Observe-toi toi-même/Argument analytique
ARGUMENT ANALYTIQUE
L’homélie de saint Basile sur le précepte « Observe-toi toi-même » fut sans doute prononcée dans l’église de Césarée, mais on ignora en quelle année, et il n’y a rien dans tout le discours qui puisse fournir à ce sujet la moindre indication.
Les jours où les fidèles se réunissaient dans les églises, et ces réunions avaient lieu régulièrement le vendredi et le dimanche de chaque semaine, un des diacres lisait à l’assemblée un chapitre de l’Ancien ou du Nouveau Testament. Le pasteur expliquait ensuite aux fidèles le passage de l’Écriture qu’ils venaient d’entendre, et y prenait le texte d’un de ces entretiens familiers que leur simplicité même avait fait nommer des homélies.
On avait donc lu, suivant l’usage, aux fidèles assemblés un chapitre des saintes Écritures, le quinzième du livre de Moïse intitulé le Deutéronome, dans lequel le législateur hébreu ordonne au peuple de Dieu l’abolition des dettes chaque septième année, le soin des pauvres et la consécration des premiers nés des troupeaux. Saint Basile s’empare d’une courte sentence de ce chapitre et en fait le sujet de son discours. Il la commente et la développe avec une merveilleuse abondance. Il en fait ressortir non-seulement l’utilité pratique et morale, mais encore la fécondité au point de vue de la connaissance de Dieu et de soi-même. Il faut remarquer seulement que saint Basile donne au précepte qu’il développe un sens tout-à-fait général qu’il n’a pas dans le texte de Moïse, où il ne s’agit que de l’abolition des dettes. Voici en effet ce que dit Moïse : « Prenez garde de ne vous point laisser surprendre à cette pensée impie, et de ne pas dire dans votre cœur : La septième année, qui est l’année de la remise, est proche ; et de ne pas détourner ainsi vos yeux de votre frère qui est pauvre, sans vouloir lui prêter ce qu’il vous demande, de peur qu’il ne crie contre vous au Seigneur et que cela ne vous soit imputé à péché ; mais vous lui donnerez ce qu’il désire, et vous n’userez d’aucune finesse lorsqu’il s’agit de le soulager dans sa nécessité, afin que le Seigneur votre Dieu vous bénisse en tout temps et dans toutes les choses que vous entreprendrez. »
I. La parole a besoin de calme et de silence pour être comprise : elle doit être claire et brève, comme le précepte qui va faire le sujet de cet entretien.
Ce qu’il faut surveiller avant tout, c’est la pensée : les fautes que commet le corps peuvent être prévenues ou empêchées de mille manières ; l’action de la pensée, tout au contraire, est rapide et insaisissable.
II. Les bêtes ont un instinct qui leur fait rechercher ce qui leur est utile et éviter ce qui leur est nuisible ; l’homme a la raison pour lui servir de guide, et c’est cette raison qui lui permet de distinguer le bien d’avec le mal. Observons-nous sans relâche, si nous ne voulons tomber dans les piéges que nous tend le démon, notre implacable ennemi.
III. Observons notre âme, car elle est immortelle, et non pas notre corps, car il est périssable. Gardons-nous de consacrer tous nos soins à la chair et de lui donner sur l’esprit une supériorité qu’elle ne doit point avoir.
IV. Le précepte Observe-toi toi-même s’applique également à toutes les conditions et à tous les états ; seulement tous les hommes n’ont pas à exercer sur eux le même genre de surveillance. Exemples nombreux cités par l’orateur.
V. La méditation constante de ce précepte préservera la jeunesse d’illusions toujours dangereuses ; elle fera que chacun s’occupe de ses péchés et de ses défauts au lieu d’avoir l’œil ouvert sur les fautes d’autrui ; elle dissipera l’orgueil qu’inspirent d’ordinaire la grandeur et la richesse.
VI. Le pauvre, au lieu de se laisser aller au découragement, songera aux innombrables bienfaits qu’il a déjà reçus de Dieu dans cette vie et à ceux que lui réserve dans un monde meilleur la promesse de Jésus-Christ.
VII. La méditation du précepte de Moïse aidera l’homme à dompter sa colère, à calmer les passions qui obscurcissant sa raison, et, en lui faisant ramener ses regards sur lui-même, le conduira à la contemplation du Dieu dont il est l’image.
VIII. L’homme qui observe la merveilleuse structure de son corps ne peut s’empêcher de penser à Dieu et d’admirer sa sagesse et la perfection de ses œuvres.