Les Ailes d’or : poésies nouvelles, 1878-1880Bibliothèque-Charpentier (p. 129-130).

NYSA

Nysa, le temps qui, d’un coup d’aile,
Brise les fleurs, a respecté
Le souvenir doux et fidèle
Qui de ton amour m’est resté.
Sur mon cœur saigne encore la place
Où ton pied charmant se posa ;
D’attendre en pleurant il se lasse.
Avant que l’âge ne le glace,
Reviens, Nysa !

Nysa, la saison est pareille
À celle où, baisant tes cheveux,
Sans dire un mot à ton oreille,
Je te fis de tremblants aveux.
Toutes les fleurs se sont rouvertes
Que le vent d’automne brisa,
De nids chantant les branches vertes
Comme en ce temps-là sont couvertes.
Reviens, Nysa !

Nysa, crains que l’hiver morose
Sur nos fronts, encore une fois,
N’effeuille la dernière rose,
N’étouffe la dernière voix.
Ne laisse pas s’enfuir le rêve
Dont l’aube sur nous se posa.
Le vent qui passe sur la grève
Nous dit : Aimez ! car l’heure est brève !
Reviens, Nysa !