Notre programme (Revue pédagogique)

Le Comité de Rédaction
Notre programme (Revue pédagogique)
Revue pédagogique, second semestre 1882n. s. 1 (p. 1-4).

Nouvelle série. — Tome Ier.
15 Juillet 1882.
N° 1.

REVUE PÉDAGOGIQUE

NOTRE PROGRAMME


Depuis longtemps les personnes qui s’intéressent aux progrès de l’instruction primaire en France exprimaient le regret qu’il n’existât point pour l’étude approfondie des questions pédagogiques un organe en quelque sorte neutre et indépendant, d’un cadre plus étendu et d’un caractère un peu plus élevé que les publications hebdomadaires, où la partie pratique et professionnelle prend la plus large place.

En attendant que l’initiative privée entreprenne de donner à ce désir une plus entière satisfaction, le ministère de l’instruction publique a cru qu’il pouvait lui appartenir, sans porter aucun préjudice aux feuilles spéciales, d’ouvrir un libre champ à des recherches plus hautes et plus désintéressées, de provoquer l’examen, le débat, la comparaison, en mettant à la disposition du public sérieux un organe où puissent être traitées avec suite les questions relatives à l’enseignement primaire et à l’éducation du peuple. Ainsi a été décidée la création de la présente Revue.

Elle était déjà prévue et annoncée il y a plus de trois ans quand fut fondé le Musée pédagogique. Cet établissement central, avec ses riches collections françaises et étrangères, avec sa bibliothèque spéciale qui sera bientôt, dans son domaine propre, une des plus complètes d’Europe, avec ses échanges internationaux, ne rendrait pas tous les services qu’on est en droit d’en attendre s’il n’était qu’un dépôt ou un conservatoire : destiné presque exclusivement aux membres de l’enseignement primaire, il ne doit pas attendre leurs investigations, il doit en quelque sorte aller au-devant de leur curiosité, signaler à leur attention, mettre à leur portée les documents, les renseignements, tous les moyens d’instruction et de progrès qui lui parviennent, de quelque point que ce soit de la France ou de l’étranger. Analyses, traductions, rapports originaux, comptes-rendus de missions, d’expériences et d’études pédagogiques, chroniques du mouvement scolaire dans les divers pays, aucune forme de communication ne doit être négligée par le Musée pédagogique pour faire profiter notre personnel enseignant de tout ce qui s’est dit ou s’est fait de meilleur dans le monde entier. Or, il ne peut remplir cette partie de sa tâche que par la publication régulière d’un organe qui distribue en quelque sorte le trésor d’idées et de faits dont il est le dépositaire.

La Revue que nous inaugurons est donc tout naturellement le bulletin du Musée pédagogique : et elle devait paraître avec ce seul caractère et ce seul titre, quand des circonstances imprévues lui en ont donné un autre. Il existait depuis 1878, sous le nom de Revue Pédagogique, un recueil mensuel dont le programme était à certains égards fort analogue à celui que nous venons de tracer. Dirigé en ces dernières années par un inspecteur général d’une grande compétence, M. Cocheris, ce recueil avait commencé d’une façon très heureuse à porter l’attention et le goût du public sur cet ordre d’études et sur ce genre de réflexions qui, sans se traduire immédiatement en applications scolaires proprement dites, ne peuvent manquer d’élever le niveau des connaissances professionnelles. Il était donc tout naturel, quand une mort prématurée vint enlever à la Revue pédagogique son intelligent et sympathique directeur, qu’on songeât à faire du nouveau recueil projeté la suite de l’ancien. Et cette combinaison n’a pas eu de peine à prévaloir.

Telles sont les origines de ce nouvel organe des hautes études pédagogiques.

Il nous reste à en faire connaître le plan dans ses dispositions principales.

Par définition et par essence, la nouvelle Revue pédagogique n’est, pas plus que l’ancienne, un simple bulletin officiel et un recueil de documents administratifs. Notre rôle dans ce journal est avant tout d’encourager l’étude, de provoquer les travaux personnels, de permettre à toute opinion pédagogique de se produire et de se défendre, de donner carrière à une discussion libre et digne. Le personnel de l’enseignement et de l’inspection primaire, si nombreux aujourd’hui, n’est pas et ne doit pas être une armée de fonctionnaires silencieux et passifs. C’est un corps soumis sans doute aux règles de la discipline professionnelle, mais composé d’intelligences actives, vivantes, avides de progrès, toujours à la recherche du mieux, obligées de se surveiller et de se stimuler elles-mêmes sous peine de tomber rapidement dans la routine et l’impuissance. Partout où il y a des maîtres et des écoles, il faut qu’on pense et qu’on cherche, il faut qu’on améliore et qu’on perfectionne si l’on ne veut déchoir. C’est pour cela que l’administration n’a cru ni sortir de ses attributions ni contrevenir aux principes qui ont jusqu’ici dirigé sa conduite en ouvrant largement aux membres de l’enseignement public et privé qui voudront répondre à son appel une sorte de tribune où ils pourront faire entendre leur voix, apporter leur témoignage, poser les questions ou essayer de les résoudre, mettre en commun, enfin, leur expérience, leurs doutes, leurs lumières. Ce journal fait pour eux pourra bientôt l’être par eux dans la plus large mesure, s’ils le veulent.

La Revue telle que nous la souhaitons, c’est en quelque sorte un congrès pédagogique permanent et universel. Dès lors, elle vaudra surtout ce que la feront valoir ses collaborateurs nés, c’est-à-dire tous les amis de l’instruction primaire dans ce pays.

Les parties dont elle se composera sont indiquées d’avance par les explications qui précèdent et par les traditions du recueil qu’elle continue. Des articles de fonds sur des sujets de doctrine, de critique ou d’histoire pédagogique ; quelques morceaux empruntés aux maîtres de la pédagogie étrangère ; un choix des rapports et des mémoires les plus intéressants et les plus instructifs pris parmi ceux qui sont adressés au ministère à la suite de missions ou d’inspections générales ; un échange de communications sur les questions d’intérêt scolaire que les circonstances mettront en lumière ou que nous signaleront nos lecteurs ; une revue de la presse française et étrangère donnant : la primeur des articles ou des publications importantes qui ont trait à l’éducation ; un courrier de l’intérieur et un courrier de l’extérieur, double chronique du mouvement pédagogique en France et à l’étranger : tel est le cadre de la Revue.

Pour le remplir, le Comité de rédaction est assuré d’obtenir le concours d’écrivains et de penseurs qui veulent bien mettre leur talent au service de notre cause. Mais, le Comité ne saurait trop le redire, cette Revue est surtout une œuvre d’instruction mutuelle, et pour agir avec efficacité sur le corps enseignant, c’est dans le corps enseignant lui-même qu’elle compte trouver son point d’appui.

Le Comité de Rédaction.