Nouvelle Biographie générale/Zoroastre

Firmin-Didot (46p. 507-510).

ZOROASTRE, législateur religieux des populations bactriennes et fondateur de la religion appelée parsisme, du nom des Perses qui l’adoptèrent. Son époque ne peut être fixée qu’approximativement, et par une suite d’inductions dont chacune prise en soi est incertaine, mais dont l’ensemble offre quelque probabilité. Le premier écrivain grec qui le mentionne est Platon, et il le fait en termes indiquant qu’il ne s’agit pas d’un personnage récent. Ce témoignage nous reporte pour la date la plus récente possible de Zoroastre au milieu du cinquième siècle avant J.-C. ; et si en cela il ne nous apprend rien, car personne ne doute que Zoroastre ne soit en effet plus ancien que le cinquième siècle, il a l’avantage de se rejoindre au témoignage, bien plus important mais négatif, d’Hérodote. Cet historien connaissait bien la religion des Perses ; or nulle part il n’en nomme l’auteur, nulle part il ne donne à entendre qu’elle fût née ou eût été réformée à une époque connue de lui. La connaissance qu’Hérodote avait du monde médo-persique s’étendait,avec une certitude décroissante, du milieu du cinquième siècle au milieu du septième. Son silence sur la révolution religieuse qui donna lieu au culte des mages établit avec probabilité que cette révolution était antérieure, ce qui nous reporte au moins au huitième siècle avant J.-C. Est-il possible d’aller plus loin avec les documents grecs ? Ils consistent en général en assertions vagues, recueillies dans des auteurs postérieurs à Platon par des compilateurs beaucoup plus récents. On n’en peut rien tirer, même de probable. Un seul de ces renseignements mérite l’attention, d’abord par sa date (première partie du cinquième siècle), ensuite par son origine : il vient d’un Lydien, qui, né dans un pays soumis à la Perse, pouvait être plus à portée des sources originales ; c’est celui de Xanthus. Xanthus, au rapport de Diogène Laerce, comptait six cents ans depuis l’expédition de Xerxès jusqu’à Zoroastre, ce qui met celui-ci en 1080 avant J.-C, et place sa naissance et peut-être le commencement de sa mission au douzième siècle avant J.-C. Cette date est assez vraisemblable ; mais rien ne nous indique quel degré de confiance nous pouvons accorder à Xanthus. Son témoignage du reste confirme au lieu de la contredire l’induction tirée du silence d’Hérodote. Cette induction est-elle contredite par les témoignages orientaux, c’est-à-dire par ce qui nous reste des livres de Zoroastre ? Pas davantage. Quelques érudits se sont autorisés de la légende de Zoroastre et du Yaçna pour placer le fondateur du parsisme au sixième siècle avant notre ère. Le Yaçna parle d’un Vistaçpa, protecteur de Zoroastre : Vistaçpa est le même nom que Hystaspes ; de là à identifier le Vistaçpa du Yaçna avec l’Hystaspes, père de Darius, il n’y a qu’un pas. Mais ceux qui ont soutenu cette étrange opinion n’ont pas fait attention que le Vistaçpa (le Gustaçp de la tradition parse), ami de Zoroastre,


est dit fils de Lahuraçp ou Lohraçp, tandis que l’Hystaspes, père de Darius, était fils d’Arsame. Hérodote nous l’apprend, et son témoignage est mis hors de doute par les inscriptions cunéiformes de Behistoun et d’Artaxerxès II, qui donnent au grand-père de Darius le nom d’Arshâma. Il n’y a donc pas lieu de s’arrêter à l’opinion qui ferait de Zoroastre un contemporain de Cyrus. L’autorité d’Hérodote, corroborée par celle de Xénophon, qui nous montre le parsisme en vigueur chez les Perses avant Cyrus, s’ajoutant au témoignage de Xanthus, nous conduit à une période bien antérieure, mais vague, indéterminée (car nous ne pouvons accepter comme certaine la date précise de Xanthus), et que nous voudrions déterminer, s’il se peut, au moyen des documents originaux.

Ces documents sont les livres sacrés des Parses. Anquetil-Duperron, avec un admirable courage, alla les demander aux Guèbres de Surate, se les fit expliquer par eux, et les rapporta en Europe. La traduction qu’il en donna était un essai naturellement fort imparfait, plus propre peut-être à égarer qu’à instruire ; elle avait pourtant cet avantage de fournir une base aux recherches postérieures. Pour la première fois, le texte des livres sacrés des Parses était livré à l’examen de la critique européenne. Eugène Burnouf fit le second pas décisif dans cette étude par son Commentaire sur le Yaçna et ses études sur la langue et les textes zends dans le Journal asiatique. Depuis, plusieurs orientalistes, parmi lesquels il faut citer surtout MM. Martin Haug et Spiegel, ont marché dans la même voie, et grâce à leurs travaux on commence à se reconnaître dans ce sujet hérissé de difficultés.

Le Zendavesta, ou recueil des livres sacrés des Parses, se compose de six parties : le Vendidad, le Yaçna, le Vispered, le Sirozé, le Yecht et le Boundehesch. Le Vendidad est écrit en langue bactrienne, qu’on désigne par le terme impropre mais consacré de Zend (Zend voulant dire commentaire, explication de l’Avesta) ; il comprend vingt-deux fargards ou divisions, et offre quelquefois la forme d’un discours de Ahoura-Mazda (Ormuzd) à Zarathoustra (Zoroastre), plus souvent celle d’un dialogue entre cette personne divine et son prophète. Dans le premier fargard, Ormuz énumère à Zoroastre seize contrées créées par lui, le principe du bien, mais souillées par le principe du mal, Agra-Mainyou (Ahriman). L’énumération commence à l’Airyana (Ariane), et semble s’étendre à toutes les contrées successivement occupées par les populations ariennes jusqu’à l’époque du Vendidad. M. Jean Reynaud, dans un remarquable travail sur Zoroastre, a essayé, à l’aide des ingénieuses conjectures d’Eug. Burnouf, d’identifier les régions du Vendidad avec des contrées ou des villes historiques. Nous ne reproduirons pas cette restitution de la géographie de l’Avesta ; mais nous profiterons du jour qu’elle jette sur la période anléhistorique de la race arienne. Le second fargard est encore un discours d’Ormuzd à Zoroastre ; il s’agitdeYima.filsdeVivagliao ; OrmuzdlecharRe de propager sa doctrine parmi les hommes ; il lui ordonne ensuite de construire un parc immense, dans lequel vivront, au sein de l’innocence et du bonheur, tous les serviteurs d’Ormuzd, avec les animaux qu’il a créés. Les fargards III-XVII se rapportent aux souillures légales et aux purifications par lesquelles on peut les etfacer. Le dix-huitième contient une énumération de plusieurs péchés et leurs expiations ; il y est question entre autres de péchés commis avec une druks (démon femelle). Le dix-neuvième /argiard, qui contient le récit de la tentation de Zoroastre, ne nous est parvenu que très-incomplet, et les autres /orgaj’cfs sont dans un état encore plus fragmentaire. Le Yaçna est un recueil de soixante-douze liymnes, divisés en deux parties. La seconde partie, composée de quarante-cinq hymnes, et appelée Gâlhâs, est ce qu’il y a de plus ancien dans le Zendavesta. Le Vispered est un recueil de prières ; il en est de même du Sirozé. Le YcscJit contient également des prières, et peut être regardé comme le principal livre liturgique des Parses ; il est composé de pièces des époques les plus diverses ; il en est qui sont écrites en zend, d’autres en psrse. Le Boundehesch est une compilation faite d’après des livres religieux aujourd’hui perdus ; il contient une exposition complète de la doctrine persane ; il est écrit en pehlvi. Cette rapide analyse a déjà montré que les livres sacrés des Parses appartiennent à des époques différentes. Peut-ondéterminer ces époques ? le.’le principal indice est la langue dans laquelle ils sont écrits. Le zend a duré, avec des altérations successives, jusqu’aux derniers Achéménides {quatrième siècle av. J.-C) ; le pehlvi, produit de la décomposition du zend, sous l’influence des langues sémitiques, commence à la fin des Achéménides, et se prolonge jusqu’aux derniers Sassanides ( septième siècle après J.-C.) ; seulement dans sa dernière période il cède la place, au moins pour les livres religieux, au parsi, tentative faite pour revenir au zend et exclure de la langue des Parses l’élément sémitique. Ainsi les Yeschts, qui sont en parsi, ont été écrits vers la fin de la dynastie des Sassanides ou peu après sa chute ; lii lioundehesch, qui est en pehlvi, et ceux des Yeschts qui sont dans le même idiome datent des Sassanides (troisième, septième siècle après J.-C.). Enfin, pour le Yaçna, le Veitdidad, le Vispered, le .Sirozé.nous avons une période qui, aboutissant par un de ses termes au quatrième siècle avant J.-C, s’enfonce par l’autre dans le passé le plus reculé. Ces quatre livres, dont les trois premiers ont seuls de l’importance, forment l’Avesta. Nous avons déjà dit qu’ils ne sont pas


de la même date ; nous avons dit aussi que le » Gâthds du Yaçna sont la partie la plus ancienne àp.UAvesta ; si nous parvenions à en fixer même approximativement la date, nous aurions atteint le point qui nous ferait toucher à Zoroastre.

Le Yaçna, particulièrement dans les Gâthâs, nous représente une grande réforme religieuse ; le législateur sacré, quel qu’il soit, agit sur un fonds religieux polythéislique et naturaliste, c’est-à-dire sur une religion où les personnifications de la divinité sont très-nombreuses et empruntées aux phénomènes de la nature ; il veut à la fois. « implifier cette religion dans ses croyances et la préciser dans ses rites ; en même temps il s’efforce d’attacher les hommes à l’agriculture, de les détacher de la vie nomade et guerrière. Or ce triple objet, simplification des croyances, établissement de rites fixes, d’un culte régulier, attachement à la vie s-édentaire de l’agriculteur, le législateur le poursuivit à travers des luttes dont le Yaçna a conservé des traces nombreuses. La majorité des populations ariennes se refusèrent à l’adopter, et il en résulta des guerres, des mouvements intérieurs qu’aucun document ne nous fait connaître, mais dont l’effet au moins est appréciable. Selon toute apparence, ce fut cette révolution religieuse qui décida les Ario-lndiens à quitter l’Ariane, à franchir les passages de l’Hindo-Khousch, et à descendre dans le pays des cinq rivières ( Pendjab). Le Rig-Veda, qui est pour les Ario-lndiens ce que le Yaçna est pour les Ario-Perses, et qui représente l’épanouissement de la première religion des Ariens, comme le Yaçna en représente la simplification, la mise en rituel et en formules, permet de placer sinon des dates précises, au moins quelques points de repère sur la route de la race arienne au sortir de sa terre natale. D’inductions en inductions, on arrive à placer sa migration dans le Pendjab vers le quinzième siècle avant J.-C. Faisons un pas de plus, donnons-nous un espace suffisant et pour la réforme religieuse accomplie par Zoroastre, et pour les luttes qui suivirent au sein des populations ariennes, nous arrivons au seizième ou au dix-septième siècieavant J.-C. C’est la date approximativement probable de Zoroastre. Dans l’état actuel de nos connaissances, nous ne croyons pas qu’on puisse arriver à rien de plus précis. Mais il est une voie où l’on peut espérer des éclaircissements nouveaux, et nous allons l’indiquer sans y entrer nous-même.

Dans l’antiquité, surtout en Orient, les révolutions politiques se rattachent presque toujours à des révolutions religieuses. Nous avons vu la réforme de Zoroastre déterminer vers le sud-est la migration des Ario-lndiens : il est probable qu’elle eut le même effet à l’occident. Or, par .suite de ce mouvement vers l’ouest, les Ariens se trouvèrent en contact, en lutte avec les Chaldéens de l’Euphrate et du Tigre. Une tradition attestée par de nombreux auteurs, Ctésias, Justin, Moïse deKUoren, Arnobe, saint Augustin, Orose, Eusèbe, nous montre Ninus et Sémiramis en guerre avec les Bactriens et leur roi Zoroastre. Il n’y a point à prendre ces incertaines assertions à la lettre, mais il s’en dégage ce fait : que le premier empire chaldéen, qui dura jusqu’au treizième siècle avant J.-C, se trouva en lutte avec les Bactriens. On a découvert depuis vingt ans, dans les vallées de l’Euplirate et du Tigre , un grand nombre d’inscriptions, dont quelques-unes, fort anciennes. A mesure qu’on parviendra à les mieux déchiffrer, on y trouvera sans doute quelques renseignements sur les guerres des princes chaldéens contre les Ariens, et ces découvertes, il faut l’espérer, jetteront quelque lumière sur les obscures révolutions de l’Ariane.

A l’époque où parut Zoroastre , les Ariens , c’est-à-dire les peuples répandus de l’Hindo-Kliousch à la Caspienne , et de l’Iaxarle aux rivages de l’océan Indien et aux montagnes situées à l’est du Tigre, flottaient entre l’état nomade des peuples pasteurs et l’état sédentaire des agriculteurs. Leur principal établissement était dans les vallées de l’Oxus et de ses affluents , dans cette Bactriane que Strabon appelle la plus belle et plus importante partie de toute l’Ariane (Tfiç, (îu[jnïâ(ni ; ApiavYj ; itpôax’l"-*). Là ils commençaient à cultiver la terre, à se réunir en villages, tandis que leurs frères continuaient la vie de pâtres et de chasseurs dans les forêts du nord et dans les steppes du midi ; là aussi ils avaient atteint ce degré d’organisation politique qui consiste à grouper un certain nombre de familles autour d’un chef : c’est le clan, qui précède la cité ou la royauté ; les autres Ariens, nomades, n’avaient pas encore dépassé cette extension de la famille qui constitue la tribu cn-ante. Du veste, nomades ou agriculteurs, les Ariens, d’où sont sorties toutes les nations qui, à partir des Hellènes, ont fait la gloire et la grandeur du monde, étaient actifs, braves et intelligents. Leur langue, origine commune du sanscrit, du grec, du latin, de l’allemand, du slave, se prêtait déjà à rendre ou les nombreuses personnifications divines que le-s phénomènes de la nature suggéraient à leur imagination poétique , ou même des idées plus générales , premier résultat de la réflexion dans ces esprits vigoureux et naïfs. Zoroastre, né en de’nors de la Bactriane, dans une tribu à demi nomade, dont la vie était rude sans doute et le culte rempli de ces superstitions confuses qui provenaient de la multiplicité des dieux, conçut, en s’appuyant sur des traditions plus anciennes, l’idée de simphfier le culte, de le ramener à une sorte de monothéisme, et de faire de ce culte plus simple, plus général , un lien entre les tribus éparses , en même temps , d’attacher ces tribus à la vie agricole. Sa légende, telle qu’elle a été racontée par les poètes persans modernes, ne mérite au-


cune considération : on n’en peut rien tirer d’historique ; mais il n’en est pas ainsi de quelques détails répandus dans le Yaçna, dont plusieurs hymnes remontent à Zoroastre lui-même, dont les autres sont de son école.

Dans l’hymne neuvième du Yaçna on trouve la liste des hommes pieux qui ont reçu la révélationdivine. Ce sont Vivaghao, Athoya,Thrita,et enfin Pourouschaçpa , « qui fut jugé digne d’être le père de Zoroastre, de celui qui devait apprendre aux hommes le Ahuna-Vairya , prière qui est l’arme la plus puissante contre les démons , et auquel il était réservé de faire rentrer sous terre les daêvas , qui avant lui parcouraient le monde sous des figures humaines ». Héritier de ces traditions religieuses, Zoroastre commença à les répandre autoiir de lui ; mais sa prédication n’acquit de l’éclat que lorsqu’il la porta dans la Bactriane. Là il eut, comme tous les fondateurs de religion, de grandes difficultés à vaincre. Enfin, après une résistance qui dura sept ans , un des principaux chefs bactriens , Kava-Vislaçpa, se laissa convertir. Aidé par lui et par d’autres disciples influents, Frashaoçtra, Yamûçpa, Gayrtmerelhria, Zoroastre conquit à ses doctrines une grande partie de la Bactriane ; mais dans cette contrée même et dans les contrées voisines il rencontra un obstacle insurmontable parmi beaucoup de tribus nomades. Celles-ci défendirent leurs dieux par les armes, et après des luttes qui durèrent peut-être plusieurs siècles , et dont les péripéties nous sont inconnues, elles émigrèrent plutôt que de se soumettre au culte de Mazda. La prédication de Zoroastre eut donc pour effet de diviser la race arienne en deux familles religieuses ennemies, celle des Mazdayaçnas ^adorateurs de Mazda), et celle des Daêvayaçnas ( adorateurs des Daêvas ). Le culte des dévas ou dieux a son livre sacré dans le Rig-Veda, et nous n’avons pas à l’étudier ici. Du culte même de Mazda nous ne dirons que ce qui se rapporte plus j>articulièrement à Zoroastre , une exposition complète du mazdéisme ou parsisme dépassant de beaucoup les limites d’un travail biographique.

La doctrine de Zoroastre est fondée sur l’existence de deux principes, le principe du bien, Ormuzd ( Ahoura-Mazda , le sage vivant), et le principe du mal , Ahriman ( Agra-Mainyou , le mauvais esprit ) , qui n’est pas encore nommé dans les Gâlhâs, mais qui s’y trouve certainement, car il y est dit : « Dès le commencement il existe une paire de jumeaux, deux esprits, ayant chacun une activité propre. Ce sont le bien et le mal en pensées , en paroles et en actions. Choisissez entre les deux. Soyez bons, ne soyez pas méchants. » On a prétendu qu’au-dessus des deux principes existait un principe absolu , la durée incréée, Zert ;ane-4Aerene. Cette conception mentionnée dans le Boundehtsch appartient au développement postérieur du parsisme, et n’est pas de Zoroastre. Pour lui les deux prin- principes n’ont pas de précédents, seulement Ormuzd doit remporter à la longue, « car il est le véritable créateur de la pureté, le seigneur réel du monde ». En attendant la victoire finale, une lutte acharnée se poursuit entre le bien et le mal. Ormuzd a créé toutes les choses parfaites. Ahriman pénètre dans cette œuvre pour la bouleverser ; il y jette l’hiver, les mauvaises pensées et les mauvaises actions, la paresse, la pauvreté, la maladie, la mort, les animaux destructeurs, les plantes nuisibles. Dans cette lutte le bien a pour auxiliaires les Izeds, ayant à leur tête les sept Amschaspands (les saints immortels) dont Ormuzd est le premier, et les Fravaschis ou Ferouers, esprits purs, qui sont les génies des hommes sages et des animaux utiles ; c’est avec l’aide et sous la direction de cette milice céleste que les hommes luttent contre l’armée du mal. Celle-ci se compose de l’innombrable milice des Daêvas avec sept chefs, dont Ahriman est le premier ; elle est assistée par tous les êtres malfaisants, hommes, animaux, plantes, tous enfants d’Ahriman. Zoroastre enseigne aux hommes comment ils peuvent combattre le mal et contribuer au triomphe du bien. Il leur recommande surtout l’agriculture, parce qu’elle met en fuite les Daêvas, favorise les bonnes mœurs. Le Yaçna et le Vendidad abondent en préceptes d’une morale excellente. Zoroastre prescrit la prière, mais il prescrit aussi le travail, car la vie est un combat, et « un long sommeil ne convient pas à l’homme ». Après la lutte il trouvera le repos et la récompense dans la vie immortelle. Les âmes pures « vont auprès d’Ormuzd, vers les trônes d’or des Amschaspands, dans Garo-nemâna, qui est la demeure d’Ormuzd ». Le méchant est précipité dans les ténèbres. Il n’y restera pas éternellement ; car une doctrine qui se développa plus tard, mais qu’on trouve en germe chez Zoroastre, nous montre Ahriman et sa milice infernale vaincus et repentants, chantant l’Avesta, c’est-à-dire la loi d’Ormuzd. Ainsi la conception religieuse et morale de Zoroastre aboutit à l’accord général de tous les êtres, dieux et hommes, se réconciliant dans. l’adoration du bien.

Le culte établi par Zoroastre était très-simple et spiritualiste comme la pensée même qui avait présidé à sa réforme religieuse. Il repoussait avec horreur les représentations figurées de la divinité ; le principal symbole sous lequel il l’adorait était le feu conservé au foyer de chaque maison, et aussi le feu qui brille dans le ciel, le soleil, Mithra. Le culte du feu et de Mithra prit dans le mazdéisme un développement qui en cacha la signification primitive et lui donna une apparence polythéistique tout à fait étrangère à l’Avesta.

Le mazdéisme de Zoroastre, devenu la loi religieuse des Médo-Perses, était déjà profondément modifié et altéré sous les Achéménides. Sous la domination des Macédoniens et des Parthes, il exerça et subit des influences qui le mêlèrent aux religions, aux superstitions, aux philosophies des peuples situés à l’ouest de l’Euphrate ; c’est la période du magisme ; elle ne saurait nous arrêter, et c’est dans une histoire de l’école d’Alexandrie, ou du manichéisme, qu’il conviendrait d’en parler plutôt que dans une biographie de Zoroastre. La restauration du mazdéisme par Ardeschir Bahekan, fondateur de la dynastie des Sassanides, ne lui rendit pas sa pureté primitive et ne lui assura qu’une domination passagère. Il succomba devant l’islamisme. Quoique vaincu sans retour, il garde encore en Perse et dans l’Inde quelques obscurs fidèles, et c’est grâce à ces pieux dépositaires des vieilles croyances et des livres sacrés de la bactriane qu’il nous a été donné de connaître une des plus nobles et des plus pures religions de l’antiquité.

Léo Joubert.

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