Nouvelles sources de Moïse de Khoren

Imprimerie des Méchitaristes (p. 7-40).

NOUVELLES SOURCES

DE

MOISE DE KHOREN

ETUDES CRITIQUES

PAR

A. CARRIÈRE

PROFESSEUR A L’ÉCOLE DES LANGUES ORIENTALES VIVANTES DIRECTEUR-ADJOINT A L’ÉCOLE DES HAUTES ÉTUDES

VIENNE

IMPRIMERIE DES HECHITHARISTES

1893. Les pages qui suivent n’ont nullement la prétention d’offrir une étude complète, bien ordonnée, arrondie sur une ou plusieurs des sources de l’historien Moïse de Khoren. Ce sont de simples articles de journal, auxquels la Revue mensuelle (Հանդէս Ամսորեայ) de Vienne a bien voulu accorder l’hospitalité, et qui paraissent aujourd’hui sous cette nouvelle forme sans avoir subi de changements. Je n’ai point effacé quelques répétitions ; j’ai même laissé subsister dans le premier article des affirmations qui ne cadrent guère avec les résultats ultérieurement acquis. Il m’a semblé qu’il y avait un certain avantage à faire passer le lecteur par le chemin que j’ai moi‐même parcouru. J’étais en effet loin de soupçonner, au début de mes recherches, jusqu’où elles allaient me conduire. Ma manière de voir s’est modifiée à mesure que de nouveaux moyens d’information ont été mis à ma disposition, et je suis finalement arrivé à des conclusions dont l’importance, — je dirais volontiers la gravité, — n’échappera à aucun arménisant.

Il y a deux ans, lorsque j’écrivais mon essai sur Moïse de Khoren et les généalogies patriarcales, je croyais encore, après une étude sérieuse du problème, pouvoir fixer entre 460 et 480 l’époque de la composition de l’Histoire d’Arménie. C’était à peu près l’opinion traditionnelle. Peu de temps après, je reconnus dans cet ouvrage la traduction littérale d’un passage emprunté à la Vie de S. Silvestre, dont la version grecque date des dernières années du Ve siècle ou des premières du VIe. Il ne me fut donc plus permis, à partir de ce moment, de regarder Moïse de Khoren comme un auteur du Ve siècle. Mais je m’étais trompé en admettant que Moïse avait traduit du grec le passage en question. J’eus bientôt l’occasion de constater qu’il s’était borné à transcrire une version arménienne déjà existante de ce même document. La composition de l’Histoire d’Arménie descendait donc de plein droit de quelques années de plus dans le VIe siècle.

Je ne devais pas m’arrêter là. Cette version arménienne de la Vie de S. Silvestre se trouvait en tête des manuscrits d’une traduction arménienne de l’Histoire ecclésiastique de Socrate, datée elle-même des dernières années du VIIe siècle. Je croyais si peu qu’il fût possible d’abaisser jusqu’à cette date la composition de l’Histoire d’Arménie, que je négligeai d’étudier l’Histoire de Socrate, lorsque j’en avais, à Venise, le manuscrit entre les mains ; je ne m’occupai que delà Vie de S. Silvestre. Plus tard seulement quelques indices me donnèrent lieu de supposer que Moïse de Khoren avait dû utiliser en même temps les deux écrits, et l’étude de plusieurs passages importants de Socrate, obligeamment communiqués par le P. N. Sarkisian, confirma pleinement mon hypothèse. La traduction arménienne de Socrate devant maintenant être rangée au nombre des sources de Moïse de Ehoren, la date de cette traduction emporte nécessairement avec elle celle de la composition de l’Histoire d’Arménie, qui ne peut être antérieure au VIIIe siècle.

Les divers articles reproduits dans le présent opuscule sont consacrés à exposer les phases successives de mes recherches.

Le dernier, Moïse de Khoren et l’origine des Parthes, bien que tout à fait indépendant de ceux qui le précédent, n’en appartient pas moins au même ordre d’investigations. C’est également un chapitre de la critique des sources de Moïse de Khoren.

A. C.
Paris, le 10 Mai 1893.
Nouvelles sources
de Moïse de Khoren.
I.

On a déjà beaucoup écrit sur les sources dont s’est servi Moïse de Khoren, et cependant la question est loin d’être épuisée. Il y aurait même un grand intérêt à reprendre de nouveau tout ce qui a été fait. Ce n’est pas ce que nous voulons essayer aujourd’hui. Laissant de côté ce qui a été dit jusqu’à présent, notre but est d’attirer l’attention des arménisants sur toute une classe de documents jusqu’ici trop négligés, et qui nous paraissent avoir été utilisés par Moïse de Khoren beaucoup plus qu’il ne semble au premier abord. Nous voulons parler des documents hagiographiques, Vies de saints, Actes de martyrs, etc., dont nous allons montrer par un exemple décisif que Moïse a fait usage, et où il faudrait probablement chercher l’origine d’un grand nombre des erreurs qu’il commet sur l’histoire romaine.

Le chap. 83 du livre II, par exemple, nous montre un historien bien mal informé. Il n’y a pas un mot d’exact dans ce qui est dit du mariage de Constantin avec Maximina, fille de Dioclétien, et les circonstances dans lesquelles se serait accomplie la conversion de cet empereur au christianisme, non-seulement sont en contradiction complète avec tout ce que nous savons d’ailleurs, mais encore trahissent un caractère légendaire évident. Les sources d’information de Moïse étaient donc défectueuses. Or, pour une partie du moins de ce chap. 83, nous avons découvert le document qu’il avait sous les yeux. Que Ton compare son récit avec l’original grec que nous mettons en regard, et on n*hésitera nullement à reconnaître que le texte arménien est tantôt littéralement traduit, tantôt abrégé du grec.

��KcovaravzTvoç toIvvv Ma ^ifjLtvav xriv AioxXrjxiavov

xov ^aaiXécûç ûvyatsQa exov

yvvaXxa, ^

xai noAAovç

xmv XgiOTiavœv àveXcov, sks (pavxixfj Xéjtga xaû^* ôXov

xov acôjLiaxoç jiXriyelç èxgav TOVXCO 0711] vixa oî fÂOLyoi oi Xeyojnevoi ’AqIoXoi, xai oî èjtdoiôoif xal oi Maçaixol taxçol, ov fiTjv àXXà xai oî ex IIeqaidoç àx’&ivxeç êfiJteiQOi xfjç îaxQixrjç èjiiaxij/ÂTjç, ovôev tjôvvrj’&Tjaav avjLtfiaXéo’&at avx(p’àvB<pàvr}aav ôé xiveg îeQeîç xov KojiexœXiov Xéyovxeç’’OqpsiXsi ysvéo’&ai x6Xv[fji]fioç, rjyovv xoXvfÀfii^ÛQa èv x<p KajiexœXicp, xal nXriQcoûrjvai avxrjv àcp^ogœv Ttatôlœv ai/Liaxog, èv cp ^éovxi èxî xal (oaavsl xajtvîCovxi Xovaâftevov^ avxov ôvvtjé^vai xaûaQiaêrjvat. … * Ajti^vxTjaav avx^ aï fiTjxéQsç… xœxvxovç xal

��a-MÊihu t^tFnirai.ni, hi— aptu. anuilù iiJfuijlêUiÊ^ /îi^fi’i » hnh.m ^iaêiiiLUiLiu%p.npnutuL.p-lêtMiilfk putn BLUinp pisùutitriui iflup »,

fu » ’i » n.q%nt.p huiitiê t fi "p * » } Latputffp’h puL-J-ti aupfinqut ». biuL Luf[uutpif^ait ht— liiuppat^

inhaua uêiu ^pii.uiut um.ui^ JtffÊ’itilus n.pLfS’u p ^iupupiu ht— f$ ^’itn.Liua ( uiuùtafjit ht.

» fuÊ%a fi n.pLiua [upiMiinnL^ ^p utiltuj tffplb

uuiqJaLp-pÊAt uinuifng qÊr^

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Êuphioilp

/nÊ.tu’istui ht. nnfutitMUij^

npiu ÊnL.hutÊ aituflu-ït Juiu^

�� � àXaXayfiovç àcpisTaai . . . ^uiitJuiJfi^ , t^[3-tughuii_ dlup^ xai (piXâv^QWJzov 7}'d'oç àva- if.uiuf'phiutj, t^ntfutpê fi

��Xa^iov .... JIqoxqIvcov rfjg i/u>pffni.fflrMui_ ^u/u qb^p^ èfiavTov vyieiaç xrjv rœv ctç?- ifip^nM.f9'/iiJh »

��d'OQfov naiôicûv acorrjgiav. TavTfj xolvvv zfj vvxxî ôji-

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��raaiav 0^9, èv fj è<pdvf]oav pk^'i» jl^uinnuf^ nj irL^ntJiip , avT^ 01 âyioi àjioaroXoi Xé- juttip^utlfUiXi uthunup-fiLHê yovxeç' 'HfieXç èojukv Ilé- iQOç xai UavXoç ot jcsfjL- (p'&évxsç Ttaçà xov Ssov ôov- vai aoi ocoxrjQiag avfifioXov,

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��upppÊ inL.iuaJuiJpL Ifhuuui^

ïva 7léfJL\pr}Ç TZQOÇ 2iXpS- Wbqphumpnuli Ifi^ftu^nttittu/i

oxQov XOV èmoxojiov, ôg, xov ^«-f»»/«/2w/ ,

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iIuin.oin na. unLUUêuf^ -P *l

J^a.uMlô-ui'ba.ltnnu t ,

Le doute n'est pas possible sur la relation à établir entre les deux textes. Non seulement Tensemble du récit est identique, mais encore la concordance de certains termes ne permet pas d'hésiter. Les mots «#^^«^««j«fîr et J^p^u^iru/i,^ sur lesquels on a tant discuté, sont maintenant définitivement expliqués, par le grec âpcoXoç etfxapatxôç. Il y a plus l'arménien /> U"/'"'^"'^^' i^MUiLiA correspond au grec èv rq) lopaTznv^^ opsc; or plusieurs manuscrits de Moïse portent \}»pw^'*»P*i' au lieu de Wr^'i»'/'»'^' qui est une correction; la traduction syriaque du même texte grec a ^oj^^f»

Les mots àpioXoç et papatxôç nous per- mettent déjà de croire que le texte auquel ils

��* L'original latin porte Syraptis.

�� � soDt empruntés provient d'un original latin. En effet, le document que nous avons transcrit est une partie de la Vita beati Silvestri Romae episcopi, écrite d'abord en latin, puis traduite en grec et publiée sous cette forme dans le recueil de CombelSs, lUnstrinm Christi martyrum lecti triumphi, Parisiis, 1660, in 8% p. 258 sv.

Ce fait d'un emprunt de Moïse de Khoren à la Vita Silvestri (ou Acta Silvestri) est d'une grande importance au point de vue de la date de la composition de son histoire. D'après les savantes recherches de mon éminent collègue M. Tabbé Duchcsne (Le Liber ponti- ficalis, texte, iutroduction et commentaire, t. I, p. CIX et sv.), la rédaction du texte latin de la Vita Silvestri ne peut pas être antérieure aux dernières années du V® siècle; la traduction grecque daterait donc au plus tôt des premières années du VI® siècle. Il faudrait alors abandonner la date traditionnelle et faire descendre la composition de l'Histoire d'Armé- nie jusqu'au VI® siècle. Nous ne , pouvons songer à une interpolation du morceau qui trahit trop bien la manière et le style de Moïse de Khoren.

Le chap. 88 du livre II contient également des erreurs historiques qui s'expliquent par des emprunts faits à une autre source hagiogra- phique, les Actes de S. Basilée d'Amasie (chez Surins) ^ C'est là que l'historien arménien aurait pris que Liciuius était un subordonné de Constantin, ce qui est inexact; que S. Basilée

��icf. Goerres, Krit. Untersuchnngenûber die Licinianische Christenverfolgnng. Jena, 1875.

�� � avait subi le martyre à Toccasion des faits relatés dans la légende de sainte Glapbyra; que Licinius avait été exilé en Oaule, etc. Malheureusement les Acta Basilei ne nous ont été transmis que dans une traduction latine assez récente, et le texte grec, à ma connaissance du moins, n'a pas encore été publié^ Ils n'ont été l'objet d'aucune recherche critique qui per- mette de fixer la date de la première com- position, et ne peuvent donc nous être d'aucune utilité pour la détermination de la date de Moïse de Ehoren. Mais ce qu'il faut repousser absolument, Test l'hypothèse de Goerres, d'après laquelle le livre de Moïse aurait ser?i de source au rédacteur des Actes de S. Basilée d'Amasie. Je répète en terminant ce que j'ai déjà dit. Je n'ai eu nullement la prétention de traiter à fond toutes les difficultés qui peuvent être soulevées par les rapprochements que je viens de mettre sous les yeux du lecteur. Je le ferai peut-être un jour. Mais aujourd'hui mon ambition se borne à poser nettement la ques- tion. Je serais heureux si je pouvais attirer d'autres arménisants sur une voie qui promet de conduire à des résultats fructueux.

Paris, le 11 juillet 1892.

��^ [Le lecteur verra plus loin combien j*étais alors mal informé. J^écrivais après ane lecture rapide da livre de Goerres qai ne cite les Aotes de S. Basilée qae d'après le latin de Sarinf. J*en avais concln que le texte grec n'était pas imprimé. C'est une savante lettre dn P. J. Dashian qui m'a révélé mon erreur et fait connaître la pnblication de ce texte dans les Acta Sanctornm.]

��� � Appendice.

��Pour ceux de nos lecteurs qai ne lisent pas rarménicn, noas avons cra devoir ajuater.ici une traduction française de la plus grande partie du chapitre 83. Les phrases entre crochets [ ] sont celleb dont le ttxte arménien est reproduit plus haut.

Dans le même temps, à Nicomédie, eat lieu le mariage de Maximina, fille de Dioclétien, avec le césar CoDstantin, fils de Constance % empereur de Rome. Constantin n’était pas né de la fille de Maximien, mais de la courtisane Hélène… Constance étant mort quelques années plus tard, Dioclétien envoie pour lui succéder son fils, Constantin qu’il avait adopté.

Constantin avant son règne et lorsqu’il n’était que césar, vaincu dans une bataille et s*abandonnant au sommeil à force de tristesse, vit en songe une croix d’étoiles dans le ciel, avec une inscription à Tentour qui dirait : « Triomphe avec elle ! » Constantin, arborant aussitôt ce signe en tête de son armée, remporta la victoire ; [mais entraîné dans la suite par sa femme Maximina, fille de Dioclétien, il suscita des persécutions contre TÉglise et

��1 Proprement „flls do Cost « { » Ptl » l| « a « fi « /). On verra plus loin pourquoi Moïse emploie ici cette forme insolite du nom de Constance. Quatre lignes plus bas il donne la forme ordinaire, linumutinf. (gén. l| » vOT(Mlr. 7^" ? /’Agathang( », Tiflis, p. 499 ; Venise, p. 642) à luoins que ce ne soit là une correction de scribe.

�� � fit an grand nombre de martyrs. Constantin, bientôt attaqué de la lèpre snr tont le corps, en punition de son orgueil, ne pouvait obtenir sa guérison ni des devins, ni des médecins marses. C'est pourquoi il s'adressa à Tiridate pour lui demander des médecins perses et in- diens, qui ne parvinrent pas à le guérir. Quel- ques prêtres païens, excités par les démons, lui conseillèrent d'immoler dans un bassin beaucoup de jeunes enfants, et de se baigner dans leur sang encore chaud, pour recouvrer la santé. Constantin, entendant les vagissements des enfants, les lamentations de leurs mères, mû par un sentiment de pitié et d'humanité, préféra leur salut à sa propre conservation. Alors il reçut de Dieu sa récompense, car, dans un songe, Tordre lui vint des apôtres de se purifier et de se laver dans la piscine de vie par les mains de Silvestre, évêque de Rome, qui, fuyant ses persécutions, s'était retiré sur le mont Soracte. Instruit par ce pontife, l'empereur crut en Dieu, qui fit disparaître de devant lui tous ses compétiteurs, comme te l'ap- prend Âgathange en peu de mots].

(Traduction deLanglois, Collection des historiens anciens et modernes de l'Ar- ménie, t. Il, p. 123.)

�� � n

��Le premier article que j'ai consacré il y a quelques mois* aux sources hagiogra- phiques de Moïse de Ehoreu paraît avoir intéressé les amis des études arméniennes. Il m*a valu des encouragements et des té- moignages de sympathie qui ont été pour moi d'un grand prix. Il m'a attiré naturellement aussi quelques contradictions, entre autres un savant et très-bienveillant article du Dr. Baro- nian dans le dernier numéro du Hantëss< Le but des ligues qui suivent est de répondre à M. Baronian. Seulement, je lui demanderai tout d'abord la permission de ne pas m'en tenir à la méthode ordinaire, qui consisterait à combattre Tun après l'autre ses arguments, en essayant de montrer qu'ils ne peuvent préva- loir contre les miens. Comme je vais apporter dans le débat des faits nouveaux, que M.Ba- ronian ne connaissait pas lorsqu'il a écrit son ar- ticle, nne pareille méthode entraînerait beaucoup de paroles inutiles et une grande perte de temps. Il me semble donc préférable de me borner à exposer, le plus simplement et le plus claire- ment que je pourrai, les faits nouveaux aux- quels je viens de faire allusion. Il en ressor- tira, à mon avis du moins, une réponse. beau- coup plus complète en soi, beaucoup plus dé- isisive pour le lecteur, que celle que j'aurais pu tirer des procédés habituels de discussion.

��1 ^ui^^k", Août 1892, p. 251.

�� � Sur un seul point M. Baronian ne rece- vra pas satisfaction. Nous traitons actuellement la question des Sources de l'Histoire d^Arménie de Moïse de Khoron, et des ré- sultats obtenus par cette étude nous avons le droit de tirer certaines conclusions. Nous ne pouvons pas mêler au débat des questions de chronologie relatives à la vie de l'auteur, sur- tout lorsque les renseigoements que nous possédons à cet égard sont loin d'être précis, et proviennent en grande partie d'auteurs aussi récents que Thomas Artzrouni (X®°*® siècle) ou Samuel d'Ani (XIP*"® siècle). Une telle discussion serait certainement d'un haut in- térêt, mais elle nous entraînerait trop loin de notre sujet actuel. M. Baronian me pardonnera de la laisser de côté pour le moment.

Revenons donc à la Vit a Silvestri considérée par nous comme une des sources de l'Histoire de Moïse de Khoren.

Peu de jours après la publication de mon premier article, une lettre de M. Norayr m'apprenait qu'il existait une traduction ar- ménienne de la Vit a Silvestri, et que cette traduction se trouvait en tête des ma- nuscrits de la version arménienne de l'histo- rien Socrate. Mon savant correspondant ajoutait même que cette traduction était mentionnée dans la liste d'auteurs arméniens que contient la préface du Grand Dictionnaire de Venise^. J'ouvris immédiatement le Dic- tionnaire et constatai, à ma grande surprise, que les rapports entre la Vit a Silvestri

�� � arménieDDe et Muise de Ehoren y étaient déjà signalés, sans que l'auteur parût du reste attacher à ce fait une importance quelconque.

Dès ce moment, mes études m'ayant conduit à penser que Tauteur de THistoire d'Arménie s'était surtout servi de sources arméniennes, je commençai à soupçonner que Moïse de Khoren pouvait bien avoir eu sous les yeux la version arménienne de la V i t a Silvestri. J'étais naturellement fort désireux d'en connaître le texte, mais les manuscrits de Socrate ne se trouvent pas partout, et, pour satis- faire ma curiosité, j'ai dû attendre la visite que j'ai eu le plaisir de faire aux RR. PP. Méchitharistes de Venise, vers le milieu du mois d'octobre dernier.

Les RR. PP. de Saint-Lazare ont mis à ma disposition leur bibliothèque avec un empressement et une libéralité dont je tiens à leur exprimer ici publiquement toute ma gratitude. Quelques heures après mon arrivée, je me trouvais en face de quatre manuscrits de Socrate (N°« 693, 738, 767, 781), tous commençant par la Vita Silvestri au des- sous du titre: ^nuu,Jht.p-i,ub i^uI^j,umu„uj etc. Un rapide examen me permit de constater que je m'étais trompé en donnant la version grecque de la V i t a Silvestri comme source de Moïse de Khoren, qui s'est servi, à n'en pas douter, de la traduction arménienne. Nous allons mettre en regard les deux textes, en remplaçant le grec de notre premier article par l'arménien qui se trouve dans les manuscrits de Socrate, et nous croyons que la comparaison sera de

��1 Cf. [Karékia]^ Catalogue des anciennes traductions arméniennes. Venise, 1889. p. 694.

�� � nature à emporter les convictions les plus re- belles* surfont si le lecteur reut bien prendre la peine de jeter de nouveau un coup d'œil sur le grec.

M. de Ehoren. Vie de S. Silvestre (trad.

JL, 83. arménienne).*

am§tuf3^ êrmitfp puut /■<'M*/> A^** pfpif'mt.P'paAt a/im^tp tttÊÊp^ i^mt/kiÊi/ UtupSUmA MfayMf^M». a^lr fi-ut^tÊtt^np^'h XjmmttfUfit^ %êrmmi»^ Juimlk jtwlt^flr*!.*. ^^latlri»*^ iÊ0mau^ui%^p» » . •

A'P "L k'^P'^ab'^ pmuifki^ ilmmh mpy mpmfilfmhi f«*. auppmmtÊÊ^mfii ^êufutÊÊp^^^ Ire A'T7'<^ ^'- «■'l*^"**^^^'»^ JêÊÊpfÊu^kui% p-i^l»lk»^' F'^l'ZJf'fi "t. k'^PVfi^ a»«->

��^mipaPjj Irt. ^ 4,%^f «»^ . ««- 4<>7»9'

��* Texte du man. Nr. 69S, Xlle. siècle. Les ma- nuscrits de Socrate sont en général très-imparfaits et la transcription des noms propres y est déplorable. En voici quelques exemples empruntés au Nr. 693: p. 7, f>

u»m»pmm1ê f, ^p^tV^Ê , èv TaQJtsic^ OQSl ; p. 8, ^■W|t^^aw1b«v ,

TaQHVivoç ; p. 5. m»%»nu%p%nu t EvcfQoovvoç, ctc.

  • xympufi'huiku t corruption de xp-t^u^J^'hÊU (Khor.,

latin, grec, syriaque).

  • CL/fi»///fraw^ — OLQtokot; 767 1 781. •M|v^»«aw^aw1b* 11.

pftmqm»^m»% dc Khon vaut mieux. Le texte primitif est probablement u*p(inqk»u%, Paris, Bibl. nat. Nr. 44 (Xlle. siècle), f. 455 v.

le mot est devenu méconnaissable. Toutes les éd. de M* de Kh. ont i/Mt/t^«f ^frt»ir ; mais la vraie forme »nupÊf(,^kmMt, a été conservée entre autres par le man. 44 de Paris et le man. de Leipzig.

  • ^*"j-B est évidemment une altération de z^i^liiug

conservé par M. de Kh.

�� � trglA J'iribg '^V^l-ê 'é^'"'L

^Hi^i ^fiuuiuquiitu ir*^ fkpJ* imi^igtinaii 9j^P^ tÊ0ptimaQi

utiLM^ ^Mftrcwf luuirfiiit • • • mqfutiituf, apy /mukui/_ ii/m^ k^SrtÊtg_ UÊ^utp^fii» ku (t^^ êtlupiÊiê LaÊÊÙigB^dtattlpn I • • kuÊi f9-tÊÊti.UÊ»^app'it ...

Il est d'autant plus inutile de poursuivre la coufrontation jusqu'à la fin du chapitre de Moïse de Kboreu, que celui-ci* résume en huit ligues le contenu de huit grandes pages du manuscrit. Les passages cités suffisent large- ment pour justifier nue première conclusion : Moïsede Khoren a utilisé layersion arménienne de la Vita Sllvestri.

Nous allons maintenant faire un pas de plus. Dans notre premier article, nous nous sommes borné à signaler en termes généraux le caractère peu historique et légendaire du chap. II, 83. L'histoire de Constantin, telle qu'elle s'y trouve racontée, n'offre rien * de commun avec ce que nous savons par les do- cuments les plus authentiques et les plus dignes de foi. Le lecteur va pouvoir en jnger.

1° Constantin est né d'une cour- tisane (<Y'"«->'AJ), ce qui n'est admis aujour- d'hui par aucun historien.

2^ Constantin, déjà César, épouse du vivant de son père Con- stance Chlore, roi deRome, la fille de Dioclétien. Or Constantin ne fut

�� � proclamé César qu'après la mort de Constance Chlore (25 juillet 306), qui régnait dans les Gaules et non pas à Borne. Il n'a jamais épousé la fille de Dioclétien, mais bien Fausta, fille de Maximien, en 307, c'est-à-dire un an après la mort de son père. Ce mariage fut célébré à Arles, dans les Oaules, et non pas à Nico- médie.

3° Au moment où Constantin apprend la mort de son père, il est encore à Nicomédie, près de Dio- clétien. Nous savons cependant que Dioclé- tien avait abdi(][ué (1^*^ mai 305) et s'était retiré à Salone, un an avant la mort de Constance Chlore. De plus, il est certain que Constantin se trouvait auprès de son père, lorsque celui-ci mourut à York, dans la Grande Bretagne.

4® Constantin vit la croix mira- culeuse lorsqu'il était déjà César, mais ne régnait pas encore, c'est-à-dire, avant la mort de Constance Chlore. Il est universellement admis, au contraire, que lo prodige eut lieu pendant que Constantin allait combattre Maxence, peu de temps avant la bataille du Pont Milvius (28 octobre 312), plus de six ans après la mort de Constance.

5® Constantin empereur, ayant persécuté les chrétiens, en fut puni par une maladie que S. Silvestre guérit par le b a p t ê m e. Or, il est constant qu'après l'apparition de la croix, Constantin ne cessa de favoriser les chrétiens. Seulement il ne se mai 337), et par Eusèbe de Nicomédie.

Il ne reste donc pas une ligne debout (lu récit de Moïse de Khoren, et il serait

�� � vraiment cruel d'imputer à uq historien une telle masse d'inexactitudes. Aussi avions-nous dit dans notre premier article qu'il avait dû recourir à une source d'information défectueuse. C'était alors de notre part une simple supposi- tion, bien fondée du reste, car cette source d'information, nous l'avons découverte: elle est là devant nous, remplissant six grandes pages d'un manuscrit arménien. Moïse de Ehoren y a pris tous les faits, je veux dire toutes les erreurs, qui remplissent le ch. II, 83 ; il en a adopté la chronologie singulière; il lui a même emprunté quelques expressions carac- téristiques. La place nous manque pour repro- duire en entier le document, mais nous allons en donner un résumé fidèle qui permettra au lecteur de porter un jugement en connaissance de cause.

CoDStaatin naqait des amoars d'are unit de Cost (i^nuan gnppp.uL.'ii Btê- iuiM.pÊUÊ(usp) avcc Une fille («"7£^At) trouvée dans une auberge («y«»^7^"$)» Cost, qui revenait de la guerre des Sarmates^ continue son chemin, arrive à Rome, y devient roi et épouse la fille du roi Maximianos (^c

h%p% tAtum q^têAuiuiutp^ f"-P* ^'- ^'woitMf/ p ^lunai*» /3-utq.uii.aplFui'u pLUMiana^aT lâv. hpifuirÊfi ipaun.i$tM^^ tu. uitt. pt-p 1^1*^ an.at.uutp \Pig0aupJpiÊtituup(S-utq.utt.apfi\

dont il a un fils dénué d'intelligence et incapable de lui succéder. Il fait alors chercher dans tout l'empire un enfant qu'il pourrait adopter, et ses émissaires prennent logement dans Tauberge où Hélène se trouvait encore avec son fils Constantin, dont elle est en mesure de prouver l'origine royale. L'enfant est immédiatement ramené à Rome, reçu avec joie par Cost qui le fait élever et bientôt le proclame César.

La guerre ayant éclaté entre les Romains et les Byzantins, Cost envoie contre ces derniers son fils Constantin. Celui-ci est battu et, très-em- barrassé sur le parti à prendre, il s'endort plongé

�� � dans la tristesse (-•/•«•l^a»/ X^fkp*) Il voit en songe nne croix formée par des étoiles, et est invité à faire porter ce signe devant ses soldats^ avec promesse qn^il sera tonjoars victorieux (b*-

«tA-MMflr^ /r tmkitfkiatiÊ f^^f^^* i(lrp%UÊif.ftp tÊÊmmirm,

M»&^«*f ((^^ A^L tMÊJÊrltiêffii i/iuptnfig i) i II obéit, et anéantit tons ses adversaires grâce an signe de la croix.

Dioclétien. émn par le brait des exploits de Constantin César, Ini donne en miiriage sa fille nniqae Maxiutés (• . . i^fr««j/«»^wi.^ii»l»âr/r_ i^u» p tf-ni-uinp fiup ir««^<f^ifin^<» .) et comblo d'honnenrs celni qai est ainsi devenn son fils adoptif (itc

AUV^MLi/* ifnun-iaÊuo M-hutptrtê»m qi»pq.fnumSrtm/ii /rt.^V

Bientôt après les noces, arrive la nonvelle de la mort de Cost: Constantin part ponr Rome avec sa femme et son armée, et y devient roi à la place de son père {t*~ p-utq.uit.nplïutg ipnfutiîiiÊMÊ^ ^iULp fn,pm p ^«.jmT). Il obtient d'abord de grands succès, grâce an signe de la croix qai Ini était

apparu (ïv/CM^wt. fuiu^^'h np kpin-trautu Tbtiîatjt |\w#a • • • V

Cette légende sera des plas intéressantes à étudier et à comparer avec d'autres, lorsque le texte entier en aura été publié*. Nous sortirions aujourd'hui de notre sujet en émettant la moindre opinion. Moïse de Khoren nous en a donné un extrait : c'est tout ce que nous voulons constater.

��^ Le texte de ce passage me pariât demander quelques corrections.

' La naissance de Constantin eî't racontée à peu près de la même manière dans le man. no. 46, t. II, de la Bibl. nat, fol. 25 vo, ainsi qoe dans le QuMfudtÊtuuLp^ imprimé ^ Constantinople en 1733. p. 578 {irJ^^p), — L'ensemble de la légende offre quel- ques points de contact avec celle qu*a publiée £. Hey- denreich sous le titre de Incerti auctoris de Con- stantino magno eiusque matre Helena 11- b e 1 1 u s. Lipsiae, Teubner, 1879.

�� � Le lecteur attentif aura déjà deviné la proyenanee du document. Le mot Max in tés* lui aura rappelé les manuscrits de Soerate; et c'est en effet dans la version arménienne de la Yita Silvestri que nous l'aions trouvé : il y est placé entre l'histoire du dragon et le récit de la maladie de Constantin, auquel il sert d'introduction. Il se continue sans inter- ruption par le fragment que nous avons donné plus haut dans les deux textes: «Mais, entraîné

par sa femme», etc. {^'v& ^/•—-t'^r^-'iL A V^'^

Ik* • •)• Un fait bien singulier, mais aussi bien important, c'est que cette légende de Constantin ne se rencontre que dans la traduction armé- nienne de la Yita Silvestri: les textes latin, grec et syriaque n'en offrent pas trace. Elle a donc été introduite dans le texte armé- nien, soit par le traducteur lui-même, soit plus tard par une aatre personne; dans tous les cas elle y constitue une interpolation, et nous avons maintenant le droit de compléter notre première ccmclnsion par une seconde que nous formulerons en ces termes: Moïse de Khoren a utilisé la version armé- nienne de la Vita Silveslri, alors qu^elle était déjà interpolée.

Mes contradict^nrs voiidront bien recon* naître que ces résultats sont loin d'infirmer les conséquences que j'avais eru pouvoir tirer de mes premières recherches, en ce qui concerne la date de la composition de l'Histoire d'Arménie. La traduction arménienne de la Vita Silvestri, étant basée sur le text e

��1 C'est plutôt an nom d'homme, M a x e n c e, cf. Yartan, Hist. nniv. Venise, 1862, p. 41.

S

�� � grec, doit être regardée comme postérieure à celui-ci de quelques années au moins, et par conséquent le livre de Moïse de Khoren rajeuni d'autant. Nous ne voulons pas, pour le mo- ment, pougser plus loin nos déductions.

Il est probable que, de Fétude de ces sources, nous pourrons tirer ultérieurement des renseignements encore plus précis sur l'œuvre de Moïse de Khoren. Mais auparavant il y a un important travail critique à entreprendre et à mener à bonne fin. Voici quel est aujourd'hui Tétat de la question:

1^ La traduction arménienne de la Vie de S. Silvestre et celle de 1' Histoire ecclésiastique de Socrate semblent avoir été réunies, sinon par le traducteur lui-même, du moins de très-bonne heure. Les quatre maâuscrits de Venise, les seuls que j'aie vus, comprennent les deux ouvrages. Kirakos de Oandzak < nous dit que Tbistorien Socrate commence en parlant de S. Silvestre, pontife de Rome, et de Constantin, et qu'il poursuit son récit jusqu'au temps de Théodose IL

2^ La date de la traduction arménienne de Socrate est donnée par Asolik qui l'attribue à Philon de Tirak, contemporain du catholicos Anastase ^ (661 à 667). Une date un peu plus tardive résulte de la souscription du livre par le traducteur lui-même, qui déclare avoir entre- pris son travail sur la demande de Nersèh Kamsarakan, patrice d'Arménie ^ (690 à 692;.

» Venise, 1865, p. 2. « Ed. de St-Pétersbonrg, 1885, p. 99. A [Karékin], Catalogne des anciennes traductions arméniennes, p. 696.

�� � Tchamtchian ^ ajoute que Philon de Tirak a introduit dans sa traduction beaucoup d'addi- tions et d'interpolations qu'il fait passer pour être l'œuvre de Socrate.

Une enquête scientifique rigoureuse mo- difiera sans doute Tétat de nos connaissances. Déjà le R. P. Earékin signale Tezistence à Jé- rusalem d'un manuscrit de Socrate qui nous offre une traduction probablement plus ancienne, en tous cas plus exacte, que celle contenue dans les manuscrits de Venise.* Ces derniers nous donneraient-ils un texte révisé, peut-être altéré, qui serait Tœuvre de Philon de Tirak? C'est ce que Texamen critique nous révélera facilement.

Mais avant tout il faut que les textes soient publiés. £t nous croyons être l'interprète de tous ceux qui cultivent les lettres armé- niennes en priant le vénérable Patriarcat de Jérusalem et les BR. PP. Méchitbaristes de Ve- nise de ne pas nous faire attendre trop long- temps des documents dont nous pensons avoir fait ressortir la haute valeur.

Paris, le 20 Novembre 1892.

��i T. Il, p. 375. 2 L. c , p. 697.

��o« 

�� � III. du livre II la notice sur Tempereur Constantin qu'il a commencée au chapitre 83. Comme pour marquer que les deux morceaux, malgré les quatre chapitres qui les séparent, sont dans la pensée de Fauteur intimement liés, le second débute par la même phrase qui a servi à clore

le premier (^ fLUÊiAuê[U ^uanui.^nj ^m.^t$iunpu%

Le chapitre 88, pris dans son ensemble, est moins contraire à la vérité historique que le chapitre 83. Il contient cependant, ainsi que nous allons le voir, des erreurs fort graves, de nature à nous faire supposer que Thistorien suivait des sources peu dignes de foi.

Trois de ces données inexactes ont déjà été relevées dans notre premier article^ Nous les signalons de nouveau ici:

I. Licinius est regardé comme le sub- ordonné, le vassal de Constantin, tandis que, en réalité, il était tout à fait indépendant de celui-ci.

II. Saint Basilée d'Âmasie a subi le mar- tyre à l'occasion des faits relatés dans la légende de sainte Glaphyra, qui ne peut être historique.

III. Licinius, après sa défaite, fut exilé en Gaule. Nous savons au contraire de source certaine qu'il avait été relégué à Thessalonique, où il fut mis à mort peu de temps après.

Nous écrivions alors sans avoir eu le loisir de recourir aux textes, et ne faisions guère

  • Voir ci- dessus, p. 4 sv.

�� � que résnmer quelques pages de rintéressant travail du Dr. Fr. Ooerres sur la persécution de Licinius.^ Seulement, au lieu de regarder avec le savant allemand Moïse de Khoren comme la source des Acta S. Basil ei,* où se re- trouvent les erreurs que nous venons d'énu- mérer, nous renversions les termes du problème et déclarions que l'historien arménien avait au contraire fait des emprunts à ce même docu- ment. Aujourd'hui, après une étude minutieuse du chapitre 11,88 de THistoire d'Arménie et des Acta, nous ne pouvons que persévérer dans notre opinion, en y apportant toutefois quelques légers changements, et nous espérons être en mesure de faire passer notre conviction dans Tesprit du lecteur. C*est ce que nous allons tenter en examinant successivement chacune des affirmations inexactes de Moïse de Khoren.

I. «Lorsque Dieu eut fait disparaître de devant Constantin tous les tyrans [c. à d. ses compétiteurs], celui-ci éleva à de grands hon- neurs Licinius, lui donna en mariage sa sœur de père, et lui conféra la pourpre et le dia- dème de césar, en le faisant monter au second rang et en mettant tout TOrient sous sa sou- veraineté.» Tel est Texposé que nous fait Moïse de Khoren de la situation de Licinius vis-à- vis de Constantin. Il n'est guère facile de tra- cer un tableau moins conforme à la réalité

��1 Eritische Untersncliniigen nber die Licinia- nûclie Christenverfolgnng. Jena, 1875, p. 115 sv.

s Acta Sanctorum, Aprilis T. III, p. 422 sv. et p. XLII 8V.

�� � historique. On en jugera par un rdsumé fort succinct des cvéuemeuts.

Licinius fut proclamé Auguste par Galère en 307, avec le second rang dans Tempire (après Galère). Constantin, qui était César de- puis la mort de son père (306), ne reçut de Galère le titre d^Auguste qu'un an après Lici- nius, en 308. Galère mourut en 311. L'année suivante Constantin vainquit Maxence et joignit à ses états Htalie et TAfrique. En 313 Li- cinius se rencontra à Milan avec Constantin, dont il épousa la sœur Constantia. Cette même année, ayant été attaqué à Timproviste par Maximin, Auguste de TOrieut, Licinius le battit et réunit à sa part de Tempire (l'IUyricum) rOrient, part de Maximin. Il n'y avait plus maintenant que deux empereurs parfaitement indépendants l'un de Tautre, mais entre les- quels la guerre ne pouvait tarder à éclater; cependant la lutte définitive entre Constantin et Licinius et la défaite de ce dernier, n'eurent lien qu'en 323.^

Licinius n'était donc en aucune manière subordonné à Constantin. Les Acta S. Basilei trahissent nn point de vue opposé. Nous y lisons en effet que Constantin convoya Lici- nius combattre Maximin.» Mais cette simple affirmation n'est pas suffisante pour que nous y reconnaissions la source de Moïse de Ehoren. Nous croyons plutôt que celui-ci avait sous les yeux l'Histoire ecclésiastique d'Ëusèbe, à laquelle il a fait de fréquents emprunts dans tout le cours du livre II, en se servant de la

��1 Cf. Daray, Histoire des Romains, VIT,

p. 13 8Y.

�� � version arm^^nieDoe. Il pouvait y lire qne «Li- cinias avait été jugé digne de recevoir le second rang après le grand empereur Constantin, d'é- pouser sa sœur et d'entrer ainsi dans son illustre famille».! Et ce qui vient confirmer notre hypothèse, c'est que Moïse de Khoren et Eusèbe se rencontrent dans l'emploi de deux expres- sions pour le moins singulières: tous les deux regardent Constantin comme le bienfaiteur (putpkt^uph^, Traveuepférrjç) de Licinius, et tous les deux, parlant des débauches de ce dernier, font deluiun vieillard («y/^*.!»/», sa/aTOYijpiuç), alors que, d'après les calculs de Valesius, il ne devait avoir que 55 ans.

IL cLicinius causa de grands ennuis à sa femme par sa passion pour la bienheureuse Olaphyra^ ce qui Tarnena à faire mourir saint Basilée,^ évéqne d'Âmasie, dans le Pont.» Une pareille phrase suppose connue la légende de sainte Glaphyra, cette suivante de Constantia, femme de Licinius, qui, pour échapper aux obsessions de Tempereur, résolut d'aller se cacher en Arménie, mais s'arrêta à Amasieoù elle vécut sous la protection de Tévêque Basilée. Licinius, ayant appris le lieu de sa retraite, ordonna de lui amener à Nicomédie la jeune fille et révêque; mais celle-ci étant morte sur ces entrefaites, Basilée seul fut conduit auprès

��1 Livre X, ch. 8. . . fiaadécoç fieydXov Konvaxav^ rivov ôevTSQeicùv ri/i^g,. èmya/ifigiag te xai avyysvsiaç r^ç àvcotÔLTco ^^icofi^oç. Il est bien regrettable que nous n*ayoD8 pas la traduction arménienne de ce fragment. On sait qne Tédiiion de Venise de THistoire ecclé- siastique est incomp'éte des dernières pages.

2 ^iêitê/iipBu , non pas ^tÊfp$êbq_,

�� � de Temperenr qai le condamna à mort et fit jeter son cadavre à la mer. Or cette légende de sainte Glaphyra ne se rencontre qne dans les Acta S. Basilei, dont nous aurons tout àTheure à apprécier la râleur. Moïse de Khoren a doDc connu et utilisé au moins un fragment de ces Actes.

III. Mais là où le rapport des deux textes devient le plus frappant, c'est lorsqu'il s'agit du châtiment infligé à Lieinius après sa défaite par Constantin. «Dieu, dit Moïse de Khoren, livra entre ses mains Liciniu9, qu'il épargna parce que c'était un vieillard et aussi son beau-frère; il le fit conduire dans les Oaules, chargé de chaînes, et mettre aux mines, afin qu'il invoquât Dieu, contre lequel il avait péché, et qui peut-être se montrerait miséricordieux envers lui.»^ D'autre part nous lisons dans les Actes de saint Basilée: cAprès l'avoir châtié presque jusqu'à le faire mourir, Con- stantin envoya Lieinius habiter dans les Oaules, dépouillé de toute autorité royale. Il ne le fit pas mourir en effet, bien qu'il eût mérité mille morts, parce qu'il était son beau-frère; mais il lui dit devant tout le sénat : Pleure tes fautes, repens-toi des crimes que tu as osé commettre; fais le bien sans te relâcher jamais, et peut- être Dieu te sera-t-il propice et miséricordieux.»*

kuÊi^ «/><f^« /t ^kpuL-lbfi bâ. ft ^htumyp^ km mm%ki_ p f^mq^^mi.u ^m^^bfÀ kpi^P^P im^m%^f' I^^Lt' •»•— îî» ► f^ m^^p-kmjfk mm. ^mmmum^ mpmt^iT affrfwt. , p-kplrt^m kpimj%m^m jj^gf, «"«- ^«^ •

2 Kai oxeôov jné^Qi 'âavdrov Jiaiôevaaç avtov, àvev fiaadtxtjç xai r^ç oiaaovv àQxi9cfjç è^ovatag, sic raXXtovç avTov ànoatéXÀei xaxoixBÏv, Aià yàg to eivai

�� � La ressemblance, nous dirions volontiers ridentité des deux récits nous paraît évidente. Si quelques-uns toutefois persistaient à ne pas la voir, nous allons leur présenter un petit fait, de minime apparence, mais bien de nature à les convaincre.

Nous ne voulons pas revenir sur la grave erreur commise par les deux textes, et par eux seuls, qui consiste à faire exiler Licinius dans les Gaules. Voyons seulement en quels termes cette erreur est exprimée. Moïse de Khoren dit: ir,» ,»uA&i^/k f^uiq^n^.^. Personne n'osera prétendre que <h<»^7A«*i.i' soit un mot arménien. Or dans le texte grec correspondant des Acta nous lisons: ecç FaXkiooç ^ aurov ànoazéllet xarocxsîv, et le mot FaUiooç n'est guère plus grec que <hM#^7Ai>«.«r n'est arménien. C'est un barbarisme des mieux caractérisés, tel qu'on en rencontre assez souvent dans la littérature hagiographique. La seule présence d'un pareil mot dans les deux documents constitue une preuve absolue que l'un dérive de l'autre, et, dans le cas présent, ce n'est pas le grec qui peut provenir de l'arménien de Moïse de Khoren.*

��avTov ya/Àfiçov, ovx è&avdtcoasv avxov, tcov fivçlœv ^a- vdicûv vjtaiiiovj eîncov avxfp èm ndaijç rijç SvyxXriTùv* KXavaov xai fisiavotjoov è<p* oTç èroXfiijaaç^ xal àya^à SQya^ofxsvoç, firj êvôoajjç store ' taojç 6 Oeoç tXemç aoi xal €v/xevtjç , , . . ysvr^xai. Acta S. Basilei, % 2L.

1 Dans le texte des Acta sanctornm on lit sîç FalXtaç, mais e^est là une correction de rédltenr, qai nons prévient par nne note que Toriginal porte raXXiovç, Le seul niannscrit de Paris qni contienne les Actes de S. Basilée (Xlle siècle) a également la leçon FaXXiovç. (Gr. 1534, f. 188 vo .)

2 A la suite des A c t e s dn martyre de S. Basilée les éditeurs des Acta Sanctornm impriment nn

�� � Il résulte de ce qui précède que Fauteur de THistoire d'Arménie a mis à profit, dans le chapitre qui nous occupe, et cité une fois presque textuellement, certaines parties des Actes du martyre de saint Basilée, évêque d'AmasieJ Ce document se donne comme l'œuvre d'un prêtre nommé Jean, de Nicomédie, qui visita S. Basilée dans sa prison, et prétend nous raconter «ce qu'il a vu, entendu etappris.** Nous aurions donc là une source contemporaine et de grande autorité. Mais depuis longtemps les savants les plus compétents dans les questions d'hagiographie, comme Henri de Valois (Valesius), Pagi, Ruinart, Tillemont, etc. ont

��Panégyrique (* Eyxcofiiov) da même saint, qai n^est guère qa^ane amplification oratoire da premier document. Dans ce Panégyrique se trouve, appliquée à Licinius, la citation biblique Jérémie XIII, 23 («S'il est impossible au léopard de changer ses taches^ et au nègre de changer sa peau, etc.»). Moïse de Khoren, dans notre chapitre 88, fait le même usage du même yerset, qu'il ne cite pas d'après la Bible arménienne. Il y a certainement là plus qu'une simple coïncidence. Peut-être la citation se trouvait- elle d'abord dans les Actes utilisés par Moïse de Khoren, et en aura-t-elle disparu par suite du mauvais état d'une partie du texte. Dans tous les cas le passage est devenu, dans le Panégyrique, presque incompréhensible: 'AXX' eka'&ev, Aîûiojia a/ni^x^^t '*"* JiaQÔdkei xeXsvœv obtoâéa&ai et 1604 donnent le même texte.

1 S. Basilée subit le martyre, d'après la Chronique de S. Jérôme, la 13e année de Constantin. Cf. Eusebii Chron., éd. Maï et Zobrab, p. 396.

« "OaasteQ èwgaxa, rjxovaa xai èSiSdx^v- Acta S. Basile!, § 23. U sera peut-être utile de faire du texte des Bollandistes^ et par conséquent ne dit rien de Tauteur^ ni de la conversation thdologique qu'il aurait eue avec S. Basilée.

��I

�� � démontré que cet écrit ne pouvait être authen- tique et que sa valeur historique était pour ainsi dire nu11e« Goerres, qui s'est occupé le dernier des Acta S. Basil ei, va même jusqu'à en attribuer la rédaction au Métaphraste, c'est à dire qu'il la fait descendre jusqu'au X® siècle.* Un pareil jugement est en tout cas fort exa- géré. Si rbypôthèse que nous allons exposer maintenant vient à se vérifier, nous aurons une base pour fixer la date approximative des Actes de S. Basilée.

Nous demandons au lecteur la permission d'abandonner pour un instant la méthode rir goureuse que nous nous sommes appliqué à suivre jusqu'ici, et d'entrer dans le champ des suppositions. La seule excuse que nous puissions alléguer est que nous n'avons pas sous les yeux le Socrate arménien, et que les premiers cha- pitres du livre I manquent dans le manuscrit N^ 693 de S. Lazare, sur lequel nous avons obtenu de précieux renseignements grâce à l'obligeance du savant P. Basile Sarkisian. Nous allons essayer de suppléer à cette lacune par des conjectures auxquelles nous ne vou- lons pas donner plus d'importance qu'elles n'en ont réellement: elles seront jugées sans appel par le premier qui aura un manuscrit complet à sa disposition. Cette discussion va du reste nous donner l'occasion de placer quelques petits détails qui ne manquent pas d'intérêt.

Il nous semble assez difficile d'admettre que Moïse de Khoren se soit servi des Acta

1 Goerres, 1. o, p. 120. Nous renvoyons dn reste à cet ouvrage ponr tons les détails de la question critique.

�� � S. Basilei comme source indépendante, soit en grec, soit en arménien. S'il avait eu le document entier à sa disposition, il n'eût eer* tamement pas manqué de nous signaler Thor- rible maladie et la mort de Licinius.^ Nous aimons mieux croire qu'il a trouvé, déjà tran* scrites dans quelque autre ouvrage, les données qie nous faisons remonter aux Aeta; et pour nous cet ouvrage doit être la traduction armé* nienne de rfiist'oire ecclésiastique de Soerate, que nous avons déjà signalée comme étant fortement interpolée.'

Voici les raisons qui nous paraissent militer en faveur de Thypothèse que nous venons d'énoncer:

l^' Nous serons en mesure, à la fin de cette étude, de pouvoir affirmer que 1« Secrate arménien dont se servait Moïse de Khoren com- prenait la Vie de S. Silvestre. Or la pre* miàre moitié de la notice sur Constantin (c. 83) ayant été empruntée à ce doeoHtônt, il est bien vraisemblable que la seconde moitié (e. 88) provient aussi de la m^e source.

2® La transcription du mot Fakkiaoç en ^M«f^f/^«.<f fait pendant à celle des mots dpwko^

��1 Acta, § 21.

  • Voir ci-de^sQB, pai^e 19. — Si notre lijpatUése

se trouvait être fausse, nous eu serions quitte pour admettre quMl a existé en arménien une traduction des ActaS. Basilei. L'extrait de ces Actes qui figure datis les Ménologes arméniens^ au 26 Ayril, nous semble être un abrégé de notre texte grec actuel. Le ^MgfmdSm mi^^ imprime à Constantinoplo en 1733 ne nomme pas Tanteiir de ces Aetes; mais un mannacrit do Paris les attribue, oomme le grec, à Jean de Kioo- médie. (Man. arm. N^ 89.)

�� � et fjtapacxôç en loflinqiufiuA et J^plÊul^^u/b^^ et peut, réunie à d'autres indices, contribuer à montrer une communauté d'origine.

3<^ A cela vient s'ajouter une particularité assez curieuse* D'après le passage de Moïse de Khoren que nous avons signalé comme extrait des A et a S. Basilei, Licinius aurait été en- voyé en Gaule pour y être employé au travail des mines (7-^^/. ^ .A-»«»7«). Ce dernier détail dénote chez l'écrivain une ignorance profonde de ce qu'étaient Tempire romain et ses empe- reurs. Le texte grec n'a rien de pareil et parle seulement d'un exil. Mais, chez Moïse, cette mention de Texil dans les mines n'est pas isolée. Deux chapitres plus loin (c. 90), il nous raconte que Constantin € exila Ârius dans Us

mines > (^«- ^^oùiatl^tÊÊ^b utpamuuiêi^Jêaàiirutg ^

«Aiffi»^) ; or cette aggravation de peine remonte au Socrate arménien et ne se rencontre chez aucun autre auteur. Il dit en propres termes: «Lorsque le saint Concile eut voté les canons et que l'empereur eut exilé Ârius dans les

mines ...» (Qirat» uut^JiaJhp ^utha%f uni. pp. é-nqn^tr/lb ^ h-L tââpmtêfpu utaa^iiuAta». P^ b-Êêê% \X p[f"»k p imutaatnu p

pu,»^u»i.i,p^% ...).« On voit maintenant où Moïse a pris ce renseignement. Le texte grec de Socrate porte seulement: «Un ordre de l'empe- reur envoya en exil . . .* (BaatXêœç âk npôo- ra-fixa . . . etç è^opiav àTréaTeiÂsv). Ces différents passages nous ramènent évidemment à un seul et unique traducteur qui semble ne pas com-

  • Voir ci-dessos, p, 3.

s Je dois la commanication de ce fragment dn Socrate arméoien et des antres passages qne j*anrai l^occasion de citer, à Tinépnisabie complaisance dn P. Basile Sarkisian.

�� � r

i

prendre Texil sans le travail des mines, ot ne se demande même pas si une telle pénalité pouvait être appliquée à un empereur et si elle était employée vis-à-vis des hérétiques.*

Enfin 4^^, les chapitres qui précèdent et qui suivent notre chapitre 88 dénoient presque tous des emprunts au Soerate arménien. C'est de là que le chapitre 89 doit avoir pris les noms des Pères de Nicée, et le chapitre 90 la condamnation d'Arius à l'exil dans les mines. Noua avons déjà étudié les sources du chapitre 83, et nous estimons, fait beaucoup plus im- portant, que la source de Thistoire de sainte Nouné et de la conversion des Ibères (chapitre 86) ne peut être cherchée ailleurs qu'au cha- pitre 20 du livre I de Soerate.

Nous allons maintenant essayer de le démontrer.

��i Cf. M. de Eh. III. 33: U*" t^'P^Vd v^Mi.'^j^

nmi<^iimt%tun_ ^1»% /ê Jkmmtqu t Ici encore Moïse dépend de Soerate, V, 2. où il n^est question qae de Texil simple (. . . Toifç è^oQiaûévtag àvéxaXsi), Noas ponvons dire d'avance qa'on trouvera dans la traduction armé- nienne l'addition h «Amm»^.

��I

�� � IV.

L'histoire de sainte Nouné et de la con- de l'Histoire d'Arménie. Contrairement à ce qui .arrive pour la plupart des récits de Moïse de Ehoren, celui-ci se retrouve chez d'autres historiens. *

Le premier qui l'ait mis par écrit est Rufin, dans un des deux livres qu'il ajouta à sa traduction latine de l'Histoire ecclé- siastique d'Eusèbe ((, 10). Il tenait cette histoire d'un roi des Ibères, Bacurius, c'est- à-dire Bacour * (j\«#f #.*./•), qui était passé au service des Romains et commandait déjà une partie de la garde de l'empereur à la bataille d'Andrinople, où périt Valens (378). Sous le règne de Théodose, Bacour, «homme pieux et ami de la vérité,» dit Rufin, parvint à la haute dignité de Comte des domestiques. Am- mien Marcellin et Zosime parlent de lui avec éloges. * Deux des lettres de Libanius lui sont adressées. ' Rufin le connut à Jérusalem, où Bacour résidait comme chargé de la défense

��1 Un roi des Ibères nommé Bacour (f\«*}ifi./i) figure dans THistoire de S. Mesrop de Eoriona (Venise, 1833, p. 15). Cf. Moïse de Ehoren, III, 54.

2 Amm. Marc. XXXI, 12. Zosime, écrivain païen, fait de Baconr nn Arménien et déclare qu^il était «exempt de toute malignité.» Baxovçioç, iXxœv fiev i^

  • AQ/nsviaç t6 yévoÇf i^co ôs Jidar]ç xaxoijâeiaç àvrjQ, IV, 57.

(éd. de Gronovius, Lugd. Bâta y. 1693, p. 697).

�� � des frontières de la Palestine, et eut de fréquents rapports avee lui. C’est là qu’il entendit de sa bouche le récit de la conversion des Ibères S par conséquent ayant 397, date du retour de Rufin en Occident, * où il rédigea son Histoire ecclésiastique en 401 ou en 402, « Son témoignage est donc de beaucoup antérieur à celui de Moïse de Ehoren.

Socrate raconte les mêmes faits d’après Rufin, * mais non sans y ajouter quelques em «  bellissements, qui ne sont pas tous heureux. Or Socrate écrivait vers 440, donc, lui aussi, avant Moïse de Ehoren, quelle que soit la date que l'on veuille assigner à ce dernier.

Etant donné maintenant que nous avons déjà constaté des traces d’emprunt au Socrate arménien dans les derniers chapitres du livre II de Moïse de Khoren, tout nous invite à comparer soigneusement les textes relatifs à la conversion des Ibères, et à rechercher si le récit de Bacour, après avoir passé par l’intermédiaire de Rufin et de Socrate, ne serait pas la source où notre auteur aurait puisé l’histoire de sainte Nouné. Pour entreprendre cette étude nous n’avons malheureusement à notre disposition qu’une partie de la traduction arménienne de Socrate I, 20, et nous allons être obligé de suppléer à cette lacune par le texte grec.

��*■ Haec nobis ita gesta fidelissimus vir fiacarins, gentis ipsinâ rex, et apnd nos Domesticorum Cornes (oui summa erat cura et religionis et veritatis) exposait, cnm nobiscnm Palaestini tnnc limitis Dnx in Jerosolymis satis nnanimiter degeret. Hist. eccl. I, 10.

2 Rnfini Opéra, éd. llignp, col. 12.

s Ibid. col. 403.

« Hist. eccl. 1, 20.

�� � Après une première lecture des deux récits de Socrate et de Moïse, on se trouve assez embarrassé. L'histoire racontée est la même, dans ses grands traits. Mais les parties qui, chez Socrate, sont exposées avec un certain luxe de détails, prennent chez Moïse Taspect d'un résumé tellement concis qu'il en devient parfois obscur. En revanche, le récit de Moïse renferme beaucoup de particularités que This- torien grec ignore complètement : noms propres, renseignements géographiques, citations bi- bliques, rapprochements avec Thistoire d'Ar- ménie, etc. Un examen plus approfondi permet bientôt de reconnaître que la plupart de ces particularités relèvent de la manière dont Moïse traite ordinairement ses sources, et qui- conque est tant soit peu familiarisé avec ces études ne tarde pas à faire le départ de ce qui constitue le fond du récit et de ce qui appartient en propre au rédacteur. 11 n'est du reste presque aucune de ces additions à la- quelle on ne puisse trouver des parallèles dans les autres parties de l'Histoire d'Arménie. Dégagée de ces éléments adventices, la nar- ration de Moïse nous a paru être un abrégé de celle de Socrate.

^histoire de la conversion des Ibères peut se résumer sous les trois points suivants, communs aux récits de Rufin, de Socrate et de Moïse de Khoren:

I. Une femme chrétienne, étran<- gère, arrive en Ibérie, et y mène une vie austère qui lui vaut le don de faire des miracles. Elle guérit la

3*

�� � femme du roidu pays etfait entendre la prédication de rÉvangile.

II. Le lendemain (ou: quelques jours après) le roi, étant à la chasse, est surpris par un brouillard obscur qui lui fait perdre son chemin. Effrayé, il invoque le Dieu de Tétrangère et promet de Tadorer si les ténèbres se dissipent. Il est exaucé et se con- vertit.

III. Devenu à son tour prédicateur de l'Évangile, le roi veut faire par- tager sa foi à ses sujets; mais, pour cela, un miracle devient nécessaire. Le miracle s'accomplit et le peuple ibérien embrasse le Christianisme.

Nous allons prendre successivement chacun de ces sommaires en comparant les deux textes de Socrate et de Moïse.

I. Cette partie, très développée dans le texte grec de Socrate (le seul que j'aie ici sous les yeux), est d'une concision extrême chez Moïse. L'unique ressemblance de forme — il est vrai qu'elle est importante — con- siste dans le commun début du récit: Mais il est temps de raconte r la conversion au Christianisme du pays des Ibères. Une femme .. . (Katpàç âè ^Srj Xéyeiv^ OTccDç xal ^'J^Tjpeç unb zov abrov ^povov è/pc- (Tud\fcaav. rovij ztç . . . Socrate. — ^««/^ j«»-

utuirg_ ^uyj&i^ u>n.u>2b «^ i|^tr «i» . . . Moïso dc Khoreu).

i Dans les éditions de M. de Kh. cette phrase est la derniôre da cliap. 85.

�� � La parenté des deux textes est évidente. D'antre part, Moïse modifie complètement l'aspect de sa narration en ajoutant:

1^ Le nom de la femme, Nouné, qui, de captive qu'elle était chez Socrate, devient une des compagnes des saintes Ripsiméennes, réfugiée en Ibérie.

2» Le nom du roi d'Ibérie, Mihran, qui n'est plus qu'un simple chef (•i»«-â«^«/f-^) en sa qualité de sujet du roi d'Arménie. *

3^ Le nom du lieu où la scène se passe, Medzkhet, capitale de i'Ibérie.

4o La question des Juifs à Jésus que Mihran adresse à sainte Nouné: Par quelle autorité fais-tu ces choses (Matth.XXI, 23; cf. Actes, IV, 7)? Chez Socrate, au con- traire, le rci ne voit pas encore la sainte.

Enfin 5^^ la contemporanéité du fait ra- conté avec les événements miraculeux qui signalèrent la conversion du roi ïiridate. Chez Socrate, les mots: en ce te m ps-1 à (ùttô tov aÙTov /povovjj indiquent le règne de Constantin.

IL La deuxième section, comme la pre- mière, débute de la même manière chez nos deux auteurs. Pendant que le Socrate armé- nien * dit: «Quelques jours après, le roi sortit pour aller à la chasse» (6*^"» iMB^n^pg [a»^ tr^ iu0%hp j-pu pu,t^u,uapb)^ — Moïse de Khoren perte: «Il arriva en ces jours-là que Mihran sortit pour aller à la chasse» (b-^ ^nt'- E^t

La seule différence entre les deux textes est

��i Cf. II 85; iir, 6.

  • Nous avons sons les yeux la version armé-

nienne de Socrate ponr cette section et la suivante.

�� � purement de style, et provient de l'affectation que met souvent Moïse de Khoren à employer des phrases bibliques. > Le Socrâte grec, au contraire, offre une divergence notable en disant que le roi partit pour la chasse le lendemain (Meê^ ijiiépav de è^sX&ovrc abrip elç &7]pav ♦ . . ). Quant au reste du récit, il continue d'être beaucoup plus développé chez Socrate que chez Moïse. * Celui-ci, surtout vers la fin, abrège tellement qu'il en devient diffi- cile à comprendre. 11 oublie même dé men- tionner la disparition du brouillard, laissant à l'intelligence du lecteur le soin de suppléer aux lacunes de sa narration. On n'écrit ainsi que lorsqu'on fait un résumé, jamais lorsqu'on raconte librement soi-même. D'autre part Moïse ajoute:

1» Deux passages bibliques relatifs à la natore de celte obscurité miraculeuse (Job, XXXVIIl, 34; Amos. V, 8).

2^ Le fait que Mihran se souvient de ce qui est arrivé à Tiridate, au moment où ce dernier partait, lui aussi, pour la chasse, et est frappé de terreur en pensant que les châ- timents divins peuvent également l'atteindre. Ce passage contient des expressions empruntées à Agathî nge. »

��II, 1 et passim.

2 Notons ici un petit détail qui n^est pent-être pas sans importance- M. de Kh. place la scène au milieu des montagnes (A if.d-nt.uipu ikpuiUg), Socrate mentionne aussi les montag^nes {j\L%kp tqi^uylA

fuuiuiup UÊ^p l^p npu'h t q/lïpp'iiu ht. qn.uij*»*'^ t mais C^CSt

une particularité quUl ajoute au texte de Ruûu, où il est seulement question de forêts (in silvis). 8 Ed. Tiflis, p. 128; Ven. p. 160.

�� � III. Moïse de Khoren raconte qu’après la conversion de Mihran et sur la demande de sainte Nouné, des messagers furent envoyés à S. Grégoire pour savoir ce qu’il ordonnait de faire en de pareilles circonstances. LlUuminateur répondit qu’il fallait, à son exemple, détruire les idoles et dresser la croix du Christ, en attendant l’arrivée de conducteurs spirituels. Le passage correspondant de Socrate se trouve à un tout autre endroit, vers la fin du chapitre, et les faits y sont exposés d’une manière bien différente : c^est à Constantin qu’on envoya des ambassadeurs, ^ après la conversion du peuple ibérien, pour traiter d’une alliance avec le peuple romain et demander un évêque et des prêtres.

Quant au récit du miracle, tel qu’il se trouve chez Moïse, les rapprochements de mots et les expressions caractéristiques ne permettent pas le moindre doute sur son origine. Voici en quels termes Socrate s’exprime : « Elle ordonna de dresser en un certain lieu le signe de la croix du Christ, mais comme ce n’était point Touvrage d’un artiste, il fut méprisé par beaucoup. La sainte femme passa alors toute la nuit en prières, et le lendemain la croix resplendissait de lumière, ce qui frappa d’étonnement tous ceux qui virent ce spectacle de loin ou de près. Ils furent ainsi confirmés dans leur foi. » • Le lecteur n’aura qu’à com ��1 Rufin ajoute : « A la demande de la captive » (captivsB monitis). Peat-être y a-t-il ici une lacune dans le texle grec de Socrate. Je n^ai malheureusement pas la traduction arménienne de ce passage.

%ftppumuup, Iru qp it* ( ; p a.up^ Aisininiupp UÊp^ttÊtiiup^tiui

�� � parer ce fragment avec Thistoire de TapparitioD de la croix miraculeuse au chap. 86 de Moïse de Ehoren, pour être convaincu qu'il a sous les yeux la source où ce dernier a puisé. Il est vrai que, contrairement à ce que noos avons vu jusqu'ici, Moïse a largement amplifié l'original. Sou récit est trop connu pour qu'il soit utile de le reproduire en entier. Il nous suffira de signaler quelques-unes des expres- sions qui trahissent le mieux l'emprunt: «Les Ibères apprirent qu'ils devaient adorer le signe de la croix du Christ;... ils le dressèrent sur une colline... mais ayant constaté que c'était un morceau de bois, non pas une œuvre d'artistes, la plupart d'entre eux le méprisèrent...'

Si la suite de l'histoire, c'est-à-dire l'ap- parition de la croix miraculeuse, n'est pas aussi simple chez Moïse que chez Socrate, cela tient probablement à une méprise du premier sur la signification des mots ipt-u$uLnfiiru»i_ i^'u^/i %^% ^ii«^^^, entendus dans le sens de l'apparition d'une croix lumineuse indépendaute de la croix primitivement plantée. Ajoutez à cette croix une colonne de nuées et des étoiles, rémi- niscences de la vision de S. Grégoire chez Agathauge, et vous comprendrez sans difficulté tous les développements auxquels se livre Moïse.

��T^pi* ÊênA^unh t ht. ft Jutq^iL% /aLUUtt^npb'utf ip%^n l»*!»!» lutÊi*f!i» ^ np ^b'^S'ild l^hn.UÊg.npa ht- qJhpAïuuapu , ha- <^Êêiuiti$aimhmuau h ^aMU^utiaub i

. 1 . . • 'Xff^'^i* fuÊU^p'^ %ftppttu$uulÊ, unp ÊupuÊphimi ùmAfAhaftii • • • uihtiJtiM ^lu^u» ^n^hasii it4 iCutpulUtpuia ^lr4 a.np^ , Ji/^rf^ ^utii aaiiu^igtt.u utp^tuiHup^huljliêt

�� � Notons encore les additions suiv^antes qai ont contribué à changer Taspect de la narration originale :

1^ Des détails très circonatanciés, mais pea historiques, sur la divinité adorée par les habitants de Medzkhet et le culte tout particulier qui lui était rendu.

2^ Des renseignements topographiques fort exacts sur la situation de la ville entre deux fleuves, Tun grand (le Kour) et Tautre plus petit (l’Araghwa). *

Enfin notre chapitre 86 se termine par un rapide exposé de l’activité missionnaire de sainte Nouné dans les autres provinces de ribérie. Les textes de Socrate et de Kufin n’ont rien de pareil. Mais Moïse de Khoren semble avoir rédigé cette notice à l’imitation du résumé des travaux apostoliques de S. Grégoire qui se trouve chez Agathange ; ^ il avait ainsi l’occasion de citer quelques expressions géographiques empruntées à ce dernier, et pouvait se permettre d’ajouter immédiatement après : « Ainsi que te l’apprend Agathange » ( « /’^

tv^t » nLuuLgtêÊ%^ « ^^^L }^i^’*’P’Uê%i^bqnu\ • ŒttO

clausule qui termine Thistoire de sainte Nouné n’est point isolée dans l’œuvre de Moïse de Khoren. Elle se retrouve entre autres à la fin du chapitre 83, extrait, comme nous l’avons vu, de la ViedeS. Silvestre, et est appuyée également sur une courte mention d’Agathange

��i II est vraiment étrange que la traduction en arménien moderne de Khoren Stéphane reproduise (note 507) nne bévne commise d^abord par Langlois, et regarde le fleuve plus petit comme étant TAraxel

i Ed. de Tiflîs, p. 485 ; Yen., p. 624.

�� � relative à la destruction des ennemis de Constantin.^ Pent-on voir dans cette affirmation répétée autre chose qu’une dissimulation flagrante des sources utilisées, étant donné surtout qu’Âgathange ne dit pas un mot des événements racontés dans lesdits chapitres ?

Nous croyons avoir réussi à montrer, par l’analyse critique à laquelle nous venons de soumettre le chapitre II, 86 de Moïse de Khoren, que l’histoire de la conversion des Ibères contenue dans ce chapitre est, abstraction faite des additions signalées, * foncièrement identique au récit de Bacour transmis par Rufin et Socrate.’L’examen de la partie essentielle de la narration de Moïse nous a permis déjuger que

��* Tiflis, p. 4rf9 ; Yen. p. 643,

2 II perftlt intéressant de rechercher si ces additions appartiennent en propre à Moïse de Khoren, on bien si peut-être no as avons là des éléments empruntés à une tradition locale. L^espace nous manque pour entreprendre aujourd’hui cette étude. Bornons nous à signaler le fait qu’aucun des écrivains anciens de T Arménie ne parle de ces événements.

< La recension arménienne de Thistoire de la conversion des Ibères n’est pas du reste la seule qui existe. Le récit de Ruûn a été adapté à la conversion du Yémen et à ceUe de Tlnde (Ethiopie) ; on le retrouve, au 17 septembre, dans le synaxaire arabe des Jacobites et dans le synaxaire éthiopien. Mais ici la « sainte femme » porte le nom de Théognoste. Il en est déjà question dans l’ouvrage de Jean de Nikiou, chronique écrite en grec vers la fin du Vile siècle^ et dont nous n’avons plus qu’une traduction éthiopienne. Cf. Zotenberg, La Chronique de Jean, évêque de Nikiou. Paris, 1879, p. 76 sv. — Synaxarium, das ibt Heiligenkalender der Coptischen Christen, ans. dem Arabischen tibersetzt von F. Wûstenfeld..Gotha, 1879, p. 32 sv.

�� � c’était un résumé du chapitre I, 20 de Socrate. Enfin la constatation des rapprochements de mots et d’expressions, nous ramène au Socrate arménien. Nous allons maintenant justifier ces trois conclusions, en donnant à la dernière tous les caractères de l’évidence. La partie du récit où nous avons signalé les ressemblances les plus frappantes entre les deux textes, est certainement celle qui a trait au miracle de la croix lumineuse. Or, cette partie ne se trouve que dans la traduc- tion arménienne. Elle manque dans le texte grec, d’où elle ne peut pas être tom- bée puisqu’elle ne figure pas davantage dans le texte latin de Rufin. C’est un tout autre miracle que racon- tent Rufin et Socrate : en construisant une église après leur conversion, les Ibères ne pouvaient parvenir, malgré tous leurs efforts, à dresser une colonne ; mais, grâce aux prières de la captive, la colonne vint se placer d’elle même sur son piédestal. La version arménienne de Socrate donne également le récit de ce second miracle, que Moïse n’a pas jugé à propos de mentionner. D’après tout ce qui précède, nous sommes donc conduit à formuler la même conclusion générale que lorsqu’il s’agissait de la Vic de S. Silvestre : Moïse a utilisé l’Histoire. ecclésiastique de Socrate dans une version arménienne, et cette version était interpolée. J’interromps ici, jusqu’à la publication du Socrate arménien, les recherches commencées à roccasion d'un passage de la Vie grecque de S. Silvestre, et qui m'ont conduit beau- coup plus loin que je n'aurais pu tout d'abord le supposer. Après les constatations nouvelles que nous a permis de faire l'examen des cha- pitres 86 et 88 du livre II, le lecteur serait étonné si je n'essayais pas de compléter et surtout de préciser davantage les conclusions de mon deuxième article.^ Certes je regrette infiniment de n'avoir eu à ma disposition que quelques fragments du Socrate arménien ; mais, malgré l'exiguité de mes ressources, l'étude en a été. si fructueuse que je crois pouvoir, dès aujourd'hui, considérer comme acquis un cer- tain nombre de résultats.

I. A partir du chapitre 83 du livre II, MoïsedeEhorenafait de nombreux emprunts à l'Histoire ecclésiastique de Socrate. Cela se comprend aisément. Jus- qu'au chapitre 83 Moïse a consulté souvent et semble avoir pris pour guide la Chronique* et l'Histoire ecclésiastique d'Eusèbe. Arrivant à l'époque de Constantin ce fil con- ducteur vient à lui manquer. Il le retrouve tout naturellement dans l'Histoire de Socrate, considérée comme une suite à Ëusèbe et éga- lement traduite en arménien. C'est là qu'il prendra l'ordre de succession des empereurs romains, des renseignements sur les conciles, etc. Est-ce bien une pure coïncidence qui fait que le dernier changement de règne signalé.

��* Voir ci-dessus, p. 9 sv.

2 Cf. II, 79 et Chron. H, p. 168 (éd. Aucher, în-fol ).

�� � Théodose II succédant à Arcadius, soit le même dans les deux ouvrages et soit annoncé presque dans les mêmes termes?* On peut prédire, sans risquer d^être mauvais prophète, que l'étude du Socrate arménien, avec ses interpolations., jettera une lumière nouvelle sur bien des pas- sages du livre III de l’Histoire d’Arménie.

II. La traduction arménienne de Socrate dont se servait Moïse était celle qui est représentée par le manuscrit N^ 693 de S. Lazare. Toutes les citations que nous avons reproduites, ainsi que les interpolations, le démontrent abondamment. Il est certain que la Vie de S. Sîlvestre a dû en faire partie dès l’origine, car elle se trouve dans tous les manuscrits de cette version signalés jusqu’à présent. Moïse de Khoren en donne lui même une preuve frappante nu commençant par un emprunt à ce document l'usage qu’il fait de la traduction arménienne de Socrate.

III Cette traduction date des dernières années du VIIe siècle. L’auteur ne se nomme pas, mais il dédie son œuvre à

1 Tov àrj fiaadécûç ^ÂQxaôiov JBXsvxrjOavxoç . . . vno as t(p vîc^ t(p vé<p Oeoôooicp . . . to z^gêç^ag ètdt- rsTo, Socrate, VII, 1. — ii^oi^aTiiitirfra»^ |^(tt#f.i»y, ’t'igp. Moïse de Kh. III^ 54.

2 Socrate fait mourir l'empereur Constance à Mopsucrènes (h Moxpov xQijvaiç), entre la Cappadoce et la Cilicie (III, 47). M. d. Kh. place cette mort à Mopsueste, ville de Cilicie (P \paJf»lit-irump ^tuqufpp% l|^c— ^flrjcifj III, 12). Il serait intéressant de rechercher si la transformation de Mopsucrènes en Mopsueste ne remonte pas jusqu'au Socrate arménien, chez lequel nous avons déjà signalé des altérations de noms propres. Voir ci-dessus, p. 12, n. 1. Nersèh Kamsarakaa, consul et patrice.* Or, rUstoire ne nous donne qu'un patrice de ce nom, celui qui fut préposé au gouvernement de l'Arménie en 690 par Juslinien II.» Asolik» nous apprend que Nersèh administra le pays pendant quatre ans, et qu'il eut pour succes- seur, en Tannée 140 de Tère arménienne, (ss 691/92), Sembat le Bagratide. Il y a entre la datation grecque et celle du chroniqueur arménien une différence d'environ deux ans, que nous avons ici le droit de négliger. Une notice d'Asolik nous montre que Nersèh avait des goûts littéraires, puisque ce fut sur sa de- mande que Qrégoire, chorévêque des Arscha- rouniens, composa un ouvrage. D'autre part d'après les termes mêmes du mémorial, il était déjà patrice lorsque la version arménienne de Socrate lui fut offerte. On peut donc sans témérité fixer la date de cette traduction entre les années 690 et 692.

Personne ne nous taxera d'exagération si nous supposons qu'un intervalle d'une dizaine d'années au moins a dû s'écouler entre la date de la traduction, et le moment où celle-ci a été utilisée par Moïse de Khoren. Notre étude

��i On lit dans le mémorial da trodnctenr: n'i(.

"P ^k^nhl^'^3 ^" zt'^'"L "^Zf* • • • p. Karékin, Cata- logue des anciennes traductions arméniennes p. 696. — Cf. Asolik, éd. de S. Pétersboorg, p. 292, où le même passage est cité d*aprés nn manuscrit ap^ partenant à M. Esoff {itm^t^pê^mut an lien de tn^Hft^"

s Lebean» Hist du Bas-Empire, éd. S. Martin, t. XII, p. 27 et 28. » L. c. p. lOl.

�� � u

nous conduit donc, sans que nous ayons eu recours à d'autres moyens d'information que la recherche purement littéraire des sources, à conclure que l'Histoire d'Arménie, attribuée à Moïse de Khoren, ne peut pas avoir été écrite avant les premières années du Vin« siècle.

Nous avons la ferme assurance que la publication du Socrate arménien, annoncée d'Etschmiadzin, ne fera que compléter et ren- forcer les arguments en faveur de cette con- clusion.

Paris, le 14 mars 1893.

��� � MOÏSE DE KHOREN

ET

L'ORIGINE DES PARTHES.

��Moïse de Khoren regarde les Parthes, et par conséquent les rois arsacides de Perse et d'Arménie, comme des descendants d'Abraham. Cette opinion, au moins singulière, est for- mulée on ne peut plus clairement dans les deux passages suivants:

«Arsace le Brave, qui était de la descen- dance d'Abraham, de la lignée de Eetoura, monta sur le trône pour que fût accomplie la parole du Seigneur à Abraham: cDe toi sortiront les rois des nations» (11,1). € L'histoire sainte nous montre qu'Abraham est le vingt et unième patriarche depuis Adam *, et c'est de lui que descend la race des Parthes. L'Ecriture nous dit en effet qu'Abraham, après la mort de Sara, prit pour femme Ketoura : d'elle naquirent Ëmtan * et ses frères qu'Abraham ,

��i Ci, A. Carrière, Moïse de Khoren et les généalogies patriarcales. Paris, 1891, p. 27.

> Le vrai nom est Zemran (Gen. XKV, 2). Les mss. de la Bible grecque portent Zo/nfigâv, Zs^gâv, Zefi^QàVf correspondant à Thébren PtDT. La Bible

�� � de son vivant, sépara dlsaac en les envoyant dans les pays d'Orient. De ceux-ci est issue la race des Parthes, de qui descend Ârsace le Brave» (II, 68).

Malgré la netteté de Taffirmatioa, Tidée de Moïse ne semble pas avoir fait fortune, et la plupart des historiens postérieurs la passent sous silence. Elle a cepeudant été admise par Samuel d'Âni < et Vardan le Grand. Ce dernier, dans son Panégyrique de S. Grégoire rilluminateur, en donne même une rédaction plus développée, avec des détails dont nous ignorons complètement la provenance. «Abraham, dit-il, rajeuni dans sa vieillesse par la vertu divine, engendra de Ketoura six fils, Ëmran, Eksan, Madan, Madiman, Esbouk et Sovilé >. Emran ayant tué Eksan et Madiman, Abraham craignit qu'après sa mort il ne tuât également Isaac. Il fit donc des présents à Emran et à ses frères, et les envoya en Orient où ils bâ- tirent la ville de Bahl, ainsi nommée d'après le nom du fils d'Emran ; de là aussi la nation fut appelée Pahlav. C'est de Bahl que tire son origine la puissance d'Arsace le Grand, qui fit régner sur T Arménie son frère Valarsace.»*

��arménienne a bien Sj^JptMi%t mais le f_ de l'accusatif déterminé, qui devrait précéder le mot dSL^Jpm%)t a été omis comme il arrive parfois devant les mots commençant également par nn f_. Moïse de Khoren a regardé Je f_ de Sj^Jpmh comme étant le déterminatif et a lu l/i^wtr. Emran. Nouvelle preuve, après beau- coup d'autres, qu*il se servait uniquement de la Bible arménienne.

1 Ghron., éd. Zohrab et Mai, p. 9.

  • La forme de quelques-uns de ces noms est

corrompue; cf. Gen. XXV, 2. s Wt^Pf' b» P- 46.

�� � Le même Vardan, dans sou Histoire, va encore plus loin et range hardiment les Arméniens parmi les descendants d'Abraham, «le glorieux père de notre nation selon la chair et selon Tesprit». '

Nous pouvons donc constater que le développement de Pidée de Moïse de Khoren sur l'origine des Parthes — le petit roman de Vardan n'est pas autre chose — , aboutit à faire regarder les Arméniens comme des Sé- mites. L'auteur était loin de s'en douter lorsque, au début de son livre, il parlait avec une sorte de piété filiale de notre Japhet (I, 5). Il ne sera peut-être pas sans intérêt de chercher maintenant, soit à découvrir la source où Moïse a puisé son opinion, soit à recons- tituer le raisonnement qui a pu le conduire à une pareille conclusion.

La tradition exégétique ne nous est ici d'aucun secours. Depuis l'historien Josèphe ^ jusqu'aux plus récents commentateurs du livre de Ja Genèse^ tous les interprètes sont en effet d'accord pour envisager les fils de Ketoura comme représentant des tribus de la péninsule arabique. Aucun auteur connu, sauf Moïse, n'y a vu les Parthes. Nous sommes donc en pré- sence d'une interprétation isolée du texte bi- blique, due selon toute vraisemblance à l'ima- gination de l'écrivain chez lequel nous la trouvons pour la première fois.

Mais alors par quelle voie Moïse est-il arrivé à découvrir les Parthes dans un pas- sage de l'Ancien Testament?

��i Venise, 1862, p. 29. « Antiq. jad. I, xv.

4*

�� � D'après M. Karakachian, qui a soumis l'affirmation de Moïse à nne critique rigou- reuse % rhistorien se serait mépris sur la valeur (l'une eipressiou de Genèse, XXV, 6, où il est dit qu'Abraham avait envoyé les fils de ses concubines dans le pays d'Orient. Il en aurait conclu qu'il s'agissait des territoires occupés par les peuples ariens de l'autre côté du Tigre. M. Karakachian montre avec raison que, dans le langage biblique, les expressions pays d'Orient et fils de TOrient n'ont point une signification aussi étendue, et ne dé- signent, au contraire, que les régions de la Mésopotamie et de l'Arabie situées dans le voisinage de la Palestine. 11 ajoute que, dans l'esprit de l'écrivain sacré, la promesse faite à Abraham: des rois sortiront de toi (Gen. XVII, 6), s'applique aux rois des Ismaé- lites ou Arabes, dont la généalogie est donnée aux chapitres XXV et XXXVI du livre de la Genèse, pendant qu'une promesse identique faite à Jacob (Gen. XXXV, 11) concerne les rois de Juda et d'Israël. Moïse s'est donc trompé en attribuant aux passages bibliques, sur lesquels il fonda sa théorie,unsens différent du sens véritable.

Nous n'avons rien à reprendre à l'argu- mentation de M. Karakachian. Cependant nous croyons qu'il a fait fausse route. D'abord il n'a pas remarqué que la citation biblique faite par Moïse est inexacte. Nulle part on ne trouve dans l'Ancien Testament le passage: Des rois des nations sortiront de toi. Le texte, tel qu'il est donné par Moïse de Khoren, résulte d'une combinaison de deux versets

��1 ^^'MuMi^iuli 0;\utmJ.p-l,L!l Z^uMfiy , I, p. 225.

�� � différents, 1® Geo. XVII, 6: des rois sorti- ront de toi, et 2® Gen. XVII, 16: des rois des nations sortiront d'elle, c'est-à-dire de Sara. Nons allons essayer de montrer que cette combinaison est le fiait d'un acte de ré- flexion, d'un dessein bien arrêté, et non pas le résultat d'une erreur de mémoire.

Deux familles, dans THistoire d'Ar- ménie, s'élèvent bien haut au-dessus de toutes les autres; ce sont les Arsacides et les Bagra- tides. A chacune des deux est donnée l'origine la plus noble qu'ait pu rêver un auteur chrétien comme Moïse de Ehoren : Abraham, le père du peuple élu. Il y a cependant entre elles une différence de dignité, et les Bagratides l'em- portent en noblesse sur les Arsacides. Ils forment la branche aînée, la seule universellement re- connue comme légitime, et descendent d'Abraham par Sara^ Quant aux seconds, ils appartiennent à une branche cadette, ayant pour mère Ke- toura, qu'Abraham épousa après la mort de Sara. Remarquons en passant que, d'après Moïse de Khoren comme d'après le texte biblique, il s'agit d'une femme légitime et non pas d'une concubine, comme le fut Hagar, mère d'Ismaêl et des Arabes.

Voici maintenant comment Moïse est ar- rivé à ranger les Parthes parmi les descen-

1 D*après M. de Kh. (I, 22), Scham^ath, Tancêtre des Bagratides, était «an des principaux captifs d*entre les Hébreax» (i^ ^ Ê^^j^uÊumpmg hpp'^^â'-â t^P^lTs)* et descendait par conséquent d'Abraham et de Sara. Les écrlTains postérieurs ârent passer cette descendance par David, le roi-prophéte ; cf. entre antres Mekhithar d'Anî, éd. Patk., p. 16: i^t t ii-ifu'^t.mputjf bp/"r/%'-J

p4Utf.pkur^ p 'y^tupmLonii.mLnunpiUÊ » aj^uiilatêip- fuêtfo.^

�� � dants d'Abraham. Pour lui, l'ayéuement au trône d'Ârsace le Brave est raccomplissement d'une prophétie; celui-ci devint roi pour que la parole du Seigneur à Abraham fût confirmée («">- fi ^uiumutuwSrf^ ptsiit^ïâ s^*""^ u>n. }^ppuM<iusJ'. II, 1). Il fallait donc que cette parole contînt une indication plus ou moins nette, plus ou moins précise, se rapportant à Arsace ou à l'empire des Parthes. Or, si l'his- torien s'était borné à reproduire exactement le texte biblique de Genèse, XVII, 6: Des rois sortiront de toi, les lecteurs auraient vaine- ment cherché en quoi cette parole avait été confirmée par Tavénement d'Arsace à la couronne. Chacun savait comment l'accomplisse- ment de la prophétie avait eu lieu, et comment les rois des Arabes, d'Edom, d'Israël et de Juda descendaient d*Âbraham. Si on sortait des temps bibliques, il n'y avait pas plus de raison pour appliquer la parole divine aux Arsacides qu'aux rois Sassanides ou aux em- pereurs de Constantinople, en un mot à tous les rois du monde.

Une légère modification du texte biblique, dont les éléments étaient du reste empruntés au même chapitre de la Genèse, permit à Moïse de restreindre la portée trop générale de la prophétie et de la rapporter aux rois Parthes, à Pexclusion de tous les autres. Au verset 16, Dieu dit à Abraham en parlant de Sara: Elle sera une souche de nations; des rois des nations descendront d'elle

hqtdb)* Il n'y avait qu'à remplacer les rois du verset 6 par les rois des nations du verset 16, et la prophétie devenait pour les

�� � contemporains de Tauteur d'une lumineuse clarté.

En effet, les historiens persans et arabes désignent toujours les rois de l'empire Parthe sous le nom de ^J^Ul «l^^ molouk et-ihéwâïf, rois des nations, des tribus ou des dy- nasties, «nom qui exprime d'une maniéré fort juste l'espèce de régime féodal qui domi- nait alors en Asie, et les démêlés sans cesse renaissants des Arsacides».' Il ne semble pa» douteux que cette dénomination ait été déjà employée au temps de Moïse de Khoren, et alors le passage de l'historien que nous Tenons d'étudier n'offre plus aucune difficulté. En lisant: Des rois des nations sortiront de toi, le lecteur comprenait: Les rois des Parthes sortiront de toi, « et la descen- dance d'Abraham de la dynastie des Arsacides était confirmée par l'autorité du livre divin.

Aussitôt que la promesse de Dieu à Abraham se trouvait ainsi interprétée, il fallait bien que les Parthes descendissent d'Abraham par Eetoura, puisque la descendance par 8ara était réservée aux Bagratides et celle par Hagar, aux Arabes. L'envoi en Orient d'Emran et de ses frères ne faisait du reste que corroborer l'application de la prophétie.

Une question en terminant, qui touche à la date de Moïse de Khoren. A quelle époque les rois parthes ont-ils été désignés comme

t Saint-Martin, Fragments d*ane histoiie des Arsacides, t. II, p. 231.

2 C'est pourquoi nous avons traduit, au com- mencement de cet article, les rois des nations, et nri) pas des rois etc.

�� � rois des nations? Ce nom leur a-t-il été donpé du temps des Sassaoides, ou seulemenl plus tard par les Arabes? Ici je confesse non- seulement mon ignorance, mais encore mon incompétence. C'est un point d^histoire qui, je crois, n'a point encore été élucidé, et je me permets d'attirer de ce côté Tattention des savants qui s'occupent spécialement de philo- logie et d'histoire iraniennes.

Paris, 15 février, 1893.

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��� � v^-

��NOUVELLES SOURCES

DE

MOÏSE DE KHOREN

��ETUDES CRITIQUES

PAR

A. CARRIÈRE

PROFESSEUR A L'ÉCOLE DES LANGUES ORIENTALES VIVANTES DIRECTEUR-ADIOINT A L'ÉCOLE DES HAUTES ETUDES

��SUPPLEMENT

��VIENNE

IMPRIMERIE DES HECHITH ARISTES

1894.

�� � En ajoutant ce Supplément au petit volume publié l'année dernière sous le titre de Nouvelles sources de Moïse de Khoren, je ne viens point soumettre à un nouvel examen les faits déjà exposés. Non pas que je croie lé sujet épuisé, loin de là; mais la question ne pourra être utile- ment reprise qu'après une étude critique des traductions arméniennes de Socrate, et la condition de cette étude est la publication préalable des textes. En attendant, nous allons chercher dans une autre direction quelques sources non encore signalées de l'Histoire d'Arménie.

Les essais contenus dans le présent fascicule sont, comme les précédents, des articles détachés, écrits indépendamment l'un de l'autre, à mesure que mes recherches conduisaient à im résultat Lorsque je ré«  digeais l'article sur Malalas, je ne soupçon- nais même pas que j'aurais à le faire suivre d'un article sur Procope. Je reproduis ce- pendant ces petits travaux sans y rien

�� � VI

��changer. Je me suis trop bien trouvé d'a- voir adopté ce système l'an dernier, pour y renoncer aujourd'hui.

La Lettre au P. J. Dashian, qui viendra en premier lieu, est avant tout l'aveu d'une erreur qui m'a maintenu assez long- temps sur une fausse piste. J'avais cru dé- couvrir dans Moïse de Khoren des traces certaines d'une utilisation de la Chronique pascale. Je me trompais, et j'ai été bien près de ne m'en apercevoir que lorsqu'il eût été trop tard. Heureusement j'ai pu constater à temps que tous les passages de la Chronique pascale que j'avais com- parés avec le texte de l'Histoire d'Ar- ménie, étaient eux-mêmes des emprunts faits à la Chronique de Jean Malalas, plus ancienne de quelques années. C'est donc cette dernière qui a dû servir de source à l'historien arménien. Quant à l'hésitation entre les deux Chroniques que trahit ma lettre, elle n'avait aucune raison d'être, et montre seulement mon peu d'expérience en matière de littérature byzantine.

J'ai pu, dans le second article, mettre seize passages de Malalas en regard du texte arménien de Moïse de Khoren. Le rapprochement dénote une parenté si étroite, qu'on en est réduit, me semble-t-il, à cette alternative: Si Moïse de Khoren n'a pas emprunté à Malalas, c'est Ma- lalas lui-même qui a mis à profit l'Histoire d'Arménie. Le choix entre les deux solutions ne sera douteux pour per-

�� � VII

��sonne. Mais ceux qui ne voudraient pas admettre mes conclusions, pourraient encore se rejeter sur l'hypothèse d'une source com- mune aux deux auteurs. Je crois avoir dé- montré la grande invraisemblance de cette objection. L'article sur Moïse deKhoren et Procope en fera, je l'espère du moins, ressortir l'inanité.

Là, ce n'est plus seulement d'un em- prunt littéraire qu'il s'agit, mais de la rela- tion d'un fait qui a sa date. Au milieu du VI® siècle, l'historien Procope a parlé d'un monument épigraphique, se rapportant à la colonisation de l'Afrique septentrionale par les Cananéens, et qui existait encore de son temps. Moïse de Khoren cite également cette inscription. Or, nous avons établi que Procope était le véritable auteur de la dé- couverte, du moins le premier qui l'ait pu- bliée. Il a donc écrit avant l'historien ar- ménien, dont le récit du reste dépend, non de Procope lui-même, mais d'une source de seconde main. Que l'on y reconnaisse un fragment perdu de Malalas, comme je le pense, ou bien un passage de tout autre* chroniqueur, le résultat sera le même. L'hy- pothèse d'une source commune n'est plus une défense pour mes contradicteurs, puisque, en aucun cas, on ne peut remonter au delà de Tannée 550, date de la pubUcation de la Guerre des Vandales, «oit un siècle environ après la date que l'opinion tradition- nelle assigne à la composition de l'Histoire d'Arménie.

�� � vni

��En résumé, nous avons démontré dans le livre de Moïse de Kboren la présence de documents de la fin du VP siècle. Nos lec* teurs sauront apprécier jusqu'à quel point ces Nouvelles sources peuvent servir à confirmer nos précédentes conclusions, tirées des emprunts faits au Socrate armé- nien.

��A. C.

��Paris, le 21 mars 1894.

��� � Lettre au P. J. Dashian

��Je ne devais plus m'occuper de la cri- tique dés sources de Moïse de Khoren, jus- qu'au moment où j'aurais sous les yeux l'édi- tion annoncée des traductions arméniennes de Socrate. Cela, je me l'étais bien promis, et j'en avais en quelque sorte pris l'engage- ment devant les lecteurs du Hantess. •) Je m'attendais naturellement à trouver des contra- dicteurs, et ne voulais leur répondre que lorsque je posséderais les textes complets. Les contradicteurs sont venus ; ils m'ont beaucoup appris, mais n'ont pu m'amener à modifier mes conclusions. M. Malkhasiantz, le P. Basile Sarkisian, M. Norayr de Byzance, etc., verront bientôt, je l'espère du moins, avec quel soin- j'ai étudié leurs travaux et pour quelles raisons je ne suis pas d'accord avec eux.

Si, comme je le crois toujours, l'His- toire d'Arménie n'a pu être rédigée avant le commencement du VIII* siècle, le champ ouvert à la recherche des sources utilisées par l'auteur s'élargit considérablement. J'ai commencé à l'explorer, et la moisson me paraît avoir été des plus riches. Pour en faire part aux lecteurs du Hante ss, je vous avais annoncé et j'avais écrit un article sur

��1) 4«A7-t«, 1893, p. 184. Nouvelles sources, p. 43 sv.

�� � les emprunts faits par Moïse de Khoren à la Chronique pascale, qui date des der- nières années d'Héraclius (6io — 641). •) Je n'avais pas moi-même découvert les passages allégués, qui figurent déjà presque tous dans l'édition des frères Whiston (1736), mais j'y avais reconnu des sources de l'historien ar- ménien. Au dernier moment, à la veille de mon départ pour un voyage de vacances, je constate que tous ces passages se retrou- vent dans la Chronique de Jean Malalas, qui va jusqu'à la fin du règne de Justinien (565), mais dont la composition est peut-être plus tardive. *)

Laquelle des deux Chroniques l'auteur de l'Histoire d'Arménie a-t-iî mise à pro- fit ? Il ne sera possible de répondre à cette question qu'après une étude minutieuse des textes à laquelle je n'ai pas le temps de me livrer actuellement, étude rendue plus difficile encore par ce fait que nous ne possédons plus le texte original de la Chronique de Jean Malalas, mais seulement un abrégé. Après un examen rapide, je serais disposé à croire que Moïse de Khoren s'est servi de la Chronique de Malalas, qui contient d'assez nombreux passages utilisés par l'écrivain ar- ménien et qui manquent dans la Chro nique pascale.

Renonçant donc aujourd'hui à vous en- voyer l'article annoncé sur cette dernière Chronique, article qui est complètement à

��J) Krumbacher, Geschichte der byzan- tinischen Litteratur, p. 116. a) ibid. p. 112.

�� � r efaire, je me borne à mettre sous vos yeux un passage de Malalas qui me semble avoir servi de source au chap. III, 12 de l'His- toire d'Arménie, pour la partie qui con- cerne les dernières années du règne de Constance, la guerre contre les Perses et la mort de l'empereur à Mopsueste. On a re- connu depuis longtemps combien le récit de Moïse était insuffisant et inexact, et il était difficile de comprendre comment un historien arménien se servait de termes aussi vagues pour mentionner une guerre que la prise d'Amida avait dû rendre célèbre parmi ses compatriotes. La comparaison des deux frag- ments qui suivent montrera, je l'espère, que Moïse n'a guère fait que transcrire les ren- seignements fort incomplets d'un auteur grec.

J. Mal., p. 325 sv. M. Khor. III, 12.

^Etzc ôè T^ç aoToû(KwV' azavriou) fiaûdeîaç è- xivijûav oi Ilépaae, iJTOt ^A^^oupapadxioç (Sa^* fioupapûdxioç) ô ^aai-

xal èTTearpàreoûs xar' h-t iinuinuAq.Sfufj u»itu»^

TOÛ ... ^utpufÊg.

xal XaTeXdwV èlti rà In. innt.lrtui_T£u»^UMin ^ trp^

iuubuitê ^jh'-f'JB^^'-p"g t irg. n^ JJ» ^ êi^Luy fl'f^ i/MiAët n.a$ÊnAnâa f «mrlr Wrc

�� � fi&rà n$pawv tnl if à- p-f"^ «"«^ uiu^suLut vep^y /pôvov, TroXÎébv TtsaùvTiov èç duforé' piûv èv rg aupt^oX^,

Kdi onoarpiipaç ... b«- A ^'^fh t^e^

xal ttasXbà))^ sv Map- j^p^aup ^lÊLutiÊq.u»jifiru»i^

lexiaçj dppwarijûaç r£- «/«.A^i»»^ \^u»fuf^f,% i^l^ XsoTÇL èxgc. ibk^s'^s*

Remarquer que Moïse de Khoren et Jean Malalas sont les seuls auteurs, à ma connaissance, qui parlent d'une paix ou d'une trêve entre Sapor et Constance. On ne trouve pas non plus chez d'autres historiens la mention de Mopsueste, ') — dont le nom est orthographié identiquement dans les deux textes — comme lieu de la mort de Cons- tance. J'ai déjà fait observer plus haut que le texte de Malalas ne nous avait été trans* mis qu'en abrégé.

Je pourrais dès aujourd'hui vous indi- quer les nombreux passages du chronogjaphe grec qui se prêtent à la même comparaison avec l'historien arménien. Il me semble pour- tant qu'il vaudra mieux les donner au cours d'une étude plus approfondie. Je me bornerai donc à vous signaler un fragment de Moïse de Khoren dont j'avais jusqu'à présent cher- ché en vain l'origine ; c'est le récit du mas-

��>) Je me suis donc trompé en supposant que le Mopsueste de Moïse de Khoren pouvait être une altération du Mopsucrènes de Socrate, due au tra- ducteur arménien. Nouv. sources, p. 45, n. 2.

�� � ��sacre des habitants de Thessalonique par Théodose ; cf. M. Khor., III, 39, et J. Malalas, éd. Bonn. p. 347.

Je connais toutes les objections qu'on pourra me faire après la lecture d'une note aussi hâtivement rédigée. Je vous prie seule- ment de vouloir bien attendre, pour formuler un jugement définitif, que j'aie exposé en détail le résultat de mes recherches. Si je vous adresse dès maintenant ce fragment isolé, 'en vous priant de lui accorder l'hos- pitalité du Hantess, c'est que j'ai de sé- rieuses raisons pour attirer le plus tôt pos- sible l'attention des arménisants sur la Chro- nique de J. Malalas. Divers indices me portent à croire que l'auteur de l'Histoire d'Arménie en avait sous les yeux une tra- duction arménienne, faite sur un texte grec non encore abrégé. Cette traduction extste- t-elle encore ? Ne serait-elle pas enfouie dans les trésors de la bibliothèque patriarcale d'Etschmiadzin ? Je n'en ai trouvé, je Tavoue, aucune trace dans les ouvrages imprimés.

La découverte d'une pareille traduction serait d'tme importance qu'on ne saurait exagérer, au point de vue de la littérature arménienne d'abord, bien plus encore an point de vue de la chronographie byzantine. *)

Veuillez agréer, etc.

A. CARRIÈRE. Paris, le n septembre 1893.

��«) Krumbacher, /. c.

�� � Nouvelles Sources

de Moïse de Khoren.

��V.

��Moïse de Khoren et la Chronique de Malalas.

La critique historique n'çst point une science exacte, dans le sens où ce mot sert à qualifier l'arithmétique ou la géométrie* Elle ne s'appuie sur aucun axiome, procède d'une manière empirique, et n'aboutit le plus souvent qu'à des résultats hypothétiques. Le degré de certitude qu'elle nous permet d'at- teindre n'a jamais les caractères de l'évidence mathématique; la nature des sujets sur les- quels s'exerce l'étude critique le veut ainsi. Et c'est pour cela que les démonstrations historiques les plus solides en apparence rencontrent toujours, ou du moins peuvent rencontrer des contradicteurs. L'expérience journalière est là pour le prouver.

Nous venons de constater un fait, mais le résultat de cette constatation ne doit pas être de nous conduire au scepticisme en ma- tière d'histoire. D'autre part, en effet, nous pouvons affirmer avec non moins de certi- tude que nous ne cessons d'approcher de la vérité historique, et cela grâce aux travaux accumulés des générations précédentes, au perfectionnement des méthodes de recherche,

�� � à la rigueur toujours plus grande avec la* quelle est aujourd'hui menée l'investigation scientifique. Le progrès dans ce sens est à un tel point indéniable, qu'il n'est mis en doute par personne.

Lors donc qu'une suite d'études métho- diquement conduites nous amène à formuler des conclusions en opposition avec les idées antérieurement reçues, il faut nous attendre à la contradiction. C'est dans l'ordre. Il se- rait même regrettable qu'il en fût autrement; car la contradiction met souvent en lumière des faits jusque-là trop négligés, accentue parfois la faiblesse de certains arguments, et oblige toujours le chercheur consciencieux à mieux étayer ses résultats. Pour celui-ci, il ne sera jamais plus fort que lorsqu'il pourra prendre la question en litige par un autre côté, entrer dans une nouvelle voie et montrer qu'elle aboutit au même terme que le chemin précédemment suivi. Il arrivera ainsi, comme lorsqu'il s'agit d'un calcul, à faire la preuve de sa première opération.

C'est une preuve de cette nature que je voudrais apporter aujourd'hui aux con- clusions que j'ai été conduit à formuler par l'étude d'une des sources de Moïse de Khoren, le Socrate arménien précédé de la Vie de S. Silvestre. J'ai cru être en droit de faire le raisonnement suivant: «Si l'Histoire d'A r m é n i e n'a pas été écrite au V® siècle, comme le veut la tradition, mais bien au VIII® siècle, ce qui me paraît résulter de mes recherches, il serait bien étonnant que les deux siècles intermédiaires, le VI® et le VII®, n'eussent point contribué à fournir quelques

�� � sources à Moïse de Khoren. Si donc je ne trouve rien en parcourant la littérature his- torique de ces deux siècles, ma première argumentation n'en sera pas renversée, mais elle perdra, même à mes yeux, le caractère d'évidence que je lui attribuais. Si au con traire je peux montrer que l'auteur arménien a puisé plus ou moins largement dans un ou plusieurs auteurs, non encore nommés dans le débat, du VI* ou du VII* siècle, la thèse que j'ai précédemment soutenue devra recevoir de ce chef une éclatante confir- mation.»

J*ai déjà raconté^ dans une lettre au savant P. J. Dashian*, comment j'avais d'abord cru découvrir dans la Chronique Pascale une des sources de Moïse de Khoren, et comment je fus amené à remonter jusqu'à la Chronique de Jean Malalas (fin du VP siècle). 11 est donc inutile de revenir sur des faits déjà connus des lecteurs du Hantes s. II serait également hors de pro- pos d'entamer ici une discussion sur la date exacte de la Chronique de Malalas, qui, dans l'état actilel du texte, s'arrête à la 37® année de Justinien (563) ; mais, comme l'unique manuscrit qui nous l'a transmise est mutilé de la fin, on a pu soutenir que Fau- teur avait poussé son travail jusqu'à l'avéne- ment d'Héraclius (610). » Pour le but que nous poursuivons, il nous suffit de savoir que l'ouvrage ne peut être antérieur au

��1 Voyez plus haut, p. i. « Voyez K. Krumbacher, G é s-ch. d e r b y z a n t. Litteratur, p. 112 sv.

�� � dernier tiers du VI® siècle. Quant à sa valeur historique, on en jugera facilement par les erreurs qu^il fait commettre à Moïse de Khoren. Ses nombreuses imperfections n'em- pêchèrent pas le livre de Malalas de devenir populaire, et de servir de source à la plupart des chroniqueurs qui vinrent après lui et l'imitèrent. Nous croyons toujours plus fermement qu'il en exista une traduction arménienne, et que l'auteur de l'Histoire d'Arménie ne connut Malalas que par cette traduction.

Les rapprochements que nous allons établir entre les textes de Moïse de Khoren et de Malalas, ^) ne sont pas tous également probants. Pour quelques uns, en petit nom- bre il est vrai, la ressemblance pourrait à la rigueur s'expliquer autrement que par une relation de dépendanice. Aussi avions-nous d'abord songé à donner en première ligne les citations les plus décisives, celles qui montrent le plus clairement que l'arménien est tantôt un abrégé,, tantôt une traduction mot pour mot du grec. L'emprunt une fois mis hors de doute, nous aurions produit les passages moins caractéristiques, qui auraient ainsi bénéficié de la démonstration antérieure. Une pareille manière de procéder n'avait rien que de très-légitime, et pourtant nous y avons renoncé. Il nous a semblé qu'en suivant Moïse de Khoren lui-même, chapitre par chapitre, nous échapperions complète- ment au reproche d'avoir groupé et présenté

«) Nous citons Malalas d'après l'édition de Bonn, 1831.

�� � les faits dans un ordre artificiel plus favo- rable à nos conclusions. Au lecteur donc de se faire une opinion personnelle en étudiant chacun des seize fragments sur lesquels va porter la comparaison de l'Histoire d'Ar- ménie avec la Chronique de Malalas. U appréciera les textes, pèsera la valeur des rapprochements, et pourra ainsi tirer facile- ment lui-même les conséquences qui lui pa- raîtront résulter de son examen.

Plusieurs des passages que nous allons citer sont de nature à provoquer d'assez longs commentaires. Comme nous voulons nous borner à la recherche des sources de Moïse de Khoren, et non pas écrire les notes d'une édition savante, nos observations ont été réduites à ce qui est strictement nécessaire pour l'intelligence et la compa- raison des deux textes.

I. Moïse de Kh. II, 13. Malalas, p. 155 — 156.

l^fLitnu KpoTûOÇ

^iu^kugk ii^it»tuÊtnu^ yLtyakiqv <^Z^^ xara- p-fÊ^Sbux Xùaee.

Hérodote parle de cet oracle ambigu, mais n'en cite pas le texte J) Le vers pro- noncé par la Pythie:

Kpoïaoç ^AXuv âca^àç fxeydlrj)^ ^PZV^ xaTaX&aei nous a été transmis par Aristote.*) Malalas, qui est fort peu lettré, défigure le vers et en rompt

��1) Hérod. I, 53.

2) Rhetor. lll, 5.

�� � la mesure par l'intercalation du mot Trora/iôv, traduit par ^^*« dans Tarménien de Moïse de Khoren.

II. Moïse de Kh. II, 76. Malalas, p. 301—302.

^EttI de T^ç ^aacXsiaç . . . S'^if"""" ro5 aoToo TaxiToo

^uij tll^nqJiuJft^ ni„%uinuf è^évezo TtôXe/ioç èv ry

/7ov^rxJ^

xai xaT^kdei^ ô a'jzdç ^aatkehç JZoXsficôv,

ir% \oiunuwhp • %itjiiuti^u Êfl. TOU

��• •

��iritfuujn %nnut

^qnn-fuJitnu . . . 0Xù}ptav6ç . . . STS-

{TTpdTeuaexaTàlIsptTibVj xal Sç xaTép^erat p SwftitA t èv Tapffipy è(j<pàyTj otto

Les anciens auteurs sont très partagés sur le lieu où l'empereur Tacite succomba à la maladie ou fut tué par ses troupes (276). Zosime le fait mourir en Europe; Aurélius Victor (Epitome), à Tarse en Cilicie ; le même Victor (de Csesaribus), à Tyane en Cappa- doce; Moïse de Khoren et Malalas sont les seuls qui placent l'événement dans le pays des

��*) Rappelons en passant qu*Artaschir (f 24i) était mort depuis trente quatre ans lorsque Tacite revêtit la pourpre impériale (276).

2) Corriger en TCavvixff; cf. oi Jtdwot, Mal. p. 347, 1.8; T^avixriy Procope, de BelloPers. II, 29.

es*

�� � Tzanes, que les Arméniens nommaient la Chaldie.

III. Moïse de Kh. II, 79. Malalas, p. 302.

'0 Ôè abzhç fiaadebç IJpôfioç ènoXéfÂTjae toU ràzêotç èv Tqi îepfii^.

hqbi. iit$il_ tfutuin/^ff. èyévsTO Xi/ihç xodfitxbç

irL jnl^ ^inirinj ^^IrJfiu^ XOl [17] eÙps9éVTa)V âva-

juiptrêuïê iiofigi» [ê il^ft-Mj saTatriaffev ô CTpazaç. Itê. uuiusitfilb Ê^ua X xul è7reX(fvvT€ç sfffa^av^

aoTov èv T^ Ztpp.i(p . . .

La ressemblance des deux textes pa- raîtra encore plus frappante, lorsqu'on saura que Malalas et Moïse de Khoren sont de nouveau les seuls historiens qui attribuent à une famine les cause de la révolte des sol- dats de Probus.

IV. Moïse de Kh. II, 83. Malalas, p. 316— 317,

'^ifi' poo,

<oç eïSev èv rq) odpav^^ trt. êun.tu2*M$p^hi>buêi_^ xul npoTjfeÏTo auTou .. .

JuM^i X xarà xpdroç.

��Cf." M. de Kh. Géogr. éd. Patk. p. 16. : zf»- %kp^, npf! k% \uu,qu,lfp.Au MeudtzCuAkp^ (SKK^Q})

Saint-Martin a gardé la leçon ■^us'hliLx

�� � Malalas paraît ici avoir abrégé une source très-semblable à l'interpolation signalée par nous dans laViearméniennedeS.Silvestre.*) Uemploi du mot ^«Vvov») {u^^u^njù^ signum) dans les deux textes ne peut s'expliquer par une simple coïncidence.

V.

Moïse de Kh. II, 87. Malalas, p. 319.

iZ^hqPitk i^^p t'-p T7JV éauTOÏi fÂTjTépa tjjv

xùpav ^EXévTjv

tl^pfiut^ut% ^u^iêA, TovauTouripeovaTaopov

^m%i.lrpl SA^f^ F^f-^^ fterà r<ôv névre i^kwv.

tLqo%.t - ■ ■

t- ' ...

L'arménien est évidemment traduit du grec, et la dépendance du prçihier texte vis^ à- vis du second se trouve encore accentuée par ce fait que la phraàe qui précède immé* diatement dans l'arménien, relève aussi, sinon pour la forme, du moins pour le fond, d'une affirmation inexacte énoncée quelques ligneç plus haut par Malalas (p. 317).

'^ttu'iii^^tut^nà,^ uiqtuitrtuff Koi ineaTpàtsuae xazk

��») Nouv. sources, p. 15 sv.

  • ) Ce mot se rencontra sept fois chez Malalas

dans le sens d'enseigne militaire.

�� � mni-p-lÊLit, Ira, ^tuuiuMuuiB^i^ fÂSTà Sapo^àpo w ' ), ^aot'

%uÊé,mp. (^^ »»Êp„Êpirt»Êi_ aoo aÎTT^aavToç eîpTivrjv lr*.%t^ ëjreiv pezà 'Pofpacœv.

Aucun historien n'admet que la paix ait été conclue entre Constantin et Sapor, en- core moins qu'elle ait été demandée par le roi de Perse. Il n'en est question que dans la Vie de Constantin*) d'Eusèbe, que n'a point connue Moïse de Khoren, mais qui a peut-être servi de source à Malalas.

VI. Moïse de Kh. II, 88. Malalas, p. 292.

Kàè To de ieicôpevov Srpar^ytov dvevéwaev abroç Zéfirjpoç' \ upi^^u utfi^^^ TtpqiJjv yàp ^v xrtadiv

Wq^^uuAi-pf Jùt^h^i-if^ 'Ake^dvâpou zoo Maxe-

'b^pB^^if Jaoêiou

it$^mtLtu^%irjftuLf irt.uiu^t0 sTcetïrpdTeuaeVj oç xai

êntuù ht-p

tiutuuijlruai^ J^^aupuaaÊt^Ê^flïi, èxdXeOB TOV TÔTTOV ^Tpa-

^utiiiiP/i%JêutiuftuuiB^putiiy èxsî fhp aTpazTjy^aaç

1) Lire 2cui<oqov,

') IV, 57-

«) La Chronique pascale (p. 265 D), dont la source est ici Malalas, a la leçon StQaxfjyiv (y«t|f«»~ mfq.f!it]j qui pourrait bien être la plus ancienne.

�� � JulP^^Ai asv elç rà népav xarà

Uepawv.

VIL Moïse de Kh. Il, 88. Malalas, p. 291.

. . .i&-*. pipit ^P^huty iipui^ , . ,xaî exTtae djjfJLÔatov

Zsù^cTTTtovi, âiÔTi èxeê taravo iv [léaqi zoû ts- Tpaarqioi}

np ntAkp umnfiutiffp XŒt ÙTCOXdVlO UÔT^Ç S-

fpatpe

/unp^psi.tu^Ma'it titittiaAWfiB^^ TO pUffTtxbv OVOpa ZOO

ptÊtÊt fà*fit$Ê^$êêgLng ^n.^ Zeo^éTTTrq) 6eq}' ol de Sjr»^u^uin%f Opçineç oStwç ëleyov

To)^ ^Aeov. Oi de t^ç ttô- XecDç BùCtjç o5twç "PII i-i^'Q^ j'TÎrpî!^^ (bvôpaCov rh abrb àrj- QUitÊ Ifl piuqiuiilig% X pàaeov ^louTpov^)

Zeô^eTZTTOV xazà to ovo* pa Snep et^e to npôre-

pOV 6 TÔTtOÇ.

VIII. Moïse de Kh. II, 88. Malalas, p. 292.

IjMf ^IfiMiif in, ... Kài xziaaç ô aÙToç

fiaadehç xai xaTévavrt

��Mot rétabli dans le texte d'après la Chron. pasc.

��i

�� � ToûiepovT^ç ^ApTé/Àtdoç ijtmhumpiuVù êtil tiff-tuigu»^ xuvTjYtov /iéya Ttdvo, xol %tMiJmi»utliuBifr xarévavTi toS hpo^ r^ç

'AippodiTijç ké, t^$êi>iiuili$Miijh f itL. iii/i' déarpov xb Sh ^Inmtov l^p^êuguù iaTTjaev ...

M^ ^uanuigiJêui^ t oTiep oox êip9aat tiXt^-

péâaai.

IX. Moïse de Kh. II, 88. Malalas p. 320.

TÎVOÇ

xpùfpa tiuiumgkui^ ^u»iu>ii.^êi% To XefôpLevov IlaXXddtov

' etç

Tov un' aÙTooxTcalUvTa

i^npu%^'ib. 0ùpO)f

%hiipty uIfumIA UTZOXdTQ) TOO XiOVOC T^C

âç Tiveç Xé^ouac roiv BoCdVTCiov oTi èxec xée- Tac.

Les passages cités sous VI, VII, VIII, IX appartiennent au même chapitre de Moïse de Khoren et constituent presque toute la seconde partie de II, 88*") Je les ai repro-

��<) Soavor, statuette en bois, vient de fcco, gratter, racler, polir, comme ^Ai»«»*-«7 est dérivé de 4t^p^L.i ^^ ^ 1^ même signification que féco.

2) Il ne sera pas inutile de mettre les textes que nous venons de comparer en regard des rappro-

�� � duits dans l'ordre où les présente le texte arménien, et si j'ai dû les séparer, c'est qu'ils correspondent à des endroits différents du texte de Malalas. Il n'y a pas lieu d'insister sur la ressemblance, je pourrais dire l'iden- tité, des citations. Nous nous bornons à attirer l'attention du lecteur sur ce fait que pres- que tous les détails donnés dans ces fragments ne se trouvent que chez Malalas et chez Moïse de Khoren. La Chronique pascale transcrit presque mot pour mot le, texte de Malalas.

X.

Moïse de Kh. III, 12. Malalas, p. 325—326.

Je ne reproduis pas ici ces textes, rela- tifs à la mort de l'empereur Constance, qui ont déjà été donnés plus haut, page* 3/

XI.

Moïse de Kh. III, 21. Malalas, p. 339 sv. Uâtfifm^^ ira, jyé- ut^iuL.^ ^Q ôk UstoTaTOç ^aac- "P ^P b i^P'V uài^fiusM.utg Xebç. DalBVTtvtavbçTtoX' ilutqh%u,^uAuu . npi$i[^ iru Xouç auyxi^jjTexohç xai i^tuifnLir ^^uAu aliuuh àp}(ovTaçè7:ap}(tà}v BipÔ* ju,t^2^Êu^uLp-huê% û$u^ veuaeVj ù>ç dâcxoôvzù.^ utm^hiu^y xai xXénzovzaç xat âp-

TrdCovraç. Tàv Se Trpat- TtoacTOv Toû Ttàkazioù if à, iifl^n^iêtituu sM aixoH ôvôfiavi ^Podav(/v,

��chemehts établis pour les mêmes passages, — mais non sans une pointe d'ironie —, par le. savant P. Basile Sarkisian. Voyez S^'""-P'è'-'^ Ji^tyÊkmmpmm^

1893, p. U et iji.

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��avopa ouvaTtoTazov xat eoTTopav xac âiotxotjvra

zà TTCikdziOV

%irflpfiiiMÊt$^^ut dfç Ttpéâzov Svza dp^e-

€ovo5/ov xac ev fisyiHig ztfjdfl ùvza,

^ÊÊÊÊit^ Irp^^t ^ptuJuy^ ô fhp TTpatKoaizoç au-

é^i^S V"'î- 't'U 'VP^V ' oùacav ànà zivoç ^r^paç

Yovatxoç X. r. X.

Le texte grec continue en racontant les divers efforts faits par Valentinien pour amener Rhodanus à restituer les biens injustement ravis; ce que l'arménien exprime en termes fort sommaires Çbeh- ^/•«'«%i^"^> i^«- "i. f'^t^ l^g...). Malalas sert de source aux autres chroniqueurs byzantins (Chronique pascale, Cédrénus etc.) qui rapportent l'aventure du grand eunuque Rhodanus. Les historiens plus anciens ne la connaissent pas.

. XII. Moïse de Kh. III, 29. Malalas, p. 341 — 342.

. . . ^liLtstiiq.tuffirut£_ ii^^ , , . DaXBVvtvcavoç vôa

ip ^irp^ ev xaazBXXifp Btpyczi' Êg-Pur/iniê »l^uêp[» p ^lr%^ VC^V*) . . . Irq^o/fi* ^n^uiiinpig.hint[^ Kal k^aatXBDas ô ësto- quti^puL/^^t.%%t zazoç Bâlrjç ô âdskfoç ��1) . \ , èv (pQovQifp tp TtQoaœrofiia BegyuiODr, Socrate, IV, c. 30. �� � e* ��ut ÊÊ.IUpîjp.UM^ ��ttntu ��tlP ��i^ÊUnhuI» auêutnlânÊUiÊtfiêÊL. ��t' ��'P^t liaXevTiVcavot) . . . "Ots yàp èrei^suTa Bakevrt- vtavoç ô auToû ââekfôç, oàx ^v Iv KwvûTavTt' vou7t6l£c 6 Bdkiiç, dk^ A'^v Ttéfiipaç aùzdv ô à- âsXfoç aÙToU /Àijaat sic To Zip(itov Tzphç Tobç ràzi^ouç' oStruvaç vixTjaaç xarà xpdzoç ÙTtéazpetpt . . . ��La comparaison des textes provoque immédiatement deux observations: I" Moïse de Khoren et J. Malalas com- mettent tous les deux une grave erreur his- torique en faisant de Valens le successeur de Valentinien. Valens était déjà dans la douzième année de son règne lorsque son frère mourut (375). Ils avaient été en eifet proclamés la même année (364), et s'étaient partagé l'empire de telle sorte que Valenti- nien gouvernait les provinces occidentales et Valens les provinces orientales. A partir de ce moment «l'empire est irrévocablement divisé, car l'tmité ne sera rétablie par Théo- dose que durant quelques mois.»^) Valens n'eut donc point à s'occuper de la succession de Valentinien, qui donixa lieu à un partage de l'Occident entre ses deux fils Gratien et Valentinien IL Le chroniqueur grec et This- ��Duruy, Hist. des Romains, t. VII. p. 397. �� � torien arménien sont donc en complet désaccord avec l'histoire réelle. ') 2 En regardant de près les deux textes, arménien et grec, on voit facilement que le premier n'est qu'un abrégé du second. Après nous avoir dit que l'empire passa au frère de Valentinien, Moïse de Khoren nous parle immédiatement du retour (t^*»/»^) de Valens; le grec seul nous fait bien comprendre ce détail en nous racontant que Valens ' n'était pas à Constantihople lorsqu'il fut proclamé empereur, que son frère l'avait envoyé faire la guerre aux Goths, mais qu'il revint {ÙTréazpe^s) après les avoir vaincus. Abstrac- tion faite de la non historicité des faits rap- portés par les deux auteurs, un pareil indice témoigne de la dépendane de l'arménien vis- à-vis du grec. XIII. Moïse de Kh. III, 33. Malalas, p. 343. . . . (il^qk") ... TOU ohlJfiaTOÇ TOU àypoû %nL,^ifl^u àvafëévTWV rd)v axa- îû)V VUXTÔÇ. réjv xoo^txoukapicjv xài anaHapiaiv auzoô. ��ï) Moïse de Khoren s'approprie si bien l'ordre de succession ' admis par Malalas, qu'il fait aller deux fois saint Nersès à Byzance, d'abord sous Valentinien (qui résidait du reste en Occident), puis sous Valens (III. c. 21 et 29). Fauste de Byzance ne connaît qu'un seul voyage de saint Nersès à Constantinople (IV, c. 5 et suivants). �� � Ce qui importe ici, ce n'est point la ressemblance des textes, mais la manière dont la mort de Valens est rapportée. On sait que cet empereur disparut pendant la funeste bataille d'AndrinopIe (9 août 378) ; blessé par une flèche, il avait été, dit-on, porté dans une chaumière à laquelle les Goths mirent le feu. Nos deux auteurs ne parlent pas de la bataille; le récit de Ma- lalas, assez obscur du reste, l'exclut même complètement: Valens, nous dit-il, s'était transporté à Andrinople en vue d'une cons- truction; la chaumière dans laquelle il se trouvait logé prit feu sans qu'on sache com- ment {âdrji.û}ç)^ et, l'escalier ayant été con- sumé par les flammes, l'empereur périt avec toute sa suite. Moïse, pour parler de la mort de Valens, ne semble pas avoir eu d'autre source que le chroniqueur grec; et ce qui tendrait encore à le prouver, c'est que les phrases qui suivent immédiatement dans le texte arménien sont, comme on va le voir, littéralement traduites de Malalas. XIV. Moïse de Kh. III, 33. Malalas, p. 344,1.19— 20. ^n.nff% Xi^vœv Ttdvraç xaré- J^^u j$um$uliu ia)ç èdàfppuç ô auzoç Seoiàmoç fiaadeôç. tl^utflirut£uh ^t,giptt/i,\itni^ ^KaivazavTcvoç . , , rà mtui»q.^fuitnu^ , ispà fiôvov exkecffev xaî Toûç vaobç . . .]•) — ■-■■■ — ■■ » ' ■ ') Les mots entie crochets [ ] comblent une �� � «  Malalas, p. 345,1. 12 — 19. . . . Tobç Tpeeç vaohç Tohç dvraç èv Kovarav-* TtvouTzékee . . . xaraAci- aaç . . . lrK..\^u,irA,$»j TovT^ç ^ApréfiuStç varfv... vadv . . . Malalas, p.344,1. 20—23. lUÊ^kpIrtuif %tiftÊi$iku fuwtu^ ôfioiwç de xai To iepov TSuÊmb ^iuJuiuli^ , in. lupiêtp Êr^h^ Ja/iaffXOO è*tOt7]iTSV èX' q^g^ . xXyjffiav ^ptartavàir %^'ifug^u £-«. iiuHu^utffh xaréXoae âè xdi to iepo)f igXjrgiuAsfu^ [zà Toî) BaXaveou,]') lacune dans le texte actuel de Malalas; ils sont em- pruntés à la Chronique pascale (p. 303 D), dont 1 auteur avait sous les yeux un texte non encore abrégé; cf. du reste Malalas, p. 324, 1. i — 4. Dans Parménien le cod. Lambr. ajoute après q4"^^kmiu% le mot '^<«yt'9 qui manque dans Péd. de Venise, mais appartient certainement au texte primitif {xà ieçà fiovBv ixlsiaev). Nouvelle preuve, après celles déjà fournies à M. Norayr par l'étude des sources (•gî»*»»^ ikpj II, p. 39, 40, etc.;, que le cod. Lambr., malgré ses interpolations, peut cependant contenir de très- bonnes leçons. Var. ^/Alt•. (Venise, 1865).

  • ) Rétabli dans le texte d'après la Chron.
pasc. (p. 303 D), où il correspond au fXfipu/iimmlÊ de Moïse de Khoren. Laquelle des deux leçons mérite la préférence î C'est là une question fort difficile à élucider, et qui demanderait une étude spéciale. Le «célèbre Trilithon» dont il s'agit dans notre passage, est sans aucun doute le temple du Soleil à Hélio- polis, aujourd'hui Baalbek (Renan, Mission de �� � J ��/ ffy^pkg^wpirwVb * . TO X£YÔ/i£)fnvTpiXt{toV,*) XV. Moïse de Kh. III, 39. Malalas, p. 347. yfShk jyitiÊ fè^k-t'"' ^0 de a'jToç deoâôaeoç fiaadebç ^L t ^t'-'H^'^tt'U ^^à KœvaTavTtvouTTÔ' yt Z,n.n^ ^nju , £7[l ^PwfÀTjV in. Juthuêi_ ft fè^huitêqitit^li £Îa^X{^£V èv 6£(ïifaXovi' X7] TTôXsr Phénicie, p. 314 sv.). Malalas nous raconte ailleurs comment cette «merveille du monde» (êéafia, p. 280) fut construite par Ântonin le Pieux et consacrée à Jupiter, et il veut certainement parler du grand temple de Baalbek, et non du petit, dit temple de Jupiter. Il n'y a pas d'apparence que le temple du Soleil ait pu être consacré au Liban, car nous ne trouvons d'autre trace du dieu Liban, ou plutôt d'un Baal du Liban (Ji^7 ^^2), qu'une inscription sur les débris d'un vase de bronze qui date peut- être du IX« siècle avant notre ère (Corpus in- scription um semiticarum. Pars I, Tom. I, p. 22 sv.). Il est possible que la leçon qi^putitmêifÊ repose sur la fausse mterprétation d'une phrase comme celle que nous lisons dans Malalas, p. 280: ëxxioev iv 'HXiovnôXei xrjç ^ivixrjç xov Atpdvov vaov t(p Ad ftéyav. Quant au BoXaviog de la Chronique pas- cale, nous ignorons la provenance de ce mot, qui ne se rencontre pas ailleurs et soulève bien des difficultés. Voir les explications de Renan (Mission de Phénicie, p. 320), de Baudissin (Jahveh et Mo loch, p. 35), etc. «) Pour rendre plus facile au lecteur la com- paraison des textes, nous avons dû intervertir l'ordre des deux dernières phrases. Chez Malalas, elles se succèdent ainsi: Karélvae — TqiXiûov, puis éftcicoç — XQtoTiavfôv. �� � ^ ��ffTpaTccjTexoù nXyj&ooç Itl jiuqut^u [tfiuiluàtflh dtà /ÂiTâza rapà^avroç T7JV Ttôkev^ Irq^i. ptiLUilnup-^Lt» fthif. èazaaiaoav xai Z^ptaav ^tiu Irt pi*ii.^Mtquiptu^^u% t Tov ^aaeXéa oi deaaa kovtxsêç. Kài &€û}pij(raç cTzmxdv pOVTOÇ /AV TO^eoi^TJvat' uuttÊtut^B-tu^ f ^tuquB^tu^ xai dTTciXsTO ttX^&oç ffiriujfl» tupu ^H.lrmiuuiuu ^tutitupx ^eXcàdwxf 8exanivT£. Encore une fois nous trouvons Moïse de Khoren et Malalas d'accord entre eux, mais en complète opposition a,vec ce qui semble historiquement établi. D'abord il est certain que Théodose n'était pas à Thessa- lonique lorsqu'eurent lieu les événements ici racontés. L'empereur apprit à Milan la sé- dition qui avait coûté la vie au commandant de la garnison de Thessalonique, et ce fut de Milan, — les lettres de S. Ambroise sont là pour nous l'attester — , qu'il envoya froide- ment l'ordre de massacrer la population de la ville. Quant aux causes de la sédition, Malalas et les chroniqueurs qui dépendent plus ou moins directement de lui, comme Théophane (VHP s.) et Cédrénus (XI« s.), sont les seuls qui mettent en avant une rixe au sujet du logement (piTâra) des troupes. Il en est de même pour le nombre des victimes. Malalas est le premier qui en porte �� � le chiffre à 15.000, et il est suivi par Zonaras (Xn® s.). Théodoret, plus ancien et plus digne de foi, ne parle que de 7000 morts. Cédré- nus donne les deux chiffres, mais semble préférer le plus faible: «7000, quelques uns disent 15.000.» XVI. Moïse de Kh. III, 41. Malalas, p. 348. 1»i#( </&^tr fd*k"i-'"' ^0 âè aùrf)ç deodàaeoç ^affdebç notijtjaç Ttpô- xsvaov p }iPpq.nÊ.iuM%ifh ^pLutit^ èv Mt^ooXdv(p ij^pw- JhM.iui. . . . xal TèXeuTçt x, r. A. Dans ce dernier passaige, la seule chose qui importe et dont nous puissions tirer quelque conséquence, c'est le nom de la ville où mourut Théodose. Pourquoi, au lieu de désigner Milan par la forme régulière jpêfq-PnquAnh quc lui offrait la Chronique d'Eusèbe, ') Moïse de Khoren a-t-il choisi une orthographe qui rappelle tellement le Mc^oukdvov deM^^jiS? ^) Si nos lecteurs ont interprété c^T nous les comparaisons qui précèdent, ils ^'hésiteront pas à corriger, 1) Ed. Aucher, in fol., II, p. 168. «) Cette forme, due vraisemblablement à une prononciation syriaque, se retrouve encore deux fois chez Malalas (p. 297, 1. 22, et p. 298, 1. i), qui fait assassiner Valérien à Milan (confondant avec Gallien), et ignore sa captivité chez les Perses! Se rappeler que Moïse de Khoren n'a pas davantage entendu parler de cette captivité, et se borne à nous dire que Valérien ne vécutpas longtemps (*b«" ^^ -L jkp^utpt^ if^tm'iiuh, II. 76). �� � d'après le grec, \rtt"^u^"^ ^^ \rf"i»*-iui"àf . Et ils auront d'autant plus raison de le faire, que ir^7.«*-^ui!îsr»'îr est déjà une correction des éditeurs et ne se trouve dans aucun manus- crit. Voici en effet ce que nous lisons dans une note de l'édition de Venise (1865): \pfÊU»£SfM.q.u/itn% . ^ Cette dernière leçon provient certainement d'une faute de lecture: wp'Hf-- q.u/i»iA , qu'il fallait lire \r^qnM.q.ui%ii% ou wfiq;^'-^ q.ué%n% , mais non pas jr/ttuini.q.iM/itn% . On vou- dra bien reconnaître maintenant que notre correction n'est pas trop hardie. Cependant, nous ne croyons pas que XF^ignuiuAiA soit la leçon originale du texte arménien. Remarquez que, dans les Cinq variantes présentées par l'édition de Venise, les deux dernières syllabes sont toujours ~ii.iu%n%. Il faut tenir compte de cette unani- mité ; ce qui sera facile en supposant que le traducteur arménien a lu MlZOYàANON au lieude MIZOYAANON et a transcrit ir^^*-7^««î#«»l^. La ressemblance du J et du yl a souvent amené de pareilles erreurs, et celle-ci met hors de doute la provenance du texte arménien. La conclusion qui ressort de l'ensemble de ces rapprochements, nous paraît se dé- gager avec assez de clarté pour qu'il soit superflu d'ajouter une démonstration quel- conque. On peut affirmer, sans crainte de se tromper, que le texte arménien dérive directement du texte grec affronté. Par con- séquent Moïse de Khoren a connu et utilisé la Chronique de Malalas. �� � Une objection, une seule, pourrait, si elle était fondée, venir infirmer un pareil résultat. Il est donc utile d'y répondre, même avant qu'elle soit formulée. Moïse de Khoren, diront certainement nos contrp.dicteurs, n'a pas eu sous les yeux le livre de Malalas; il n'a fait que mettre à profit les mêmes docu- ments que le chroniqueur grec. En d'autres termes, Moïse et Malalas ont puisé à une source commune. L'objection serait de poids, si seulement le moindre indice nous révélait l'existence d'une telle source; sinon, nous nous trouvons en face d'une hypothèse sans fondement. Or cet indice, nous l'avons cherché avec le plus grand soin, en soumettant à une étude minutieuse chacun des passages allégués. Notre recherche a* été vaine. Pour aucune des citations caractéristiques nous n'avons pu remonter au delà de Malalas. Et notez qu'il ne s'agi- rait pas d'un simple fragment, d'une source peu considérable. Le document dont il nous faudrait prouver l'existence, devait, à en juger par les extraits que nous possédons, s'étendre au moins de la mort de l'empereur Tacite (276; N«. II) à la mort de Théodose le Grand (395; N«. XVI). Le fait qu'il n'en subsiste aucune trace, directe ou indirecte, suffirait à lui seul pour nous faire écarter l'hypothèse d'une source commune. En revanche les passages grecs cités se ressemblent par bien des points : tendance anecdotique, langue incorrecte et barbare, emploi de mots latins, etc.; autant de traits qui s'appliquent à l'œuvre entière de Malalas et servent à la caractériser. La traduction 3* �� � arménienne reproduit souvent les particulari- tés du style syro-grec de la Chronique. Une erreur d'ordre plus général, commise par Moïse de Khoren, montre peut-être mieux encore qu'il dépend de la Chronique de Malalas, et non d'un écrit antérieur. Nous avons vu sous le N". XII qu'il donne Valens pour successeur à Valentinien, et qu'il est en cela d'accord avec le chroniqueur grec. Or les bévues de ce genre sont un des caractères distinctifs du livre de Malalas, qui, seul entre tous les historiens de l'empire romain, n'admet guère que deux empereurs aient pu régner en même temps. C'est ainsi qu'à Théodose il fait succéder Honorius, et, après la mort d'Honorius, Arcadius.») Il range également dans l'ordre suivant les prédéces- seurs de Constantin: Dioclétien, après son ab- dication, a pour successeur Maximien Hercule, qui abdique à son tour et laisse le trône à Maxence (c. à d. Galérius); puis viennent successivement Constance Chlore, après la mort de Constance Chlore, Licinius, et après la mort de Licinius, Constantin le Grand. ') Nous croyons avoir, par ces considéra- tions que nous pourrions, s'il était nécessaire, développer davantage, écarté tout recours à la supposition d'une source commune. Nous revenons donc, avec plus de sûreté,- à l'affir- mation déjà énoncée: Moïse de Khoren a fait de nombreux emprunts à la ��Malalas, p. 349 sv. •) Malalas, p 311 sv. �� � Chronique de Jean Malalas, qui date au plus tôt du dernier tiers du VP siècle.') Si nous ne connaissions pas d'autres sources de l'Histoire d'Arménie, nous pourrions conclure que ce livre n'a pu être écrit avant la fin du VI* siècle ou le com- mencement du Vir siècle. Mais la date de la version arménienne de Socrate nous a déjà fait descendre un siècle plus bas, et rien n'est survenu qui soit de nature à mo- difier les résultats précédemment obtenus. Nous ne voulons donc demander à la pré- sente étude qu'une confirmation de ces ré- sultats. L'impossibilité de placer la compo- sition de l'Histoire d'Arménie à la fin du V* ou au commencement du Vr siècle est désormais positivement établie; et si la date traditionnelle ne peut plus être défendue, nous ne voyons aucune raison vraiment scientifique qui nous empêche de l'abaisser jusqu'au VIII' siècle. Paris, 31 décembre 1893. ��») La découverte possible, sinon probable, d'une traduction arménienne de Malalas, nous fournirait certainement une date plus basse. ��� � VI. Moïse de Khoren et Procope. Salluste, l'historien de la guerre contre Jugurtha, se trouve amené à nous donner son opinion sur l'origine des Maures.*) Ils descendent selon lui des Perses, des Mèdes et des Arméniens qui faisaient partie de l'ar- mée d'Hercule, et qui passèrent d'Espagne en Afrique après la mort de ce héros.*) Cinq siècles plus tard le Grec Procope, racontant la guerre de Justinien contre les Vandales, traite, la même question, mais en auteur chré- tien qui connaît sa Bible. Poiir lui les an- cêtres des Maures ne sont autres que les Cananéens, qui, chassés de leur pays par la conquête israélite, sont allés s'établir sur la côte nord de l'Afrique. Un fait important vient corroborer sa manière de voir. Il existe, dit-il, à Tigisis (Ttycatç)^ ville de la De bello Jugurth. XVIII. 2) Saint-Martin a consacré un long mémoire à défendre, au moins dans ses grands traits, Popinion de Salluste; cf. Observations sur un passage de Salluste relatif à l'origine persane des Maures, dans les Mémoires de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, t. XII, p. 181-256. �� � Numidie, une inscription phénicienne portant ces mots: Nous sommes ceux qui avons fui devant le brigand Josué, fils de NavéJ) Un monument de cette nature devait forcément éveiller l'attention des historiens. Aussi rinscription dont parle Procope a-t- elle été mainte fois citée, commentée, dis- cutée. Aujourd'hui personne n'en défend plus l'authenticité; et, parmi les savants mo- dernes, nous ne connaissons guère que P. Schroeder qui soit tenté de l'admettre.) Mais, malgré tout l'intérêt que pourrait offrir l'examen d'un pareil sujet, nous ne pouvons songer à Taborder ici. La seule chose qui nous importe, c'est l'origine et la provenance du récit de Procope, Le premier en date des historiens qui ont reproduit ce récit, est Evagrius, vers la fin du VI® siècle. Comme Procope, il rat- tache le fait à l'expédition de Bélisaire contre les Vandales, mais il commence par nous dire que jusqu'à Procope personne n'avait entendu parler de cela.*) Il n'en ajoute pas moins une foi entière au témoignage de Procope, celui-ci déclarant qu'il a lu lui-même l'inscription.*) Nous ne trouvons, il est vrai, rien de pareil 1) 'H/ÀsTç sofisv oi (fvyovTsç àno Jtgoaœjtov 'lijaov jov Xfjatov vlov Navfj. Procope, De belle Vanda- lico, II, lo. 2) P. Schroeder, Die phônizische Sprache, pag. 3. ») ^ol de (JIqohotiioç) xal etsqov, ijxioxa /jIîjv îaxoQridsv àxQtç avtov... Evagr. Hist. eccles. IV, 18. 4) , . . ÔTteg xai àvayvwvai qprjoi xoTç fpoivixcov ygàfi- fiaai avyxsi(Àevov. Ibid. �� � dans le texte auquel renvoie Evagrius. Pour expliquer son affirmation, nous n'avons ce- pendant pas besoin de supposer qu'il avait un texte différent du nôtre, ou bien qu'il disposait de renseignements aujourd'hui perdus pour nous. Il suffit de liie attentive- ment le récit de Procope pour reconnaître que nous avons affaire à un témoin. Nous savons qu'il a pris part à la campagne d'Afrique comme attaché, nous dirions au- jourd'hui à l'état-major de Bélisaire ; il resta même dans la province reconquise sur les Vandales après le départ de l'illustre général. Dans ses courses à travers le pays, il a certainement visité la ville de Tigisis, et vu la vieille forteresse (fpoùpwv) que l'on disait avoir été construite par les Cananéens. C'est là qu'il vit également les deux stèles ou colonnes de marbre blanc, sur lesquelles était gravée en carac- tères phéniciens et dans la langue des Phéniciens*) l'inscription qu'il rap- porte. 11 sait que ces stèles se trouvent près de la grande fontaine de Tigisis.») Tous ces détails doivent être d'une rigou- reuse exactitude et trahissent le témoin ocu- laire. Ils concordent pleinement avec l'état actuel des lieux. Le site de Tigisis a été reconnu au village actuel de Taourga, à une ��1) *'Evûa oTTjXai ôvo eh Xi&cov Xevxcôv nenoirifAsvai âyxt xQîjvrjç eiai tijç jneydXijç, ygâiJifÂaxa 0oivixtxà èy xsxoXafjtfÀsva ê^ovcai xfj ^oivincov yXcoaoj] kéyovxa <aàe. De bell. Vand. II, lo. 2) Un peu plus loin (c. 13) il est de nouveau question de la fontaine de Tigisis, dont la situation est fort exactement déciite. �� � vingtaine de kilomètres au S. E. de Dellys.') Au pied des ruines de la vieille forteresse, jugée aujourd'hui encore presque inaccessible, la grande fontaine continue de couler. Dans le mur qui l'enclôt, des débris antiques, dont un bas-relief déjà publié, sont encastrés.*^) On y découvrira peut-être un jour les deux stèles avec inscription punique que vit Procope. Celui-ci était bien incapable de déchiffrer une inscription phénicienne ou carthaginoise, et il est plus que probable que tous les gens du pays se trouvaient, à cette époque, dans le même cas. Nous sommes donc forcés d'admettre qu'il aura été la dupe de quelque prétendu savant local qui, sans doute après un entretien sur l'origine cananéenne des Maures, lui aura montré et expliqué une inscription de nature à le confirmer dans ses idées. Procope n'a pas été le dernier à qui soit arrivée pareille aventure. Quoi qu'il en soit, il inséra en toute confiance sa découverte archéologique dans son livre sur la guerre des Vandales qui fut publié vers 550 ou 551.*) Ce n'est donc point une tradition cou- rante qui a été reproduite par Procope; c'est un fait nouveau qu'il a rapporté de ses campagnes d'Afrique et dont il enrichit les connaissances humaines, Evagrius a raison ��>) Plusieurs savants modernes, dont Movers, con- fondent encore Tigisis avec Tingis (Tanger.) Cette erreur paraît remonter à la traduction latine du texte de Procope par Grotius. 2) Ch. de Vigneral, Ruines romaines de l'Algérie. Kabylie du Djurdjura. Paris. 1868, p. 8 sv. 3) Krumbacher, G esc h. der byz. Litter. p. 42. �� � de dire qu'avant lui personne n'avait parlé de cette inscription. Mais alors la question se présente comme très-importante au point de vue de la critique des sources de Moïse de Khoren. Celui-ci nous raconte en effet (I, 19) que les Cananéens fuyant devant Josué se réfugièrent à Agras (?), et que le fait est attesté par l'inscription suivante, que l'on peut voir aujourd'hui encore en Afrique, gravée sur des colonnes: Nous, princes des Cananéens, mis en fuite par le brigand Josué, sommes venus ha- biter ici.*) Au premier aspect, nous trouvons bien là un extrait du récit de Procope. Une com- paraison minutieuse des textes fait cependant ressortir quelques différences dignes d'être prises en considération. D'abord le mot Cananéens ne figure pas dans le passage de Procope, où sont seulement cités deux peuples de la Palestine, les Gergéséens et les Jébuséens [repyeaatoi re xae ^/efiouffatoe). Les fugitifs n'y sont pas non plus qualifiés princes (î;r««r^««7f«#^^) ; c'est le peuple tout entier {ô ?.aôç) qui abandonne le pays. D'après Procope la contrée où se réfugient les Ca- nanéens est la Libye {eiç Aefiùrjy èardXTjffav); Moïse, au contraire, qui emploie ailleurs le mot UA/^M (II> 2), se sert ici d'autres expres- sions; ii^«-a#w, que nous expliquerons plus loin, et "'ittbk^ah^\ ces termes ne se re- trouvent plus dans l'Histoire d'Arménie. H n'est pas dit par Moïse que les colonnes �� �� � étaient au nombre de deux et Josué n'est point appelé fils de Navé dans le texte arménien de Tinscription. Nous pourrions encore ajouter quelques menus détails; mais ce qui précède est déjà plus que suffisant. Pour quiconque a étudié la manière dont Moïse de Khoren utilise ses sources, il est clair que le récit de Thistorien arménien ne dérive pas directement de celui de Pro- cope. En d'autres termes, le livre de Pro- cope n'a point servi de source à Moïse de Khoren. Entre les deux auteurs, il y en a un troisième qu'il s'agit maintenant de chercher. Parmi les historiens qui ont reproduit le fait avancé par Procope et le texte de l'ins- cription, les uns, comme Evagrius') et Théo- phane*) (vers 81o), abrègent exactement leur modèle et ne changent rien à l'inscription; d'autres, au contraire, par exemple les ex- traits attribués par Cramer à Jean d'Asie*) et le Dictionnaire de Suidas,*) modifient cer- taines parties du récit et donnent un autre texte de l'inscription: Nous sommes des Cananéens qu'a mis en fuite le bri- gand Josué.*) C'est parmi ces derniers que nous trouverons la source de Moïse de Khoren. La nouvelle formule de l'inscription ne porte point fils de Navé, mais elle a le ��1) H. E. IV, i8. «) Chronographia, ed: C. de Boor, I., 200. «) Cramer, Ane c dota graeca paris. II. 389.
  • ) Article Xavadv. Ed. Bemhardy, II, 2, col»
1593 et sv. �� � mot Cananéens, Si Moïse a traduit par \^luuBpuBi»g ^uAuM%u0gL.ng^ \\ jT était autorisé par son modèle. En effet, les deux textes de Cramer et de Suidas ne disent point que tout le peuple a pris part à l'émigration, mais seulement les chefs (Cramer: oi iuvàtrrae, Suidas: fiaadecç xai dovàaTae,) Les lignes qui servent de préambule à rinscription donnent également lieu à des rapprochements intéressants. Et comme le texte de Suidas est de beaucoup le plus complet, c'est lui que nous allons mettre en regard de l'arménien de Moïse de Khpren. Moïse de Kh. 1. 19. Suidas, s. v. Xavadv. I» êiutuwiM0^âr£_ iiugtiu ^^fir^ . . . èxfiaXwv nàvtaç %m%mul»u Tohç fiaddeiç xod dv- vdaraç tcOv è&vâ)v. oc- Tcveç bit* aàroû dtœxô- fisvoe âeà ttjç napaXiou AîyùnTov re xai Atfiôrjç uwuêuuMbp j^^n-uMu eiç zTjv Tà)V ^Aippcav %usi^tinil^ p fè^iUftufiu. ywpaV . . . &a, jttt^uAp ^pn^Jàii/fif xai èv nXa^l h^hatç à- ap jiugiiu/itu u,i^ppi^biji.n^ vaypaipàpzvot zijv al- vr^mp^fi'b i-plru»i Ttav dt^ ^v àub T^ç Xa- vavaiœv y^ç ipxrjaav TïjV ^AfptXTjV. I^mii iipu^L. ijuyuogi é-u>^ xaleiffcfÀéj^ptvùv ai rot- JùJiiin^^ aôrat nXdxBç èur"^ Noo- is/p^iufiutt^^u êu^ut^k" ' ptdioL, Tzepeé/oooac oo- roc.') ��*) Le texte publié par Cramer est évidemment un extrait de celui qu'a transcrit Suidas Le voici : Oi �� � Suit, dans le grec et Tarménien, l'inscrip- tion déjà étudiée. La comparaison de ces deux textes provoque les observations suivantes: 1^ Le mot ii^«-«#« dans lequel on avait depuis longtemps reconnu l'Afrique, se trouve maintenant expliqué par le grec eiç rijv rmv ^Aippmv ^(opav.^) Je crois très probable qu'il y a ià une faute de lecture commise par le traducteur arménien. Sinon il y aurait Ûeu de corriger ii^«-«»« en u^^/»*»*» ou U'^/»'»«-*'» Ce qui est certain, c'est que u^».»**» ne provient pas de n-^r^K, comme, on l'a parfois prétendu. 2^ La différence la plus notable entre les deux textes concerne la route suivie par les Cananéens fugitifs. D'après le grec de Suidas, ils prennent la voie de terre et ar- rivent en Afrique après avoir longé le lit- toral (rrapàhoç) de l'Egypte et de la Libye Moïse de Khoren, au contraire, les fait na- viguer vers Tharsis. Il n'est pas douteux que nous ne retrouvions là une de ces ré- miniscences bibliques*), dont Moïse enrichit si volontiers les sources qu'il utilise.*) ��ôvvdoTai T&v èûvôjv vjio "Ir/aov rov Navrj ôioùxofievoi, xai fiTj JtQoaôex^évTsç jtag^ Aiyvjtzicov, elç xrjv tœv'AipQœv Xfoçav ixeToixriaavxsç èjzéyQay^av. Suit l'inscription que nous avons donnée plus haut. «) Procope : elç Axfivtjv iatdXtjaav, Théophane dit encore, au commencement du* IXe siècle : . . . t^v êanégiov Aifivrjv, xr^v xœv ^Aq)Q€ûv xaXov/xévfjf xœqav, Chronographia, éd. C de Boor, I, p. 93. ») %uÊi.ki_ p ^ittpupu» Jonas, I, 3. 5) Signalons en passant une autre addition de Phistorien arménien. D'après lui tous les chefs Cananéens ne naviguent pas vers Tharsis. Un d'entre eux, l'illustre Cananidas {Q-p^s*^ ^«- •P"^-»- ^péj-mu . . ♦), prend une direction opposée et vient en Arménie fonder une des grandes familles de ce pays �� � 3^ Les mots <pxi^aav rijv ^A(pptx7jv ex- plique la fln de 1 inscription d'après Moïse: nous sommes venus habiter ici. 4« Il n'est pas possible, en comparant la dernière phrase de chacun des deux textes, d'en méconnaître la ressemblance, presque l'identité. Nous sommes donc amenés à constater l'étroite parenté qui existe entre le texte de Suidas et celui de Moïse de Khoren. Nous disons parenté, non pas dépendance. D'abord Moïse n'a pu mettre à profit l'ou- vrage de Suidas, qui écrivait vers le milieu du X® siècle.») Des raisons qu'il est inutile de développer ici nous empêchent de faire descendre aussi bas la date de la composi- tion de l'Histoire d'Arménie. Ensuite certaines particularités nous font penser que l'auteur arménien n'avait pas sous les yeux un texte tout à fait pareil à celui du lexico- graphe grec. Par exemple, l'inscription qui chez Procope et Moïse est gravée sur des colonnes (<jr^Aa£, utpiiuAp)^ l'aurait été sur des plaques de pierre (Iv nla^\ h^ivaiç) d'après le texte donné par Suidas.') En re- vanche le même texte dit des plaques, comme Moïse des colonnes, sans en fixer le nombre comme Procope {ar^lat dôo.) Il nous faut donc recourir à l'hypotiièse d'une source commune pour les deux auteurs. Moïse et Suidas suivent tous les deux une ��C'est encore là un procédé d'arménisation des sources dont notre auteur est coutumier. Krumbaclier, Gesch. der byz. Litt., p. 261. 2) IBA^, table de pierre, plaque, correspond à Parménien miuf* m i» f . �� � nouvelle rédaction du récit de Procope, faite vraisemblablement de mémoire par quelque chroniqueur; et chacun aura sans doute ap- porté quelques modifications au texte qu'il avait sous les yeux. Quelle est cette source commune ? Nous ne possédons à cet égard aucun renseigne- ment. Nous admettrions volontiers qu'il s'agit d'un fragment perdu de la Chronique de Malalas, copiée de temps en temps par Suidas, et dont le texte actuel est bien écourté à l'endroit où devraient être racontées les campagnes de BélisaireJ) Quoi qu'il en soit, notre étude nous con- duit à un résultat positif. Moïse s'est servi d'une rédaction postérieure à celle de Pro- cope, et cette dernière n'est point antérieure au milieu du VP siècle. Comme personne avant Procope n'a parlé de l'inscription des 1) Malalas raconte en effet avec assez de détails l'usurpation de Gélimer (p. 459), qui donna lieu à la guerre; plus loin (p. 478) il nous dit comment Bélisaire amena le roi des Vandales prisonnier à Constantinople. Mais pas un mot sur les opérations militaires qui aboutirent à la conquête de l'Afrique. Il y a certainement là une lacune. — L'emploi de "AqjQoi dans le texte de Suidas paraît également nous ramener à Malalas. Ce mot (= Afri) est étranger au grec classique et ne figure pas encore dans Pro- cope. Le Dictionnaire des noms propres grecs de Pape (3.Auflage, neubearbeitet vonDr.Benseler,i884.) s. v. "AtpQoiy renvoie uniquement à Suidas. Or ce mot, latin d'origine et d'un usage si peu commun dans le grec du VI® siècle, ne se rencontre pas moins de cinq fois dans le fragment de Malalas relatif aux événements qui décidèrent Justinien à entreprendre la guerre contre les Vandales (p. 459). Il est difficile de ne voir là qu'une simple coïncidence. �� � Cananéens, nous avons là une base plus solide encore que les nombreuses citations de Malalas, qui nous permet d'affirmer la pré- sence dans THistoire d'Arménie de do- cuments remontant au plus tôt à la seconde moitié du VI® siècle. ��Un dernier mot. J'étais arrivé au terme des recherches dont je viens d'exposer les conséquences, lorsque j'en ai trouvé une confirmation qui pour moi est d'im grand prix. Depuis plus de quarante ans le point capital de la démonstration, savoir l'antériorité du récit de Procope par rapport à celui de Moïse de Khoren, a déjà été élucidé. Dans un volume publié en i850,rillustre historien des Phéniciens, Movers, eut à s'occuper de l'inscription de Tigisis. Il obtint des résultats sensiblement identiques aux miens. Rapprochant les deux récits de Procope et de Moïse, il en conclut que le dernier devait être interpolé, c'est- à-dire ajouté par une main plus récente. Cela lui semblait d'autant plus vraisemblable que le passage de Moïse peut, dit-il, être enlevé à son contexte sans qu'il en résulte de lacune.^) L'opinion de Movers semble avoir échappé jusqu'à présent à l'attention des arménisants; du moins je ne la rencontre mentionnée nulle jpart. Nos études précédentes nous permettent de tirer des mêmes faits des conclusions d'un ordre plus général. Paris, i8 février I894. 1) Movers, Die Phônizier, II, 2, p. 428 et surtout p. 433. �� �