Maison d’éditions et d’impressions Anct AD. Hoste, S. A. (p. 205-206).

LXI.

FRUIT DE RÊVE.

Ma main, lassée enfin de s’être en vain tendue
Vers l’odorant fruit d’or de mon rêve lointain,
Retombe, pâle enfin d’espérance perdue,
Vide aux rougeurs du soir comme au bleu du matin.

Pâle, dans mon giron ma main repose, humide
Des larmes de la pluie et des brumes du soir.
Le fruit d’or a tenté mon cœur fier et timide,
Mais un faune moqueur a ri de mon espoir.

Mon désir a gardé le dédain du possible,
Le dégoût du fruit rouge au buisson du chemin.
Je ne veux que le fruit du rêve inaccessible
Qui toujours se promet, se refuse à ma main.

Ô fruit d’or que j’adore ! ô fruit d’or et de rose !
Fruit de fièvre et de soif ! fruit de vie et de mort !
J’exalterai ton charme en rose apothéose,
Pour bénir ta splendeur, à l’heure où tout s’endort.


Oh ! si la vie, ainsi qu’une mère affolée
Met une pêche aux mains de son enfant qui meurt,
Consolait ma cruelle agonie isolée
Avec le beau fruit d’or de mon lointain bonheur !

Trop lourd pour que ma main le lève vers mes lèvres,
Le fruit reposerait dans mes paumes en feu,
Trop tard — mais sa fraîcheur apaiserait mes fièvres
Et son odeur serait l’haleine de mon dieu.