMENCÉ DANS DIVERS PAYS

Les traditions des anciens peuples, embellies par les poètes, ont attribué communément les premiers pas dans la voie de l’agriculture et l’introduction de plantes utiles à quelque divinité ou tout au moins à quelque grand empereur ou Inca. On trouve en réfléchissant que ce n’est guère probable, et l’observation des essais d’agriculture chez les sauvages de notre époque montre que les faits se passent tout autrement.

En général, dans les progrès qui amènent la civilisation, les commencements sont faibles, obscurs et limités. Il y a des motifs pour que cela soit ainsi dans les débuts agricoles ou horticoles. Entre l’usage de récolter des fruits, des graines ou des racines dans la campagne et celui de cultiver régulièrement les végétaux qui donnent ces produits, il y a plusieurs degrés. Une famille peut jeter des graines autour de sa demeure et l’année suivante se pourvoir du même produit dans la forêt. Certains arbres fruitiers peuvent exister autour d’une habitation sans que l’on sache s’ils ont été plantés ou si la hutte a été construite à côté d’eux pour en profiter. Les guerres et la chasse interrompent souvent les essais de culture. Les rivalités et les défiances font que d’une tribu à l’autre l’imitation marche lentement. Si quelque grand personnage ordonne de cultiver une plante et institue quelque cérémonie pour en montrer l’utilité, c’est probablement que des hommes obscurs et inconnus en ont parlé précédemment et que des expériences déjà faites ont réussi. Avant de semblables manifestations, propres à frapper un public déjà nombreux, il doit s’être écoulé un temps plus ou moins long de tentatives locales et éphémères. Il a fallu des causes déterminantes pour susciter ces tentatives, les renouveler et les faire réussir. Nous pouvons facilement les comprendre.

La première est d’avoir à sa portée telle ou telle plante offrant certains des avantages que tous les hommes recherchent. Les sauvages les plus arriérés connaissent les plantes de leur pays ; mais l’exemple des Australiens et des Patagoniens montre que s’ils ne les jugent pas productives et faciles à élever, ils n’ont pas l’idée de les mettre en culture. D’autres conditions sont assez évidentes : un climat pas trop rigoureux ; dans les pays chauds, des sécheresses pas trop prolongées ; quelque degré de sécurité et de fixité ; enfin une nécessité pressante, résultant du défaut de ressources dans la pèche, la chasse ou le produit de végétaux indigènes à fruits très nourrissants, comme le châtaignier, le dattier, le bananier ou l’arbre à pain. Quand les hommes peuvent vivre sans travailler, c’est ce qu’ils préfèrent. D’ailleurs l’élément aléatoire de la chasse et de la pêche tente les hommes primitifs — et même quelques civilisés — plus que les rudes et réguliers travaux de l’agriculture.

Je reviens aux espèces que les sauvages peuvent être disposés à cultiver. Ils les trouvent quelquefois dans leur pays, mais souvent ils les reçoivent de peuples voisins, plus favorisés qu’eux par les conditions naturelles, ou déjà entrés dans une civilisation quelconque. Lorsqu’un peuple n’est pas cantonné dans une île ou dans quelque localité difficilement accessible, il reçoit vite certaines plantes, découvertes ailleurs, dont l’avantage est évident, et cela le détourne de la culture d’espèces médiocres de son pays. L’histoire nous montre que le blé, le maïs, la batate, plusieurs espèces de genre Panicum, le tabac et autres plantes, — surtout annuelles, — se sont répandus rapidement, avant l’époque historique. Ces bonnes espèces ont combattu et arrêté les essais timides qu’on a pu faire çà et là de plantes, moins productives ou moins agréables. De nos jours encore, ne voyons-nous pas, dans divers pays, le froment remplacer le seigle, le maïs être préféré au sarrasin, et beaucoup de millets, de légumes ou de plantes économiques tomber en discrédit parce que d’autres espèces, venues de loin quelquefois, présentent plus d’avantage. La disproportion de valeur est pourtant moins grande entre des plantes déjà cultivées et améliorées qu’elle ne l’était jadis entre des plantes cultivées et d’autres complètement sauvages. La sélection — ce grand facteur que Darwin a eu le mérite d’introduire si heureusement dans la science — joue un rôle important une fois l’agriculture établie ; mais à toute époque, et surtout dans les commencements, le choix des espèces a plus d’importance que la sélection des variétés.

Les causes variées qui favorisent ou contrarient les débuts de l’agriculture expliquent bien pourquoi certaines régions se trouvent, depuis des milliers d’années, peuplées de cultivateurs, tandis que d’autres sont habitées encore par des tribus errantes. Évidemment, le riz et plusieurs légumineuses dans l’Asie méridionale, l’orge et le blé en Mésopotamie et en Égypte, plusieurs Panicées en Afrique, le maïs, la pomme de terre, la batate et le manioc en Amérique ont été promptement et facilement cultivés, grâce à leurs qualités évidentes et à des circonstances favorables de climat. Il s’est formé ainsi des centres d’où les espèces les plus utiles se sont répandues. Dans le nord de l’Asie, de l’Europe et de l’Amérique, la température est défavorable et les plantes indigènes sont peu productives ; mais comme la chasse et la pèche y présentaient des ressources, l’agriculture a dû s’introduire tard, et l’on a pu se passer des bonnes espèces du midi sans souffrir beaucoup. Il en était autrement pour l’Australie, la Patagonie et même l’Afrique australe. Dans ces pays, des plantes des régions tempérées de notre hémisphère ne pouvaient pas arriver à cause de la distance, et celles de la zone intertropicale étaient exclues par la grande sécheresse ou par l’absence de températures élevées. En même temps, les espèces indigènes sont pitoyables. Ce n’est pas seulement le défaut d’intelligence ou de sécurité qui a empêché les habitants de les cultiver. Leur nature y contribue tellement, que les Européens, depuis cent ans qu’ils sont établis dans ces contrées, n’ont mis en culture qu’une seule espèce, le Tetragonia, légume vert assez médiocre. Je n’ignore pas que sir Joseph Hooker[1]. a énuméré plus de cent espèces d’Australie qui peuvent servir de quelque manière ; mais en fait on ne les cultivait pas, et, malgré les procédés perfectionnés des colons anglais, personne ne les cultive. C’est bien la démonstration des principes dont je parlais tout à l’heure, que le choix des espèces l’emporte sur la sélection, et qu’il faut des qualités réelles dans une plante spontanée pour qu’on essaye de la cultiver.

Malgré l’obscurité des commencements de la culture dans chaque région, il est certain que la date en est extrêmement différente. Un des plus anciens exemples de plantes cultivées est, en Égypte, un dessin représentant des figues, dans la pyramide de Gizeh. L’époque de la construction de ce monument est incertaine. Les auteurs ont varié entre 1500 et 4200 ans avant l’ère chrétienne ! Si l’on suppose environ deux mille ans, ce serait une ancienneté actuelle de quatre mille ans. Or, la construction des pyramides n’a pu se faire que par un peuple nombreux, organisé et civilisé jusqu’à un certain point, ayant par conséquent une agriculture établie, qui devait remonter plus haut, de quelques siècles au moins. En Chine, 2700 ans avant Jésus-Christ l’empereur Ghen-nung institua la cérémonie dans laquelle chaque année on sème cinq espèces de plantes utiles, le riz, le soja, le blé et deux sortes de millets[2]. Ces plantes devaient être cultivées depuis quelque temps, dans certaines localités, pour avoir attiré à ce point l’attention de l’empereur L’agriculture paraît donc aussi ancienne en Chine qu’en Égypte. Les rapports continuels de ce dernier pays avec la Mésopotamie font présumer une culture à peu près contemporaine dans les régions de l’Euphrate et du Nil. Pourquoi ne serait-elle pas tout aussi ancienne dans l’Inde et dans l’archipel Indien ? L’histoire des peuples dravidiens et malais ne remonte pas haut et présente bien de l’obscurité, mais il n’y a pas de raisons de croire que la culture n’ait pas commencé chez eux il y a fort longtemps, en particulier au bord des fleuves.

Les anciens Égyptiens et les Phéniciens ont propagé beaucoup de plantes dans la région de la Méditerranée, et les peuples Aryens, dont les migrations vers l’Europe ont commencé à peu près 2500 ou au plus tard 2000 ans avant Jésus-Christ ont répandu plusieurs espèces qui étaient déjà cultivées dans l’Asie occidentale. Nous verrons, en étudiant l’histoire de quelques espèces, qu’on cultivait probablement déjà certaines plantes en Europe et dans le nord de l’Afrique. Il y a des noms de langues antérieures aux Aryens, par exemple finnois, basques, berbères et guanches (des îles Canaries), qui l’indiquent. Cependant les restes, appelés Kjökkenmöddings, des habitations anciennes du Danemark, n’ont fourni jusqu’à présent aucune preuve de culture et en même temps aucun indice de la possession d’un métal[3]. Les Scandinaves de cette époque vivaient surtout de pèche, de chasse et peut-être accessoirement de plantes indigènes, comme le chou, qui ne sont pas de nature à laisser des traces dans les fumiers et les décombres, et qu’on pouvait d’ailleurs se passer de cultiver. L’absence de métaux ne suppose pas, dans ces pays du nord, une ancienneté plus grande que le siècle de Périclès ou même des beaux temps de la république romaine. Plus tard, quand le bronze a été connu en Suède, région bien éloignée des pays alors civilisés, l’agriculture avait fini par s’introduire. On a trouvé dans les restes de cette époque la sculpture d’une charrue attelée de deux bœufs et conduite par un homme[4].

Les anciens habitants de la Suisse orientale, lorsqu’ils avaient des instruments de pierre polie et pas de métaux, cultivaient plusieurs plantes, dont quelques-unes étaient originaires d’Asie.

M. Heer[5] a montré, dans son admirable travail sur les palafittes, qu’ils avaient des communications avec les pays situés au midi des Alpes. Ils pouvaient aussi avoir reçu des plantes cultivées par les Ibères, qui occupaient la Gaule avant les Celtes. À l’époque où les lacustres de Suisse et de Savoie ont possédé le bronze leurs cultures étaient plus variées. Il paraît même que les lacustres d’Italie, lorsqu’ils avaient ce métal, cultivaient moins d’espèces que ceux des lacs de Savoie[6], ce qui peut tenir à une ancienneté plus grande ou à des circonstances locales. Les restes des lacustres de Laybach et du Mondsee, en Autriche, accusent aussi une agriculture tout à fait primitive : point de céréales à Laybach, et un seul grain de blé au Mondsee[7]. L’état si peu avancé de l’agriculture dans cette partie orientale de l’Europe est en opposition avec l’hypothèse, basée sur quelques mots des anciens historiens, que les Aryas auraient séjourné d’abord dans la région du Danube et que la Thrace aurait été civilisée avant la Grèce. Malgré cet exemple l’agriculture parait, en général, plus ancienne dans la partie tempérée de l’Europe qu’on ne pouvait le croire d’après les Grecs, disposés, comme certains modernes, à faire sortir tout progrès de leur propre nation.

En Amérique, l’agriculture n’est peut-être pas aussi ancienne qu’en Asie et en Égypte, si l’on en juge par les civilisations du Mexique et du Pérou, qui ne remontent pas même aux premiers siècles de l’ère chrétienne. Cependant la dispersion immense de certaines cultures, comme celle du maïs, du tabac et de la batate, fait présumer une agriculture ancienne, par exemple de deux mille ans ou à peu près. L’histoire fait défaut dans ce cas, et l’on ne peut espérer quelque chose que des découvertes en archéologie et géologie. . .

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CHAPITRE II

MÉTHODES POUR DÉCOUVRIR OU CONSTATER L’ORIGINE DES ESPÈCES

§ 1. — Réflexions générales.


La plupart des plantes cultivées ayant été mises en culture à une époque ancienne et souvent d’une manière peu connue, il est nécessaire d’user de différents moyens lorsqu’on veut s’assurer de leur origine. C’est, pour chaque espèce, une recherche dans le genre de celles que font les historiens et les archéologues, recherche variée, dans laquelle on se sert tantôt d’un procédé et tantôt d’un autre, pour les combiner ensuite et les apprécier selon leur valeur relative. Le naturaliste n’est plus ici dans son domaine ordinaire d’observations et de descriptions. Il doit s’appuyer sur des preuves testimoniales, dont il n’est jamais question dans les laboratoires, et, quand les faits de botanique sont invoqués, il ne s’agit pas de l’anatomie, dont on s’occupe de préférence aujourd’hui, mais de la distinction des espèces et de leur distribution géographique.

J’aurai donc à me servir de méthodes qui sont étrangères, les unes aux naturalistes, les autres aux personnes versées dans les sciences historiques. Pour comprendre comment il faut les employer et ce qu’elles peuvent valoir, je dirai quelques mots de chacune.

§ 2. — Botanique.

Un des moyens les plus directs pour connaître l’origine géographique d’une espèce cultivée est de chercher dans quel pays elle croît spontanément, c’est-à-dire à l’état sauvage, sans le secours de l’homme.

La question paraît simple au premier coup d’œil. Il semble, en effet, qu’en consultant les flores, les ouvrages sur l’ensemble des espèces ou les herbiers, on doit pouvoir la résoudre aisément dans chaque cas particulier. Malheureusement, c’est, au contraire, une question qui exige des connaissances spéciales de botanique, surtout de géographie botanique, et une appréciation des botanistes et des collecteurs d’échantillons basée sur une longue expérience. Les savants occupés d’histoire ou d’interprétation d’écrivains de l’antiquité s’exposent à faire de grandes erreurs lorsqu’ils se contentent des premiers témoignages venus dans un livre de botanique. D’un autre côté, les voyageurs qui récoltent des plantes pour les herbiers ne font pas toujours assez d’attention aux localités et aux circonstances dans lesquelles ils trouvant les espèces. Souvent ils négligent de noter ce qu’ils ont remarqué à cet égard. On sait cependant qu’une plante peut venir d’individus cultivés dans le voisinage ; que les oiseaux, les vents, etc., peuvent en avoir transporté les graines à de grandes distances, et qu’elles arrivent quelquefois par le lest des vaisseaux ou mêlées avec des marchandises. Ces cas se présentent pour des espèces ordinaires, à plus forte raison pour les plantes cultivées qui sont abondantes autour de l’homme. Il faut, chez un collecteur ou voyageur, de bonnes habitudes d’observation pour estimer jusqu’à quel point un végétal est issu de pieds sauvages, appartenant à la flore du pays, ou d’une autre origine. Quand la plante croît près des habitations, sur des murailles, dans des décombres, au bord des routes, etc., c’est une raison pour se défier.

Il peut aussi arriver qu’une espèce se répande hors des cultures, même loin des localités suspectes, et n’ait cependant qu’une durée éphémère, parce qu’elle ne supporte pas, à la longue, les conditions du climat ou la lutte avec les plantes indigènes. C’est ce qu’on appelle en botanique une espèce adventive. Elle paraît et disparait, preuve qu’elle n’est pas originaire du pays. Les exemples abondent dans chaque flore. Lorsqu’ils deviennent plus nombreux qu’à l’ordinaire, le public en est frappé. Ainsi les troupes amenées brusquement d’Algérie en France, en 1870, avaient répandu, par les fourrages et autrement, une foule d’espèces africaines ou méridionales qui ont excité l’étonnement, mais dont il n’est pas resté de trace après deux ou trois hivers.

Il y a des collecteurs et des auteurs de flores très attentifs à signaler ces faits. Grâce à mes relations personnelles et à l’emploi fréquent des herbiers et des livres de botanique, je me flatte de les connaître. Je citerai donc volontiers leur témoignage dans les cas douteux. Pour quelques pays et quelques espèces, je me suis adressé directement à ces estimables naturalistes. J’ai fait appel à leurs souvenirs, à leurs notes, à leurs herbiers, et, d’après ce qu’ils ont bien voulu me répondre, j’ai pu ajouter des documents inédits à ceux qu’on trouve dans les ouvrages publiés. Je dois de sincères remerciements pour des informations de ce genre que j’ai reçues de M. C. B. Clarke sur les plantes de l’Inde, de M. Boissier sur celles d’Orient, de M. Sagot sur les espèces de la Guyane française, de M. Cosson sur celles d’Algérie, de MM. Decaisne et Bretschneider sur les plantes de Chine, de M. Pancic sur des céréales de Servie, de MM. Bentham et Baker sur des échantillons de l’herbier de Kew, enfin de M. Édouard André sur des plantes d’Amérique. Ce zélé voyageur a bien voulu me prêter des échantillons très intéressants d’espèces cultivées dans l’Amérique méridionale, qu’il a recueillis avec toutes les apparences de végétaux indigènes.

Une question plus difficile, qu’on ne peut pas résoudre sur le terrain, est de savoir si une espèce bien spontanée, ayant toutes les apparences des espèces indigènes, existe dans le pays depuis un temps très reculé ou s’y est introduite à une époque plus ou moins ancienne.

Il y a, en effet, des espèces naturalisées, c’est-à-dire qui s’introduisent parmi les anciennes plantes de la flore et s’y maintiennent, quoique d’origine étrangère, au point que la simple observation ne permet plus de les distinguer et qu’il faut pour cela des renseignements historiques ou des considérations de pure botanique ou géographie botanique. Dans un sens très général, en tenant compte des temps prolongés dont la science est obligée de s’occuper, presque toutes les espèces, surtout dans les régions hors des tropiques, ont été naturalisées une fois, c’est-à-dire qu’elles ont passé d’une région à une autre, par l’effet de circonstances géographiques et physiques. Lorsque j’ai émis l’idée, en 1855, que des conditions antérieures à notre époque ont déterminé la plupart des faits de la distribution actuelle des végétaux, — c’était l’expression de plusieurs des articles et la conclusion de mes deux volumes sur la géographie botanique[8], — on a été quelque peu surpris. La paléontologie venait bien de conduire, par des vues générales, un savant allemand, le Dr Unger, à des idées analogues[9], et, avant lui, Édouard Forbes avait émis, pour quelques espèces du midi des îles britanniques, l’hypothèse d’une ancienne contiguïté avec l’Espagne[10]. Mais, la preuve donnée, pour l’ensemble des espèces actuelles, de l’impossibilité d’expliquer leurs habitations au moyen des conditions qui existent depuis quelques milliers d’années, a produit plus d’impression, parce qu’elle était davantage dans le domaine des botanistes et qu’elle ne concernait pas quelques plantes, d’un seul pays. L’hypothèse proposée par Forbes, devenue dès lors un fait général et certain, est à présent un des lieux communs de la science. Tout ce qu’on écrit sur la géographie botanique ou zoologique s’appuie sur cette base, qui n’est plus contestée.

Elle offre, dans les applications à chaque pays ou chaque espèce, de nombreuses difficultés, car, une cause étant une fois reconnue, il n’est pas toujours aisé de savoir comment elle a agi dans chaque cas particulier. Heureusement, en ce qui concerne les plantes cultivées, les questions qui se présentent n’exigent pas de remonter à des temps très anciens, ni surtout à des dates qu’on ne peut préciser en nombre d’années ou de siècles. Sans doute la plupart des formes spécifiques actuelles remontent à un temps plus reculé que la grande extension des glaciers dans l’hémisphère boréal, phénomène qui a duré bien des milliers d’années si l’on en juge par l’énormité des dépôts que les glaces ont enlevés et transportés ; mais les cultures ont commencé depuis ces événements et même, dans beaucoup de cas, depuis une époque historique. Nous n’avons guère à nous occuper de ce qui a précédé. Les espèces cultivées peuvent avoir changé de pays avant leur culture, ou, dans un temps plus long, avoir changé de forme, cela rentre dans les questions générales de tous les êtres organisés ; notre travail demande seulement que chaque espèce soit examinée depuis qu’on la cultive, ou dans les temps qui ont précédé immédiatement sa culture. C’est une grande simplification.

La question d’ancienneté, ainsi limitée, peut être abordée au moyen des renseignements historiques ou autres, dont je parlerai tout à l’heure, et par les principes de la géographie botanique.

Je rappellerai ceux-ci sommairement, pour montrer de quelle manière ils aident à découvrir l’origine géographique d’une plante.

Chaque espèce présente ordinairement une habitation continue ou à peu près. Cependant quelquefois elle est disjointe, c’est-à-dire que les individus qui la composent sont divisés entre des régions éloignées. Ces cas, très intéressants pour l’histoire du règne végétal et des surfaces terrestres du globe, sont loin de former la majorité. Par conséquent, lorsqu’une espèce cultivée se trouve à l’état sauvage, très abondamment en Europe, et moins abondamment aux États-Unis, il est probable que, malgré son apparence indigène en Amérique, elle s’y est naturalisée, à la suite de quelque transport accidentel.

Les genres du règne végétal, bien que formés ordinairement de plusieurs espèces, sont souvent limités à telle ou telle région. Il en résulte que plus un genre compte d’espèces toutes de la même grande division du globe, plus il est probable qu’une des espèces en apparence originaire d'une autre partie du monde y a été transportée et s’y est naturalisée, par exemple, en s’échappant des cultures. Cela est vrai surtout dans les genres qui habitent les pays tropicaux, parce qu’ils sont plus souvent limités à l’ancien ou au nouveau monde.

La géographie botanique apprend quelles flores ont en commun des genres et même des espèces, malgré un certain éloignement, et quelles, au contraire, sont très différentes, malgré des analogies de climat ou une distance assez faible. Elle fait connaître aussi quels sont les espèces, genres et familles ayant des habitations vastes et quels autres ont une extension ou aire moyenne restreinte. Ces données aident beaucoup à déterminer l’origine probable d’une espèce. Les plantes qui se naturalisent se répandent rapidement. J’en ai cité jadis[11] des exemples, d’après ce qui s’est passé depuis deux siècles, et des faits semblables ont continué d’être observés d’année en année. On connaît la rapidité de l’invasion récente de l’Anacharis Alsinastrum dans les eaux douces d’Europe, et celle de beaucoup de plantes européennes à la Nouvelle-Zélande, en Australie, en Califormie, etc., signalée dans plusieurs flores ou voyages modernes.

L’extrême abondance d’une espèce n’est pas une preuve d’ancienneté. L’Agave americana, si commun dans la région méditerranéenne, quoique venu d’Amérique, et notre Gardon, qui couvre maintenant d’immenses étendues des pampas de la Plata, en sont des exemples remarquables. Le plus souvent, l’invasion d’une espèce marche rapidement, et au contraire l’extinction est le résultat d’une lutte de plusieurs siècles contre des circonstances défavorables[12].

La désignation la plus convenable à adopter pour des espèces ou, dans un langage plus scientifique, pour des formes voisines, est un problème qui se présente souvent en histoire naturelle, et dans la catégorie des espèces cultivées plus que dans les autres. Ces plantes changent par la culture. L’homme s’empare des formes nouvelles qui lui conviennent et les propage par des moyens artificiels, tels que les boutures, la greffe, le choix des graines, etc. Évidemment, pour connaître l’origine d’une de ces espèces, il faut éliminer le plus possible les formes qui semblent artificielles et concentrer son attention sur les autres. Une réflexion bien simple doit guider dans ce choix : c’est qu’une espèce cultivée offre des diversités principalement dans les parties pour lesquelles on la cultive. Les autres peuvent rester sans modifications, ou avec des modifications légères, dont le cultivateur ne tient pas compte, parce qu’elles lui sont inutiles. Il faut donc s’attendre à ce qu’un arbre fruitier primitif et sauvage ait de petits fruits, de saveur médiocrement agréable ; à ce qu’une céréale ait de petites graines, la pomme de terre sauvage de petits tubercules, le tabac indigène des feuilles étroites, etc., etc., sans aller cependant jusqu’à s’imaginer qu’une espèce aurait pris tout à coup de grands développements par l’effet de la culture, car l’homme n’aurait pas commencé à la cultiver si elle n’avait offert dès l’origine quelque chose d’utile ou agréable.

Une fois la plante cultivée réduite à ce qui permet de la comparer raisonnablement aux formes analogues spontanées, il faut savoir encore quel groupe de plantes à peu près semblables on juge à propos de désigner comme constituant une espèce. Sur ce point, les botanistes sont seuls compétents, parce qu’ils ont l’habitude d’apprécier les différences et les ressemblances, et qu’ils n’ignorent pas la confusion de certains ouvrages en fait de nomenclature. Ce n’est pas ici le lieu de discuter ce qu’on peut appeler raisonnablement une espèce. On verra dans quelques-uns de mes articles les principes qui me paraissent les meilleurs. Comme leur application exigerait souvent des observations qui n’ont pas été faites, j’ai pris le parti de distinguer quelquefois des formes quasi spécifiques dans un groupe qui me parait être une espèce, et j’ai cherché l’origine géographique de ces formes comme si elles étaient vraiment spécifiques.

En résumé, la botanique fournit des moyens précieux pour deviner ou constater l’origine des plantes cultivées et pour éviter des erreurs. Il faut se bien persuader cependant que la combinaison d’observations sur le terrain et dans le cabinet est nécessaire. Après le collecteur qui voit les plantes dans une localité ou une région et qui rédige peut-être une flore ou un catalogue d’espèces, il est indispensable d’étudier les distributions géographiques, connues ou probables, d’après les livres et les herbiers, et de penser aux principes de la géographie botanique et aux questions de classification, ce qui ne peut se faire ni en voyageant ni en herborisant. D’autres recherches, dont je vais parler, doivent être combinées avec celles de botanique, si l’on veut arriver à des conclusions satisfaisantes.

§ 3. — Archéologie et paléontologie.

La preuve la plus directe qu’on puisse imaginer de l’existence ancienne d’une espèce dans un pays est d’en voir des fragments reconnaissables dans de vieux édifices ou de vieux dépôts, d’une date plus ou moins certaine.

Les fruits, graines et fragments divers de plantes sortis des tombeaux de l’ancienne Égypte et les dessins qui les entourent dans les pyramides, ont donné lieu à des recherches d’une grande importance, dont j’aurai souvent à faire mention. Il y a pourtant ici une chance d’erreur : l’introduction frauduleuse de plantes modernes dans les cercueils de momies. On l’a reconnue facilement, quand il s’est agi, par exemple, de grains de maïs, plante d’origine américaine, glissés par les Arabes ; mais on peut avoir ajouté des espèces cultivées en Égypte depuis deux ou trois mille ans, qui semblent alors d’une antiquité trop reculée. Les tumuli ou mounds de l’Amérique septentrionale et les monuments des anciens Mexicains et Péruviens ont fourni des documents sur les plantes qu’on cultivait dans cette partie du monde. Il s’agit alors de temps moins anciens que celui des pyramides d’Égypte.

Les dépôts des lacustres ou palafittes de Suisse ont donné lieu à des mémoires très importants, parmi lesquels il faut citer en première ligne celui de Heer, mentionné tout à l’heure. Des travaux analogues ont été faits sur les débris végétaux trouvés dans d’autres lacs ou tourbières de Suisse, Savoie, Allemagne et Italie. Je les mentionnerai à l’occasion de plusieurs espèces. M. le Dr Gross a eu l’obligeance de me communiquer des fruits et graines tirés des palafittes du lac de Neuchâtel, et mon collègue le professeur Heer m’a favorisé de quelques renseignements recueillis à Zurich depuis sa publication. J’ai dit que les dépôts appelés Kjökkenmöddings dans les pays Scandinaves n’ont fourni aucune trace de végétaux cultivés.

Les tufs du midi de la France contiennent des feuilles et autres débris de plantes qui ont été déterminés par MM. Martins, Planchon, de Saporta et autres savants. Leur date n’est peut-être pas toujours plus ancienne que les premiers dépôts des lacustres, et il est possible qu’elle concorde avec celle d’anciens monuments d’Égypte et d’anciens livres des Chinois. Enfin, les couches minérales, dont les géologues s’occupent spécialement, apprennent déjà beaucoup sur la succession des formes végétales dans divers pays ; mais il s’agit alors d’époques bien antérieures à l’agriculture, et ce serait un hasard singulier, et assurément précieux, si l’on découvrait à l’époque tertiaire européenne une espèce actuellement cultivée. Cela n’est pas arrivé jusqu’à présent, d’une manière tout à fait certaine, quoique des espèces non cultivées aient été reconnues dans des couches antérieures à notre époque glaciaire de l’hémisphère boréal. Du reste, si l’on ne parvient pas à en trouver, les conséquences ne seront pas claires, attendu qu’on pourra dire : telle plante est arrivée depuis, d’une autre région, ou bien elle avait jadis une forme différente, qui n’a pas permis de la reconnaître dans les fossiles.

§ 4. — Histoire.

Les documents historiques sont importants pour la date de certaines cultures dans chaque pays. Ils donnent aussi des indications sur l’origine géographique des plantes quand elles ont été propagées par les migrations d’anciens peuples, les voyages ou des expéditions militaires.

Il ne faut pourtant pas accepter sans examen les assertions des auteurs.

La plupart des anciens historiens ont confondu le fait de la culture d’une espèce dans un pays avec celui de son habitation antérieure, à l’état sauvage. On a dit communément, — même de nos jours — d’une espèce cultivée en Amérique ou en Chine qu’elle habite l’Amérique ou la Chine. Une erreur non moins fréquente a été de croire une espèce originaire d’un pays, parce qu’on l’a reçue de là et non du pays véritablement de son origine. Ainsi les Grecs et les Romains ont appelé pomme de Perse la pèche, qu’ils avaient vue cultivée en Perse, qui n’y était probablement pas sauvage et que j’ai prouvée naguère être originaire de Chine. Ils ont appelé pomme de Carthage (Malum punicum) la grenade, qui s’était répandue progressivement dans les jardins, de Perse en Mauritanie. A plus forte raison, les très anciens auteurs, tels que Bérose et Hérodote, ont pu se tromper, malgré leur désir d’être exacts.

Nous verrons, à l’occasion du maïs, que des pièces historiques entièrement forgées, peuvent tromper sur l’origine d’une espèce. C’est singulier, car pour un fait de culture il semble que personne n’a intérêt à mentir. Heureusement les indices botaniques ou archéologiques aident à faire présumer les erreurs de cette nature.

La principale difficulté — celle qui se présente ordinairement pour les anciens historiens — est de traduire exactement les noms des plantes qui, dans leurs livres, sont toujours des noms vulgaires. Je parlerai bientôt de la valeur de ces noms et des ressources de la linguistique dans les questions qui nous occupent ; mais il faut indiquer auparavant quelles notions historiques sont le plus utiles dans l’étude des plantes cultivées.

L’agriculture est sortie anciennement, du moins en ce qui concerne les principales espèces, de trois grandes régions où croissaient certaines plantes et qui n’avaient aucune communication les unes avec les autres. Ce sont : la Chine, le sud-ouest de l’Asie (lié avec l’Égypte) et l’Amérique intertropicale. Je ne veux pas dire qu’en Europe, en Afrique ou ailleurs des peuples sauvages n’aient cultivé quelques espèces, à une époque reculée, d’une manière locale, comme accessoires de la chasse ou de la pêche ; mais les grandes civilisations, basées sur l’agriculture, ont commencé dans les trois régions que je viens d’indiquer. Chose digne de remarque, dans l’ancien monde, c’est sur le bord des fleuves que les populations agricoles se sont surtout constituées, tandis qu’en Amérique c’est sur les plateaux du Mexique et du Pérou . Il faut peut-être l’attribuer à la situation primitive des plantes bonnes à cultiver, car les rives du Mississipi, de l’Orénoque et de l’Amazone ne sont pas plus malsaines que celles des fleuves de l’ancien monde.

Quelques mots sur chacune des trois régions.

La Chine avait depuis des milliers d’années une agriculture et même une horticulture florissantes lorsqu’elle est entrée, pour la première fois, en communication avec l’Asie occidentale, par la mission de Ghang-Kien, sous le règne de l’empereur Wu-ti, dans le IIe siècle avant l’ère chrétienne. Les recueils appelés Pent-sao, écrits à l’époque de notre moyen âge, constatent qu’il rapporta la fève, le concombre, la luzerne, le safran, le sésame, le noyer, le pois, l’épinard, le melon d’eau et d’autres plantes de l’ouest[13], alors inconnues aux Chinois. Chang-Kien, comme on voit, n’a pas été un ambassadeur ordinaire. Il a étendu singulièrement les connaissances géographiques et amélioré les conditions économiques de ses compatriotes. Il est vrai qu’il avait été forcé de demeurer dix ans dans l’ouest et qu’il appartenait à une population déjà civilisée, chez laquelle un empereur, 2700 ans avant Jésus-Christ, avait entouré de cérémonies imposantes la culture de quelques plantes. Les Mongoles étaient trop barbares et venaient d’un pays trop froid pour avoir pu introduire beaucoup d’espèces utiles en Chine ; mais, en étudiant l’origine du pêcher et de l’abricotier, nous verrons que ces arbres ont été portés de Chine dans l’Asie occidentale, probablement par des voyageurs isolés, marchands ou autres, qui passaient au nord de l’Himalaya. Quelques espèces ont pu se répandre de la même manière de l’ouest en Chine, avant l’ambassade de Chang-Kien.

Les communications régulières de la Chine avec l’Inde ont commencé seulement à l’époque de ce même personnage, et par la voie détournée de la Bactriane[14], mais il a pu y avoir des transmissions de proche en proche par la presqu’île malaise et la Cochinchine. Les lettrés qui écrivaient dans le nord de la Chine ont pu les ignorer, d’autant plus que les provinces méridionales ont été jointes à l’empire seulement au IIe siècle avant l’ère chrétienne[15].

Les premiers rapports du Japon avec la Chine ont été vers l’an 57 de notre ère, par l’envoi d’un ambassadeur, et les Chinois n’eurent vraiment connaissance de leurs voisins orientaux que dans le IIIe siècle, époque de l’introduction de l’écriture chinoise au Japon[16].

La vaste région qui s’étend du Gange à l’Arménie et au Nil n’a pas été anciennement aussi isolée que la Chine. Ses peuples ont échangé, de place en place, et même transporté à distance des plantes cultivées, avec une grande facilité. Il suffit de rappeler que d’anciennes migrations ou conquêtes ont mêlé sans cesse les populations touraniennes, aryennes et sémites entre la mer Caspienne, la Mésopotamie et le Nil. De grands États se sont formés, à peu près dans les mêmes temps, sur les bords de l’Euphrate et en Égypte, mais ils avaient succédé à des tribus qui cultivaient déjà certaines plantes. L’agriculture est plus ancienne dans cette région que Babylone et les premières dynasties égyptiennes, lesquelles datent de plus de quatre mille ans. Les empires assyriens et égyptiens se sont ensuite disputé la suprématie, et dans leurs luttes ils ont transporté des populations, ce qui ne pouvait manquer de répandre les espèces cultivées. D’un autre côté, les peuples aryens, qui habitaient primitivement au nord de la Mésopotamie, dans une contrée moins favorable à l’agriculture, se sont répandus à l’ouest et au midi, refoulant ou subjuguant les nations touraniennes et dravidiennes. Leur langue, et surtout celles qui en sont dérivées en Europe et dans l’Inde, montrent qu’ils ont connu et transporté plusieurs espèces utiles[17]. Après ces anciens événements, dont les dates sont généralement incertaines, les voyages par mer des Phéniciens, les guerres entre les Grecs et les Perses, l’expédition d’Alexandre jusque dans l’Inde, et finalement la domination romaine ont achevé de répandre les cultures dans l’intérieur de l’Asie occidentale et même de les introduire en Europe et dans le nord de l’Afrique, partout où le climat pouvait leur être favorable. Plus tard, à l’époque des croisades, il restait bien peu de plantes utiles à tirer de l’Orient. Il est arrivé alors en Europe quelques variétés d’arbres fruitiers que les Romains ne possédaient pas et des plantes d’ornement.

La découverte de l’Amérique, en 1492, a été le dernier grand événement qui a permis de répandre les plantes cultivées dans tous les pays. Ce sont d’abord les espèces américaines, comme la pomme de terre, le maïs, la figue d’Inde, le tabac, etc., qui ont été apportées en Europe et en Asie. Ensuite une foule d’espèces de l’ancien monde ont été introduites en Amérique. Le voyage de Magellan (1520-21) fut la première communication directe entre l’Amérique méridionale et l’Asie. Dans le même siècle, la traite des nègres vint multiplier les rapports entre l’Afrique et l’Amérique. Enfin la découverte des îles de la mer Pacifique au XVIIIe siècle, et la facilité croissante des moyens de communication, combinée avec un désir général d’améliorer, ont produit la dispersion plus générale des plantes utiles dont nous sommes aujourd’hui les témoins.

§ 5. — Linguistique.

Les noms vulgaires de plantes cultivées sont ordinairement très connus et peuvent donner des indications sur l’histoire. d’une espèce, mais il n’est pas sans exemple qu’ils soient absurdes, basés sur des erreurs, ou vagues et contestables, ce qui oblige à user d’une certaine prudence dans leur emploi.

Je pourrais citer beaucoup de noms absurdes, pris dans toutes les langues. Il suffit de rappeler :

En français : blé de Turquie (maïs), pour une plante qui n’est pas un blé et qui vient d’Amérique.

En anglais : Jerusalem artichoke, pour le Topinambour (Helianthus tuberosus), qui ne vient pas de Jérusalem, mais de l’Amérique septentrionale, et n’est pas un artichaut.

En allemand : Haferwurzel, racine d’avoine, pour le Salsifis (Tragopogon), plante à racine charnue !

Une quantité de noms donnés par les Européens à des plantes étrangères, lorsqu’ils se sont établis dans les colonies, expriment des analogies fausses ou insignifiantes. Par exemple, le lin de la Nouvelle-Zélande ressemble aussi peu que possible au lin ; seulement on tire de ses feuilles une matière textile. La pomme d’acajou, des Antilles françaises, n’est pas le fruit d’un pommier, ni même d’une pomacée, et n’a rien à voir avec l’acajou.

Quelquefois les noms vulgaires se sont altérés en passant d’une langue à l’autre, de manière à donner un sens faux ou ridicule. Ainsi l’arbre de Judée des Français (Cercis Siliquastrum) est devenu en anglais Judas tree, arbre de Judas ! Le fruit appelé Ahuaca par les Mexicains est devenu l’Avocat des colons français. Assez souvent, des noms de plantes ont été pris par le même peuple, à des époques successives ou dans des provinces différentes, tantôt comme noms de genres et tantôt comme noms d’espèces. Par exemple, blé peut signifier ou plusieurs espèces du genre Triticum, et même de plantes nutritives très différentes (maïs et blés), ou telle espèce de blé en particulier.

Plusieurs noms vulgaires ont été transportés d’une plante à l’autre, par suite d’erreurs ou d’ignorance. Ainsi, la confusion faite par d’anciens voyageurs entre la Batate (Convolvolus Batatas) et la Pomme de terre (Solanum tuberosum), a entraîné l’usage d’appeler la Pomme de terre en anglais Potatoe et en espagnol Patatas.

Si des peuples modernes, civilisés, qui ont de grandes facilités pour comparer les espèces, connaître leur origine et vérifier les noms dans les livres, ont fait de semblables erreurs, il est probable que les anciens en ont fait plus encore et de plus grossières. Les érudits déploient infiniment de science pour expliquer l’origine linguistique d’un nom ou ses modifications dans les langues dérivées, mais ils ne peuvent pas découvrir les fautes ou les absurdités populaires. Ce sont plutôt les botanistes qui les devinent ou les démontrent. Remarquons en passant que les noms doubles ou composés sont les plus suspects. Ils peuvent avoir deux erreurs : l’une dans la racine ou le nom principal, l’autre dans l’addition ou nom accessoire, destiné presque toujours à indiquer une origine géographique, une qualité apparente ou quelque comparaison avec d’autres espèces. Plus un nom est bref, plus il mérite qu’on en tienne compte dans la question d’origine ou d’ancienneté, car c’est à la suite des années, des migrations de peuples et des transports de plantes que s’ajoutent les épithètes souvent erronées. De même, dans les écritures symboliques, comme celles des Chinois et des Égyptiens, les signes uniques et simples font présumer des espèces anciennement connues, ne venant pas de pays étrangers, et les signes compliqués sont suspects ou indiquent une origine étrangère. N’oublions pas cependant que les signes ont été souvent des rébus, basés sur des ressemblances fortuites de mots, ou sur des idées superstitieuses et fantastiques.

L’identité d’un nom vulgaire pour une espèce dans plusieurs langues peut avoir deux significations très différentes. Elle peut venir de ce qu’une plante a été transportée par un peuple qui s’est divisé et dispersé. Elle peut résulter aussi de ce qu’une plante a été transmise d’un peuple à l’autre avec le nom du pays d’origine. Le premier cas est celui du chanvre, dont le nom est semblable, au moins quant à sa racine, dans toutes les langues dérivées des Aryas primitifs. Le second se voit dans le nom américain du tabac et le nom chinois du thé, qui se sont répandus dans une infinité de pays, sans aucune filiation linguistique ou ethnographique. Ce cas s’est présenté plus fréquemment dans les temps modernes que dans les anciens, parce que la rapidité des communications permet aujourd’hui d’introduire à la fois une plante et son nom, même à de grandes distances.

La diversité des noms pour une même espèce peut avoir aussi des causes variées. En général, elle indique une existence ancienne dans divers pays, mais elle peut aussi provenir du mélange des peuples ou de noms de variétés qui usurpent le nom primitif. Ainsi, en Angleterre, on peut trouver, suivant les provinces, un nom celte, saxon, danois ou latin, et nous voyons en Allemagne les noms de Flachs et Lein pour le lin, qui ont évidemment des origines différentes.

Lorsqu’on veut se servir des noms vulgaires pour en tirer certaines probabilités sur l’origine des espèces, il faut consulter les dictionnaires et les dissertations des philologues, mais on est obligé d’estimer les chances d’erreur de ces érudits, qui, n’étant ni agriculteurs ni botanistes, peuvent s’être trompés dans l’application d’un nom à une espèce.

Le recueil le plus considérable de noms vulgaires est celui de Nemnich[18], publié en 1793. J’en possède un autre, manuscrit, plus étendu encore, rédigé dans notre bibliothèque par mon ancien élève Moritzi, au moyen des flores et de plusieurs livres de voyages écrits par des botanistes. Il y a, en outre, des dictionnaires concernant les noms d’espèces de tel ou tel pays ou d’une langue en particulier. Ces sortes de recueils ne contiennent pas souvent des explications sur les étymologies ; mais, quoi qu’en dise M. Hehn[19], un naturaliste, pourvu de l’instruction générale ordinaire, peut reconnaître les connexités ou les diversités fondamentales de certains noms dans des langues différentes et ne pas confondre les langues modernes avec les anciennes. Il n’est pas nécessaire pour cela d’être initié dans les subtilités des suffixes et des affixes, des labiales et des dentales. Sans doute un philologue pénètre mieux et plus loin dans les étymologies, mais il est rare que ce soit nécessaire pour les recherches sur les plantes cultivées. D’autres connaissances sont plus utiles, surtout celles de pure botanique, et elles manquent aux philologues plus que la linguistique aux naturalistes, par la raison fort évidente qu’on donne plus de place dans l’instruction générale aux langues qu’à l’histoire naturelle. Il me paraît aussi que les linguistes, notamment ceux qui traitent du sanscrit, veulent beaucoup trop chercher des étymologies à chaque nom. Ils ne pensent pas assez à la bêtise humaine, qui a fait naître dans tous les temps des mots absurdes, sans base réelle, déduits d’une erreur ou d’une idée superstitieuse.

La filiation des langues modernes européennes est connue de tout le monde. Celle des langues anciennes a été l’objet, depuis un demi-siècle, de travaux importants. Je ne puis en donner ici un aperçu, même abrégé. Il suffit de rappeler que toutes les langues européennes actuelles dérivent de la langue des Aryens occidentaux, venus d’Asie, à l’exception du basque (dérivé de l’ibère), du finnois, du turc et du hongrois, dans lesquels au surplus beaucoup de mots d’origine aryenne se sont introduits. D’un autre côté, plusieurs langues actuelles de l’Inde, Ceylan et Java dérivent du sanscrit des Aryens orientaux, sortis de l’Asie centrale après les Aryens de l’Occident. On suppose, avec assez de vraisemblance, que les premiers Aryens occidentaux sont arrivés en Europe 2500 ans avant notre ère, et les Aryens orientaux dans l’Inde un millier d’années plus tard.

Le basque (ou ibère), le guanche des îles Canaries, dont on connaît quelques noms de plantes, et le berbère se rattachaient probablement aux anciennes langues du nord de l’Afrique.

Les botanistes sont obligés, dans beaucoup de cas, de douter des noms vulgaires attribués aux plantes par les voyageurs, les historiens et les philologues. C’est une conséquence des doutes qu’ils ont eux-mêmes sur la distinction des espèces et de la difficulté qu’ils savent très bien exister lorsqu’on veut s’assurer du nom vulgaire d’une plante. L’incertitude devient d’autant . plus grande qu’il s’agit d’espèces plus faciles à confondre ou moins connues du public, ou de langues de nations peu civilisées. Il y a des degrés, pour ainsi dire, entre les langues, sous ce point de vue, et les noms doivent être acceptés plus ou moins suivant ces degrés.

En tête, pour la certitude, se placent les langues qui possèdent des ouvrages de botanique. On peut en effet reconnaître une espèce au moyen d’une description grecque de Dioscoride ou de Théophraste, et des textes latins moins développés de Caton, Columelle ou Pline. Les livres chinois donnent aussi des descriptions. Leur étude a fait l’objet d’excellents travaux du docteur Bretschneider, médecin de la légation russe à Peking, que je citerai fréquemment[20].

Le second degré est celui des langues qui ont une littérature composée seulement d’ouvrages de théologie, de poésie, ou de chroniques sur les rois et les batailles. Ces sortes d’ouvrages mentionnent çà et là des plantes, avec des épithètes ou des réflexions sur leur floraison, leur maturité, leur emploi, etc., qui permettent de comprendre un nom et de le rapporter à la nomenclature botanique actuelle. En s’aidant d’ailleurs de notions sur la flore du pays et des noms vulgaires dans les langues dérivées de l’ancienne, on arrive, tant bien que mal, à fixer le sens de quelques mots. C’est ce qui a été fait pour le sanscrit[21], l’hébreu[22] et l’araméen[23].

Enfin, une troisième catégorie dans les langues anciennes ne peut donner aucune certitude, mais seulement des présomptions. ou des indications hypothétiques assez rares. C’est celle des langues dont on ne connaît aucun ouvrage, comme le celte, avec tous ses dialectes, le vieux slave, le pélasge, l’ibère, la langue des Aryas primitifs, des Touraniens, etc. On arrive à présumer certains noms, ou leur forme approximative, dans ces anciennes langues, par deux procédés, tous deux sujets à caution.

Le premier, et le meilleur, est de consulter les langues dérivées ou qu’on croit dérivées directement des anciennes, comme le basque pour l'ibère, l’albanais pour le pélasge, le breton, l’irlandais et le gaëlic pour le celte. Le danger est de se tromper sur la filiation des langues, et surtout de croire à l’ancienneté d’un nom de plante qui peut être venu par un autre peuple. Ainsi le basque a beaucoup de noms qui paraissent tirés du latin à la suite de la domination romaine. Le berbère est rempli de noms arabes, et le persan de noms de toutes sortes, qui n’existaient probablement pas dans le zend.

L’autre procédé consiste à reconstruire une langue ancienne sans littérature, au moyen de ses dérivées, par exemple la langue des Aryas occidentaux au moyen des mots communs à plusieurs langues européennes qui en sont issues. Pour les mots des anciennes langues aryennes, le dictionnaire de Fick ne peut guère être employé, car il donne peu de noms de plantes, et sa disposition ne le met pas du tout à la portée des personnes qui ne connaissent pas le sanscrit. Bien plus important pour les naturalistes est l’ouvrage d’Adolphe Pictet, dont il a paru, après, la mort de l’auteur, une seconde édition, augmentée et perfectionnée[24]. Les noms de plantes et les termes de l’agriculture y sont exposés et discutés d’une manière d’autant plus satisfaisante qu’elle est combinée avec des notions exactes de botanique. Si l’auteur attribue peut-être plus d’importance qu’il ne faudrait à des étymologies douteuses, il le compense par des notions d’une autre nature et par beaucoup de méthode et de clarté.

Les noms de plantes en langue euskarienne, soit basque, ont été commentés, au point de vue des étymologies probables, par M. le comte de Charencey[25]. J’aurai l’occasion de citer ce travail, où les difficultés étaient bien grandes, à cause de l’absence de toute littérature et de langues dérivées.

§ 6. — Nécessité de combiner les différentes méthodes.

Les divers procédés dont je viens de parler n’ont pas une valeur égale. Évidemment lorsqu’on peut avoir sur une espèce des documents archéologiques, comme ceux des monuments égyptiens ou des lacustres suisses, ce sont des faits d’une exactitude remarquable. Viennent ensuite les données de botanique, surtout celles sur l’existence spontanée d’une espèce dans tel ou tel pays. Elles peuvent avoir beaucoup d’importance, à condition qu’on les examine soigneusement. Les assertions contenues dans les livres soit d’historiens, soit même de naturalistes d’une époque à laquelle la science ne faisait que commencer, n’ont pas la même valeur. Enfin les noms vulgaires ne sont qu’un moyen accessoire, surtout dans les langues modernes, et un moyen, comme nous avons vu, dont il faut se défier. Voilà ce qu’on peut dire d’une manière générale, mais dans chaque cas particulier telle ou telle méthode prend quelquefois plus d’importance.

Chacune conduit à une simple probabilité, puisqu’il s’agit de faits anciens qui échappent aux observations directes et actuelles. Heureusement, si l’on arrive à la même probabilité par trois ou quatre voies différentes, on approche beaucoup de la certitude. Il en est des recherches sur l’histoire des plantes comme de celles sur l’histoire des peuples. Un bon auteur consulte les historiens qui ont parlé des événements, les archives où se trouvent des documents inédits, les inscriptions de vieux monuments, les journaux, les lettres particulières, enfin les mémoires et même la tradition. Il tire des probabilités de chaque source, et ensuite il compare ces probabilités, les pèse et les discute avant de se décider. C’est un travail de l’esprit, qui exige de la sagacité et du jugement. Ce travail diffère beaucoup de l’observation, usitée en histoire naturelle, et du raisonnement pur, qui est le propre des sciences mathématiques. Néanmoins, je le répète, lorsqu’on arrive par plusieurs méthodes à une même probabilité, celle-ci approche de la certitude. On peut même dire qu’elle donne la certitude à laquelle on peut prétendre dans les sciences historiques.

J’en ai eu la preuve en comparant mon travail actuel avec celui que j’avais fait, d’après les mêmes méthodes, en 1855. Pour les espèces que j’avais étudiées alors, j’ai eu plus de documents et des faits mieux constatés, mais les conclusions sur l’origine de chaque espèce ont été à peine changées. Comme elles reposaient déjà sur une combinaison des méthodes, les choses probables sont devenues ordinairement plus probables ou certaines, et il ne m’est pas arrivé d’être conduit à des résultats absolument contraires aux précédents.

Les données archéologiques, linguistiques et botaniques deviennent de plus en plus nombreuses. C’est par leur moyen que l’histoire des plantes cultivées se perfectionne, tandis que les assertions des anciens auteurs perdent de leur importance au lieu d’en acquérir. Grâce aux découvertes des antiquaires et des philologues, les modernes connaissent mieux que les Grecs la Chaldée et l’ancienne Égypte. Ils peuvent constater des erreurs dans Hérodote. Les botanistes de leur côté corrigent Théophraste, Dioscoride et Pline d’après la connaissance des flores de Grèce et d’Italie, tandis que la lecture des anciens, faite si souvent par les érudits depuis trois siècles, a donné ce qu’elle pouvait donner. Je ne puis m’empêcher de sourire en voyant aujourd’hui des savants répéter des phrases grecques ou latines bien connues, pour en tirer ce qu’ils appellent des conclusions. C’est vouloir extraire du jus d’un citron pressé déjà mainte et mainte fois. Il faut le dire franchement, les ouvrages qui répètent et commentent les auteurs de l’antiquité grecque ou latine, sans mettre en première ligne les faits botaniques et archéologiques, ne sont plus au niveau de la science. Je pourrais en citer cependant qui ont eu, en Allemagne, les honneurs de trois éditions ! Mieux aurait valu réimprimer les publications antérieures de Fraas et de Lenz, de Targioni et de Heldreich, qui ont toujours mis les données actuelles de la botanique au-dessus des descriptions vagues d’anciens écrivains, c’est-à-dire les faits au-dessus des mots et des phrases.



  1. Hooker, Flora Tasmaniæ, I, p. cx
  2. Bretschneider, On the study and value of chinese botanical works, p. 7.
  3. De Nadaillac, Les premiers hommes et les temps préhistoriques, I, p. 266, 268. L’absence de traces d’agriculture dans ces débris m’est certifiée d’ailleurs par M. Heer et M. Cartailhac, très au courant tous les deux des découvertes en archéologie.
  4. M. Montelius, d’après Cartailhac, Revue, 1875, p. 237.
  5. Heer, Die Pflanzen der Pfahlbauten, in-4, Zurich, 1863. Voir l’article du lin.
  6. Perrin, Étude préhistorique de la Savoie, in-4, 1870 ; Castelfranco, Notizie intomo alla Stazione lacustre di Lagozza, et Sordelli, Sulle piante della torbiera della Lagozza, dans les Actes de la Soc. ital. des sc. nat., 1880.
  7. Much, Mittheil. d. anthropol. Ges, in Wien, vol. 6 ; Sacken, Sitzber. Akad. Wien, vol. 6. Lettre de M. Heer sur ces travaux, et leur analyse dans Nadaillac, I, p. 247.
  8. Alph. de Candolle, Géographie botanique raisonnée, chap. X, p. 1055 ; chap. XI, XIX, XXVII.
  9. Unger, Versuch einer Geschichte der Pflanzenwelt, 1852.
  10. Forbes, On the connexion between the distribution ofthe existing fauna and flora of the british isles with the geological changes which have affected their area, in-8, dans : Memoirs of the geological survey, vol. 1, 1846.
  11. A. de Candolle, Géogr. bot. raisonnée, chap. VII et X.
  12. A. de Candolle, Géogr. bot. raisonnée, chap. VIII, p. 804.
  13. Bretschneider, l. c., p. 15.
  14. Bretschneider, l. c.
  15. Bretschneider, l. c., p. 23.
  16. Atsuma-gusa. Recueil pour servir à la connaissance de l’extrême Orient, publié par Fr. Turretini, vol. 6, p. 200, 293.
  17. Il existe, en langue française, deux excellents résumés des connaissances actuelles sur l’Orient et l’Égypte. Je ne saurais trop les recommander aux< naturalistes qui ne se sont pas occupés spécialement de ces questions. L’un de ces ouvrages est le Manuel de l’histoire ancienne de l’Orient, par François Lenormand, 3 vol. in-12, Paris, 1869. L’autre est l’Histoire ancienne des peuples de l’Orient, par Maspero, un vol. in-8, Paris, 1878.
  18. Nemnich, Allgemeines polyglotten-Lexicon der Naturgeschichte, 2 vol. in-4.
  19. Hehn, Kulturpflanzen und Hausthiere in ihren Uebergang aus Asien, in-8, 3e édition, 1877.
  20. Bretschneider, On the study and value of chinese botanical works, with notes on the history of plants and geographical botany from chinese sources. In-8, 51 pages avec figures, Foochoo, sans date, mais la préface datée de décembre 1870. — Notes on some botanical questions, In-8, 14 pages, 1880.
  21. Le dictionnaire de Wilson contient des noms de plantes, mais les botanistes se fient davantage aux noms indiqués par Roxburgh dans son Flora indica (éd. de 1832, 3 vol. in-8) et au dictionnaire spécial de Piddington, English index to the plants of India, Calcutta, 1832. Les érudits prétendent découvrir un plus grand nombre de noms dans les textes, mais ils ne donnent pas assez la preuve du sens de ces noms. Généralement, il manque pour le sanscrit ce que nous avons pour l’hébreu, le grec et le chinois, la citation, traduite en langue moderne, des phrases concernant chaque mot.
  22. Le meilleur ouvrage sur les noms des plantes de l’Ancien Testament est celui de Rosenmüller, Handbuch der biblischen Alterkunde, in-8, vol. 4, Leipzig, 1830. Un bon ouvrage, abrégé, en français, est La botanique de la Bible, par Fred. Hamilton, in-8, Nice, 1871.
  23. Reynier, botaniste suisse, qui avait séjourné en Égypte, a donné avec sagacité le sens de beaucoup de noms de plantes dans le Talmud. Voir ses volumes intitulés : Économie publique et rurale des Arabes et des Juifs, in-8, 1820, et Économie publique et rurale des Égyptiens et des Carthaginois, in-8, Lausanne, 1823. Les ouvrages plus récents de Duschak et de Löw ne reposent pas sur la connaissance des plantes d’Orient et sont illisibles, pour les botanistes, à cause des noms en lettres syriaques, hébraïques, etc.
  24. Adolphe Pictet, Les origines des peuples indo-européens, 3 vol. in-8. Paris, 1878.
  25. Charencey, dans Actes de la Société philologique, vol. I, n° 1, 1869.