Maison d’éditions et d’impressions Anct AD. Hoste, S. A. (p. 253-255).

C.

ÉTÉ DE LA SAINT-MARTIN.


C’est l’Été de la Saint-Martin.
Il a brisé le pâle étain
Du ciel morose.
Le clair ciel bleu s’épanouit,
Sur le rameau qui reverdit
S’ouvre une rose.

C’est l’Été de la Saint-Martin.
Il décore l’or du jardin
De feuilles neuves.
Il fait éclore encor l’espoir
Dans le cœur solitaire et noir
Des tristes veuves.

Bel Été de la Saint-Martin,
N’allume pas mon cœur éteint,
Je t’en supplie !
N’éveille pas, pour t’amuser,
Le brûlant désir du baiser,
Car c’est folie.


Bel Été de la Saint-Martin,
Aux yeux câlins bleu-de-matin,
Ta voix gazouille,
Mais j’aspire une odeur de mort
Dans les feuillages roux que mord
La morne rouille.

Bel Été de la Saint-Martin,
Enfant joyeux, bambin mutin
Qu’amour amuse,
Les fils d’argent dans mes cheveux,
Respecte-les, car je ne veux
Qu’espoir m’abuse.

Bel Été de la Saint-Martin,
Jouant des tours comme un lutin,
Fou de lumière,
Viens t’endormir sur mes genoux.
Je sais des mots calmants et doux,
Comme une mère.

Bel Été de la Saint-Martin,
L’amant suprême qui m’étreint,
L’Hiver est proche.
N’entends-tu pas, dans le lointain,
Résonner le dolent tin-tin
De cette cloche ?


Bel Été de la Saint-Martin,
Tu ne plains pas mon lourd chagrin,
Tu ris et railles.
Enfant cruel, enfant moqueur,
La cloche tinte pour mon cœur —
Ô funérailles !