Maison d’éditions et d’impressions Anct AD. Hoste, S. A. (p. 261-262).

CVI.

DANS LES BOIS.


Oh ! je voudrais t’avoir connu,
Petit garçon fier et gracile,
Le duvet de ta joue et ton coeur ingénu,
Ta bouche rose et puérile,
Ta voix franche et le regard bon
De tes yeux clairs bleu-de-pervenche,
Ton front pur sous tes cheveux blonds,
Ton âme blanche.
Nous aurions fui les jeux brutaux
Des bruyants enfants du village,
Pour cueillir des coquelicots,
Des bleuets et du tussilage.
J’aurais sur mes cheveux bouclés
Un chapeau large, en auréole.
Nous irions dans les bois mouillés,
Où l’oiseau gazouille et s’envole.
Tu saurais le chemin, bien loin, dans les forêts.


J’aurais ma robe des dimanches,
Souple et douce au toucher comme un calice frais
D’églantine ou de rose blanche.
Et, pour mieux regarder le ciel joyeux et doux
À travers les frissons des branches remuées,
Tu poserais la tête, enfant, sur mes genoux,
Je suivrais ton regard perdu dans les nuées.
Et, quand tu serais las,
Je t’ouvrirais les bras
Et, tes cils sur ma joue et ton haleine pure
Sur ma tempe, en ma chevelure,
Enfant, tu dormirais un peu.
Et, pendant ton sommeil, je prierais le bon Dieu
De te bénir et, d’un doux geste,
Pour que tu ne t’éveilles pas,
Je lèverais au bleu céleste
La ferveur pure de mes bras.

Cher, nous aurions été toi, Paul, moi, Virginie,
Tout innocence et tout amour,
Et nos cœurs, exaltés, en extase infinie,
Auraient fait l’un pour l’autre un bonheur de la vie,
Joyeux, loyaux — et pour toujours.