Odes (Horace, Leconte de Lisle)/IV/7
Traduction Leconte de Lisle, 1873
Les neiges ont disparu, les herbes renaissent
dans les plaines et les feuillages sur les arbres. La
terre change de forme, et les fleuves décroissants
rentrent dans leurs lits. Les Grâces nues osent
mener des chœurs avec les Nymphes. N’espère
rien d’immortel ; l’année t’en avertit, et aussi l’heure
qui emporte notre plus beau jour. Les froids sont
adoucis par les Zéphyrs ; l’été qui doit passer chasse
le printemps ; et l’automne qui produit les fruits les
prodigue, et bientôt revient l’hiver inerte. Cependant
les lunes rapides réparent leurs pertes ; mais
nous, là où nous tombons, où sont le père Æneas
et le riche Tullus, et Ancus, nous ne sommes
qu’ombre et poussière. Qui sait si les Dieux supérieurs ajouteront à la somme de nos jours le jour de
demain ? Tout ce qui échappera aux mains avides
d’un héritier, tu le donneras à tes désirs. Quand tu
seras mort, quand Minos t’aura jugé par un arrêt
suprême, ni ta race, Torquatus, ni ton éloquence,
ni ta piété ne te rendront la vie. Diana ne peut
affranchir le chaste Hippolytus des infernales
ténèbres, ni Théseus rompre les chaînes Léthæennes
de son cher Pirithoüs.