Nouvelle Biographie générale/Jehan BODEL

Firmin-Didot (6p. 161).

BODEL (Jehan), trouvère artésien, vivait dans la dernière moitié du treizième siècle. Il fit partie de la première croisade de saint Louis, et en 1 269 allait suivre ce roi dans sa seconde expédition d’outre-mer, lorsqu’il fut atteint de la lèpre, et réduit à renoncer à vivre avec ses semblables. Il s’ensevelit alors dans une retraite profonde, après avoir adressé de touchants adieux à ses concitoyens. « À cette époque, dit M. Monmerqué, qui a publié une savante dissertation sur Jehan Bodel ; à cette époque, la langue romane du nord se divisait en trois principaux dialectes. À la cour de nos rois, à Paris et dans l’ancienne France, on parlait le roman le plus pur et le plus intelligible. Guillaume de Lorris et Jehan de Meung, son continuateur, l’ont employé dans le roman de la Rose. L’anglo-normand est le second de ces dialectes : Guillaume, duc de Normandie, en conquérant l’Angleterre, imposa ses lois et son langage à ses nouveaux sujets. Ceux-ci y mêlèrent des mots saxons et danois, et ils en altérèrent la prononciation. Wace se servit de ce dialecte. On parlait le troisième dialecte dans le comté d’Artois et dans le Cambrésis ; il a de l’analogie avec le patois picard encore en usage dans nos provinces du nord. Nos trouvères Jehan Bodel et Adam de la Halle l’ont employé dans leurs essais dramatiques. C’est malheureusement le plus obscur et le plus barbare des jargons romans. »

Bodel a composé sur la vie de saint Nicolas, évêque de Myre, une pièce dramatique en vers de douze et de huit syllabes. Cette pièce est un des plus anciens ouvrages que notre langue ait produits dans ce genre. On y remarque ces deux vers, qui rappellent ceux du Cid de Corneille :

Seigneur, se je suis jones, ne m’aies en despit.
On a véu sourent grant cuer en cors petit,

M. Paulin Paris, dans le t. XX de l’Histoire littéraire de la France. — Le Bas, Dictionnaire encyclopédique de la France.