Nouvelles diverses/30 août 1896

R. B., A.-G. Berthal, L. S.,
Heugel (no 35p. 6-8).

NOUVELLES DIVERSES


ÉTRANGER

On nous télégraphie de Vienne : « La soirée de gala devant un public d’invités, donnée jeudi à l’Opéra impérial en l’honneur des souverains russes, a été un véritable triomphe pour la délicieuse partition de M. Massenet, Manon. Il faut dire que l’air ambiant de la salle était fort favorable à l’impression produite par le chef-d’œuvre français qui évoque si puissamment le souvenir de l’ancien régime, sous lequel les grands et puissants de la terre menaient une existence douce et voluptueuse à jamais disparue de la société moderne, tendant de plus en plus à se démocratiser. Le parterre était un étincelant mélange d’uniformes, chamarrés d’or et rehaussé de l’éclat de décorations ; dans les loges les grandes dames viennoises et hongroises charmaient les regards par leur beauté, l’élégance de leurs toilettes et le feu scintillant des pierreries dont elles étaient constellées, ayant chacune épuisé les trésors du Familienschmuck, de ces parures précieuses qui, dans les grandes familles autrichiennes et hongroises, se transmettent de génération en génération en qualité de majorat inaliénable. Vers huit heures, les souverains et la cour firent leur entrée dans la salle, tout récemment restaurée et redorée et illuminée à giorno. M. Jahn, directeur de l’Opéra impérial qui conduisait en personne, fit immédiatement attaquer les premières notes de Manon dont on ne jouait que les trois premiers actes, et la représentation se déroula sans le moindre accroc. Mlle Renard et M. Van Dyck, qui étaient merveilleusement en voix, ont interprété leurs rôles avec le charme et la maestria qu’on connaît, et l’empereur de Russie a donné à plusieurs reprises, surtout après la scène à Saint-Sulpice, le signal des applaudissements. Pendant l’entr’acte qui a duré presque une demi-heure, le thé a été brillamment servi aux souverains et à la cour dans le grand salonn qui précède la loge de gala au centre de la salle, loge occupée par les Majestés et les membres de la famille impériale d’Aurtiche-Hongrie. Le ballet Valse viennoise, qui est devenu un espèce de ballet national au même titre que la valse du Beau Danube bleu, de Strauss, clôtura cette très brillante soirée. »

— De notre correspondant de Belgique (27 août). — Les théâtres, un à un, se rouvrent ou s’apprêtent à se rouvrir. Après le Vaudeville et les Galeries, viendra, la semaine prochaine, le tour de la Monnaie et de l’Alhambra. La Monnaie inaugurera sa nouvelle saison le 5 septembre, et son premier spectacle sera vraisemblablement Lohengrin. La direction vient de publier le tableau officiel de sa troupe ; ce tableau est, à peu de chose près, celui que je vous ai annoncé, successivement au fur et à mesure des engagements ; le voici d’ailleurs au complet.

MM. Flon et Du Bois restent à la tête de l’orchestre, M. Baudu est régisseur général.

Les artistes du chant sont :

Du côté des femmes : Mmes Landouzy, Raunay, Kutscherra, Jeanne Harding, Gianoli, Holmstrand, Goulancourt, Mastio, Milcamps, Hendrickx, Mauzié, Maubourg, Bélia.

Du côté des hommes : ténors : MM. Imbart de la Tour, Bonnard, Isouard, Dantu, Caisso, Disy, Gillon.

Barytons : MM. Seguin, Frédéric Boyer, Dufranne, Cadio, Gilibert.

Basses : MM. Dinard, Journet, Blancard, Danlée.

Artistes de la danse : Mmes Térésita Riccio, Antoinette Porro, Jeanne Dierickx, Zumpichell ; MM. Laffont, Artiglio Lorenzo, Desmet, Steneebruggen.

Les chœurs comptent quatre-vingt-six personnes, l’orchestre quatre-vingt-six musiciens.

Le nombre des nouveaux venus, étrangers, débutants et inconnus, est, comme on le voit, assez considérable. Espérons que, dans sa recherche de talents inédits et d’élèves d’avenir, la direction aura eu la main heureuse ; cela lui a réussi parfois ; les artistes de réputation sont rares à trouver et ils coûtent cher ; avec les « jeunes », entrant dans la carrière avant même que leurs aînés n’y soient plus, on a du moins la certitude de ne pas gaspiller d’argent et la chance de trouvailles heureuses. MM. Stoumon et Calabrési fondent, cela va sans dire, sur leurs nouvelles acquisitions, beaucoup d’espérances. Vous connaissez Mlle Kutscherra et Mlle Harding. Mlle Gianoli est une Genévoise, élevée en Italie, où elle s’est essayée, à Crémone et à Milan, dans de petits rôles et dans les concerts. Mlle Holmstrand est une Suédoise ; elle a chanté au théâtre de Stockholm, a travaillé à Paris avec M. Saint-Yves-Bax et s’est fait entendre un soir de l’hiver dernier au Cercle artistique de Bruxelles, où l’on a remarqué la pureté de sa voix.Mlle Mauzié s’est produite dans quelques salons parisiens, mais n’est jamais montée sur les planches. Mlle Maubourg a eu des succès dans les cafés-concerts d’Alger, du midi de la France et de Namur. MM. Dantu, ténor, et Blancard, basse, ont chanté, l’un, au concert Colonne, dans la Damnation de Faust, l’autre, au concert Lamoureux, dans la Circé de M. Théodore Dubois. Enfin, deux de nos compatriotes, Mlle Goulancourt, une brillante élève de Mme Cornélis-Servais, douée d’une très puissante voix de falcon, et M. Dufranne, un baryton très applaudi au Conservatoire, complètent la série. Les premières semaines de la saison serviront sans doute à présenter au public et à essayer tous ces débutants. Puissent ces essais réussir tous, ne pas durer trop longtemps, ne point retarder les « nouveautés » annoncées, et aider à la fortune de la direction !

À Anvers, à côté du Théâtre Royal, dont on ne connaît pas encore les intentions, l’Opéra flamand se prépare à rentrer en campagne, avec non seulement des œuvres classiques, comme le Don Juan de Mozart, et le Fidelio de Beethoven, mais aussi avec des œuvres inédites telles que le drame lyrique de M. Peter Benoît, Pompéia (Dernier jour de Pompéï) et la Servante d’auberge (De Herbergprinces) de M. Jan Blockx, deux nouveautés sensationnelles. C’est par ce dernier ouvrage que l’Opéra flamand compte ouvrir sa saison, le 2 octobre.

L. S.

— Courrier d’Espagne. — Barcelone, 23 août 1896. — Depuis le commencement de la saison d’été, nous sommes tout à l’Opéra populaire. Nous avons en ce moment, trois théâtres d’opéra italien, au prix de 25 centimes, cinq sous.

C’est d’abord le Nuevo Retiro, qui a eu des heurs et malheurs, mais qui, cahin-caha, surnage comme il peut. « Surnage » est bien le mot qui convient, car, lorsqu’il pleut — et, malheureusement, ce n’est, cette année, que trop fréquent — ce brave théâtre est à peu près submergé. Nous avons une fois assisté à une de ces représentations — on donnait Gli Ugonotti — avec accompagnement inopiné et inattendu d’une pluie torentielle. Le spectacle qu’a alors présenté la salle est inénarrable : Interdits, les artistes en scène s’arrêtent : le public crie : Continuez ! et l’orchestre repart. Mais tout à coup, une avalanche d’eau envahit la salle, et tous les spectateurs montent sur les sièges et s’installent bravement sur les bras et les dossiers d’iceux, en se cramponnant les uns aux autres et avec des cris, des rires et des exclamations du plus cocasse effet. Les chanteurs se tordaient. Pendant l’entracte, les pompiers de service ont dû vider la salle (Historique).

Nous avons ensuite le Jardin Espagnol, avec le même répertoire, des artistes à peu près de même valeur — quelques-uns non sans mérite, et au même prix. L’établissement est moins exposé aux intempéries, et les choses y sont plus calmes. Le chef d’orchestre est M. Fr. Perez-Cabrero, un musicien parfait.

Puis, le théâtre Gran-Via, très à l’abri celui-ci, la troupe Giovannini (opérette et opéra demi-caractère) qui fait florès, et qui, possède parmi ses pensionnaires, une petite chanteuse légère — élève, dit-on du baryton Verger — qui est de tout point exquise, la signorina Galvani.

Enfin, cela n’étant pas assez pour le dilettantisme, amateur de bon marché, des Barcelonais, voici qu’on nous annonce au théâtre de Novedades, un autre spectacle de grand opéra italien, avec une compagnie di primo cartello composée comme suit : maestro concertatore directore, M. Vicente Petri ; tenori : MM. Bicletto, Morales et Brotat ; soprani Mmes d’Arneiro, Jacquemot ; contralti : Mmes Mas (Concetta) et d’Herrera ; baritoni : MM. Arago, Mestres, Borghioli ; bassi : MM. Perelli, Visconti et Oliveras. On donnera la Dolores, du maestro Breton, en italien, pour la première fois. Ici, le prix d’entrée sera de O fr. 75 c. Gageons qu’on trouvera ça cher.

En outre, on annonce la prochaine arrivée du comédien Ermete Novelli, dont la troupe jouera à l’Eldorado.

Tous nos théâtres d’été seront donc occupés par des compagnies italiennes. Pour entendre jouer ou chanter en espagnol, il faudra désormais prendre le chemin de fer et s’en aller n’importe où !

Une poignée de nouvelles :

Au Jovellanos, de Madrid, on vient d’étrenner une zarzuela de MM. Perrin y Palacio, musique des maestros Caballero et Chálons, intitulé El Saboyano. Grand succès d’interprétation ; mais l’œuvre est terne, et la musique aussi.

M. Tomás Breton termine la musique d’un livret espagnol dû à M. Eusebio Serra. Titre encore inconnu.

À Bilbao, au sanctuaire de Bogoña, on s’apprête à célébrer un congrès international, dans le but de faire un choix d’œuvres de musique religieuse, anciennes et modernes. Ce « tribunal » devra surtout décider des pièces musicales qui doivent être retirées des églises, à cause de leur saveur profane. Il sera présidé par les maestros Pedrell, Valle et Bordes. L’orphéon bilbaino fera entendre des œuvres de Palestrina, Ladesma, et divers chants grégoriens. Sans doute, ce sera beau ; mais ce que ce sera divertissant !

Sur un poème de M. Aladern Vidal, intitulé la Heroïna, le directeur de la musique municipale de Reus, M. Vergès, est en train de composer un opéra en un acte et deux tableaux. Le sujet est basé sur un épisode du moyen âge.

Le maestro Chapi vient de terminer un nouvel ouvrage : la Virgen de Piedra (la Vierge de pierre), dont le livret est de MM. Vela et Servet.

Une œuvre nouvelle de M. Roberto de Palacio, intitulée : Fotografias intéressantes, et mise en musique par le maestro Moreno Ballesteros, vient d’être représentée au théâtre Maravillas, à Madrid. Succès d’estime.

Même accueil, à ce même théâtre, a été fait à une zarzuela-revue intitulée : A Caza de tipos (Chasse aux types) de MM. Deusdedit Criado et Varela Diaz, musique du pianiste, M. Fascina.

On a parlé beaucoup, ces jours derniers de la démission de M. Rodoreda, chef de notre bande municipale, et de son remplacement par l’excellent artiste Antoine Nicolau. Mais, informations prises, M. Rodoreda conserve son bâton et son casque.

A.-G. Bertal.

— Le théâtre de la Trinité à Lisbonne, vient de donner avec succès la nouvelle opérette, les Fils du capitaine Mor, musique de MM. Machado et del Negro, dont nous avions annoncé la prochaine apparition.

— Le 30 août prochain, aura lieu, à Bilbao, un concours où les musiques françaises du 57e de ligne et de l’École d’artillerie de Toulouse doivent se rencontrer avec six musiques militaires espagnoles (l’École d’artillerie de Ségovie et les régiments de ligne Andalucia, Bailen, Cantabria, Garellano et Valencia). La municipalité offre deux premiers pris de 5, 000 pesetas, plusieurs autres de 2.000 ; total 25.350 pesetas. Dans le jury on remarque MM. Breton, l’auteur de los Amantes de Teruel ; Chapi, l’Offenbach de Castill ; le savant chanoine Barrera, maître de chapelle de la cathédrale de Burgos ; Gailhard et Paul Vidal, de l’Opéra ; Vincent d’Indy, Parès, de la Garde républicaine ; Bordes, des Chanteurs de Saint-Gervais, etc.

— Les représentations de Bayreuth ont pris fin avec la quatrième et cinquième série de l’Anneau du Nibelung dirigées toutes les deux par M. Siegfried Wagner. Aucun nouvel artiste ne s’est produit pendant ces deux dernières séries. Les journaux remarquent que le nombre des visiteurs allemands a été fort restreint ; les Français en première ligne, les Américains et les Anglais formaient la majorité du public.

M. Hans Richter a publié dans le Times une lettre intéressante au sujet de la participation de M. Siegfried Wagner à la direction du théâtre de Bayreuth. Plusieurs journaux anglais, entre autres le Times, avaient blâmé ouvertement la part prépondérante que le fils de Richard Wagner commençait à prendre à Bayreuth et un correspondant avait même critiqué la manière dont ce jeune chef d’orchestre avait conduit la quatrième série des représentations de l’Anneau du Nibelung. Les journaux anglais avaient aussi raconté que M. Richter s’était opposé à la participation de Siegfried Wagner aux travaux artistiques de Bayreuth. Or, M. Hans Richter déclare que toutes ces assertions sont fausses. Selon son opinion, M. Siegfried Wagner est d’ores et déjà un chef d’orchestre compétent, voire même remarquable, et qui promet beaucoup comme directeur du théâtre et régisseur général. Le célèbre kapellmeister viennois ne manque pas de constater avec ironie que les critiques dirigées contre M. Siegfried Wagner, comme chef d’orchestre, étaient datées du 6 août, tandis qu’il n’avait commencé que trois jours après à diriger la quatrième série des représentations qui lui avait été réservée. Dans ces conditions, il se pourrait bien que le fils de Richard Wagner devînt bientôt le chef d’orchestre principal du théâtre de Bayreuth.

— À Breslau, la représentation donnée en l’honneur de l’empereur de Russie comportera le second acte du Vaisseau fantôme et une saynète militaire de Moser, Sage au feu.

— Les théâtres d’outre-Rhin commencement à rouvrir et les œuvres françaises occupent de nouveau une place considérable dans le répertoire de ces théâtres. À Vienne, c’est Manon qui a été jouée lors de la soirée de gala donnée en l’honneur des souverains russes. Au théâtre grand-ducal de Bade le jubilé du grand-duc sera célébré par une série de représentations extraordinaires, sous la direction de M. Félix Mottl, et nous trouvons parmi les œuvres choisies les Troyens, de Berlioz, les Deux Avares de Grétry, les Petits Savoyardes, de d’Alayrac et Djamileh, de Bizet. À Berlin, on prépare Benvenuto Cellini, de Berlioz.

— Une société de facteurs de musique allemands se propose d’établir à Berlin, un magasin, à l’instar des grands magasins de nouveautés parisiens, où la vente de toutes sortes d’instruments de musique sera concentrée. Il paraît que les importants capitaux nécessaires à cette entreprise sont déjà souscrits.

— Un décret du ministre de la justice d’Autriche ordonne la formation de commissions permanentes d’experts à Vienne, à Prague et à Lemberg, pour fournir aux tribunaux des rapports sur toutes les questions se rattachant à l’art musical qui pourraient surgir au cours des procès concernant les droits d’auteurs. Ces commissions sont prévues par la nouvelle loi autrichienne sur les droits d’auteurs que nous avons amplement traitée dans le Ménestrel, il y a quelques mois.

— On vient d’inaugurer, sans aucune cérémonie, une plaque commémorative apposée sur la façade d’un palais du Campo Sant’Angelo, à Venise, portant l’inscription : « Ici Cimarosa demeura et mourut ». Le grand compositeur, condamné pour avoir mis en musique des hymnes révolutionnaires, s’était, en effet, réfugié à Venise où il mourut en 1801. Son tombeau n’existe plus, l’église du Campo Sant’Angelo où il se trouvait, ayant été démolie, en 1828, sous la domination autrichienne.

— Le conseil municipal de Gênes a fixé à 80.000 francs la subvention qu’il accorde à l’impresario du théâtre Carlo Felice. Ce n’est pas beaucoup pour une ville comme Gênes, où le public a de grandes prétentions.

— L’opéra inédit, en trois actes, Mosqueton de M. Francesca Saccanti, paroles de M. Cemarena, a été joué avec un succès brillant au théâtre Rossini de Naples.

— L’opéra Tosca, dont la composition a été entreprise par M. Puccini, ne sera pas joué en 1897, comme on l’avait annoncé. Le compositeur vient de déclarer que MM. Giacosa et Illica ne lui ont fourni, jusqu’à présent, que les paroles du premier acte et ne pourront pas terminer les deux derniers actes avant la fin de l’année. On assure que M. Sardou a consenti a figurer sur l’affiche parmi les collaborateurs du texte. La nouvelle œuvre a été acquise par la maison Ricordi qui se propose, dit-on, de faire représenter l’œuvre pour la première fois à Rome.

— Pour la prochaine saison du théâtre Bellini, à Naples sont annoncés quatre nouveaux opéras : les Pâques des fleurs, musique de M. Luporini, Padron Maurizio, musique de M. Giannetti, Fadette, musique de M. de Rossi et A San Francisco, musique de M. Sebastiani.

— Le compositeur Gaetano Cipollini, l’auteur du Petit Haydn, vient de terminer un opéra en un acte, intitulé la Maîtresse du roi et un opéra en deux actes, intitulé In magna Sila. C’est son frère, M. Antonio Cipollini, qui lui a fourni les livrets de ces deux œuvres.

— On nous écrit de Londres, que la princesse de Galles a fait dernièrement, incognito, une excursion à Bayreuth, pour assister à une série du cycle de l’Anneau du Nibelung, dirigé par le fils du maître. La princesse n’était accompagnée que par une de ses dames d’honneur, par sa femme de chambre de confiance et par un vieux serviteur. Elle n’a pas pris place dans la fameuse Fuerstenloge, la grande loge au centre de la salle, où Guillaume Ier était assis à côté de Richard Wagner à la première représentation de l’Or du Rhin en 1876, mais très simplement parmi tous les spectateurs, et personne ne se doutait, à Bayreuth, que les deux dames anglaises, en costume de voyage, qui se promenaient pendant les entr’actes, comme tout le monde, devant le théâtre, étaient la princesse de Galles et une de ses dames d’honneur.

— La saison de Londres est terminée selon les conventions usuelles, car le parlement ne siège plus, mais les théâtres de la capitale, en dehors de l’Opéra de Covent-Garden, ne chôment pas et produisent même des pièces nouvelles. C’est ainsi que l’Opéra-Comique vient de jouer avec un succès médiocre une opérette inédite Newmarket, qui se dénomme sur l’affiche « comédie originale, sportive et musicale » ; elle a pour auteur des paroles Mme Frank Taylor, et pour compositeur M. Ernest Boyd-Jones. L’Avenue-Théâtre vient de jouer, avec beaucoup de succès, une nouvelle opérette, intitulée Monte-Carlo, écrite en collaboration par MM. Sidney Carlton, Harry Greenbank et Howard Talbot.

— Le théâtre royal de Copenhague, jouera pendant la saison prochaine deux opéras inédits de compositeurs scandinaves. L’un, en trois actes, intitulé Vifandaka, a pour auteur de la musique, M. Alfrd Toffs ; l’autre, en un acte, a pour titre Bagahijol, et la musique est de M. Émile Hartman.

— Le nombre des compositeurs appartenant à une famille souveraine augmente continuellement. Voilà qu’on nous apprend que le prince Mirko de Montenegro, qui sera bientôt le beau-frère du futur roi d’Italie, est un musicien consommé. Malgré sa jeunesse — il ne compte pas dix-sept printemps — il a déjà composé des quatuors pour instruments à cordes, voir des opérettes. Actuellement, il serait en train de terminer un opéra qui doit être joué au nouveau théâtre de Cettigne, à l’occasion du deux centième anniversaire de l’avènement de la dynastie régnante.

PARIS ET DÉPARTEMENTS

M. Carvalho, obligé de renoncer à son projet d’aller à Munich voir jouer Don Juan, est rentré à Paris la semaine dernière pour surveiller personnellement les travaux de réparation entrepris dans son théâtre et les activer de façon à pouvoir rouvrir à la date du 15 septembre.

Tous les artistes ont été individuellement avisés que, par suite de ces travaux, la rentrée était reculée de quinze jours. Voilà qui va bien comme prolongation de congé, mais qui enchante moins les pensionnaires de l’Opéra-Comique allégés, de ce fait, de la moitié de leurs appointements du mois de septembre.

Les chœurs ont repris leur service, au théâtre, dès lundi dernier sous la direction de MM. H. Carré et Marietti.

— On commence à parler de la prochaine saison des concerts à l’Opéra, et voici que notre confrère Jules Juret, du Figaro, nous fait part d’un plan plutôt original que caresserait M. Henri Busser. Le jeune compositeur rêverait d’écrire une suite d’orchestre qu’il dénommerait Falguière ; chacune des parties de la suite décrirait une des œuvres principales du maître : le Jeune Martyr, le Vainqueur au combat de coqs, Léda, Diane. Voilà pour nos modernes musiciens, toujours en quête de titres étranges, une mine toute trouvée, car rien n’empêchera, après s’être servi des noms de nos grands sculpteurs et de nos grands peintres, de s’attaquer aux romanciers. À qui un Zola, avec la suite des Rougon Macquart, ou un Georges Ohnet, avec celle des Batailles de la vie ?

— Pour ces mêmes concerts, on dit que MM. Bertrand et Gailhard auraient entre autres projets, celui de monter acte par acte l’Orphée de Gluck, avec M. Alvarez dans le rôle créé primitivement par la sopraniste Guadigni. Lorsque, successivement, les trois actes auraient été chantés aux séances dominicales, l’ouvrage étant prêt, musicalement tout au moins, pourra entrer ainsi tout naturellement au répertoire de l’Opéra. Même procédé serait employé pour Iphigénie en Tauride, qui aurait pour interprète M. Sizes. On parle aussi du premier acte de la Briséïs d’Emmanuel Chabrier ; mais, là, M. Lamoureux réclame la priorité pour ses propres concerts.

M. Édouard Mangin, de retour de Contrexéville, a repris dès lundi dernier, possession du pupitre de chef d’orchestre à l’Opéra. C’est lui qui conduira Hamlet, mercredi, pour la rentrée de M. Renaud.

— Au Conservatoire : Les nominations des professeurs aux chaires devenues vacantes à la suite de retraites ou décès, auront lieu désormais par élections. Les années précédentes, la direction du Conservatoire choisissait les candidats dont les noms étaient soumis à M. le ministre de l’instruction publique qui, en dernier ressort, les nommait. À partir de cette année, une commission se formera ; elle sera composée des professeurs titulaires et du haut personnel du Conservatoire, des membres du jury qui, chaque année, assistent au concours, des membres de l’Académie des beaux-arts (section de musique et de littérature), d’auteurs et critiques choisis par le ministre de l’instruction publique. À cette commission seront soumis les noms des candidats aux différentes chaires, quelle que soit la classe. Puis, par élection, on procédera à la nomination des futurs professeurs susceptibles d’être proposés au ministre de l’instruction publique, lequel les nommera définitivement.

— Il n’y a encore rien de décider au sujet du gala que le gouvernement français ne peut manquer d’offrir, dans la salle de l’Opéra, à l’empereur et à l’impératrice de Russie. Mais, comme on craint que le séjour assez court des souverains russes ne permette pas de les convier aussi à la Comédie-Française, les artistes de la maison de Molière ont demandé à figurer dans le programme de l’Opéra. M. des Chapelles et M. Jules Claretie ont déjà discuté ce très légitime désir.

— De son côté, M. Grisier, directeur des Bouffes-Parisiens et des Menus-Plaisirs, aurait, paraît-il, l’intention de donner, en ce dernier théâtre, une représentation, lors de l’arrivée de l’empereur de Russie, de la Vie pour le Tzar, de Glinka. On dit même que le rêve de M. Grisier serait de profiter de ce point de départ pour créer, dans la salle du boulevard de Strasbourg, « l’Opéra russe ».

— La Société des compositeurs de musique met au concours pour l’année 1896 :

1o Un Quatuor à cordes. — Prix unique de 500 francs. (Allocation de M. le Ministre de l’instruction publique et des beaux-arts.)

2o Une Sonate pour piano et violoncelle. — Prix unique de 500 francs. (Fondation Pleyel-Wolff.)

3o Un Motet pour voix seule ou plusieurs voix, avec accompagnement d’orgue. — Prix unique de 200 francs. (Reliquat du prix Ernest Lamy, non décerné).

4o Un Sextuor en trois petites parties pour instruments à vent. — Prix unique de 300 francs, offert par la société. — Le choix des instruments est laissé à la volonté des concurrents. — Une réduction au piano devra accompagner le manuscrit.

On devra adresser les manuscrits avant le 31 décembre 1896, à M. Weckerlin, archiviste, au siège de la Société, 22, rue Rochechouart, maison Pleyel, Wolff et Cie. — Pour le règlement et tous renseignements, s’adresser à M. D. Balleyguier, secrétaire général, 9 impasse du Maine.

— À Royan, succès colossal pour l’Ève de Massenet. Interprétation remarquable de la part des chœurs et de l’orchestre sous la très artistique direction de M. Ph. Flon. Gros succès pour MM. Leprestre, Albers, et Mme Oswald. Quelques jours avant, Werther avait aussi grandement réussi.

— À son passage, à Laval, M. le Président de la République a remis les palmes d’officier d’académie à M. Prosper Mortou, chef de la Lyre Lavalloise, et fort agréable compositeur de musique.

— Du Havre : Au Casino Frascati, Mlle Buhl, dont les abonnés de l’Opéra-Comique n’ont pas perdu le souvenir, donne une série de représentations des mieux accueillies. Il y a longtemps que les Havrais mélomanes ne s’étaient trouvés à pareille fête auditive : samedi soir, dans Lakmé, ils ont acclamé l’exquise élève de Mme Carvalho, qui ajoute à la bonne tradition vocale sa note si personnelle de sensibilité spirituelle et douce ; jeu délicat, diction savante, et vocalise impeccable. L’Air des clochettes, pierre de touche des cantatrices, lui a valu bravos et rappels ; et la finne partition du regretté Léo Delibes a rencontré une interprète que le redoutable Berlioz aurait pu, sans hésiter, mettre « au nombre de ces chanteurs adroits, utiles et charmants » dont il parle, — « ceux qui savent la musique et qui chantent. »

R. B.

— On nous écrit de Montivilliers : les fidèles de l’église Saint-Sauveur conserveront le souvenir de la musique qu’ils y ont entendue le jour de l’Assomption. Mme Louise Comettant, élève de l’éminent organiste L. Vierne, de passage en notre ville, a chanté pendant la grand’messe plusieurs morceaux remarquables avec un sentiment profond et une voix pénétrante. Elle a ensuite tenu l’orgue pour l’accompagnement d’une composition instrumentale de beaucoup d’effet, exécutée par Mlle Laurence Vénière.

— Tout Paramé et tout Dinard s’étaient donné rendez-vous mercredi dernier au casino dee Saint-Malo pour aller entendre M. Louis Diémer qui, en villégiature à Dinard, prêtait son concours à un concert donné par le jeune violoniste M. Jules Boucherit. Le merveilleux pianiste s’est fait acclamer dans des pièces de Mozart, de Hændel, de Dacquin, de Liszt, de Beethoven, de Godard, son Caprice pastoral et sa vertigineuse Valse de concert. M. Boucherit a délicatement joué des morceaux de Sarasate et la Romance de Louis Diémer. L’orchestre, dirigé par M. Gianini, a eu sa part des bravos après le Nocturne de la Navarraise, de Massenet.

— À l’église Saint-Étienne de Fécamp superbe messe en musique, dans laquelle l’excellent ténor, M. Mazalbert, s’est taillé un véritable succès en interprétant d’une manière remarquable l’Ave Verum, de Th. Dubois, et le célèbre Notre Père, de J. Faure, qui ont produit une profonde impression.


Henri Heugel, directeur-gérant.


AVIS AUX PROFESSEURS. — Belle salle pour auditions, cours et leçons, matinées et soirées. Location au mois et à la séance. — S’adresser Maison musicale, 39, rue des Petits-Champs. Paris.