Océan vers/Les joyeux fils de Nature et d’Amour

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LES JOYEUX FILS DE NATURE ET D’AMOUR.

Fils, pour entrer dans la bande
Que la Grand-Coire commande,
Écoute, et retiens ceci :
Nous nous nommons, Dieu merci.
Les Joyeux Fils de Nature
Et d’Amour, et nous portons
Sabres à pleine ceinture.
Pistolets et mousquetons.

Il faut qu’il ait, notre émule,
L’œil d’aigle, le pied de mule.
L’oreille de la souris.
Le nez fin du renard gris.
Pour bien flairer dans l’espace
L’estoc de l’archer vengeur.
Et le sac d’argent qui passe
Sur le dos du voyageur.

Qu’il la prenne ou la mendie.
Que d’une bourse arrondie
Chaque soir il soit chargé,
Et d’un chrétien égorgé ;

Mais il peut, je le répète.
Mendier, l’œil caressant.
En braqiunt son escopette
Sur l’aumône du passant.

Un archer, c’est dans un bouge
Un justaucorps jaune et rouge.
Deux bottines de chamois,
Jurant tous les Saints du mois,
Nargtiant curés. Pape et bulle.
Et te raillant dans sa peau,
Qu’avril mouille ou que juin brûle
La plume de son chapeau.

La prison, c’est une ferme
Dont tout bandit à son terme
Doit, sous clameur de haro.
Devenir le hobereau.
Apprends à voir d’un œil ferme
La porte au triple barreau.
Porte que le geôlier ferme
Et que rouvre le bourreau.

Les juges, depuis Pilate,
Sont des robes d’écarlate.
De blancs rabats à longs plis.
Siégeant sur les fleurs de lys ;
Les gens du Roi sont les marbres
Dont nos tombeaux sont construits ;
Et les gibets sont des arbres
Dont les larrons sont les fruits.

Un pendu de bonne mine
Aime fort qu’on l’examine ;
Car, tout mort qu’est un bandit,
Sa moustache encor grandit ;

Un pendu, vois-tu, mon frère,
C’est un béat fainéant.
Croisant ses bras par derrière ,
Qui dort debout et béant.

Fils, tels sont nos avantages.
Maintenant, dans les passages,
Prends ton lot sans te fâcher.
Et garde-toi de tricher ;
Fils, il faut être honnête homme.
Nous le sommes tous. Malheur
Si dans nos rangs qu’on renomme.
Il se trouvait un voleur.

15 mai 1828.

  1. Don de M. Blahot.