La Chanson française du XVe au XXe siècle, Texte établi par Jean GillequinLa Renaissance du livre (p. 159-161).


ON SE MARIE

Air : La Calottine.


On se marie,
Quelle folie !
Nœud trop respecté,
Veux-tu la liberté ?
Dur esclavage,
Fatal usage,
Tu finis le cours
De nos beaux jours.

Croyez-moi, jeunesse,
Vive une maîtresse :
Son adresse,
Sa finesse
Pour peu de soupirs,
A nos désirs,
Quand l’amour nous presse,
Fait sans cesse
Succéder les plaisirs.
        On se marie, etc.

Plaignons les pauvres maris.
Les embarras, les soucis,
Les chagrins, les ennuis,
Dans leurs logis
Sont réunis.
Les Jeux et les Ris
Pour jamais en sont bannis :
Au lieu des ardeurs,
Ce sont des froideurs,
Des langueurs,

Des aigreurs ;
De la défiance,
Plus de douceurs,
Adieu la complaisance.
        On se marie, etc.

Hymen, sous tes lois,
Que l’on fasse un choix ;
De certains minois
Ont quelquefois
Le don de plaire :
Mais voit-on le cœur,
L’esprit et l’humeur ?
Non, l’on a beau faire,
Toute fille a l’air trompeur.
D’amour trop épris,
L’on est surpris :
Monsieur le notaire
Termine l’affaire ;
Mais le marché fait,
Le trébuchet
Ferme tout net ;
Nigaudinet
Pris au gobet
A bientôt son paquet.
Que de d’échet !
L’objet plaisait,
Semblait parfait ;
L’hymen éclaircit la visière.
Vu dans son jour,
Ce portrait
Est laid,
Déplait :
C’est fait,
On hait,
Et l’amour fait place au regret.
L’époux, du devoir conjugal
S’acquitte mal ;
De ce procédé peu loyal
Naît bacchanal.


Femme en lutin,
D’un air mutin,
D’un ton hautain,
Gronde sans fin ;
Soir et matin
C’est même train :
A son goût rien
N’est jamais bien.
Survient, pour doubler le mari,
Un favori ;
Quelque valet,
Trop indiscret,
D’être cocu
L’a convaincu.
L’on a tout vu,
Tout est perdu.
Grand carillon
Dans la maison ;
L’on n’entend plus
Que bruit confus.
Il faut jurer,
Pester, pleurer,
Sans différer
Se séparer,
Et se déshonorer.
        On se marie, etc.

Gallet.