Nouvelles poésies (Van Hasselt)/La Terreur des arbres

Paraboles
Nouvelles PoésiesBruylant et Cie (p. 159-163).



PARABOLES.




La terreur des arbres.





Kein äusserer Feind vermag deiner Seele zu
xxxschaden, wenn nicht ein Verräther in seinem
xxxInnern wohnt.
G. A. Goetze.





Un chariot passait par la forêt, rempli
De lames de cognées.
Des flammes se jouaient sur leur acier poli,
D'éclairs accompagnées.

Les arbres, à les voir au soleil rayonner,
Tremblaient dans leurs racines,

Croyant déjà sentir sur leurs troncs résonner
Les haches assassines.

« Malheur, trois fois malheur ! » se disaient-ils entre eux
Avec de sourds murmures.
« L’arme des bûcherons vient de ses coups fiévreux
« Attaquer nos ramures.

« Comment défendrons-nous nos rameaux familiers
« Que le lierre festonne,
« Nos toits verts où nichaient les oiseaux par milliers
« Du printemps à l’automne ?

« Qui vous abritera désormais, douces fleurs,
« Fleurs charmantes et douces,
« Qu’on voyait émailler de vos mille couleurs
« Le velours vert des mousses ?

« Quand la forêt entière est près de succomber,
« Cherchez d’autres retraites.
« Car voici le moment où nous allons tomber,
« Et les haches sont prêtes.

Un vieux chêne leur dit alors : « Rassurez-vous,

« Rassurez-vous, mes frères.
« Si nous restons unis, que peuvent contre nous
« Ces haches téméraires ?

« Mes frères, nous pouvons défier, en effet,
« Leurs lames dédaignées,
« Si nul de nous ne veut donner le bois qui fait
« Les manches des cognées. »

L’ennemi que l’on a dans soi-même est toujours
Le seul qu’on doive craindre.
Ceux du dehors, s’il leur refuse son secours,
Ne peuvent nous atteindre.



Décembre 1855.