Nouvelles diverses/13 septembre 1896

H. B., P. C.,
Heugel (no 37p. 5-7).

NOUVELLES DIVERSES


ÉTRANGER

De notre correspondant de Belgique (10 septembre). — La réouverture de la Monnaie s’est faite le 5, avec Samson et Dalila. Cela change un peu les traditions, qui voulaient qu’un théâtre lyrique se rouvre avec une pièce du vieux répertoire. Traditions de province, si l’on veut, mais nécessaires lorsqu’il s’agit de présenter au public de nouveaux artistes, dans des rôles qu’ils connaissent la plupart du temps au bout des doigts, pour les avoir trimbalés de ville en ville, sur d’autres scènes. Il est vrai que Bruxelles n’est plus, depuis longtemps, la province. M. Saint-Saëns dégotte Meyerbeer : — c’est un signe du temps. Bientôt ce sera Wagner. Et n’avait-il pas été vraiment question de commencer par Lohengrin ?…

Quoi qu’il en soit, Samson et Dalila nous a fait faire tout de suite la connaissance de M. Imbart de la Tour, le ténor sur les épaules duquel une bonne part des destinées de la Monnaie vont reposer cette année. L’impression première a été excellente. Jolie voix de demi-caractère, bonne diction, intelligence artistique, de la chaleur et de la distinction. Avec cela on peut marcher, et Fervaal n’aura pas à se plaindre de n’avoir plus M. Gibert. On a revu aussi avec plaisir Mlle Armand dans le rôle de Dalila, qu’elle chante avec un très beau style, en dépit de sa voix encore malade, quoique meilleure depuis l’hiver dernier. Bonne « rentrée » enfin pour l’excellent M. Seguin et MM. Dinard et Journet.

Les soirées suivantes, avec le Barbier et Manon, ne nous ont pas donné de surprise, parce qu’il n’y avait pas de « débuts » ; mais elles n’en ont pas été moins agréables. L’interprétation du Barbier et celle de Manon comptaient certainement, l’an dernier, parmi les meilleures du répertoire ; elles n’ont pas changé avec Mme Landouzy, piquante Rosine et gentille Manon, MM. Boyer, Gilibert et Bonnard. Ces deux ouvrages sont restés, de leur côté, toujours adorables.

La reprise de Faust n’a pas été aussi heureuse, malgré l’intérêt de plusieurs débuts. Mme Raunay a mis dans le rôle de Marguerite, qui ne convient guère à sa voix ni à sa personne, de l’intelligence, et elle y a apporté beaucoup d’intentions ; un ténor nouveau, M. Dantu, tout à fait insuffisant, le baryton, M. Dufranne, fort bien accueilli en Valentin, et la dugazon Mlle Maubourg, assez adroite, ont pâli devant l’autorité et le talent de M. Seguin-Méphistophélès, qui a eu les honneurs de la soirée. Samedi, nous aurons d’autres intéressants débuts, ceux de Mlles Kutscherra et Goulancourt dans Lohengrin. Il ne nous restera plus guère après cela que d’entendre Mlle Jane Harding, dans la Traviata.

L. S.

— C’est décidément, paraît-il, M. Edgar Tinel qui est appelé à succéder à Ferdinand Kufferath, comme professeur de contrepoint et fugue au Conservatoire de Bruxelles. M. Edgar Tinel, qui, si nous ne nous trompons, est un ancien prix de Rome, est directeur de l’École de musique religieuse de Malines et inspecteur des écoles de musique du royaume de Belgique. Comme compositeur, il est surtout connu par une œuvre importante, un oratorio intitulé Franciscus, dont le succès a été très grand non seulement en Belgique, mais aussi en Allemagne. Très pieux, très croyant, M. Tinel, nous dit-on, a horreur du théâtre, et ne songera jamais à travailler pour la scène. Il est âgé aujourd’hui de quarante-deux ans.

— La ville de Liége célèbre en ce moment, en une série de solennités religieuses et autres, le 1200e anniversaire du martyre de saint Lambert, son patron. Ces fêtes, qui ont commencé le 6 septembre, se continueront jusqu’au 20. La Legia et les Disciples de Grétry, les deux plus célèbres société chorales du pays, prennent part tour à tour aux exécutions musicales qui sont organisées à cette occasion et parmi lesquelles il faut citer une cantate composée pour la circonstance par M. Eugène Antoine, maître de chapelle de la cathédrale, que ses compositions religieuses ont placé au premier rang des musiciens belges.

— De l’Écho musical de Bruxelles : « Paul Gilson a terminé sa cantate pour l’ouverture de l’Exposition de 1897. Elle est entièrement bâtie sur deux anciens thèmes populaires flamands. Toute la partie chorale est écrite à l’unisson, un unisson de quatorze cents voix d’hommes et d’enfants ! Le poème est de M. G. Antheunis, le traducteur du Fidelio de Beethoven. Les chœurs seront appris sous la direction de M. Bauwen, et l’exécution sera dirigée par M. J. Dupont. M. Gilson a également terminé une autre cantate, texte d’Arnold Goffin, pour le cinquantenaire des télégraphes.

— Le Conservatoire de Munich, qui est l’un des meilleurs de l’Allemagne, vient de publier le compte rendu de la dernière année scolaire, d’où il résulte que cet établissement a été fréquenté, en 1895-96, par 311 élèves ou auditeurs. Ces 311 élèves se répartissent ainsi par nationalités : 228, Bavarois, 41 Allemands de divers pays, 13 Américains, 8 Autrichiens, 7 Russes, 5 Suisses, 2 Italiens, 1 Grec, 1 Belge, 1 Hollandais, 1 Anglais, 1 Serbe, 1 Africain et 1 Australien.

M. Guillaume Kienzl, l’auteur de l’Homme de l’Évangile opéra qu’on joue avec beaucoup de succès en Autriche et en Allemagne, vient de terminer un nouvel opéra intitulé Don Quichotte, qui sera joué pendant la saison courante.

— Un opéra inédit, la Nuit de Saint-Jean, musique de M. W. Freudenberg, sera prochainement joué au théâtre de Hambourg.

— Cela ne pouvait pas manquer. Un à-propos musical intitulé François Schubert, paroles et musique de M. Gustave Burchard, vient de paraître à l’occasion du centième anniversaire du maître viennois, et les scènes allemandes s’empressent naturellement de le jouer.

— Richard Wagner était un épistolomane enragé. Jusqu’à présent 1800 lettres du maître de Bayreuth ont été déjà publiées, et la plupart sont fort intéressantes. Un musicographe viennois auquel on doit déjà plusieurs travaux importants et utiles, a entrepris la publication d’un catalogue des lettres écrites par Richard Wagner entre les années 1830 et 1883, catalogue qui contient la date de chaque lettre, le nom de la personne à laquelle elle a été adressée et l’indication de l’ouvrage où elle a été publiée.

— Johannès Brahms a remis à la Société des amateurs de musique de Vienne une somme de 15.000 francs, en laissant à cette société la libre disposition de cet argent dans l’intérêt de l’art musical.

M. Hans Richter, le premier kapellmeister de l’Opéra impérial de Vienne, qui a dirigé le concert donné à la cour d’Autriche en l’honneur de l’empereur de Russie, vient de recevoir un étui à cigares en or orné de l’aigle russe en diamants. Nous avons déjà annoncé qu’il a été décoré à cette occasion par le souverain russe.

— La série des opéras en un acte n’est pas encore épuisée. Un compositeur viennois, M. Joseph Roscher, vient d’en terminer un, intitulé Rosita, sur des paroles de M. Ernest Neuffer.

— On écrit de Vienne qu’une place importante est réservée à la musique dans la distribution des différents cours de l’Université. Les étudiants en musique auront par semaine : trois cours sur le Classicisme moderne ; deux sur le Chant grégorien ; un sur les Méthodes nouvelles pour l’étude de l’harmonie ; deux Cours de chant pour les commençants, avec enseignement des connaissances musicales élémentaires pour le chant d’ensemble ; un cours d’Harmonie. Les chargés de ces différents cours, — dont la fréquentation est absolument gratuite, — sont choisis parmi les meilleurs théoriciens et musicographes autrichiens ; le vieux professeur Bruckner fera le cours d’harmonie.

— Un compositeur tchèque distingué, M. Zdenko Fibich, vient de terminer la partition d’un opéra intitulé Charka, qui sera représenté au théâtre national de Prague.

— L’Opéra hongrois de Budapest prépare une saison qui promet d’être singulièrement active, car il n’annonce pas moins de neuf opéras de compositeurs nationaux : Hunyadi Laszlo et Bankban, d’Erkel, père du directeur général de la musique à ce théâtre ; Ilka, de Doppler ; Balassa Balint, de Farkas ; Told, de Mihalovich ; Alar, du comte Zichy ; A falu rosza, de Jenö Hubay ; enfin, Mathias Corvin, de Frotzler.

— Une myriade d’opéras nouveaux se prépare, écrit un de nos confrères italiens. Outre l’Iride de Mascagni, le Pourceaugnac de Franchetti, la Bohême de Leoncavallo, le maestro Cipollini prépare deux nouvelles partitions, l’Amata del Re et la Magna Sila, sur des livrets de son frère. Le maestro De Lara donnera peut-être à Rome sa Camargo. M. Fabri de Lorenzi a tout prêt un opéra en un acte, Refugium peccatorum. Le théâtre Bellini, de Naples, promet pour l’automne prochain Pasqua dei Fiori de Luporini, Padron Maurizio de Giannetti, A San-Francisco de Sebastiani, et Fadette de De Rossi. Le compositeur Bianchi a terminé un opéra, Almanzor, sur un livret de Daspuro. Enfin, il y a les six opéras en un acte du concours Steiner. Est-il possible, dit en terminant notre confrère, que de tant de travaux on ne voie pas sortir quelque chose de vital ?

— À San Benedetto del Tronto a eu lieu la première représentation d’une fantaisie lyrique en un acte, la Malata, dont la musique est due à un jeune compositeur encore inconnu, le maestro A. Lozzi.

— À Worcester vient d’avoir lieu un grand festival musical auquel ont pris part les sociétés chorales de Worcester, de Gloucester et de Hereford. Ce festival, qui a duré une semaine, a commencé par le fameux Te Deum de Purcell, et le programme contenait quelques oratorios obligatoires : Élie, Saint Paul, le Messie, Samson et l’Oratorio de Noël de J.-S. Bach, ainsi que le Requiem de Verdi, quelques compositions pour chœur mixte de Spohr et Schubert, enfin une œuvre inédite, un oratorio intitulé Lux Christi, tiré de l’Évangile d’après saint Jean par le révérend E. Capel-Cure, musique de M. Édouard Elgar. L’oratorio compte seize morceaux avec soli pour ténor, basse, soprano et contralto, des chœurs et une introduction orchestre intitulée Méditation, comme le célèbre morceau de Thaïs, de Massenet. L’orchestration de l’oratorio est magistrale et a remporté tous les suffrages, deux chœurs ont été applaudis, mais les morceaux pour les solistes n’ont pas produit beaucoup d’effet, malgré leur excellente interprétation. La critique anglaise dit que le jeune compositeur de Lux Christi donne plutôt des espérances comme compositeur de musique laïque que comme compositeur de musique sacrée, et insiste sur la virtuosité avec laquelle il manie l’orchestre. Mais cette virtuosité, tout comme jadis l’esprit, court actuellement les rues.

— Au dernier festival donné à l’Albert-Hall de Londres, très grand succès pour le baryton Paul Ceste, qui a chanté les airs d’Hérodiade et du Bal masqué. M. Ceste était le seul artiste français ayant pris part à ce concert où figuraient Mme Patti, MM. Irving et W. Barrett.

— Les musiques militaires françaises n’ont pu se rendre au concours de Bilbao. Les grands prix ont été décernés à la musique de l’artillerie de Ségovie, aux harmonies de Libourne et de Narbonne, aux orphéons de Pampelune et de Limoges : l’exécution merveilleuse de Pampelune a provoqué une manifestation enthousiaste. Dix-huit mille personnes étaient entassées dans la plaza de toros. Aux jurés que nous avons cités déjà, nous devons ajouter Monasterio, directeur du Conservatoire de Madrid, Zubiaurre, maître de la chapelle royale, Francis Planté, Guilmant et Laurent de Rillé, qui présidait les jurys réunis.

M. A. Goschi vient de terminer, sur un livret de M. A. Rossi, la composition d’un ballet à grand spectacle, les Modèles, dont la première aura lieu prochainement à Lisbonne.

— On annonce de Saint-Pétersbourg qu’un monument à la mémoire de Pierre Tchaïkowski va être élevé prochainement dans la salle principale du Conservatoire.

— Voici que les nouvelles du compositeur Carlos Gomes sont aujourd’hui meilleures. Un journal italien, la Sera, annonce qu’une dépêche reçue de Para fait connaître que l’auteur de Guarany et de Salvator Rosa est en voie de guérison et qu’il espère pouvoir revenir en Italie au mois de novembre ou décembre prochain.

— Un fatal accident de théâtre vient encore de se produire à Poszarevatz, en Serbie. Au cours d’une représentation de la Bataille de Kossov, dans la scène où le chef des insurgés serbes, Milosch Obilitsch, poignarde le sultan Mourad, l’artiste qui remplissait le rôle de Milosch ayant en main, au lieu du poignard ordinaire de tragédie, une arme véritable, a, dans le feu de l’action, tué raide l’acteur qui jouait Mourad.

— En Amérique, le théâtre de l’Opéra de Benton Harbour (Michigan) a été détruit par un incendie. Onze pompiers ont été tués en combattant le feu.

— L’Amérique est le pays des excentricités en tous genres. Le ministre protestant et les fidèles de l’église de Pleasant-Valley, aux États-Unis, ont eu la surprise douloureuse et stupéfiante de ne plus trouver dans leur temple un fort bel orgue, qu’ils avaient ayé de leurs propres deniers. Des voleurs, restés inconnus, s’étaient introduits dans l’église, avaient démonté le noble instrument et l’avaient emporté morceau par morceau, sans que personne se soit aperçu de cet exploit assurément original et nouveau. Mais qu’est-ce que ces larrons audacieux pourront bien faire de leur conquête ?

— Depuis le rôle politique que Richard Wagner a joué pendant la révolution de 1848 à Dresde tout en étant kapellmeister du théâtre royal, on ne s’étonne plus de ce qu’un musicien prenne part à des manifestations politiques. C’est ce qui vient d’arriver à la Havane, où le gouverneur général, M. Weyler, a fait arrêter, sous l’inculpation de haute trahison, le directeur du Conservatoire de musique, M. de Blanc. Il se trouve en bonne compagnie, car plusieurs professeurs de l’Université, avocats et écrivains, ont été arrêtés en même temps.

PARIS ET DÉPARTEMENTS

À l’Opéra,

Dans le calme du cabinet directorial, on élabore quelques beaux projets de programme et de décoration pour le gala en l’honneur des souverains russes. On parle de faire conduire à chacun des membres de l’Institut un fragment d’une de ses œuvres.

La scène sera prise cette semaine par Don Juan, dont voici la distribution exacte, avec les doubles et même quelques triples :

Don Juan MM. Renaud et Nolé.
Leporello MM. Delmas et Fournets.
Ottavio MM. Alvarez et Vaguet.
Masetto MM. Bartet et Douaillier.
Le Commandeur MM. Chambon et Delpouget.
Donna Anna Mmes Rose Caron, Grandjean et Lafarge.
Zerline MmesBerthet, Loventz et Adans.
Donna Elvire MmesBosman et Thérèse Ganne.

On a encaissé pendant le mois d’août 229.823 francs, ce qui donne, pour 13 représentations, une moyenne de 17.678 francs par représentations.

C’est dans le courant du mois d’octobre que doivent reprendre les abonnements du samedi.

— À l’Opéra-Comique :

Malgré les contraintes qu’avaient fait naître les dégâts assez importants causés par le cyclone de jeudi dernier, la réouverture aura lieu mardi prochain 15 septembre, très vraisemblablement avec le Pardon de Ploërmel. Les spectacles qui composeront les affiches de la première semaine seront, avec l’œuvre de Meyerbeer, Orphée, Mignon, Don Pasquale et la Femme de Claude.

Voici, d’autre part, la distribution complète de Don Juan, dont les études, comme à l’Opéra, vont entrer dans la période active :

Don Juan MM. Maurel
Leporello MM.Fugère
Ottavio MM.Jérôme
Masetto MM.Badiali
Le Commandeur MM.André Gresse.
Donna Anna Mmes Nina Pack
Zerline MmesGabrielle Lejeune.
Donna Elvire MmesMarignan

M. J. Danbé, qui a brillamment clôturé sa très artistique saison musicale de Cauterets, est rentré à Paris au commencement de la semaine dernière pour s’occuper de son orchestre.

M. Sellier, qui, une fois déjà, s’était assez grièvement blessé à la chasse, vient encore d’être victime d’un accident à la main droite. L’ancien ténor de l’Opéra a juré de déposer à tout jamais son fusil. On se souvient que Roger, le créateur du Prophète, dut subir l’amputation du bras à la suite de pareil accident.

M. Jules Babier lira, après-demain mardi, sa Lucile Desmoulins aux artistes du théâtre de la République.

— D’après une statistique publiée par le Cercle de la librairie de Paris, qui a emprunté ce renseignement au service du dépôt légal, il aurait été publié en France, comme morceaux de musique :

Années 1890 
 5.471 morceaux.
Années- 1891 
 4.943 morceaux-
Années- 1892 
 5.093 morceaux-
Années- 1893 
 5.126 morceaux-
Années- 1894 
 7.220 morceaux-
Années- 1895 
 6.446 morceaux-

M. Colonne doit se rendre le mois prochain à Londres, avec son orchestre, pour y donner plusieurs concerts dont les programmes seront entièrement consacrés à la musique française et qui comprendront aussi un chœur de cent voix. Il doit, au retour, passer par la Hollande, où il se fera entendre aussi.

M. Paul Viardot vient de rentrer à Paris, après une fort belle tournée dans l’Amérique du Sud.

— À l’Exposition du Théâtre et de la Musique, continuation du succès des festivals du vendredi, si artistiquement dirigés et composés par M. Achille Kerrion. Vendredi dernier, avec le concours de Mlles Kerrion, Ibanez, de MM. Longprez et Génécaud, toute la première partie était consacrée à Gounod. Dans la seconde, effet considérable pour la Méditation de Thaïs et l’arioso du Roi de Lahore, de Massenet, chantés par M. Génécaud.

— Très brillante, la fête ottomane donnée à Paris sous le haut patronage de l’ambassade de Turquie, pour l’anniversaire de l’avènement au trône du Sultan. Le 31 août, un grand concert réunissait nombre d’artistes de valeur. Mlle Alice Verdier de Saula, la remarquable violoniste, a été le clou de cette fête. Cette jeune artiste venait en outre d’avoir un succès comme compositeur : son Élégie pour violon avec accompagnement de piano, soumise au concours musical de la société Osmanié, avait eu l’honneur d’être couronnée.

— Nous annoncions que M. Luigi Arditi, le chef d’orchestre renommé, auteur du fameux Bacio et de la non moins célèbre valse : Parle ! préparait la publication de ses Mémoires. M. Arditi, qui depuis un demi-siècle est fixé à Londres, s’y est trouvé en relations étroites avec tous les grands artistes de ce temps, et ses souvenirs peuvent être intéressants. L’ouvrage annoncé est aujourd’hui publié. Il vient de paraître sous ce titre : Souvenirs de cinquante années, et il contient une quantité d’autographes de compositeurs et de chanteurs célèbres : Rossini, Marietta Alboni, Angiolina Bosio, Henriette Sontag, Mme Pauline Viardot, Mme Adelina Patti, Mme Emma Albani, M. Tamagno, M. Engelbert Humperdinck, etc. Ce livre contient aussi des souvenirs personnels sur Garibaldi, le comte Cavour et autres grands personnages étrangers à l’art.

— Royan. — La saison musicale, en même temps que la saison balnéaire, bat son plein. Je n’ai à vous parler que de la saison musicale : deux casinos sont en présence, et forcément, deux sortes de musique. La musique sévère, classique, règne au vieux casino. Mme Héglon a été l’étoile du théâtre. On a beaucoup applaudi une cantatrice de talent, Mme Maindron, lauréate du Conservatoire de Paris, professeur de chant, qui s’est fait entendre dans le grand air d’Iphigénie de Gluck, un air d’Étienne Marcel, de Saint-Saëns, et un fragment d’Hellé de Duvernoy. Au nouveau casino, l’opérette et le ballet règnent souverainement. Le chef d’orchestre, M. Louis Ganne, obtient un grand succès dans son ballet de Phrymé, qui est une œuvre des plus intéressantes.

H. B.

— Avant que les derniers échos s’en éteignent sur nos plages, signalons les remarquables concerts offerts cette année aux baigneurs de Villers. L’orchestre de M. Meiners est peu nombreux, mais d’excellente qualité, et la partie vocale spécialement confiée à M. Louis Derivis présente toujours un grand intérêt, grâce au choix très artistique et très varié des morceaux. Nous nous souvenons surtout des fragments de Sigurd, de Lakmé, du Cid, d’Herodiade, de l’Élégie et de maintes autres pages de Massenet, du Sonnet ancien de Maréchal. Avec le concours très apprécié de Mlle Romey, M. Derivis a chanté aussi les duos d’Hamlet, de Xavière, d’Aben-Hamet, qu’on a plusieurs fois redemandés. Non loin de là, au Tréport, par exemple, nous avons eu une excellente exécution de l’Enfance du Christ, par M. et Mme Auguez et M. Warmbrodt, qui sut aussi triompher avec les mélodies de Massenet (Hérodiade, Pensée d’Automne, etc.) et de Th. Dubois (Douarnenez, Par le sentier).

P. C.

— Au Casino de Paramé, très grand succès pour Manon, et, parmi les interprètes, pour Mlle Gaconnetti, dont la voix, assez petite, est délicieuse.

— Nous apprenons que le succès de la tournée de l’Empereur de Charles Grandmougin se continue dans l’Est. La pièce a fait salle comble à Lille, Amiens, Boulogne, Sedan, Verdun, Nancy, Épinal.

NÉCROLOGIE

On annonce la mort, à Bielefeld, d’un artiste distingué, Ludwig Siegfried Meinardus, qui était né dans le grand duché d’Oldenbourgd le 17 septembre 1827. Ancien élève du Conservatoire de Leipzig, il s’était perfectionné à Weimar, auprès de Liszt, puis était devenu directeur de l’Académie de chant de Glogau, où il resta jusqu’en 1858, époque à laquelle il alla passer plusieurs années à Dresde, pour se fixer ensuite définitivement à Hambourg. Artiste sérieusement instruit, Meinardus se fit connaître par un certain nombre d’œuvres importantes et d’une réelle valeur : un opéra intitulé Bahnesa ; quatre oratorios : Simon Pierre, le Roi Salomon, Gédéon, Luther à Worms ; une ballade pour voix seule, chœur et orchestre : Roland’s Schwanenlied ; deux symphonies, un quatuor pour instruments à cordes, un trio pour piano, violon et violoncelle, etc.

— D’Ancône on annonce la mort, à l’âge de 65 ans, du compositeur Benedetto Zabban. Il était l’auteur de deux opéras qui avaient été représentés au théâtre des Muses de cette ville, l’un, bouffe, il Conte di Stenedoff, joué en 1858, l’autre, sérieux, Eleonora di Toledo, en 1861. C’était, dit-on, un excellent professeur, mais aussi, paraît-il, un type de « bohème » achevé et d’une rare excentricité.

— À Londres est mort, il y a quelques semaines, M. Lewis Thomas, directeur du journal the Lute et critique musical du Daily Telegraph.


Henri Heugel, directeur-gérant.