Maison d’éditions et d’impressions Anct AD. Hoste, S. A. (p. 178-179).

XLI.

SOUVENIR.


L’enfant-poète,
Un soir d’Avril,
Contre son cœur me prit la tête,
D’un geste pur et puéril.
Il n’osait pas baiser mes lèvres,
Je n’osais pas les lui donner.
Il laissa, pour calmer nos fièvres,
Contre son cœur mon front rêver.
Comme une oiselle
Ouvre son aile,
Pour abriter, au bord du nid,
Son oisillon peureux qui n’ose
Affronter l’azur infini,
Il entoura du bras ma tête blonde et rose,
En ce doux geste qui bénit.

J’avais oublié la caresse
De l’éphèbe aux cheveux de miel,

Car depuis j’ai connu la douleur et l’ivresse,
Les flammes de l’enfer et l’extase du ciel.
Et je restai l’enfant trop crédule et trop douce,
Cherchant un cœur humain pour abriter mon front,
Ne trouvant que l’amour qui blesse et qui repousse
Et tout l’effroi de l’abandon.

Et tout-à-coup je me rappelle
Le bel éphèbe aux cheveux d’or,
Au sourire de sphinx, aux yeux d’ange rebelle,
Sombré dans l’ombre de la mort.

C’est que tu m’attiras mon front brûlé de fièvres
Sur ton cœur plein d’amour divin,
Chaste et sans effleurer les rougeurs de mes lèvres,
Ô doux ami que j’aime en vain !
Que sous la fraternelle et naïve caresse,
Au charme tendre et puéril,
J’ai senti se rouvrir la fleur de ma jeunesse
Et mon cœur revenir d’exil.