Notions de Logique, 1884/Partie 3


Librairie J. Lefort (p. 50-68).


TROISIÈME PARTIE

OBSTACLES AU BON RAISONNEMENT.


§ I.


Des passions en général.


Les passions exercent sur nos jugements et notre volonté une influence trop considérable, pour qu’une bonne logique puisse se dispenser d’en étudier la nature et l’origine.

La passion est un mouvement qui porte l’âme vers un objet agréable ou l’éloigne d’un objet fâcheux. Ce mouvement se produit en trois circonstances :

1o Lorsqu’un objet extérieur frappe actuellement les organes des sens.

2o Lorsque l’imagination représente la sensation précédemment éprouvée.

3o Lorsque la raison et la volonté ont connu le bien et le mal pour approuver l’un et repousser l’autre.

Dans le premier et dans le second cas, la passion peut exister sans que la volonté y coopère ; il y aura même lutte si la volonté résiste, et c’est ce qu’on appelle le combat de l’esprit contre la chair.

Quelquefois la volonté se laisse vaincre, et abandonne la vérité dont elle était convaincue, pour se mettre d’accord avec la passion qui l’obscurcit.

Avant d’avoir atteint l’âge de raison, les enfants vivent d’une vie animale, et suivent le penchant des passions sensibles comme une sorte d’instinct.

Par elles-mêmes, les passions ne sont pas mauvaises ; elles ne le deviennent qu’en suite de la corruption de notre nature, en tant qu’elles se portent sur un objet défendu et troublent notre jugement.

Les passions dirigées par la saine raison restent bonnes.

On est vertueux, quand on sait gouverner ses passions, et s’en servir dans l’ordre de la raison, pour une bonne fin.

On est vicieux, quand on s’en laisse dominer à la manière des bêtes, qui du reste ne sont pas blâmables, parce qu’elles n’ont pas, comme l’homme, la liberté de résister à leur instinct naturel.

Les passions servent à la vertu en la rendant plus active, comme la compassion et la pitié que l’on conçoit à la vue de la misère des pauvres, excitent la charité à les soulager. De même, dans une méditation pieuse, l’imagination qui nous représente les maux à fuir ou les biens à obtenir, allume notre ardeur et nous pousse à prendre des résolutions plus généreuses.

Les passions deviennent une occasion de mérite, par le combat où elles nous engagent pour réprimer et mortifier celles qui ne conviennent pas ; selon la promesse de l’Apôtre, celui-là seul sera couronné, qui aura combattu courageusement et remporté la victoire.

On compte onze passions principales, auxquelles toutes les autres se rapportent : l’amour, la haine, le désir, l’aversion ou la fuite, la joie, la tristesse, l’espérance, le désespoir, la crainte, l’audace et la colère.


§ II.


L’amour, la haine et le désir.


On appelle partie supérieure de l’âme, l’entendement et la volonté ; partie inférieure ou appétit sensitif, le sentiment et l’imagination.

La partie supérieure doit gouverner la partie inférieure. Tel est l’ordre que Dieu a établi ; si le contraire arrive, on renverse l’ordre : c’est ce qu’a fait Ève en se laissant séduire par la sensualité, et mangeant du fruit défendu.

L’amour est la première de toutes les passions et l’origine de toutes les autres ; mais il y en a de deux sortes : l’un réside dans la volonté, et est dirigé par l’entendement ; l’autre réside dans l’appétit sensitif, et est dirigé par l’imagination.

Il y a aussi deux sortes de haines : la haine du véritable mal, qui est le péché, est juste et sainte.

On fait tout par amour, puisqu’en toutes ses actions on se propose une fin aimée, ou du moins préférée à une autre.

C’est parce qu’on aime l’honneur qu’on veut éviter la honte, etc.

Puisque l’amour est l’origine de toutes nos passions et de toutes nos actions, il importe extrêmement d’examiner avec soin ce qui mérite d’être aimé, ou quel est le véritable bien.

Pour connaître ce véritable bien, ce ne sont pas les sens, mais la raison et la foi, qu’il faut consulter. Voici l’oracle du Sauveur : À quoi sert de gagner l’univers, si l’on vient à perdre son âme ? c’est-à-dire : si on la rend malheureuse pour l’éternité ?

Toutes les choses qui se rencontrent dans l’univers, ne sont donc réellement bonnes et utiles qu’autant qu’elles servent à notre salut, et l’on fait à ce propos le syllogisme suivant :

Tout ce qui ne mène pas à acquérir le bonheur éternel est mauvais, ou de peu de conséquence ;

Or, telle chose ou telle action ne me mène pas à acquérir le bonheur éternel ;

Donc elle est mauvaise, ou de peu de conséquence.

Le désir, appelé aussi concupiscence en tant qu’il regarde les choses sensibles représentées par l’imagination, est produit par l’amour, et de plus il l’augmente ; c’est pourquoi nous devons veiller sur le désir plus soigneusement encore que sur l’amour.

Il faut retrancher les désirs inutiles de choses bonnes, mais trop éloignées, qui occasionnent mal à propos de très grandes inquiétudes. Comme, si vous désirez fortement de quitter le lieu où vous êtes avant que l’heure du départ soit venue ; d’acquérir le bien de votre voisin, qui ne veut pas le vendre ; de faire les exercices des gens qui se portent bien, tandis que vous êtes malade. Ce désir est non seulement vain, mais nuisible, parce qu’en diminuant la patience, il augmente la maladie.

Saint François de Sales (Intr. à la vie dévote, liv. III, chap. 37) ne veut pas même qu’on se distraie à désirer des exercices de dévotion qui ne conviendraient pas à l’état qu’on a embrassé : « Si, étant évêque, je désire la solitude des chartreux, dit-il, je perds mon temps, et ce désir tient la place de celui que je dois avoir de me bien employer à mon office présent. »


§ III.


La joie et la tristesse.


La joie, qu’on nomme aussi délectation, est occasionnée par la présence et la possession du bien que l’on aime.

Il y en a de deux sortes : l’une est seulement dans l’entendement et la volonté, c’est la délectation spirituelle ; l’autre, dans l’appétit sensitif, c’est la délectation sensible et corporelle. La première est plus grande, plus intime et plus durable, parce qu’elle a pour objet des biens supérieurs plus excellents, plus présents à l’âme et plus continuels. Les délectations sensibles ne se produisent que successivement et momentanément : celles que causent le boire et le manger, les accords d’une musique agréable, etc., passent rapidement, et il faut sans cesse recourir à d’autres sensations analogues, dont on se dégoûte aussi promptement. Les délectations sont bonnes quand elles sont conformes à la droite raison, et mauvaises quand elles y sont opposées.

Il n’est pas permis d’agir pour la seule délectation sensible : par exemple, de boire, de manger, de regarder, de jouer, de chanter, d’écouter, uniquement pour le plaisir qu’on y trouve, parce que, dans les desseins de Dieu, le plaisir n’est pas la fin pour laquelle nos actions sont ordonnées, il est seulement un moyen de les faciliter ; donc en cherchant uniquement le plaisir sensible on renverse l’ordre que Dieu a établi.

Mais il est permis de chercher des plaisirs honnêtes dans une bonne intention, telle que le soulagement du corps et de l’âme, comme remèdes, et non pour eux-mêmes. Ceux qui passent leur vie dans la recherche des plaisirs des sens sont vraiment malheureux, parce que ce qu’ils rencontrent ne saurait les satisfaire. Ils perdent dans cette recherche, avec leur temps, les biens spirituels, l’amitié de Dieu, la grâce et le salut éternel.

La tristesse, passion occasionnée par la présence du mal, est parfois utile, et plus souvent mauvaise et pernicieuse.

Elle est utile quand elle apporte remède au mal : comme la compassion, qui nous porte à venir en aide au prochain que nous voyons affligé ; la douleur d’avoir offensé Dieu, qui nous engage à réparer une faute et à en faire pénitence.

La troisième est nuisible, quand, au lieu de produire ces bons effets, elle ne sert qu’à augmenter le mal en troublant l’âme, la privant de résolution, de courage, de conseil, et de tous les moyens qui l’aideraient à sortir de son état malheureux.

Ainsi la tristesse d’un homme qui aurait perdu la vue, tant qu’il y a espoir de guérison, peut l’engager à rechercher des remèdes efficaces et à exécuter plus courageusement les ordonnances des médecins. Mais si le mal est incurable, la tristesse qu’on en conçoit l’aggrave, et s’oppose à l’adoucissement que produiraient la patience et une calme résignation à la volonté de Dieu.

Voici les syllogismes que la logique oppose à une tristesse pernicieuse :

Tout plaisir diminue la tristesse ;

Or, la contemplation de la vérité cause un vif plaisir ;

Donc la contemplation de la vérité diminue la tristesse.


Parmi les vérités, celles que la religion nous propose et que Dieu même nous révèle, sont les plus excellentes.

Donc la contemplation des vérités de la religion est l’occupation la plus propre à diminuer la tristesse.


Dieu même est la vraie source de toute consolation.

Or, la prière élève notre esprit à Dieu ;

Donc la prière est le souverain remède contre la tristesse.

Aussi l’apôtre saint Jacques dit-il : « Si quelqu’un est triste, qu’il prie. »


§ IV.


L’espérance, la crainte et la colère.


Quand on parle de l’espérance, il faut distinguer la vertu théologale, qui réside dans la partie supérieure et spirituelle de l’âme, de la passion, qui appartient à l’appétit sensible, et a pour objet un bien à venir dont l’acquisition paraît possible.

L’espérance, même sensible, pourvu qu’elle soit raisonnable, est utile, car elle facilite beaucoup le travail. « Que celui qui laboure la terre le fasse en espérance, » dit saint Paul, et il en est de même pour tout autre ouvrage.

L’espérance est raisonnable, quand elle a pour objet un bien véritable dont l’acquisition n’est pas tellement difficile que nous ne puissions trouver le moyen de surmonter les obstacles qui s’y rencontrent.

L’instinct des animaux nous en fournit des exemples : si un loup voit un troupeau bien défendu par son berger, il ne l’attaque pas ; si un chien aperçoit un lièvre à une fort grande distance, il cesse de le poursuivre.

À plus forte raison serait-il insensé à une créature humaine de passer son temps à espérer des choses qu’elle ne pourra jamais obtenir.

Les jeunes personnes sont remplies de toutes sortes d’espérances, que leur inspirent la vivacité de leur imagination et l’ardeur de leur tempérament ; mais comme elles n’ont pas encore appris à se mesurer avec les difficultés, il faut qu’elles s’en méfient et qu’elles n’entreprennent rien sans demander conseil, de peur de s’engager imprudemment dans des entreprises dangereuses et qui ne sauraient réussir.

Le défaut de la vieillesse, au contraire, serait de n’espérer plus assez pour oser commencer aucune œuvre tant soit peu pénible et laborieuse.

Heureux ceux qui savent trouver un juste milieu, entre le découragement pusillanime et la témérité !

Ainsi que toutes les autres, la passion de la crainte vient de l’amour. Nous craignons de perdre le bien que nous aimons, ou de ne pas parvenir au bien que nous désirons.

L’objet de la crainte est un mal prochain et difficile à éviter. Tout ce qui doit augmenter l’intensité et la durée du mal, augmente la crainte. S’il s’agit d’un mal sans fin, on doit en concevoir une crainte infinie.

La crainte raisonnable est louable. La crainte du péché est excellente. « La crainte de Dieu est le commencement de la sagesse, » dit l’Esprit-Saint.

Ne rien craindre est moins vertu que vice, si cela provient de l’orgueil, de la stupidité ou de quelque autre défaut.

La crainte déraisonnable est celle qui provient d’un amour déraisonnable. Elle se trouve dans tous les péchés. L’avare craint de perdre son argent ; le voluptueux, de perdre ses plaisirs ; le paresseux, de perdre son repos. En retranchant le péché, on détruira ces motifs de crainte.

L’imagination est habile à présenter des sujets d’une crainte fort nuisible, d’une crainte qui empêche de travailler, de raisonner et de prendre conseil. Il importe de régler ces terreurs imaginaires, de les dominer et de les mépriser. La plupart de ces craintes se détruisent, moins par le raisonnement que par l’action, en faisant le contraire de ce qu’elles nous inspirent. Ainsi, quelqu’un s’est habitué à mentir, de peur de passer pour ignorant : qu’il consente une fois à avouer son ignorance, et il verra bientôt sa crainte se dissiper comme la fumée ; il ne lui restera que la honte d’avoir été si longtemps l’esclave de cette sotte passion.

La colère peut se définir : le désir de la vengeance ; elle naît aussi de l’amour : celui qui aime, ne peut rester impassible à la vue du mal qui menace le bien qu’il recherche.

La colère inspirée par l’amour d’un bien véritable, l’amour de Dieu, de la justice et de la vérité, est juste et louable. La raison la commande, parce que sa vengeance légitime tend à réparer ou à détruire un mal réel. Mais la colère inspirée par l’amour-propre, produit des résultats terribles et peut conduire aux plus grands crimes. Celui qui s’estime beaucoup lui-même, est disposé à la colère, parce qu’il croit aisément que les autres le méprisent ; les infirmes, ceux qui ont beaucoup de défauts naturels ou des souffrances habituelles, sont aussi plus sensibles aux moindres affronts. La colère aveugle celui qui s’y laisse emporter, et lui persuade qu’il va se consoler en affligeant les autres.

La haine est pire que la colère, en ce sens qu’elle désire le mal pour le mal, tandis que la colère ne le désire que pour se satisfaire, et qu’elle cesse avec la vengeance.

L’homme en colère ne peut plus raisonner, il devient furieux comme un tigre ; mais de sages réflexions sur l’origine de la colère nous apprendront les moyens de l’éviter et d’en prévenir les honteux excès.

Si c’est le mépris qu’on fait de notre personne, de notre grandeur et de notre dignité, qui excite notre colère, examinons dans le calme :

1o S’il est juste que les autres nous estiment et nous honorent.

2o Si les témoignages d’estime qu’ils nous donnent, ajoutent quelque chose à notre mérite.

3o Si le défaut de ces témoignages d’une estime réelle ou feinte, nous porte préjudice et diminue en rien notre valeur.

4o Si la vengeance que nous voulons prendre, est un bien véritable, et non pas plutôt un fort grand mal pour nous-mêmes, sur qui retombera tout l’odieux d’un acte coupable.

Lorsque les enfants sont en colère, ne pouvant atteindre leurs ennemis, ils se frappent eux-mêmes. La vengeance de l’homme n’est pas plus sage ; en croyant humilier son prochain, il se donne des coups terribles, et au lieu d’une victoire remportée, il est vaincu par la plus honteuse des passions.


§ V.


Comment nous pouvons vaincre nos passions.


Une passion peut surmonter une autre passion. Un avare devient prodigue par ambition ou par colère. La crainte du châtiment aiguillonne le paresseux.

Aucune passion n’est donc indomptable, et ceux qui croient impossible de résister à leurs mauvais penchants, se trompent.

Si l’on peut triompher d’une passion pour l’amour d’un bien sensible et humain, comme est la bonne réputation, le désir de s’enrichir, etc., à plus forte raison pourra-t-on le faire, avec le secours de la grâce, pour l’amour de Dieu et des biens éternels qu’il nous promet.

Les chrétiens ne le mettent pas en doute : ils connaissent leurs devoirs à cet égard ; mais beaucoup ignorent la passion à laquelle ils sont sujets et qu’ils devraient combattre. Il arrive fréquemment que tout leur voisinage, leurs parents et leurs amis voient clairement ce vice, dont eux-mêmes ne soupçonnent pas l’existence : c’est l’amour-propre qui les aveugle. Comme les mères n’aperçoivent pas les défauts des enfants qu’elles chérissent, de même nous nous trompons sur la nature des penchants que nous affectionnons, et il est difficile de s’éclairer complètement sur cette matière.

Le meilleur moyen d’y parvenir est d’examiner soigneusement ce en quoi nous mettons notre jouissance et le repos de notre volonté : si c’est dans la mauvaise délectation des plaisirs défendus, des honneurs et des richesses, nous sommes vicieux ; si c’est dans les exercices de la vertu, indépendamment de la peine ou du plaisir sensible que nous y rencontrons, nous sommes vertueux.

Pourvu qu’il plaise à Dieu, l’homme vertueux est content d’embrasser le travail, la pénitence, la dévotion, l’humilité, la résignation ; il y trouve son repos, et son centre.


§ VI.


Différences dans la conduite des hommes.


RÈGLE À SUIVRE.


Notre entendement n’adopte jamais que ce qui est vrai, ou ce qui lui paraît vrai. De même la volonté se porte toujours vers le bien, ou vers ce qui paraît un bien.

Le motif qui nous fait agir, ou nous arrête, peut se traduire en un syllogisme, ou raisonnement qui nous détermine à entreprendre une action, ou à l’omettre. Le principe général qui nous dirige toujours est celui-ci : Il faut faire le bien et éviter le mal.

Ce principe est connu et suivi partout : à la Chine, en Amérique et en Océanie, chez les sauvages et les idolâtres, aussi bien qu’en France et parmi les nations catholiques.

Si néanmoins tous les hommes ne tiennent pas la même conduite, c’est que les uns regardent comme un bien ce que les autres jugent être un mal.

Par exemple, les mahométans raisonnent ainsi :

Ce qui est conforme à la religion et à la loi de Mahomet est bon ;

Or, cette action est conforme à la loi et à la religion de Mahomet ;

Donc cette action est bonne.

Les chrétiens, qui rejettent la majeure de ce syllogisme comme absolument fausse, ne sauraient en admettre la conclusion.

On distingue plusieurs sortes de biens :

Le bien honnête, le bien utile et le bien agréable.

Tout bien honnête est utile et agréable ; mais le bien utile n’est véritablement un bien qu’à la condition d’être honnête ; de même, s’il n’est honnête, rien ne saurait être réellement agréable.

Plusieurs oublient cette condition et cherchent ce qui leur paraît agréable, sans considérer s’il est honnête.

Ce bien agréable, ils veulent le trouver dans ce qui flatte les sens par une habitude ordinairement contractée dès l’enfance. Avant l’âge de la raison, ils ont agi par l’instinct qui les poussait vers les biens sensibles et les engageait à fuir tout ce qui offensait leurs sens. Cette habitude de chercher uniquement l’agréable a persévéré, et, parvenus à l’âge viril, ils ne peuvent dire avec saint Paul : « Quand j’étais enfant, je parlais comme un enfant ; j’avais des sentiments, des pensées d’enfant ; mais lorsque je suis devenu homme, je me suis dépouillé de ce qui était de l’enfance. » Plusieurs conservent leurs manières enfantines, ne s’amusant plus à des jeux, mais à des choses qui ne valent pas davantage, puisqu’ils n’y cherchent qu’un plaisir sensuel.

Quelques-uns osent affronter ce qui est pénible à la nature pour acquérir le bien qui leur paraît utile.

Les commerçants raisonnent ainsi :

Tout ce qui peut augmenter ma fortune est bon ;

Or, le voyage aux Indes, tout pénible qu’il est, peut augmenter ma fortune ;

Donc ce voyage est bon.

Les militaires se disent :

Tout ce qui rend illustre est bon ;

Or, un combat dangereux rend illustre ;

Donc un combat dangereux est bon.

D’autres ne croient chercher que le bien honnête ; mais les sentiments sont encore partagés sur l’honnêteté. Ce qui paraît honnête en Turquie, ne l’est nullement parmi les chrétiens ; et encore ceux-ci ne tiennent pas tous la même opinion sur ce qu’il faut condamner comme malhonnête et indécent.

De ce qui vient d’être dit, on conclura facilement que nous avons besoin d’une règle extérieure, certaine et infaillible pour nous diriger constamment vers le bien et le vrai ; afin, comme dit saint Paul, que nous ne soyons plus comme de petits enfants, flottant à tout vent de doctrine et nous laissant entraîner par la malice des hommes qui cherchent à nous abuser, comme ils se trompent eux-mêmes par le désir des faux biens.

Dieu, qui a imprimé en nous l’amour du vrai et du bien, ne nous a pas privés du moyen de les trouver en nous abandonnant à nous-mêmes. Il nous a donné, pour y arriver, une règle certaine et infaillible dans la doctrine de l’Église catholique, toujours dirigée par le Saint-Esprit. Nous sommes assurés de connaître, par cet organe, ce qui est en même temps honnête, utile et vraiment agréable.

Prenons les décisions de l’Église pour principes certains dans tous nos raisonnements et toutes nos actions ; approuvons ce qu’elle approuve, condamnons ce qu’elle condamne, et nous resterons inébranlables dans la voie droite de la sagesse, de la justice et du salut, de la gloire et du bonheur, pour le temps et pour l’éternité.




FIN