Nouveau dictionnaire classique de la langue française/Introduction

NOUVEAU

DICTIONNAIRE CLASSIQUE

DE LA

LANGUE FRANÇAISE
paris. - imprimerie de p. -a. bourdier et cie, 30 rue mazarine.
NOUVEAU

DICTIONNAIRE CLASSIQUE

DE LA

LANGUE FRANÇAISE

COMPRENANT :
Les mots du Dictionnaire de l’Académie Française, et un très-grand nombre d’autres
autorisés par l’emploi qu’en ont fait les bons écrivains ; leurs acceptions propres et figurées et l’indication
de leur emploi dans les différents genres de style.
Les termes usités dans les sciences, les arts, les manufactures, ou tirés des langues étrangères.
La synonymie rédigée sur un plan tout nouveau et d’après les travaux.
les plus récents sur cette matière.
La prononciation figurée de tous les mots oui présentent quelque difficulté.
Un vocabulaire général de géographie, d’histoire et de biographie, depuis les premiers temps
jusqu’à nos jours.

et précédé
d’un tableau complet de la conjugaison des verbes réguliers et irréguliers, et. etc.
par mm.
BESCHERELLE AÎNÉ
Auteur du Dictionnaire national de la Langue française.

et

J. A. PONS
professeur d’histoire.



PARIS
GARNIER FRÈRES, LIBRAIRES-ÉDITEURS.
6, rue des saints-pères, et palais royal, 215
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1864

PRÉFACE

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C’est dans un but tout pratique qu’a été entrepris ce nouveau Dictionnaire, destiné à la jeunesse. Frappés de l’inconvénient qu’offre aux élèves la nécessité de recourir à une foule de gros et coûteux ouvrages, pour avoir des notions exactes sur la langue, la synonymie, l’histoire, la géographie, la vie des grands hommes, etc., nous avons pensé faire une œuvre utile en condensant dans un seul volume tout ce qu’il est indispensable de savoir sur chacune de ces matières.

Déjà l’un de nous, M. Bescherelle, avait, il y a plus de vingt ans, composé un Dictionnaire national où ces diverses connaissances se trouvaient résumées de la façon la plus complète, et cet ouvrage, véritable encyclopédie du xixe siècle, n’a cessé d’obtenir un succès tous les jours croissant. Les concurrences qu’on a essayé de lui susciter n’ont abouti qu’à le faire rechercher davantage, et c’est encore aujourd’hui le monument le plus complet de la lexicographie française.

Mais ici notre but n’est pas le même ; et ce nouveau Dictionnaire ne fait nullement double emploi avec le Grand Dictionnaire national, dont il ne comportait point les immenses développements.

Dans un cadre plus restreint, mais assez large pour admettre tous les détails utiles à la jeunesse, nous avons réuni et condensé tous les éléments d’un abrégé usuel et commode, fait avec beaucoup de soin, et aussi complet que possible dans les limites de l’enseignement classique ; en un mot, nous avons voulu offrir aux lecteurs un livre qui pût être adopté à juste titre pour les lycées et les institutions des deux sexes, et consulté facilement par les gens du monde. Pour atteindre ce résultat, aucun soin, aucune recherche, aucune investigation n’ont été négligés par nous.

Parmi les ouvrages nouveaux dont nous avons profité, celui qui nous a été le plus utile, nous sommes heureux de l’avouer, est l’excellent Dictionnaire des synonymes de M. Lafaye. Il nous a servi à résumer la partie synonymique avec plus de méthode que ne l’avaient fait nos devanciers, et les justes reproches qu’il adresse aux définitions du Dictionnaire de l’Académie nous ont obligés, pour celles du nôtre, à plus d’exactitude et de précision.

En même temps nous lisions avec le plus grand soin les meilleurs écrivains de notre époque, les traités les plus récents sur les chemins de fer, l’électricité, la photographie, enfin sur toutes les parties des sciences et des arts auxquelles la langue commune emprunte chaque jour des mots et des images. Nous avons pu ainsi constater l’usage actuel de la langue « t enregistrer les richesses que le XIXe siècle ajoute à l’héritage des siècles précédents.

Pour ce qui regarde la langue classique, nous croyons avoir réussi à ne laisser échapper aucune des locutions employées par les bons auteurs depuis Malherbe jusqu’à Chateaubriand. Il y a même certaines expressions depuis longtemps réputées archaïques, que l’on retrouve seulement dans le courant de l’usage chez les écrivains du XVIe siècle, et que nous avons cru pourtant devoir conserver. Les unes, adoptées par La Fontaine, ont reçu de lui comme une grâce nouvelle et une sorte de consécration. Les autres, ravivées de nos jours et remises à la mode par les auteurs contemporains, semblent avoir quelque chance de rentrer en grâce et de refleurir.

Le dessein où nous étions de ne rien introduire dans notre ouvrage qui ne fût à la portée du plus grand nombre des lecteurs nous a fait rejeter tout ce qui regarde l’étymologie. Loin de nous, certes, la pensée de nier l’importance et l’attrait de cette branche de l’érudition. Mais, pour que ses résultats soient présentés avec profit, il faudrait, un mot français étant donné, le comparer avec chacun des mots grec, latin, italien, espagnol, etc., qui ont avec lui de l’analogie, et montrer suivant quels procédés chaque idiome s’approprie la forme primitive. Une telle exposition dépassait les bornes de notre cadre, et nous avons mieux aimé ne pas l’aborder que de donner des explications écourtées et partant inutiles. Un bon juge en ces matières, un des maîtres de la littérature contemporaine, M. Villemain lui-même, avait d’avance légitimé cette exclusion : « La science étymologique, dit-il dans la préface du Dictionnaire de l’Académie, est, selon le caractère des recherches, ou une curiosité tantôt facile, tantôt paradoxale, ou une étude féconde qui, d’un côté, tient à la partie la plus obscure de l’histoire, de l’autre, à l’analyse de l’esprit humain, à l’invention des langues et à la perfection de la parole. Pour nos langues de filiation latine en particulier, indiquer, à côté du terme moderne, le mot latin d’où il dérive, c’est faire peu de chose et parfois se tromper : car parfois le terme latin avait lui-même une racine septentrionale, à laquelle touchaient, avant la conquête romaine, les anciens habitants de notre sol, qu’on appelle nos pères. De plus, lors même que la dérivation du latin vers nous est évidente, souvent le mot, expressif à son origine, est devenu pour nous sans couleur. Le dictionnaire qui, au mot RIVAL, ajoutera pour racine le mot latin RIVALIS, ne m’apprend rien, s’il ne m’explique comment les laboureurs latins et les jurisconsultes romains appelaient rivales les deux riverains qui se partageaient et souvent se disputaient un ruisseau, pour arroser leurs prés, et comment ce mot a pris de là un sens moral, éloigné du terme primitif. Il en est de même de presque tous les mots. Dire que DÉSIRER vient de DESIDERARE, et CONSIDÉRER de CONSIDERARE, CALAMITÉ de CALAMITAS, ADMIRER de MIRARI, c’est presque ne rien dire ; c’est traduire un chiffre par un autre chiffre, à moins d’entrer dans l’explication même du terme étranger importé par nous. »

Quelques auteurs ont cru bien faire de placer à côté de chaque mot écrit régulièrement le même mot orthographié d’une manière différente et, suivant eux, plus conforme à la prononciation. Idée malencontreuse et qui a de graves inconvénients. Le lecteur inexpérimenté, dont le regard est frappé à la fois par deux formes différentes du même mot, ne sait plus, le dictionnaire une fois fermé, laquelle est la vraie. Il contracte ainsi une orthographe vicieuse dont il a grand’peine ensuite à se corriger. Heureux encore si, à ce prix, il obtenait quelque avantage ! Mais il n’en est rien. Prenez au hasard quelques mots dans de ces dictionnaires qui se piquent de donner la prononciation exacte ; soient, par exemple, ambassadeur, américain, amoindrissement, bagher, captatoire, carrossable, déguerpissement, ichnographie, immersif, sauteur, soldatesque. Essayez de les articuler d’après la prononciation indiquée : anbaçadeur, amérikin, amoaindrissman, bagher, kaptatoar, karoçable, dégherpissman, iknografi, immèrcif, çôteur, çoldateske. Il est probable que le résultat sera directement opposé à celui qu’on s’est proposé d’atteindre.

C’est afin d’épargner ces embarras à nos lecteurs que nous avons suivi, en l’étendant à un plus grand nombre de mots, la méthode de prononciation du Dictionnaire de l’Académie. Toutes les fois que le mot se prononce à peu près comme il s’écrit, nous nous en remettons au bon sens et à l’usage, les meilleurs guides en ce cas ; et lorsqu’il y a trop d’écart entre l’orthographe et la prononciation, nous ne donnons que le son exact de la syllabe ou des syllabes sur lesquelles porte la difficulté.

Le domaine du dictionnaire et celui de la grammaire se touchent par bien des points. L’analyse des éléments du langage mène inévitablement à l’étude des rapports qui lient ces éléments entre eux. De là les fréquentes excursions des lexicographes sur les terres du grammairien. Nous avons donc, à la rencontre, signalé les règles essentielles de la syntaxe et de l’accord, mais sans entrer dans aucune discussion. Les meilleures théories grammaticales ne valent pas un exemple bien choisi d’un bon auteur, et la règle se grave mieux dans l’esprit quand elle y entre avec une grande pensée ou un beau vers.

Nous donnons ci-après un tableau complet de la conjugaison qui épargnera la peine de recourir à la grammaire quand le verbe présentera quelque difficulté ou que la mémoire fera défaut au lecteur. Enfin, nous avons, dans le corps même du Dictionnaire, indiqué le pluriel des substantifs composés ou tirés des langues étrangères, lorsqu’ils s’écartent de la règle générale.

Est-il besoin d’ajouter que tout ce qui pouvait blesser la pudeur ou les croyances religieuses a été soigneusement éliminé d’un livre spécialement destiné à la jeunesse ?

En terminant ces quelques lignes de préface, nous devons rendre justice au savant lexicographe qui, après avoir partagé avec nous le travail de recherche et de rédaction d’où ce livre est sorti, s’est modestement effacé pour nous en laisser l’honneur. M. W. de Suckau, qui s’est fait depuis longtemps une solide réputation dans des travaux du même genre, a déployé dans cette collaboration un zèle et une ardeur que n’ont pu ralentir les fatigues ni les années. Qu’il reçoive ici, pour l’aide qu’il nous a prêtée, nos bien vifs remercîments !

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