Nouvelle Biographie générale/MUSET Colin

Firmin-Didot (37p. 17-18).

MUSET (Colin), célèbre ménestrel français, né au commencement du treizième siècle. À la fois poète et musicien, comme la plupart des ménestrels de son temps, Colin Muset allait de château en château, chantant ses poésies en s’accompagnant sur la vielle[1], instrument dont il jouait fort bien. On trouve dans les manuscrits de la Bibliothèque impériale de Paris, numéros 65 et 66 (fonds de Cangé), trois chansons notées de la composition de Colin Muset. Dans celle de ces chansons qui commence par ces vers :


Sire quens j’ai viélé
Devant vos en vostre ostel,


il nous fait connaître qu’il était marié et qu’il avait une fille. Il paraît du reste que l’exercice de son talent lui procurait une certaine aisance ainsi qu’à sa famille ; car la même chanson nous apprend qu’il avait une servante pour sa femme, un valet pour soigner son cheval, et que lorsqu’il revenait chez lui, sa fille tuait les chapons pour fêter son retour. Quelques auteurs disent que Thibaut, comte de Champagne et roi de Navarre, le prit à son service et le fixa auprès de sa personne.. On lit dans l’Essai sur la Musique, de La Borde, que l’esprit de Colin Muset l’éleva au grade d’académicien de Troyes et de Provins. À cette époque il n’y avait pas d’académies en France, et il est probable que La Borde a voulu parler des concours que le roi de Navarre avait établis à Troyes et à Provins pour les chansons. On a dit aussi que Colin Muset contribua pour une grande part à l’érection du portail de l’église Saint-Julien-des-Ménétriers, située dans la rue Saint-Martin, à Paris. Cette assertion est évidemment erronée. En effet, la confrérie aux frais de laquelle cette église fut bâtie ne fut instituée qu’en 1328 et ne fut constituée que trois ans plus tard, comme le rapporte le P. Du Breul, bénédictin, dans son Théâtre des Antiquités de Paris. « En 1331, dit cet écrivain, il se fit une assemblée à l’hôpital des jongleurs et ménestriers, lesquels, d’un commun accord, consentirent à l’érection d’une confrérie, sous les noms de saint Julien et de saint Genest, et en passèrent lettres qui furent scellées au Châtelet, le 23 novembre du dit an. » Colin Muset ne put donc faire partie de cette confrérie puisque en 1328 il avait cessé de vivre depuis longtemps. Plusieurs auteurs ont également commis une autre erreur en prenant pour l’effigie de ce ménestrel l’une des deux figures placées debout au portail de l’église Saint-Julien. Cette figure, qui tenait à la main un rebec, espèce de violon à trois cordes, est incontestablement celle de saint Genest, ainsi que le prouve le sceau de la confrérie, dont le P. Du Breul donne la description, et où l’on voyait, comme au portail, saint Julien et saint Genest, avec cette légende : « C’est le sceau de la confrérie de Saint-Julien et Saint-Genest, lequel a été vérifié au Châtelet et à la cour de l’Official. » D. Denne-Baron.

Du Breul, Théâtre des antiquités de Paris. — Millin, Antiquités nationales. — De La Borde, Essai sur la Musique. — Roquefort, De la Poésie française dans les douzième et treizième siècles. — Dulaure, Hist. de Paris. — Fétis, Biogr. univ. des Musiciens. — B. Bernhard, Recherches sur l’histoire de la corporation des ménétriers et joueurs d’instruments de la ville de Paris.

  1. La vielle ou viole se jouait avec un archet, comme le violon. Cet instrument n’avait point de rapport avec celui que l’on désigne aujourd’hui sous le nom de vielle ; et qui s’appelait rote dans l’ancien langage français.