Nouvelles poésies (Van Hasselt)/À mes amis G. N. et A. S.

Odes
Nouvelles PoésiesBruylant et Cie (p. 135-137).


À mes amis G. N. et A. S.





Af allom hug.
Saemundar Helga-Quida.





Vivez heureux, vous que je laisse,
Ô mes amis, là-bas, là-bas,
Ô cœurs dont je sais la noblesse,
Esprits purs de toute faiblesse,
Pieds fermes qui ne bronchez pas.

Vivez heureux. Que Dieu vous donne

Tous les bonheurs à pleines mains.
Que votre ciel toujours rayonne,
Et du printemps, dans votre automne,
Que les fleurs jonchent vos chemins !

Vous, pour qui rien n’est éphémère,
L’amitié ni le souvenir,
Laissez-moi courir ma chimère
Et marcher dans la route amère
Où je cherche en vain l’avenir.

Foulez ces rives fortunées
Où fleurissait, de Dieu béni,
L’arbre de mes jeunes années,
D’où tant d’illusions fanées
Tombent sur mon gazon jauni.

Au bord du fleuve semé d’îles,
Où, malgré Gessner, je rêvais
Enfant tant de fraîches idylles,
Coulez, amis, vos jours tranquilles
Loin des sentiers noirs où je vais.

Laissez-moi suivre mes mirages,

Où peut-être je cours en vain ;
Et que pour vous, loin des orages,
Chante toujours sous vos ombrages
Le bonheur, cet oiseau divin.

Mais dans votre âme fraternelle
Songez parfois à votre ami
Quand les autans battent son aile.
La mort c’est l’absence éternelle,
Et l’absent est mort à demi.



Mai 1857.