SANNAZARO (Jacopo), en français Sannazar, poète latin et italien, né le 28 juillet 1456, à Naples, où il est mort, le 27 avril 1530 ([1]). Sa famille était d’origine espagnole ([2]) ; elle fut dépouillée d’une partie de ses biens par la reine Jeanne. Enfant, Sannazar perdit son père ; sa mère se retira avec lui pendant quelque temps à Santo-Mango, près de Salerne. Avant de quitter Naples, Sannazar avait commencé à étudier sous la direction da savant Giuniano Maggio ; il avait aussi, dit-on, éprouvé les premières atteintes de l’amour, et s’était épris dès l’âge de hait ans pour une jeune fille que Crispa appelle Carmosina Bonifacio. Bientôt Sannazar revint à Naples avec sa mère ; il retrouva les leçons de Maggio, qui lui enseigna le latin et le grec, et qui, fier de ses rapides progrès, le présenta à Pontanus. Celui-ci prit le jeune érudit en affection, et le reçut


membre de l’Academia Pontana, sous le nom d’Actius Sincerus. Cependant l’amour occupait toujours le cœur de Sanuazar ; mais la Carmosina ne payait d’aucun retour une passion que peut-être elle ignorait. En proie à la tristesse et d’autant plus désespéré qu’il souffrait en silence, Sannazar fut sur le point de se donner la mort ; heureusement, il résolut de chercher l’oubli dans l’éloignement, et se mit à voyager. Suivant les uns, il alla en France ; suivant d’autres, plus croyables, en Orient. C’est pendant ce voyage qu’il composa l’Arcadia. A son retour en Italie, il apprit la mort de celle qu’il avait aimée, et ne songea plus qu’à l’immortaliser par ses poésies ([3]). Les vers de Sannazar le rendirent aussitôt célèbre, et il fut appelé à la cour, où il composa plusieurs comédies pour le divertissement des princes ([4]). Sannazar montra à ses souverains un dévouement qui ne recula pas devant l’adversité. Quand, en 1501, Frédéric III, trahi par Ferdinand le Catholique, son parent et son allié, dut abandonner Naples et se réfugier en France, le poète fit argent de tout ce qu’il put, saisit le roi déchu dans son exil, et ne retourna en Italie qu’après lui avoir fermé les yeux (1504). Le vainqueur de Frédéric, Gonzalve de Cordoue, mit tout en œuvre pour s’attacher le poète, et lui demanda de célébrer ses triomphes ; le poète refusa, voulant que sa plume ne fut pas moins fidèle que son cœur à l’infortune. Genre de courage plus remarquable que celui dont il avait donné des preuves en combattant près du duc Alphonse contre les troupes d’Alexandre VI. On a dit que Sannazar était tombé malade en apprenant que Philibert, prince d’Orange, avait fait raser la villa Mergellina. C’était un présent du roi Frédéric au poëte, et le poëte l’avait plus d’une fois chantée. On ajoute qu’à la nouvelle de la mort de Philibert, le poëte ressentit une telle joie qu’il en mourut. Le premier fait parait vrai, mais le second est inexact : Sannazar mourut en avril et Philibert en août de la même année. Sannazar fut inhumé dans l’église qu’il avait fait construire près de sa maison de campagne. Bembo lui consacra cette épitaphe

Da sacro cineri flores ; hic ille Maroni
Sincerus Musa, proximus et tumula.

Les jugements les plus divers ont été portés sur l’Œuvre de Sannazar. Paul Giovio et Girardi lui ont reproché d’avoir, sous prétexte de polir son De partu Virginis, passé vingt ans à le déformer et à l’affaiblir. D’autres critiques, plus sévères que les papes Léon X et Clément VII, qui témoignèrent au poëte une satisfaction sans réserve, lui ont fait un crime de n’avoir pas prononcé une seule fois le nom de Jésus, d’ avoir qualifié la Vierge d’Espoir des dieux, mis dans ses mains les vers des sibylles au lieu des Psaumes, oubliant sans doute que Sannazar se conformait ainsi au goût du temps, et que s’il s’y fût soustrait son poème eût reçu un accueil peu flatteur. Les deux Scaliger et surtout, de nos jours, M. Saint-Marc-Girardin ont jugé ce poème comme il doit l’être. L’Arcadia, mélange de prose et de vers, est écrite, dit Cl. Lancelot, avec une délicatesse et une naïveté merveilleuses. Éloge que confirme Tiraboschi, en l’exagérant un peu toutefois : « L’élégance du style, la propriété et le choix des expressions, les descriptions, les images, tout, on peut le dire, est nouveau et original dans l’Arcadia, et ce n’est pas merveille si elle eut dans ce siècle (seizième siècle) environ soixante éditions. » Les Eclogæ, au nombre, de six, forment, d’après Paul Giovio, l’œuvre la plus parfaite de Sannazar ; les bergers classiques y sont remplacés par des pécheurs, les mœurs et les travaux des campagnes par les mœurs et les travaux des populations qui habitent les rivages de la mer. Les Rime renferment des satires, des épigrammes mordantes et des élégies parfois fort tendres.

L’œuvre de Sannazar se compose des ouvrages suivants : Arcadia ; Venise, 1502 (contre l’intention de l’auteur) ; Naples, 1504, in-4o, et Milan, 1808, in-8o ; trad. en français par Jean Martin (Paris, 1544, in-8o) et par Pecquet (Paris, 1737, in-12) ; — Sonetti e Canzoni ; Naples, 1530, in-4o, et Venise, 1534, in-8o. L’Arcadia, les Sonetti et les Canzoni ont été réimpr. à Padoue ; 1753, in-4o ; — Eclogæ VI, Elegiarum libri III, Epigrammatum lib. III, De morte Christi, ad mortales Lamentatio, et De partu Virginis lib. III ; Naples, 1526, pet. in-fol. ; Venise, 1528-1535, in-8o ; Lyon, 1547, in-16 ; Amst., 1689, in-12, et 1728, in-8o. Le De partu Virginis a été traduit en vers italiens par Jean Giolito de Ferrari ; Vérone, 1732, in-4o, etpFar Casarege ; Florence, 1740, in-8o ; en français par Guillaume Colletet ; Paris, 1645, in-12. Ach. Genty.

Crispo, Vita di Sannasaro. — J.-A. Volpi, Sannasaris Vita. — Niceron, VIII. — Angelis, Sannazar. Biografia degli uomini ill. del regno di Napoli, t. II. — Tiraboschi, Storia della letterat. ital., VII, part. 3. — Saint-Marc Girardin, Tableau de la littér. fr. au seizième siècle, p.137 et suiv.

  1. (1) C’est la date qui fut inscrite sur son tombeau ; mais des auteurs l’ont fait mourir en 1532, d’autres es 1533.
  2. (2) Elle se fixa, dit Tirabocchi, dans la terre de San Nazzaro sur le Pô, et en prit le nom.
  3. (1) Sous les noms d’Amaranthe, de Philis et de Charmozine.
  4. (2) On appelait ces comédies gliommere ; une seule de Sannazar est arrivée jusqu’à nous ; elle fut jouée le 4 mars 1492.