Odes (Horace, Leconte de Lisle)/III/4

1er siècle av. J.-C.
Traduction Leconte de Lisle, 1873
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Ode IV. — À CALLIOPÉ.


Descends du ciel, reine Calliopé, et dis une large mélopée sur la flûte, ou, si tu le préfères, de ta voix éclatante, ou sur la lyre ou sur la cithare de Phœbus.

Entendez-vous ? Est-ce une heureuse illusion qui se joue de moi ? Il me semble l’entendre et la voir errer dans les bois sacrés où glissent des eaux fraîches et des souffles.

Enfant, je m’étais endormi, fatigué de jouer, sur le Vultur Apulien, au delà des limites de l’Apulia nourricière, et des colombes mystérieuses me couvrirent de jeune feuillage.

Tous ceux qui habitent le nid de la haute Achérontia, les bois de Bantium et les champs fertiles de l’humble Férentinum,

S’étonnèrent que j’eusse pu dormir en sûreté au milieu des noires vipères et des ours, et que je fusse ainsi couvert de laurier sacré et de myrte amassé, enfant courageux, mais non sans la protection des Dieux.

Je suis vôtre, Muses ! soit que je m’élève sur les monts du Sabinum, soit que le frais Prænesté me plaise, ou le coteau de Tibur, ou le rivage de Baiæ.

Ni le désastre guerrier de Philippi, ni la chute d’un arbre maudit, ni le rocher de Palinurus dans la mer Siculienne, n’ont ôté la vie à l’ami de vos fontaines et de vos chœurs.

Partout où vous serez avec moi, matelot audacieux, je braverai le Bosphorus furieux, et je traverserai les sables brûlants du rivage Assyrien ;

Je visiterai sans danger les Bretons inhospitaliers, et le Concanien qui se réjouit de boire le sang du cheval, et les Gélons porteurs de carquois, et le fleuve Scythique.

Sous l’antre Piérien, vous charmez le grand Cæsar qui interrompt ses travaux et renvoie dans les villes ses cohortes fatiguées.

Vous lui donnez un conseil clément, ô Divines, et vous vous réjouissez de l’avoir donné. Nous savons comment il a écrasé de sa foudre la horde immonde des Titans impies,

Celui qui, par un empire équitable, régit la terre inerte, et la mer tempétueuse, et les villes, et les tristes royaumes, et les Dieux et la multitude des mortels.

Ils avaient causé une grande terreur à Jupiter, ces frères, jeunesse sûre de ses bras horribles, qui entassèrent le Pélion sur l’Olympus ;

Mais Typhœus et le puissant Mimas, et Porphyrion à la stature effroyable, et Rhœtus, et Enceladus qui lançait, audacieux, des troncs déracinés,

Que peuvent-ils en se ruant contre la sonnante Ægide de Pallas ? Là se tenaient debout l’ardent Vulcanus, et la matrone Juno, et, l’épaule à jamais chargée du carquois,

Celui qui lave ses cheveux dénoués dans l’eau vive de Castalia, qui habite les bois de la Lycia, et la forêt natale, Apollo Délien et Pataréen !

La force sans règle se rue par son propre poids, mais les Dieux élèvent en l’agrandissant la force qui se contient, et ils détestent celle qui pousse au crime.

Ils attestent mes paroles, le centimane Gyas et le fameux violateur de Diana, Orion, dompté par la flèche de la Vierge.

La Terre gémit sur ses monstres ensevelis en elle ; elle pleure ses enfants envoyés par la foudre vers le livide Orcus ; et la flamme rapide n’a point consumé l’Ætna qui les écrase.

L’aigle ne quitte point le foie de l’effréné Tityos, et c’est le gardien de son crime ; et trois cents chaînes étreignent l’amoureux Pirithoüs.