Notre avenir à tous - Rapport Brundtland/Chapitre 10

Chapitre 9 Rapport Brundtland Chapitre 11




Commission mondiale sur l’environnement et le développement

Chapitre 10
La gestion du patrimoine commun



Introduction modifier

Les formes traditionnelles de la souveraineté nationale sont de plus en plus ébranlées par les réalités de l’interdépendance écologique et économique. Nulle part, cette constatation n’est plus vraie que lorsqu’il s’agit des écosystèmes partagés et du patrimoine commun – les parties de la planète qui échappent aux juridictions nationales. Dans ce cas, un développement rationnel ne peut être assuré que grâce à la coopération internationale et à des systèmes mis en place par des accords qui régissent la surveillance, la mise en valeur et la gestion de ce patrimoine dans l’intérêt commun. Ce qui est en jeu, ce n’est pas seulement le développement rationnel des écosystèmes partagés et du patrimoine commun, mais celui de toutes les nations dont les progrès dépendent plus ou moins de la gestion rationnelle de ces ressources.

De plus, sans règles acceptées, équitables et exécutoires régissant les droits et les devoirs des États à l’égard du patrimoine commun, les pressions exercées sur des ressources limitées détruiront l’intégrité écologique de celles-ci avec le temps. Les générations futures seront appauvries et les populations qui souffriront le plus seront celles des pays pauvres qui sont le moins à même de faire valoir leurs propres droits sur le patrimoine commun.

La gestion de chacun de ces éléments du patrimoine commun – les océans, l’espace extra-atmosphérique et l’Antarctique – se situe à un stade différent d’un processus d’évolution, de même que la reconnaissance de leur caractère « commun », précisément. Avec le droit de la mer, la communauté internationale a mis au point l’une des conventions internationales les plus ambitieuses et les plus avancées qui aient jamais concerné les mers et le fond des mers. Mais, jusqu’ici, un petit nombre de pays ont refusé d’adhérer au régime international qui a fait l’objet de négociations mondiales prolongées, ce qui bloque la mise en œuvre de certains aspects essentiels. Des frontières ont été tracées sur les océans en vue de séparer les mers communes des zones économiques exclusives (ZÉE), mais comme les eaux communes et celles qui sont revendiquées constituent des systèmes écologiques et économiques qui s’interpénètrent et que la santé des unes dépend de celle des autres, il sera question des deux dans le présent chapitre. En ce qui concerne l’espace extra-atmosphérique, la partie du patrimoine mondial la moins exploitée, la discussion d’une gestion commune ne fait que commencer. L’Antarctique est régi depuis plus d’un quart de siècle par un traité ayant force obligatoire. De nombreux États qui n’en font pas partie estiment qu’ils devraient avoir le droit de prendre part à la gestion de ce qu’ils considèrent comme l’un des éléments du patrimoine commun.

I. Les océans : l’équilibre de la vie modifier

Ce sont les océans qui apportent l’équilibre au cycle de vie terrestre (1). Recouvrant plus de 70 pour cent de la surface de la planète, ils jouent un rôle essentiel en entretenant ce qui est nécessaire à sa vie, en tempérant son climat et en faisant vivre des animaux et des plantes, dont le minuscule phytoplancton qui produit de l’oxygène. Ils fournissent des protéines, un moyen de transport, de l’énergie, de l’emploi, des loisirs, ainsi que la possibilité d’autres activités économiques, sociales et culturelles.

C’est aussi dans les océans que se déversent en fin de compte les sous-produits des activités humaines. Fosses septiques gigantesques et closes, ils reçoivent les déchets des villes, des exploitations agricoles et des industries par les eaux des égouts, les immersions provenant des péniches et des navires et même des substances transportées par l’atmosphère. Au cours des dernières décennies, la croissance de l’économie mondiale, l’éclatement de la demande de produits alimentaires et de combustibles, ainsi que l’accumulation des déchets rejetés ont commencé à limiter les bienfaits des océans.

Les océans sont caractérisés par une unité fondamentale à laquelle il n’y a pas moyen d’échapper. Les cycles étroitement liés de l’énergie, du climat, des ressources maritimes vivantes et des activités humaines se déplacent dans les eaux côtières, les mers régionales et les océans fermés. Les effets de la croissance des villes, des industries et de l’agriculture ne se confinent dans la zone économique exclusive d’aucune nation; ils traversent les courants d’eau et d’air et vont d’une nation à l’autre et, par les chaînes alimentaires complexes, ils passent d’une espèce à l’autre, propageant les retombées du développement sinon les avantages, aux riches et aux pauvres.

Seules les hautes mers situées au-delà des juridictions nationales constituent véritablement un patrimoine commun; mais les espèces de poissons, la pollution et autres effets du développement économique ne respectent pas ces frontières légales. Une gestion rationnelle du patrimoine commun constitué par les océans nécessitera aussi une gestion des activités d’origine terrestre. À cet égard, on distingue cinq zones : les zones situées à l’intérieur des terres qui influent sur les océans principalement par leur réseau fluvial; les terres côtières – marais, marécages, etc. – proches de la mer, où les activités humaines peuvent avoir directement des incidences sur les eaux adjacentes; les eaux côtières – estuaires, lagunes et eaux peu profondes en général – où dominent les effets des activités d’origine terrestre; les eaux du large, situées juste à la limite extérieure du plateau continental; et la haute mer, très au-delà des ZEE de 200 milles soumises au contrôle des États riverains.

Les principales zones de pêche se trouvent surtout au large, alors que la pollution qui les touche provient principalement de sources terrestres et se concentre dans les eaux côtières. Il faut donc une véritable gestion internationale dans les zones situées au-delà des ZEE; mais il faut aussi dans les diverses zones intensifier la coopération internationale et améliorer les structures permettant de coordonner les actions au niveau national.

1. L’équilibre menacé modifier

À l’heure actuelle, les ressources vivantes de la mer sont menacées par la surexploitation, la pollution et le développement d’origine terrestre. La plus grande partie des stocks de poissons que l’on rencontre habituellement dans les eaux situées au-dessus des plateaux continentaux, et qui fournissent 95 pour cent des quantités de poissons capturées dans le monde, sont maintenant menacées par une pêche excessive.

D’autres menaces sont plus concentrées. Les effets de la pollution et du développement des terres sont plus graves dans les eaux côtières et dans les mers partiellement fermées, le long des rivages. L’emploi des zones côtières pour l’habitat, l’industrie, les installations énergétiques et les loisirs ira en augmentant, de même que l’aménagement en amont des estuaires des rivières par la construction de barrages ou de dérivations destinées à l’agriculture ou à l’approvisionnement en eau des municipalités. Ces pressions ont détruit les habitats des estuaires, aussi irrévocablement que le dragage, le comblement ou le pavage. Les rivages et leurs ressources subiront des préjudices toujours plus importants si l’on continue à aborder la politique, la gestion et les institutions, avec l’esprit actuel, en se préoccupant des affaires habituelles.

Certaines eaux situées le long des côtes ou au large sont particulièrement sensibles à une mise en valeur des rivages qui ne tient pas compte de l’écologie, d’une surexploitation concurrentielle des pêches et de la pollution. Ces tendances sont particulièrement préoccupantes dans les zones côtières où la pollution par des égouts domestiques, les déchets industriels, ainsi que par le ruissellement des pesticides et des engrais, peut menacer non seulement la santé humaine, mais aussi la mise en valeur des pêcheries.

Même les hautes mers commencent à présenter les symptômes des attaques que leur font subir des milliards de tonnes d’agents contaminants qui viennent s’y ajouter chaque année. Les sédiments transportés vers les océans par des grands fleuves tels que l’Amazone, peuvent se repérer jusqu’à 2 000 kilomètres au large (2). Des métaux lourds provenant d’industries consommant de la houille, ou de certains procédés industriels sont aussi véhiculés par l’atmosphère jusqu’aux océans. Les quantités de mazout répandues chaque année par les pétroliers approchent maintenant 1,5 million de tonnes (3). L’environnement marin, exposé à la radioactivité provenant d’expérimentations passées d’armes nucléaires, souffre toujours des décharges continuelles de déchets radioactifs.

De nouveaux indices d’une possible et rapide diminution de la couche d’ozone, et d’une augmentation consécutive du rayonnement ultraviolet, constituent une menace non seulement pour le genre humain, mais aussi pour la vie des océans. Certains experts estiment que ce rayonnement pourrait tuer des êtres vivants sensibles, comme le phytoplancton et les larves de poisson qui flottent près de la surface des eaux, ce qui pourrait compromettre les chaînes alimentaires des océans et perturber les systèmes qui assurent la subsistance de la planète (4).

De fortes concentrations de substances telles que des métaux lourds, des produits organochlorés et du pétrole ont été relevées à la surface des océans. En continuant à s’accumuler, ces substances pourraient avoir des effets complexes et durables (5). Le fond des mers est une région aux activités complexes, physiques, chimiques et biologiques, dans lesquelles les processus microbiens jouent un rôle important, mais, jusqu’ici, des dégats importants n’ont été constatés que dans des zones très localisées. Certes, ces conclusions sont encourageantes, mais étant donné l’accélération des pressions et l’insuffisance des données actuelles, elles ne fournissent aucun motif de complaisance.

2. La gestion des océans modifier

Se tournant vers le siècle à venir, la Commission est convaincue qu’un développement durable, sinon la survie elle-même, dépend de progrès marqués dans la gestion des océans. Des changements considérables devront être introduits dans nos institutions et nos politiques et des ressources plus importantes devront être engagées dans la gestion des océans.

Trois impératifs sont au centre de la question de la gestion des océans :

  • L’unité sous-jacente des océans nécessite, à l’échelle mondiale, des régimes de gestion efficaces.
  • Le partage des ressources, qui est caractéristique de nombreuses mers régionales, oblige à mettre en place des formes de gestion régionale.
  • Les principales menaces d’origine terrestre qui pèsent sur les océans nécessitent au niveau régional, des actions efficaces fondées sur une coopération internationale.

La dépendance mutuelle a augmenté au cours des dernières années. La Convention sur le droit de la mer, qui a institué des ZEE de 200 milles, a placé 35 pour cent de plus de la surface des océans sous la souveraineté nationale en ce qui concerne la gestion des ressources naturelles. Cette convention a aussi mis en place un cadre institutionnel qui pourrait améliorer la gestion de ces zones, étant donné qu’on peut s’attendre à ce que les gouvernements individuels gèrent rationnellement leurs propres ressources. Néanmoins, cette attente ignore les réalités politiques et économiques à courte vue.

Il faut considérer les écosystèmes sous une optique internationale afin de gérer ces ressources en vue de leur emploi rationnel. Des gains importants ont été réalisés au cours des dernières décennies, aux plans national et international, et de nombreux éléments essentiels ont été mis en place. Mais ils ne concordent pas avec un système qui reflète les impératifs mentionnés ci-dessus. Lorsque les ZEE de plusieurs États sont situées dans des mers semi-fermées ou régionales, une gestion intégrée implique divers degrés de coopération internationale, tels que des opérations de surveillance et des travaux de recherche concernant les espèces migratrices, ainsi que des mesures destinées à lutter contre la pollution et à réglementer les actions dont les effets se font sentir au-delà des frontières.

Lorsqu’il s’agit des hautes mers échappant à la juridiction nationale, une action internationale s’impose. La somme des multiples conventions et programmes actuellement en place ne représente pas et ne peut pas représenter une telle action. Même les différents programmes des Nations Unies ne sont pas faciles à coordonner, étant donné la structure de cette institution (6).

La Commission estime qu’un certain nombre d’actions doivent être entreprises d’urgence en vue d’améliorer les systèmes de gestion des océans. En conséquence, la Commission propose de prendre les mesures suivantes :

  • renforcer les possibilités d’action au niveau national, en particulier dans les pays en développement;
  • améliorer la gestion des pêcheries;
  • renforcer la coopération dans les mers semi-fermées et régionales;
  • renforcer le contrôle des rejets dans l’océan de substances dangereuses ou nucléaires; et
  • faire progresser le droit de la mer.

2.1 Action au niveau national modifier

Les États côtiers devraient entreprendre d’urgence un examen d’une part, des conditions juridiques et institutionnelles nécessaires à la gestion intégrée de leurs ZEE et, d’autre part, du rôle qu’ils doivent jouer pour organiser la coopération internationale. Cet examen devrait être entrepris dans le cadre d’un énoncé clair des objectifs et des priorités de la nation. Réduire la surexploitation des pêcheries dans les eaux côtières et au large pourrait être l’un de ces objectifs. Le nettoyage rapide de la pollution d’origine domestique et industrielle déversée dans des habitats marins critiques pourrait constituer un autre objectif. On pourrait y ajouter le renforcement de la capacité nationale de recherche et de gestion et l’établissement d’un inventaire des ressources des côtes et des mers.

Étant donné les pressions accrues sur les ressources des côtes et des mers qui sont projetées jusqu’à l’an 2000, tous les États côtiers devraient posséder un inventaire complet de ses richesses. En faisant appel à des experts de haut niveau appartenant à des institutions nationales et internationales, les nations pourraient utiliser les techniques les plus récentes de cartographie par satellite et autres pour établir un inventaire de ces ressources, puis suivre les changements qu’elles subissent.

De nombreux pays en développement ont besoin d’assistance pour renforcer leurs structures juridiques et institutionnelles en vue d’une gestion intégrée des ressources côtières. Maints petits pays en développement insulaires ou maritimes, ne disposent pas des moyens économiques ou militaires qui leur permettent d’empêcher l’exploitation de leurs ressources côtières ou la pollution de leurs eaux par de puissants pays ou sociétés. Cette situation est devenue une préoccupation majeure dans le Pacifique en particulier et menace la stabilité politique de la région. Les banques internationales de développement et les institutions d’aide au développement devraient établir des programmes en vue de faciliter la mise en place d’institutions à cet effet.

2.2 Gestion des pêcheries modifier

La pêche s’est développée dans le monde depuis la Seconde Guerre mondiale : le total des quantités capturées a progressé à un rythme constant de 6 à 7 pour cent par an, passant de 20 millions à 65 millions de tonnes entre 1950 et 1969. Mais après 1970, comme de plus en plus de stocks étaient épuisés, la croissance annuelle moyenne des prises n’a plus été que de l’ordre de 1 pour cent (voir tableau 10-1). Avec des pratiques de gestion conventionnelles, l’ère de la croissance de la pêche est terminée. Même en supposant un rétablissement de la productivité des stocks actuellement épuisés et une augmentation des récoltes dans les pêcheries sous-exploitées, la FAO n’envisage qu’une augmentation progressive des prises, qui dépasseraient peut-être les niveaux actuels, supérieurs à 80 millions de tonnes pour atteindre environ 100 millions. Cette perspective n’est pas très bonne pour la sécurité alimentaire de demain, en particulier dans les pays à faible revenu où le poisson constitue l’une des principales ressources en protéines animales et où des millions de personnes vivent des activités de la pêche.

La surexploitation menace de nombreux stocks en tant que ressource économique. Plusieurs pêcheries parmi les plus importantes du monde – celles qui capturent l’anchoveta du Pérou, plusieurs stocks de harengs dans l’Atlantique Nord et la sardine californienne – se sont effondrées après des périodes d’exploitation intense. Dans certaines des zones touchées par cette chute, ainsi que dans d’autres riches pêcheries, telles que celles qui opèrent dans le Golfe de Thaïlande et dans les eaux situées au large de l’Afrique occidentale, une exploitation intense a été suivie par des changements marqués dans la composition des espèces (8). Les raisons de ces changements ne sont pas bien comprises et des travaux supplémentaires de recherche sont nécessaires pour étudier comment les ressources marines réagissent à cette exploitation en vue de donner aux gestionnaires de meilleurs avis scientifiques. Un appui supplémentaire doit être d’urgence accordé à ces travaux; cet appui doit comporter une aide accrue aux pays en développement pour qu’ils augmentent leur capacité de recherche, ainsi que leur connaissance de leurs propres ressources.

L’un des facteurs qui a entraîné l’extension des ZEE a été la préoccupation éprouvée par des États côtiers, industrialisés et en développement, devant l’épuisement des stocks de poissons au large de leur littoral. Un grand nombre de conventions ont été établies à l’égard des principales pêches, mais dans la plupart des cas, elles se sont avérées insuffisantes. Les pays participants n’ont en général pas pu surmonter les difficultés inhérentes à l’attribution des parts des ressources communes limitées. L’amélioration de la gestion a été ressentie comme une nécessité urgente et le libre accès à la pêche, comme le principal obstacle à cette amélioration.

L’extension des ZEE en vertu de la Convention sur le droit de la mer a fait naître l’espoir que le problème serait résolu, ou du moins attenué. Les États côtiers étaient invités à veiller efficacement à la conservation et à la gestion de la faune et de flore de leurs ZEE. En outre, ils pouvaient surveiller les activités des pêcheurs étrangers et développer leurs propres pêcheries.

Les pays industriels ont beaucoup mieux réussi dans cette tâche que les pays en développement. Dans le nord-ouest de l’Atlantique, les quantités capturées chaque année par des flottes au long cours sont tombées de plus de 2 millions de tonnes avant 1974 à environ un quart de million de tonnes en 1983. En outre, la part des États-Unis et du Canada dans ces captures est passée de moins de 50 pour cent à plus de 90 pour cent.

Cependant, les flottes de pêche industrielle au long cours capturent encore environ 5 millions de tonnes par an dans les régions en développement. Au large des côtes ouest de l’Afrique, par exemple, ce sont encore elles qui effectuent plus de la moitié des captures (9). Cette situation provient en partie de ce que la plupart des ressources les plus importantes se trouvent au large de régions peu peuplées – la bordure occidentale du Sahara et la Namibie. Mais elle provient aussi du fait que tous ces pays manquent localement des capitaux disponibles et du savoir-faire concernant de nombreux aspects techniques des pêcheries, en particulier le traitement et la commercialisation du poisson.

Les pays côtiers en développement peuvent en général se procurer des revenus modestes sous la forme de redevances versées en échange de concessions, mais ceci ne représente qu’une fraction de ce qu’ils pourraient gagner si la nation pouvait utiliser pleinement ces ressources. Aux quantités actuellement pêchées au large des côtes de ces pays, on pourrait encore ajouter entre 10 à 15 millions de tonnes de ressources qui, jusqu’ici, ne sont pas suffisamment ou pas du tout exploitées (10). Il est nécessaire et pressant que ces ressources soient gérées d’une manière rationnelle au profit des pays en développement et sous des formes qui contribuent à répondre aux besoins nutritionnels du monde.

La pêche à la baleine constitue un autre exemple. Constatant que, jusqu’aux années soixante, cette pêche avait été marquée par la surexploitation, la Commission baleinière internationale (CBI), le principal organe international qui réglemente ladite pêche, a pris toute une série de mesures de conservation depuis le début des années 1970 et, à l’heure actuelle, tous les stocks inférieurs à un certain niveau ont été placés dans une catégorie qui les protège de l’exploitation commerciale.

Au début, la CBI était dominée par les nations pratiquant la pêche à la baleine. Après 1979, les nations ne pratiquant pas cette pêche y ont été de plus en plus majoritaires. Cette évolution s’est reflétée dans les décisions de la CBI, qui a de plus en plus choisi, en cas de doute scientifique, une approche prudente et une réduction du niveau des captures ou la cessation complète de la pêche à la baleine sur certains stocks.

Cette tendance a atteint son point culminant dans la décision du moratoire de 1982. Les membres ont le droit de formuler des objections et de continuer à pratiquer la pêche commerciale à la baleine ou à capturer des baleines à des fins scientifiques. Dans les milieux préoccupés de la conservation de l’espèce, bon nombre de personnes sont persuadées que la pêche à la baleine à des fins scientifiques peut servir d’échappatoire aux nations pratiquant cette pêche. Les permissions accordées à des fins scientifiques devraient être strictement respectées par les membres de la CBI, sans quoi celle-ci verrait sa crédibilité sapée.

Un facteur politique important au cours d’événements récents a été la capacité des États-Unis de se prévaloir de la législation qui leur permet de retirer les contrats de pêche dans leurs eaux, aux nations qui ne respectent pas les accords relatifs à la préservation des milieux marins. La valeur de ces concessions de pêche est grande et la législation a eu une influence politique et économique marquée. Un autre facteur important a été la force dont ont fait preuve les ONG en organisant le soutien d’actions menées contre la pêche à la baleine, en exerçant des pressions sur les gouvernements et en organisant le boycottage du poisson et d’autres produits provenant de pays pratiquant cette pêche.

Au début de 1987, la pêche à la baleine se limitait à des captures à des fins scientifiques par l’Islande et la République de Corée et à quelques captures par la Norvège, qui continuait à s’opposer au moratoire, mais qui prévoyait de mettre fin à la pêche à la baleine à des fins commerciales après la campagne 1987. En outre, des captures étaient opérées par le Japon et l’Union soviétique. Ce dernier pays a indiqué qu’il observerait le moratoire après la campagne de 1987 dans l’Antarctique et le Japon a retiré son objection au moratoire à compter de 1988. Néanmoins, le Japon pourrait poursuivre la pêche à la baleine à des fins scientifiques (11). De plus, certaines captures sont opérées par des populations autochtones de l’Union soviétique et de l’Alaska.

Si le moratoire est observé et si la pêche à la baleine à des fins scientifiques ne fait pas l’objet d’abus, la pêche commerciale ne constituera plus une menace importante pour la conservation des stocks de baleines dans leur ensemble. Néanmoins, le taux annuel de progression de ces stocks ne dépassera vraisemblablement pas 1 ou 2 pourcents. Ce n’est donc probablement pas avant la deuxième moitié du siècle prochain que l’on observera des populations considérables de baleines.

2.3 Coopération concernant les mers régionales modifier

Un grand nombre d’accords ont été conclus au sujet des mers régionales. La Commission n’a pas cherché à les évaluer tous, mais étant donné qu’elle tire son origine du Conseil d’administration du PNUE et de la résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies, elle a tourné spécialement son attention vers le Programme pour les mers régionales du PNUE. Ce programme rassemble actuellement plus de 130 États riverains de 11 mers différentes réparties dans le monde entier, États qui ont intérêt à coopérer dans leur propre intérêt et dans l’intérêt commun.

Le PNUE donne l’essor initial en rassemblant les gouvernements en vue d’élaborer un cadre juridique souple à l’intérieur duquel d’autres accords peuvent être négociés en fonction des besoins et des possibilités politiques. Le PNUE fournit aussi au départ des fonds pour amorcer l’élaboration du programme, mais les gouvernements de la région doivent ensuite assumer eux-mêmes le financement et la gestion, avec les avis techniques des Nations Unies et d’autres institutions. Le résultat est un programme élaboré progressivement, qui est orienté vers l’action et qui tient compte des besoins des régions, tels que les perçoivent les gouvernements concernés. Quatorze institutions des Nations Unies et une quarantaine d’organisations internationales et régionales participent à ce programme mondial.

La stratégie politique qui inspire ce programme et la condition selon laquelle la gestion et le financement doivent être à la charge des pays participants ont joué un rôle capital dans son succès. Mais si apporter une contribution de quelques millions de dollars à la recherche est une chose, c’en est une autre que d’incorporer les conclusions qui en résultent aux plans de développement terrestre et d’appliquer des programmes énergiques de lutte contre la pollution. Le nettoyage massif des Grands Lacs par les États-Unis et le Canada au cours des quinze dernières années a coûté 8,85 milliards de dollars, uniquement pour le traitement partiel des déchets urbains et industriels (12). En outre, il faudra des investissements considérables pour diminuer la pollution d’origine terrestre conformément au programme des mers régionales du PNUE. Cependant, nulle part, dans les calendriers des travaux qui ont été acceptés, des sommes n’ont été engagées en vue de construire les installations nécessaires à la lutte contre la pollution urbaine et industrielle, et pour adopter des politiques de lutte contre le ruissellement d’origine agricole. Le programme doit maintenant faire face aux difficultés des mers régionales d’ici à l’an 2000 – en allant plus loin qu’un accord général sur les objectifs et la recherche pour établir un calendrier ferme d’investissements d’une ampleur tout à fait différente.

2.4 Mesures destinées à lutter contre l’immersion de déchets modifier

La Convention sur la prévention de la pollution des mers résultant de l’immersion des déchets et autres matières (Convention de Londres), dont l’application est mondiale, a été conclue en novembre 1972 et est entrée en vigueur le 30 août 1975 (13). Son évolution politique est comparable à celle de la Commission baleinière internationale. Au début, elle réunissait surtout des États pratiquant des immersions alors que maintenant, la majorité est constituée par les autres États. À l’heure actuelle, on dénombre 71 parties contractantes et le Secrétariat est assuré par l’Organisation intergouvernementale de la navigation maritime. L’immersion des déchets est réglementée par les trois annexes à la convention (14) : l’annexe I concerne les substances extrêmement dangereuses, notamment les déchets hautement radioactifs, dont l’immersion est interdite; l’annexe II vise les substances un peu moins dangereuses, dont l’immersion ne peut être autorisée que par un permis spécial délivré préalablement; l’annexe III concerne toutes les autres substances, qui ne peuvent être immergées qu’après la délivrance d’un permis général par les autorités nationales. La Convention s’applique à tous les déchets immergés délibérément, mais c’est le rejet des déchets radioactifs dans les océans qui a le plus retenu l’attention. C’est précisément la question que la Commission étudie ici.

Avant 1983, le Royaume-Uni, la Suisse, la Belgique et les Pays-Bas déversaient régulièrement des déchets de faible radioactivité dans un site situé au nord-est de l’Atlantique, dans des eaux internationales au large des côtes espagnoles. Malgré les protestations de représentants de ces nations à la réunion des parties à la Convention de Londres, selon lesquelles ces pays ne tiendraient pas compte d’une résolution proposant un moratoire au sujet des déchets peu radioactifs et qu’ils continueraient les immersions en 1983, c’est un moratoire de fait – que tous les pays respectent, mais que tous n’ont pas officiellement accepté – qui a été et qui demeure appliqué. Aux termes de celui-ci, aucun rejet ne pourrait être effectué tant qu’il n’a pas été démontré que celui-ci ne présentait pas de danger pour l’environnement.

En 1985, la Convention de Londres s’est prononcée en faveur d’une prolongation indéfinie du moratoire concernant l’immersion de déchets peu radioactifs (15). En conséquence, la charge de la preuve de la sécurité de ces activités a été en fait inversée, car elle incombe désormais aux nations qui veulent pratiquer ces immersions. Ce changement révolutionnaire, bien que n’étant pas obligatoire, reflète le changement de composition des parties à la Convention.

En 1986, la Convention a établi un groupe d’experts internationaux chargé de comparer les risques entre les possibilités terrestres et maritimes d’évacuation des déchets radioactifs. Sans préjuger de cette évaluation, la Commission insisterait auprès de tous les États pour qu’ils continuent à s’abstenir de rejeter leurs déchets peu ou hautement radioactifs à la mer ou dans le fond des mers. De plus, il semblerait prudent de prévoir que l’opposition à l’immersion des déchets se poursuivra et de rechercher activement des endroits propices et des méthodes d’évacuation sur les terres qui ne présentent pas de danger pour l’environnement.

Plusieurs autres conventions réglementent l’immersion de déchets dans le nord-est de l’Atlantique et dans la mer du Nord, la mer Méditerranée et la mer Baltique. La plupart de ces conventions relatives aux mers régionales comportent aussi des dispositions générales invitant les parties contractantes à prendre toutes les mesures appropriées pour prévenir et réduire la pollution provoquée par les immersions.

Les sources d’origine terrestre de déchets nucléaires sont devenues importantes dans la mer du Nord, où des niveaux élevés de radioactivité ont été relevés chez les saumons et pourraient menacer d’autres mers (16). La Convention pour la prévention de la pollution marine d’origine terrestre (Convention de Paris) a été ratifiée en 1978 par huit États et par la Communauté économique européenne. Elle a permis d’établir une certaine coopération internationale, mais son silence sur les installations nucléaires et son acceptation du principe de la meilleure technologie disponible pour déterminer les niveaux autorisés de déchets radioactifs a nettement besoin d’être révisée.

La Convention sur le droit de la mer demande aux États d’établir des lois et des réglementations nationales visant à « prévenir, réduire et maîtriser la pollution du milieu marin » résultant des immersions. Elle soumet aussi à l’approbation préalable expresse de l’État côtier toute immersion dans la mer territoriale, dans la ZEE et jusqu’au plateau continental. L’histoire de cet article sur le plan législatif montre que les États côtiers ont non seulement le droit, mais aussi le devoir d’agir. Les États ont en outre, en vertu du droit de la mer, l’obligation de veiller à ce que leurs activités ne nuisent pas à la santé et à l’environnement des États voisins et du patrimoine commun.

La Commission encourage la Convention de Londres à réaffirmer les droits et la responsabilité des États dans la maîtrise et la réglementation des immersions à l’intérieur de la ZEE de 200 milles. Il est urgent qu’ils s’y conforment, étant donné que les océans et les chaînes alimentaires ne respectent pas les frontières.

De plus, tous les États devraient s’engager à signaler au Secrétariat de la Convention tout rejet maritime de substances toxiques et radioactives effectué à partir de sources terrestres afin que celui-ci puisse faire rapport sur l’ensemble des rejets dans les diverses mers. Des autorités compétentes doivent être désignées pour établir un relevé de la nature et des quantités de déchets immergés. De plus, les institutions régionales devraient communiquer ces informations au Secrétariat de la Convention.

2.5 Le droit de la mer modifier

La Conférence des Nations Unies sur le droit de la mer a été l’entreprise la plus ambitieuse qui ait jamais été tentée pour constituer, par un accord international, un système de gestion des océans. La convention qui en résulte représente un pas important vers un système de gestion intégrée des océans. Elle a déjà encouragé des mesures prises aux niveaux national et international en vue de la gestion des océans (17).

La Convention a concilié les intérêts très divergents des États et établi les fondements d’une nouvelle équité dans l’utilisation des océans et de leurs ressources. Elle a confirmé que les États côtiers sont autorisés à exercer leur autorité sur leur mer territoriale, le fond de la mer et son sous-sol, ainsi que sur l’espace aérien au-dessus de la mer territoriale, jusqu’à une distance de 12 milles nautiques. Elle a redéfini les droits des États côtiers concernant le plateau continental. Elle a établi des zones économiques exclusives de 200 milles nautiques, à l’intérieur desquelles l’État côtier peut exercer ses droits souverains en ce qui concerne la gestion des ressources nationales, vivantes ou non, situées dans les eaux, le fond de la mer et le sous-sol.

La Convention a soustrait de la partie commune des océans 35 pour cent qui constituaient une source de conflit croissant entre les États. Elle stipule que les États côtiers doivent veiller à ce que les ressources vivantes des ZEE ne soient pas compromises par la surexploitation. Ainsi, les gouvernements ont désormais non seulement l’autorité juridique qui leur permet d’appliquer des principes sains de gestion des ressources dans cette zone et un intérêt propre à appliquer lesdits principes, mais aussi l’obligation de le faire. La Convention demande que s’instaure une coopération régionale pour formuler et appliquer des stratégies de protection et de gestion des ressources maritimes vivantes, y compris la coopération dans l’échange d’informations scientifiques, la protection et la mise en valeur des stocks, ainsi que l’utilisation optimale d’espèces hautement migratoires.

De même, les États côtiers ont désormais un net intérêt à gérer rationnellement le plateau continental et à prévenir la pollution provenant d’activités d’origine terrestre ou marine. En vertu de la Convention, les États côtiers peuvent adopter des règlements concernant leurs ZEE, qui soient compatibles avec les règles et les normes internationales visant à lutter contre la pollution provoquée par les navires.

La Convention définit aussi les eaux, les fonds marins et le sous-sol au-delà des limites de la juridiction nationale et leur reconnaît le caractère international. Plus de 45 pour cent de la surface de la planète, cette zone de fonds marins et ses ressources, sont déclarés faire partie du patrimoine commun de l’humanité, notion qui représente une étape dans le domaine de la coopération internationale. La Convention devrait placer toutes les activités d’extraction menées dans les fonds marins sous la responsabilité d’une Autorité internationale des fonds marins.

Au début de 1987, la Convention a été signée par 159 nations et ratifiée par 32. Néanmoins, un petit nombre d’États importants ont fait savoir qu’ils ne la ratifieraient probablement pas (18). Les raisons tiennent en grande partie au régime proposé pour la gestion des fonds marins communs.

Malgré cela, bon nombre d’autres dispositions de la Convention ont été largement acceptées et font déjà partie, de diverses manières, du droit international et de la pratique en la matière. Ce processus devrait être encouragé, surtout en ce qui concerne les dispositions qui ont trait à l’environnement. La présente Commission estime que la Convention devrait être ratifiée par les grandes puissances technologiques, et qu’elle devrait entrer en vigueur. En effet, la mesure la plus importante que les nations peuvent prendre au départ dans l’intérêt du système qui soutient la vie menacée dans les océans, c’est de ratifier la Convention sur le droit de la mer.

II. L’espace : l’un des éléments clé de la gestion de la planète modifier

L’espace extra-atmosphérique peut jouer un rôle vital dans le maintien de la vie sur Terre, en grande partie grâce à la technologie spatiale qui permet de surveiller les signes vitaux de la planète et d’aider les hommes à protéger leur santé. En vertu du Traité sur l’espace extra-atmosphérique de 1967, cet espace, y compris la Lune et les autres corps célestes, ne peut pas faire l’objet d’appropriation de la part des nations, qu’il s’agisse de revendication de la souveraineté, d’occupation ou de tout autre moyen. Le Comité des utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique des Nations Unies a œuvré pour que ces idéaux demeurent inscrits à son ordre du jour. Compte tenu de ces éléments, la présente Commission estime que l’espace est une partie commune du monde et appartient au patrimoine commun de l’humanité.

L’avenir de l’espace en tant que ressource dépend moins de la technologie que de la lutte lente et difficile en vue de créer des institutions internationales saines qui gèrent cette ressource. Cet avenir dépendra surtout de la capacité de l’humanité à empêcher une course aux armements dans l’espace.

1. La télédétection à partir de l’espace modifier

Si l’humanité veut réagir efficacement devant les conséquences des modifications que son activité a produites – l’accumulation de bioxyde de carbone dans l’atmosphère, l’épuisement de l’ozone stratosphérique, les pluies acides et la destruction des forêts tropicales – il est indispensable de posséder de meilleures données sur les systèmes naturels de la Terre.

À l’heure actuelle, plusieurs douzaines de satellites contribuent à recueillir de nouvelles connaissances sur les systèmes terrestres : par exemple, sur la propagation de gaz volcaniques, qui permettent pour la première fois aux scientifiques de décrire les liens précis qui existent entre une perturbation naturelle importante de la haute atmosphère et des modifications du climat à des milliers de kilomètres de là (19).

Les satellites ont en outre joué un rôle scientifique capital après la découverte en 1986 d’un « trou » dans la couche d’ozone au-dessus de l’Atlantique. Lorsque des observateurs au sol ont noté ce phénomène, les données recueillies par satellite qui figuraient dans les archives ont été examinées et ont montré que les fluctuations saisonnières de l’ozone remontaient à près d’une décennie (20). Les spécialistes ont pu suivre de près le déroulement de la sécheresse dans la région du Sahel en Afrique dans les années 1980. Des cartes établies par satellite montrant la corrélation entre la structure des précipitations et la biomasse ont permis de comprendre les sécheresses et facilité la prévision des secours.

Récemment, un groupe de scientifiques, international et inter-disciplinaire, a proposé une nouvelle initiative d’envergure : le Programme international concernant la géosphère et la biosphère (IGPB), dont la coordination sera assurée par le CIUS. Ce Programme consistera à étudier la biosphère à l’aide de nombreuses technologies, les satellites notamment. Cette proposition semblait en 1987 gagner du terrain; d’ores et déjà, elle influait sur les décisions budgétaires prises par plusieurs nations, concernant l’affectation de crédits pour de futurs lancements de satellites et elle intensifie la coordination entre des activités en cours.

Ce qui est le plus décevant avec cette abondance de données, c’est que les informations sont dispersées entre les gouvernements et les institutions, au lieu d’être rassemblées. Le Système mondial de surveillance continue de l’environnement (GEMS) du PNUE est un effort limité de mise en commun de données spaciales ayant trait à l’habitabilité de la Terre. Cet effort devrait être renforcé. Or, dans la plupart des cas, ces activités souffrent d’un manque de fonds et de coordination et ne suffisent pas à répondre aux besoins.

La principale responsabilité des mesures à prendre incombe initialement aux gouvernements nationaux, qui doivent coopérer pour mettre en commun, conserver et échanger ces données. En temps voulu, des efforts internationaux pourraient être financés par une source directe de revenu au niveau mondial ou par des contributions versées par les nations (voir chapitre 12).

2. L’orbite géosynchrone modifier

Du point de vue économique, la partie la plus intéressante de l’espace orbital de la Terre est constitué par l’orbite géosynchrone, une bande d’espace située à 36 000 kilomètres au-dessus de l’équateur (21). La plupart des satellites de communication et de nombreux satellites météorologiques – ainsi que de nombreux satellites militaires – sont placés sur l’orbite géosynchrone. Pour empêcher que les signaux émis ou reçus par les satellites ne se brouillent mutuellement, les satellites doivent être placés à une certaine distance les uns des autres, ce qui limite effectivement à 180 le nombre de ceux qui peuvent utiliser cette bande de fréquence intéressante. Par conséquent, l’orbite géosynchrone n’est pas seulement une ressource intéressante, mais c’est aussi une ressource rare et limitée du globe.

Le développement des communications par satellite pendant les années 1970 a fait prédire, de nombreux côtés, que les créneaux horaires seraient bientôt saturés. C’est pourquoi des conflits sont nés au sujet de l’utilisation et de la propriété de l’orbite géosynchrone, principalement entre les nations industrielles qui disposent des moyens nécessaires pour placer des satellites sur cette orbite et, d’autre part, les nations équatoriales en développement qui ne disposent pas des mêmes moyens, mais qui se trouvent situées en-dessous de cette bande d’espace.

La première initiative prise en vue de mettre en place un régime de propriété de l’orbite géosynchrone a été la Déclaration de Bogota (1976) signée par sept pays équatoriaux (22). Ces pays ont déclaré que les orbites situées au-dessus d’eux étaient des prolongements de l’espace aérien de leur territoire. La Déclaration de Bogota a été contestée par certaines nations qui la jugent en contradiction avec le principe de « non-appropriation » énoncé dans le Traité sur l’espace extra-atmosphérique. Un autre groupe de pays en développement a proposé un système de concession pour l’utilisation des orbites géosynchrones (23). Les pays pourraient se voir accorder des créneaux, qui pourraient ensuite être vendus, loués ou réservés pour une utilisation future.

Un autre moyen de gérer cette ressource et de rentabiliser sa location dans l’intérêt commun pourrait être le suivant. Un organisme international posséderait et adjugerait les créneaux horaires au cours d’enchères. Ce système serait analogue à celui de l’Autorité internationale des fonds marins dans la Convention du droit de la mer.

Les pays industriels sont opposés à la création d’un système de droits de propriété de l’orbite géosynchrone, spécialement d’un système qui octroierait des droits sur des créneaux horaires à des pays qui ne peuvent pas les utiliser maintenant. Ils allèguent qu’un tel régime d’attribution préalable ferait monter les coûts et n’inciterait pas le secteur privé à mettre en valeur et à utiliser cette orbite. D’autres, qui se rendent compte que le rôle des satellites de communication se développe rapidement, estiment que des réglementations devraient être établies avant que la concurrence ne rende leur mise en place plus difficile.

Pour les communications par satellite impliquant l’emploi d’ondes radio, il s’est établi depuis quelques années un régime de facto de répartition des créneaux horaires dans l’orbite géosynchrone, dans le cadre des activités de l’Union internationale des télécommunications (UIT). L’UIT attribue l’emploi des ondes radio (les parties du spectre électromagnétique qui servent aux communications) (24). Le caractère hautement technique de la répartition des ondes radio, associé au fait que les usagers doivent se conformer strictement aux attributions pour que chacun puisse profiter de cette ressource, s’est traduit par la mise en place d’un système tout à fait productif de ressources internationales; celui-ci consiste en trois conférences régionales qui ont pour objet de gérer ces ressources avec efficacité (25). Persistera-t-il ou non? Ce sera pour une bonne part selon que les décisions prises par les conférences régionales paraîtront justes.

3. La pollution de l’espace orbital modifier

Les débris en orbite constituent une menace croissante pour les activités de l’homme dans l’espace. En 1981, un groupe d’experts réuni par l’American Institute of Aeronautics and Astronautics a conclu que le nombre croissant de débris dans l’espace pourrait faire peser une « menace inacceptable » sur la vie dans l’espace au cours des dix prochaines années (26). Ces débris sont constitués par des réservoirs vides de carburant, de débris de fusées, de satellites hors d’usage, d’éclats d’obus provenant d’explosions dans l’espace; ils sont concentrés dans la région située entre 160 et 1 760 kilomètres au-dessus de la Terre.

Cette situation pourrait en grande partie être évitée si l’on attachait plus de soin à la conception et à la destruction des satellites. Néanmoins, la formation de débris est la conséquence intégrante et inévitable de l’expérimentation et de l’emploi d’armes spatiales. La part des activités militaires dans la constitution de la « ceinture de débris » de la Terre pourrait beaucoup augmenter si l’on met en œuvre des projets tendant à placer un grand nombre d’armes et de détecteurs d’armes sur satellite.

La mesure la plus importante que l’on puisse prendre pour réduire au minimum les débris dans l’espace, c’est donc d’empêcher de nouvelles expérimentations et de nouveaux déploiement d’armes dans l’espace ou d’armes destinées à être employées contre des objets situés dans l’espace.

Le nettoyage serait coûteux. Il a été proposé que les grandes puissances organisent une action internationale en vue de retirer de l’orbite les débris les plus importants. Cette action impliquerait la conception, la construction et le lancement de véhicules qui pourraient manœuvrer dans l’espace et agripper des objets de grande dimension, déchiquetés et délabrés, qui s’y trouvent. La proposition n’a suscité que peu d’enthousiasme.

4. L’énergie nucléaire en orbite modifier

De nombreux engins spaciaux fonctionnent à l’énergie nucléaire et constituent une menace de contamination s’ils tombent sur la Terre (27) On peut aborder le problème essentiellement sous deux angles : l’interdiction et la réglementation. Interdire tous les matériaux radioactifs dans l’espace est certainement l’option la plus facile à décréter. Cette méthode éliminerait le problème et constituerait en outre une sérieuse entrave au développement des armes spatiales. Une interdiction totale ne viserait pas les utilisations scientifiques dans l’espace lointain, car les quantités de matières fissiles qui alimentent les sondes placées dans l’espace lointain sont peu importantes. Une interdiction des réacteurs dans l’espace serait plus facile à contrôler, étant donné que ceux-ci produisent comme déchets de la chaleur décelable par des détecteurs à infrarouge à grande distance. Vérifier l’absence de petits réacteurs nucléaires serait plus difficile, mais tout de même possible.

Il existe une grande diversité de méthodes pour réglementer l’emploi des substances radioactives dans l’espace. Les plus importantes consistent à limiter la taille des réacteurs autorisés dans l’espace, à exiger que les substances radioactives soient entourées d’un dispositif de blindage suffisant pour résister à la rentrée dans l’atmosphère terrestre et à exiger la destruction dans l’espace lointain des engins spatiaux qui contiennent des substances radioactives. Tout cela est techniquement possible, mais s’ajouterait au coût et à la complexité des missions. Néanmoins, ces mesures constituent le minimum qui devrait être appliqué.

5. Vers un régime de contrôle de l’espace modifier

Peu après l’invention de l’avion, il est apparu avec évidence que des collisions pouvaient se produire, à moins que l’on institue un régime général de contrôle du trafic aérien. Ce système constitue un modèle utile de réflexion sur la nécessité et le contenu d’un système analogue pour l’espace. L’institution d’un « code de la route » pour l’espace orbital permettrait d’assurer que les activités de certains ne dégradent pas un bien qui appartient à tous.

L’espace orbital ne peut pas être géré de manière efficace par l’action d’un seul pays. Son caractère essentiellement international a été reconnu par une majorité de nations parties au Traité sur l’espace extra-atmosphérique. La communauté internationale devrait chercher à concevoir et à mettre en place un régime spatial qui veillerait à ce que l’espace demeure un environnement pacifique pour le bien de tous.

Pour progresser vers la gestion efficace de la ressource que constitue l’espace, il faut abandonner la notion selon laquelle l’espace extra-atmosphérique est illimité et qu’il peut absorber toutes les activités humaines. En raison des vitesses en cause, l’espace orbital est pour des raisons pratiques beaucoup « plus fermé » que l’atmosphère. Un système de contrôle du trafic spatial dans lequel certaines activités seraient interdites et d’autres harmonisées constitue une moyenne entre les extrêmes : une autorité spatiale unique et la situation actuelle proche de l’anarchie.

Le spectre électromagnétique a été réglementé de manière efficace par un accord international et, grâce à cette réglementation, on voit apparaître les prémices d’un régime spatial pour l’espace orbital géosynchrone. Une extension de ce type d’approche pour le contrôle des débris et l’utilisation de matériaux en orbite constitue logiquement l’étape suivante.

Il convient de trouver un juste milieu entre une réglementation trop tardive des activités et une réglementation trop prématurée d’activités qui n’existent pas encore. Par exemple, réglementer les activités sur la lune, au-delà des principes généraux énoncés dans le Traité sur l’espace extra-atmosphérique, est nettement prématuré. Mais, une réglementation relative aux débris et aux matériaux nucléaires se trouvant dans l’espace sur l’orbite terrestre se fait nettement trop attendre.

III. L’Antarctique : vers une coopération mondiale modifier

Le continent antarctique – plus vaste que les États-Unis et le Mexique réunis – est géré depuis plus d’une génération par un régime de coopération multilatérale qui a assuré la protection de l’environnement. Signé le 1er décembre 1959, le Traité sur l’Antarctique a permis un certain nombre d’initiatives importantes en vue d’atteindre les deux principaux objectifs de cet instrument : réserver l’Antarctique aux seules utilisations pacifiques, interdire toutes les activités militaire, les essais d’armes, les explosions nucléaires et le rejet de déchets radioactifs, et, en outre, favoriser la liberté de recherche scientifique dans l’Antarctique et la coopération internationale à cette fin (28).

Le fait que la « question de l’Antarctique » soit à l’heure actuelle inscrite à l’ordre du jour des Nations Unies (29) montre qu’en réalité la gestion future du continent fait l’objet d’un débat au sein de la Communauté internationale. Sous les pressions combinées de tendances ayant trait à l’économie, la technologie, l’environnement, etc., on observe de nouvelles initiatives tendant à établir un régime régissant l’exploitation des minéraux. Des questions nouvelles concernant le caractère équitable de ce régime contiennent des défis qui pourraient remodeler le contexte politique du continent au cours de la prochaine décennie (30).

Pendant la prochaine période de changement qui s’annonce, le défi consiste à veiller à ce que l’Antarctique soit géré en tenant compte des intérêts de l’humanité tout entière, d’une manière qui conserve son environnement unique, qui protège sa valeur pour la recherche scientifique et maintienne son caractère de zone de paix non nucléaire et démilitarisée.

La responsabilité de l’orientation des changements incombe à l’heure actuelle d’abord aux pays qui sont parties au Traité sur l’Antarctique (31). Dix-huit nations jouissent maintenant du plein pouvoir de décision en vertu du Traité, incluant les pays qui ont une voix consultative et qui exercent leurs droits et s’acquittent de leurs obligations dans un esprit de coopération pacifique, malgré leurs divergences concernant les revendications territoriales sur certaines parties du continent. Dix-sept autres nations ont le statut d’observateurs aux réunions qui ont lieu tous les deux ans dans le cadre du Traité.

Peut accéder au Traité sur l’Antarctique tout État membre des Nations Unies et d’autres États invités à y accéder. Pour devenir un pays ayant une voix consultative, un État doit manifester un intérêt concret pour l’Antarctique en y menant des activités substantielles de recherche scientifique. Les nations parties au Traité estiment que ce système est appliqué de manière souple et qu’il ouvre le Traité à toutes les nations manifestant un intérêt véritable pour l’Antarctique. De nombreux pays en développement, qui ne disposent pas des ressources nécessaires pour effectuer des travaux de recherche sur le continent, estiment que cette condition exclut en fait la plupart des nations du monde (32).

Mais la question de la participation ne se polarise pas entre les pays industriels et les pays en développement. Tous les pays industriels ne sont pas membres du Traité; l’Argentine, le Brésil, le Chili, la Chine, l’Inde et l’Uruguay y ont le statut consultatif, alors que plusieurs autres pays en développement ont accédé au Traité. En tout état de cause, l’écrasante majorité des pays en développement, notamment tous ceux d’Afrique, restent en dehors des arrangements.

De surcroît, il n’existe pas d’accord général sur la question de savoir si l’Antarctique fait partie du patrimoine commun international. Par exemple, sept États ont des prétentions territoriales. En outre, de nombreux pays en développement rejettent l’idée que ce qu’ils considèrent comme le patrimoine commun de l’humanité soit géré par certains pays à l’exclusion d’autres. Bon nombre estiment que le système mis en place dans le cadre du Traité sur l’Antarctique est l’apanage exclusif des pays riches et technologiquement avancés. Certains sont opposés à ce qu’ils jugent être le caractère fermé du système, certains pays s’étant désignés pour décider de l’avenir du continent. Bien que les parties qui ont voix consultative affirment avoir géré l’Antarctique dans l’intérêt de tous les peuples, plusieurs nations estiment que ces intérêts ne devraient pas être définis uniquement par les parties ayant voix consultative; cette option a gagné de nombreux adeptes depuis 1959. Malgré le débat sur l’avenir du continent, de nombreuses nations qui ne sont pas parties du Traité ont reconnu le rôle d’organe de tutelle joué par les nations du Traité dans la protection de l’environnement de l’Antarctique (33).

La Commission ne propose pas de trancher le statut de l’Antarctique. Mais elle juge indispensable que le continent soit géré et protégé d’une manière responsable en tenant compte des intérêts communs en jeu. Elle note en outre que, sur le plan du droit et de la gestion, les systèmes en vigueur évoluent vers une plus large participation.

Les parties au Traité de l’Antarctique qui ont voix consultative se sont efforcés de manifester leur vive préoccupation pour la protection de l’environnement du continent et la protection de ses ressources naturelles (voir Encadré 10-1). En 1964, elles ont adopté des mesures relatives à la conservation de la faune et de la flore marines de l’Antarctique (34), qui équivalent à un protocole régissant la conservation dans le Traité. Au cours de réunions biennales ultérieures, elles ont continué à élaborer des principes et des mesures ayant trait à l’environnement en vue d’orienter l’organisation et l’exécution de leurs activités. Des mesures complémentaires permettraient d’améliorer le champ et l’efficacité de la protection de l’environnement; en outre, il serait utile d’étudier les moyens d’assurer une large diffusion du dossier concernant la suite donnée à l’ensemble de ses mesures.

En outre, les parties ayant voix consultative ont joué un rôle déterminant dans la promulgation de deux conventions internationales importantes concernant la conservation de la flore et de la faune : la Convention de 1972 pour la protection des phoques dans l’Antarctique et la Convention de 1980 sur la conservation de la faune et la flore marines dans l’Antarctique (35). La deuxième est née des préoccupations suscitées par l’épuisement des stock de poissons dans l’Antarctique, en particulier d’une sorte de crevette, le krill, épuisement qui pourrait avoir des répercussions graves et imprévisibles sur des espèces connexes et dépendantes. Cet instrument aborde la gestion des ressources selon les besoins de l’écosystème (36).

Considérés ensemble, ces instruments juridiques et les protocoles et recommandations qui les accompagnent, ainsi que l’organe non gouvernemental appelé Comité scientifique de recherche antarctique (SCAR), constituent ce que l’on appelle l’« Système du Traité sur l’Antarctique » (ATS). Ce système montre l’évolution qui s’est produite dans le cadre du Traité depuis son entrée en vigueur.

Plusieurs ONG internationales ont entrepris de voir si les mesures de protection et de conservation de l’environnement dans l’Antarctique étaient suffisamment appliquées, et elles ont fréquemment formulé des critiques à leur égard. En outre, elles ont demandé le statut d’observateur aux réunions de l'ATS et une plus large participation à la formulation et l’examen des politiques dans l’Antarctique. Plusieurs institutions des Nations Unies s’occupent de météorologie, d’océanographie ou de pêche dans l’hémisphère sud et jouent un rôle dans les opérations scientifiques et dans la politique de l’Antarctique. L’un des résultats pratiques de cet intérêt a été que l’OMM, la FAO, le COI, l’UICN, la CBI et le SCAR, ainsi que le Comité scientifique de recherche océanique, ont été invités à assister en qualité d’observateurs aux réunions de la Commission pour la conservation de la flore et de la faune marines dans l’Antarctique (CCAMLR). La Communauté économique européenne est également membre de la CCAMLR, du fait que ses États membres lui cèdent leur compétence en ce qui concerne les politiques de gestion de la pêche.

Pour que l'ATS reste viable au siècle prochain, il devra continuer à évoluer et à s’adapter pour faire face à de nouveaux problèmes et à des situations nouvelles. Le Traité pourrait continuer à fonctionner indéfiniment, mais, en 1991, toute partie ayant voix consultative peut demander la convocation d’une conférence générale des nations signataires en vue de revoir son fonctionnement.

1. Conserver les résultats acquis modifier

Des changements seront inévitablement introduits dans la gestion de l’Antarctique, mais il est indispensable que ces changements ne compromettent pas les résultats acquis par le cadre du Traité dans les domaines de la paix, de la science, de la conservation et de l’environnement. L’Antarctique est reconnu comme zone de paix depuis près de trente ans, à l’abri de toutes activités militaires, d’expériences nucléaires et de déchets radioactifs. C’est là un fondement sur lequel l’humanité doit construire.

La coopération dans le domaine de la recherche scientifique s’est constamment développée. Elle doit encore être renforcée, spécialement en ce qui concerne le rôle de l’Antarctique dans la circulation atmosphérique et océanique mondiale et dans le climat mondial. En même temps, les efforts devraient être intensifiés en vue d’assurer une participation totale à ces travaux de recherche. Il faut trouver les moyens d’élargir la consultation et la participation et de faire bénéficier la communauté internationale tout entière des avantages de la coopération internationale dans le domaine de la science et de la technologie de l’Antarctique.

Plusieurs suggestions ont été faites dans ce sens. L’une consiste notamment à créer un fonds en vue de faciliter la participation de pays en développement intéressés aux travaux scientifiques dans l’Antarctique; une autre, à inviter un plus grand nombre de scientifiques de nations en développement à s’associer à des projets et à visiter des stations scientifiques. Étant donné que les sciences de l’Antarctique exigent des technologies coûteuses, il conviendrait d’étudier les possibilités de partager l’équipement et les possibilités logistiques dans l’Antarctique avec les États intéressés qui ne possèdent pas le statut consultatif. Le droit à ce statut pourrait être étendu à des États qui participent conjointement à des activités scientifiques.

Étant donné la multiplication des activités dans l’Antarctique, la conservation rationnelle de l’environnement exigera aussi le renforcement de la collecte des données, de la surveillance et de l’évaluation de l’environnement. L’action réciproque et cumulée de ces projets doit être étudiée avec soin et les zones présentant un intérêt unique pour la science et l’environnement doivent être protégées.

2. Prévenir les pressions qui résulteront de la mise en valeur des minéraux modifier

On sait qu’il existe dans l’Antarctique différentes sortes de minéraux; or, les pourparlers à leur sujet ont provoqué des illusions concernant l’imminence de leur mise en valeur. Même si l’on tient compte des tendances de croissance les plus optimistes, il semble clair que des sources plus accessibles seront mises en valeur ailleurs, bien avant que l’Antarctique n’attire d’investissements importants. Il a été établi que deux minéraux seulement pourraient exister dans des concentrations propices à l’exploitation – la houille dans la chaîne Transantarctique et le fer dans les monts du Prince-Charles. Les extraire serait une entreprise stupide (37). Les coûts seraient prohibitifs et l’on peut trouver suffisamment de houille et de fer plus près des grands marchés.

D’après des renseignements suffisamment étayés, il existerait du pétrole et du gaz au large des côtes, sans que l’on ait encore découvert de gisements. L’URSS, le Japon, la France, le Royaume-Uni et la République fédérale d’Allemagne ont fait des recherches sur les plateaux continentaux de l’Antarctique. Ces recherches avaient un caractère scientifique, mais comme elles coïncidaient avec les premières discussions sérieuses concernant un régime d’exploitation des minéraux, certains observateurs y ont décelé des intérêts commerciaux.

Les dix-huit parties qui ont voix consultative se concertent en vue de mettre au point un instrument juridique qui recueillerait leur accord; celui-ci déterminerait les conditions, acceptables pour l’environnement, dans lesquelles il serait possible de procéder à la recherche et à la mise en valeur de minéraux dans l’Antarctique et régirait ces activités (38). Les pays membres du Traité ont estimé qu’il serait plus difficile de se mettre d’accord sur un tel régime une fois que des découvertes auraient été faites. Les négociations traduisent à bien des égards l’idée que prévenir vaut mieux que guérir et prévoir que réfléchir après coup.

L’Antarctique est un continent gigantesque où les revendications de souveraineté sont litigieuses et où il n’existe pas d’accord qui serve de base juridique à l’octroi de concessions, à la location ou à la vente de droits sur des minéraux, ou à la perception de redevances. Ces questions délicates ont maintenant été soulevées et elles subsisteront tant qu’une réponse n’aura pas été trouvée dans le cadre d’un accord international. Tant que ces problèmes n’auront pas été résolus et que la protection de l’environnement antarctique ne sera pas assurée, il semble improbable qu’une nation ou qu’un groupe de nations puisse investir de manière sûre dans la mise en valeur des ressources minérales du continent (39).

Étant donné l’absence de technologies expérimentées dans les conditions les plus extrêmes de l’Antarctique, l’absence également d’accord sur les méthodes d’évaluation des impacts de toute nouvelle exploitation, et compte tenu de l’exiguïté de la base des données, il faudrait une génération, voire davantage, de travaux de recherche enthousiastes et de progrès technologiques pour faire en sorte que l’exploitation des minéraux ne détruise ni l’écosystème fragile de l’Antarctique, ni sa place dans les processus de l’environnement mondial. En conséquence, il importe que les minéraux ne fassent l’objet d’aucune activité tant que cette situation n’aura pas changé et, ensuite, seulement en conformité avec un régime qui garantisse l’application des normes les plus rigoureuses nécessaires à la protection de l’environnement du continent et au partage équitable des bénéfices.

3. Promouvoir l’évolution du traité de l’Antarctique modifier

Dans les années à venir, la nature et l’ampleur des activités dans l’Antarctique se développeront, de même que le nombre de ceux qui y participeront. De nouveaux efforts doivent être entrepris pour faire en sorte que ces activités soient gérées de manière efficace et que l’augmentation du nombre de ceux qui prennent part à cette gestion soit contrôlée. Diverses possibilités sont discutées par la communauté internationale. Une gestion plus efficace, avec une participation élargie, pourrait être mise progressivement en place dans le cadre de l'ATS. Mais en raison de l’ampleur de l’évolution probable et de l’appât de la richesse minérale, même lointaine, cette approche pourrait être trop lente pour retenir un appui politique. Selon une autre optique, on pourrait atteindre ces objectifs en négociant un système entièrement nouveau. Néanmoins, aucune de ces conceptions n’est à l’abri de difficultés. Une autre possibilité pourrait consister à redoubler d’efforts pour rendre l'ATS plus universel, plus ouvert et pour qu’il réponde aux expressions des préoccupations et des intérêts matériels et légitimes dans l’Antarctique.

4. Établir un moyen de communication plus efficace modifier

Les activités entreprises dans le cadre des divers traités gagnent de l’importance, de même que la coordination entre les autorités ayant des pouvoirs consultatifs et délibératifs, responsables de divers domaines. Il pourrait être nécessaire d’établir dans l’Antarctique des institutions un peu plus officielles que celles qui ont régi la première génération activités, en vue d’améliorer la communication et la coordination, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du système mis en place dans le cadre du Traité.

L’Antarctique est inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée générale des Nations Unies et le restera certainement. Néanmoins, rien ne se produira si les participants au débat ne déterminent pas une base commune qui pourrait recueillir un large soutien et permettre des accords sur les moyens de rechercher et de mettre en place une meilleure gestion.

Si les nations veulent se concentrer sur des stratégies à plus long terme pour conserver les acquis de l'ATS et s’en servir pour obtenir de nouveaux résultats, elles doivent mettre en place les moyens d’encourager le dialogue entre les politiciens, les scientifiques, les spécialistes de l’environnement et les industries de pays parties ou non au Traité. Un bon point de départ serait le resserrement des relations de travail entre les parties aux régimes antarctiques et les organisations internationales de la famille des Nations Unies et autres, qui ont des responsabilités dans le domaine de la science et de la technologie, de la conservation et de la gestion de l’environnement.

En outre, les politiques nationales pourraient être structurées selon des méthodes qui permettent le dialogue avec les industries concernées, des organismes d’intérêt public, ainsi que des conseillers experts, peut-être par l’intermédiaire d’un comité consultatif sur l’Antarctique. Le gouvernement des États-Unis a été au premier rang de ces pays en appelant des conseillers représentant l’industrie et des intérêts publics à faire partie de ses délégations aux réunions des parties ayant voix consultative. L’Australie, la Nouvelle-Zélande et le Danemark ont récemment fait de même.

Réussir à dégager un consensus sur l’Antarctique qui puisse recueillir un soutien international est une tâche immense qui demande du temps et de la patience. De surcroît, l’appât des minéraux augmente chaque fois que courent les rumeurs d’une nouvelle découverte. En tout état de cause, un tel consensus est le seul moyen de prévenir un tragique pillage du continent silencieux et de conserver l’Antarctique comme symbole de coopération internationale pacifique et de protection de l’environnement.

Notes modifier

(1) La présente section a été établie à partir des études suivantes préparées pour la CMED : F. Szekely, « The Marine and Coastal Environment », 1986; J. Beddington, « Whaling », 1986; V. Sebek, « Policy Paper on Dumping », 1986.

(2) M.W. Holdgate et coll., « The Marine Environment », paru dans The World Environment 1973-1982 (Dublin : Tycooly International Publishing, Ltd., 1982).

(3) Consulter : National Academy of Sciences, Oil in the Sea (Washington, DC : National Academy Press, 1985); et OCDE, Les transports maritimes, 1984 (Paris : 1985).

(4) « Scientists Closer to Identifying Cause of Antarctic Ozone Depletion », National Science Foundation News, 20 octobre 1986; Ad Hoc Working Group of Legal and Technical Experts for the Elaboration of a Protocol on the Control of Chlorofluorocarbons to the Vienna Convention for the Protection of the Ozone Layer (Vienna Group), « Report of the Second Part of the Workshop on the Control of Chlorofluorocarbons, Leesburg, États-Unis », UNEP/WG.151/ Background 2. Na 86-2184, UNEP, Nairobi, 15 octobre 1986; A.S. Miller et I.M. Mintzer, The Sky Is the Limit : Strategies for Protecting the Ozone Layer. WRI Research Report No 3 (Washington, DC : Institut mondial des ressources, 1986).

(5) Le Groupe mixte d’experts sur les aspects scientifiques de la pollution des mers (GESAMP), dans une récente évaluation de l’état actuel de la santé des océans. « The Health of the Oceans », Regional Seas Reports and Studies No 16, PNUE, Nairobi, 1982.

(6) M. Bertrand, « Contribution à une réflexion sur la réforme des Nations Unies », document établi par Maurice Bertrand, Corps commun d’inspection, Nations Unies, Genève, 1985.

(7) E.P. Eckholm, Down to Earth (Londres : Pluto Press, Ltd., 1982).

(8) J.A. Gulland et S. Garcia, « Observed Patterns in Multispecies Fisheries », paru dans R.M. May (ed.), Exploitation of Marine Communities (Berlin : Springer Verlag, 1984); FAO, « Review of the State of World Fishery Resources », Fisheries Circular 710 (rev. 4), Rome, 1985.

(9) Dr. J. Gulland, Marine Resources Assessment Group, Imperial College of Science and Technology, Londres, communication personnelle, 20 janvier 1987

(10) FAO, op. cit.

(11) Commission baleinière internationale, Report of the IWC 36th Session, 1986 (Cambridge : en préparation).

(12) 1985 Report on Great Lakes Water Quality : Great Lakes Water Quality Board Report to the International Joint Commission (Windsor, Ont. : IJC, 1985).

(13) OMI, Les dispositions de la Convention de Londres sur l’immersion des déchets, 1972, et Décisions prises par les réunions consultatives des Parties contractantes, 1974-1984.

(14) Au sens de la Convention, par immersion, on entend tout rejet délibéré dans la mer de déchets et autres matières à partir des navires, aéronefs, plate-formes et autres ouvrages placés en mer, et tout sabordage en mer de navires, aéronefs, plate-formes et autres ouvrages placés en mer.

(15) Trente-cinq nations, sous la conduite de l’Espagne, de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande, ont appuyé la résolution alors que l’Afrique du Sud, la Suisse, le Royaume-Uni, le Canada, la France et les États-Unis ont voté contre.

(16) U. Grimas et A. Svansson, Swedish Report of the Skagerak (Stockholm : National Environmental Protection Board, 1985).

(17) Nations Unies. Acte final de la Troisième Conférence sur le droit de la mer. Montego Bay, Jamaïque, décembre 1982. Sous sa forme finale, la Convention est composée de 17 parties principales (320 articles); qui traitent des points suivants : mer territoriale et zone contiguë; détroits servant à la navigation internationale; États archipels; zone économique exclusive; plateau continental; haute mer; régime des îles; mers fermées ou semi-fermées; droit d’accès des États sans littoral à la mer et depuis la mer et liberté de transit; la zone, protection et préservation du milieu marin; recherche scientifique marine; développement et transfert des techniques marines; règlement des différends; dispositions générales et dispositions finales. La Convention comporte neuf annexes : grands migrateurs; Commission des limites du plateau continental; dispositions de base régissant la prospection, l’exploration et l’exploitation; statut du Tribunal international du droit de la mer; statut de l’entreprise; conciliation; arbitrage; arbitrage spécial et participation d’organisations internationales. En vertu de la Convention, les États côtiers peuvent adopter dans la ZEE des lois et règlements compatibles avec les règles et normes internationales en vue de lutter contre la pollution provenant des navires.

(18) Notamment, déclaration du président des États-Unis, le 9 juillet 1982, et L.O.S. Bulletin, juillet 1985, publié par les services du représentant spécial du Secrétaire général pour la convention du droit de la mer.

(19) W. Sullivan, « Eruption in Mexico Tied to Climate Shift Off Peru », New York Times, 12 décembre 1982.

(20) R. Kerr, « Taking Shots at Ozone Hole Theories », Science, 14 novembre 1986.

(21) Lorsque la vitesse d’un satellite est égale à la vitesse de rotation de la planète, ce satellite est stationnaire par rapport à des endroits donnés de la Terre. Il n’existe qu’une seule bande ou arc, directement au-dessus de l’équateur, où il est possible d’atteindre l’orbite géosynchrone.

(22) L’argumentation générale en faveur d’un régime de réglementation et plusieurs variantes sont décrites dans K.G. Gibbons, « Orbital Saturation : The Necessity for International Regulation of Geosynchronous Orbits », California Western International Law Journal, Hiver 1979.

(23) On trouvera un résumé des vues du Tiers Monde dans H.J. Levin, « Orbit and Spectrum Resource Strategies : Third World Demands », Telecommunications Policy, juin 1981.

(24) Les attributions sont effectuées tous les dix ans par les conférences administratives mondiales des radiocommunications, dont la dernière a eu lieu en 1979. U.S. Congress, Office of Technology (1) Assessment, Radiofrequency Use and Management : Impacts from the World Administrative Radio Conference of 1979 (Washington, DC : U.S. Government Printing Office, 1980).

(25) Ces conférences sont décrites dans G. Coding, Jr., « The USA and the 1985 Space WARC », et dans A.M. Rutkowski, « Space WARC : The Stake of the Developing Countries, the GEO and WARC-ORB 85 Conference », Space Policy, août 1985.

(26) AIAA Technical Committee on Space Systems, Space Debris, juillet 1981.

(27) Les États-Unis ont lancé 23 engins spaciaux actionnés, du moins en partie, par des sources d’énergie nucléaire : l’une d’entre elles était un réacteur; les autres étaient des substances radioactives dont la désintégration produit de la chaleur qui est transformée en électricité (générateurs thermoélectriques). À la fin de 1986, l’Union soviétique avait lancé 31 engins spatiaux fonctionnant à l’énergie nucléaire; presque tous contenaient des réacteurs à fission et elle utilise couramment tous les satellites actionnés par des réacteurs.

(28) « Antarctic : A Continent in Transition », Fact Sheet Folio, Institut international pour l'environnement et le developpement, Londres, 1986.

(29) En 1983, la Septième Conférence au sommet des pays non alignés avait inclus un paragraphe sur l’Antarctique dans son communiqué. La même année, la question de l’Antarctique était inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée générale des Nations Unies. Le début s’est terminé par une résolution adoptée par consensus, demandant au Secrétaire général d’établir un rapport spécial, qui a été discuté par l’Assemblée générale des Nations Unies, à sa 39e session, en novembre 1984. Le consensus n’a pas été maintenu. Aux sessions suivantes de l’Assemblée générale, les résolutions sur l’Antarctique ont été adoptées malgré les objections des parties au Traité, dont la plupart avaient choisi de ne pas participer au vote.

(30) L. Kimball, « Testing the Great Experiment », Environment, septembre 1985.

(31) Le Traité sur l’Antarctique, conclu le 1er décembre 1959 et entré en vigueur le 23 juin 1961, résumé dans M.J. Bowman et D.J. Harris (eds.), Multilateral Treaties : Index and Current Statuts (Londres : Butterworths, 1984).

(32) Sont parties au Traité : les sept pays qui ont initialement fait valoir des revendications territoriales : Argentine, Australie, Chili, France, Norvège, Nouvelle-Zélande et Royaume-Uni; cinq autres pays qui ont initialement signé le Traité : Afrique du Sud, Belgique, États-Unis, Japon et URSS; six autres qui ont depuis accédé au Traité et sont devenus parties ayant voix consultative à part entière : Pologne (1977), République fédérale d’Allemagne (1981), Brésil et Inde (1983), Chine et Uruguay (1985). Tout pays peut accéder au Traité et devenir partie ayant voix consultative à part entière, aussi longtemps qu’il démontre l’intérêt qu’il porte à ce continent en y menant des activités scientifiques substantielles. Dix-sept autres pays ont accédé au Traité, amis sans posséder le statut consultatif. Depuis 1983, ces pays ont été invités à assister en qualité d’observateurs aux réunions qui ont lieu dans le cadre du Traité.

(33) Dans leur déclaration de principe concernant l’environnement et dans le texte de la Convention sur la conservation de la faune et de la flore marines de l’Antarctique, les parties ayant voix consultative insistent pour que la responsabilité principale en la matière leur incombe en vertu de leur statut consultatif, proposition à laquelle les parties à la Convention qui ne sont pas également parties au Traité sont obligées de souscrire.

(34) Mesures pour la conservation de la faune et de la flore marines de l’Antarctique, adoptées les 2-13 juin 1984, réimprimées dans W.M. Bush (ed.), Antarctica and International Law (Londres : Oceana Publications, 1982).

(35) « Convention pour la protection des phoques de l’Antarctique », conclue le 11 février 1972 et entrée en vigueur le 11 mars 1978, résumée dans Bowman et Harris, op. cit.; « Convention sur la conservation de la faune et de la flore marines de l’Antarctique », conclue le 20 mai 1980 et entrée en vigueur le 7 avril 1981, résumée dans le même ouvrage. Consulter également J.N. Barnes, « The Emerging Convention on the Conservation of Antarctic Marine Living Resources : An Attempt to Meet New Realities of Resources Exploitation in the Southern Ocean », dans J.I. Charney (ed.), New Nationalism and the Use of Commun Spaces (Totowa, NJ : Allenheld Publishers, 1982).

(36) J.R. Beddington et R.M. May, « The Harvesting of Interacting Species in a Natural Ecosystem », Scientific American, novembre 1982.

(37) J.H. Zumberge, « Mineral Resources and Geopolitics in Antarctica », American Scientist, janvier février 1979; G. Pontecorvo, « The Economics of the Resources of Antarctica », dans Charney, op. cit.

(38) L. Kimball, « Unfreezing International Cooperation in Antarctica », Christian Science Monitor, 1er août 1983.

(39) D. Shapley, « Antarctic Up for Grabs », Science 82, novembre 1982.