MONSIEUR RENAN


Niechanow, dimanche matin, 4 août.

J’ai reçu hier soir ta lettre de Berlin, très cher ami, dans un moment où une nouvelle et pénible incertitude pesait douloureusement sur mon esprit. Je t’ai écrit d’ici il y a trois jours, poste restante, à Berlin. Dans cette lettre je te disais le motif qui a retardé mon départ de Niechanow, et qui ne me permet pas d’arriver a Berlin avant mercredi 7 août. Cette date était bien arrêtée lorsque la seconde de mes élèves, cette Cécile dont j’ai souvent prononcé le nom devant toi, est tombée malade. Hier elle était dans un assez triste état pour que je ne voulusse pas la quitter immédiatement ; aujourd’hui elle est beaucoup mieux, et j’espère pouvoir revenir au plan d’après lequel je dois partir d’ici après-demain mardi. — Ainsi, mon bien bon frère, si cette chère jeune fille se remet, j’arriverai mercredi soir ; si je tardais un peu, ce serait sa santé qui me retiendrait. Elle ne peut cependant me retenir longtemps, car je sais que tu m’attends, mon bon Ernest, et je souffre vivement de la pensée que je te fais perdre un temps précieux. — Bien probablement à mercredi, mon Ernest ; — les agitations de ma vie auront-elles enfin un terme ?

H. RENAN.

Si tu n’as pas encore ma lettre du 1er adressée poste restante, va la réclamer. — A bientôt, très cher ami  !

J’ignore à quelle heure on arrive à Berlin par le chemin de fer de Posen et de Stettin ; tu pourras peut-être t’en informer. — Excuse le laconisme de ma lettre ; j’écris en courant et sans avoir le temps de me relire.