Notes historiques sur la vie de P. E. de Radisson/Au pays des Iroquois

PREMIER VOYAGE.

Au Pays des Iroquois.


Au printemps de 1652, Radisson se trouvait à Trois-Rivières, quand un jour, deux de ses amis, lui proposèrent un parti de chasse, plus encore pour le plaisir de la chose, que pour les profits qu’ils espéraient en retirer. Il s’empressa d’accepter. À cette époque, les Iroquois étaient partout, un sujet de terreur. Il ne se passait guère de semaines, sans qu’ils ne commissent quelqu’atrocité, jusqu’aux portes même de Trois-Rivières. Ils s’armèrent donc avec soin et partirent.

À un mille du fort, ils furent avertis par un homme qui gardait des troupeaux, d’être sur leurs gardes. En effet, il avait aperçu, ce matin là, des traces de ces sauvages. Ils continuèrent à descendre le long du fleuve et ne tardèrent pas à faire une chasse abondante. Ses deux compagnons, satisfaits de ce résultat, résolurent de retourner au fort, ce soir là même. Radisson, au contraire, tenait à pousser plus loin. Finalement ils se séparèrent. Radisson, se rendit à environ neuf milles du fort, où ayant tué force canards, oies et grues, il les cacha dans le creux d’un arbre, pour les mettre à l’abri de la rapacité des aigles, alors très nombreux. Il y avait environ 10 heures, qu’il avait quitté ses deux compagnons, lorsqu’arrivé à une couple de milles du fort, il fut cruellement surpris, de trouver, près du rivage, leurs cadavres nus et percés de coups. À peine s’était-il, un peu remis de sa frayeur, qu’une bande d’Iroquois, qui se tenait cachée sur la lisière du bois, bondit sur lui, le garrotta et l’emmena prisonnier.

Ces sauvages le traînèrent, à quelques milles plus loin, à un endroit où ils avaient construit une cabane au milieu d’une forêt épaisse. Ils lui donnèrent à manger et le traitèrent assez bien. Après le repas, ils lui inondèrent les cheveux de graisse d’ours, et lui couvrirent la figure de tatouage rouge, en sorte qu’il se vit presque transformé en Iroquois, au moins en apparence. Toute la nuit, des éclaireurs allaient et venaient au camp, pour éviter toute surprise, de la part des Français ou Algonquins. Ils s’entouraient de précautions infinies, pour ne point trahir leur présence et donner l’éveil. Le lendemain, ils se rendirent à leurs bateaux au nombre de 37, et se dirigèrent vers la rive opposée. Radisson, fut solidement attaché à la pince d’un canot, pendant qu’ils déposaient à ses pieds, les têtes sanglantes de ses deux compagnons, qu’ils emportaient comme trophées de gloire. Après avoir ramé tout le jour, ils arrivèrent vers le soir, aux îles Richelieu.

« Je fus étonné, dit Radisson, du nombre prodigieux de bœufs sauvages, de castors et d’élans qui abondaient dans ces îles »

Ces îles, étaient un lieu de rendez-vous, pour les diverses bandes d’Iroquois, qui s’élançaient de là sur différents points de la colonie. Un grand nombre de huttes avaient été construites, et il s’y trouvait en ce moment là, 250 guerriers. Ils passèrent trois jours à chasser et fêter. Les îles ne cessaient de retentir de leurs bravado, de leurs hurlements et de leurs chants de guerre. Voyant que Radisson était abattu et peu disposé à prendre part à la réjouissance générale, ils le rassurèrent en lui répétant « chagon ; » ce qui signifie « sois gai ou sois heureux ». Ils se dispersèrent ensuite par bandes. Radisson, dût accompagner, celle qui l’avait fait prisonnier. Le long du voyage, les Iroquois prenaient plaisir à lui enseigner leur langue, et aimaient à l’entendre chanter en français. De distance en distance, ils trouvaient des cabanes construites précédemment et qui leur servaient comme de postes pour la nuit. Elles étaient échelonnées le long de la route, jusqu’aux confins du pays des Iroquois.

Dans le récit de ce voyage, Radisson, décrit minutieusement les moindres détails qui s’y rapportent et les noires pensées qui accablaient son âme. Il serait fastidieux de le suivre de rivage en rivage et de s’arrêter avec lui, à chaque campement. Il suffira de glaner çà et là, ce qui peut offrir quelqu’intérêt.

Après quelques jours de marche, plusieurs se plaignirent d’être malades. Les fatigues, les misères et la mauvaise nourriture en étaient la cause. Leur grand remède est une bonne transpiration. Voici comment ils s’y prennent. Ils font rougir des cailloux, les déposent sous une loge en peau, et jettent de l’eau froide sur les cailloux, pour produire de la vapeur. C’est au milieu de cette atmosphère suffocante, que les malades s’installent pendant une heure. Ce traitement fut suivi de bons résultats.

Pendant tout le voyage, les sauvages étaient sans cesse en alerte, ayant toujours l’œil au guet, interrogeant tout et prêts à s’alarmer du moindre bruit insolite. Croyaient-ils réellement à la présence d’un ennemi, ils se cachaient dans les hautes herbes et cessaient de faire du feu. Ils passaient ainsi des jours, sans donner signe de vie.

Plusieurs Hurons, qui avaient été faits prisonniers, les servaient comme esclaves. Les Iroquois les traitaient d’ordinaire avec dureté et hauteur. À leur arrivée au village, où demeurait le parti de guerre, dont Radisson était prisonnier, hommes, femmes et enfants volèrent à leur rencontre, les saluant par des cris de joie.

Les jeunes guerriers marchaient stoïquement, gardant un silence absolu, comme s’ils ignoraient que cette fête, fut en leur honneur.

Arrivés au milieu du village, tous s’assirent et Radisson fut placé au centre. Les enfants armés de bâtons, semblaient n’attendre que le signal, pour le frapper. Le chef des guerriers, fit signe à Radisson de s’éloigner. Il partit, entouré d’une meute de femmes et d’enfants, qui cherchaient à le tuer. Déjà, l’un d’eux brandissait une hache, audessus de sa tête, lorsqu’une vieille femme, étendit sa couverte sur lui, comme un bouclier, destiné à le protéger. Elle l’emmena ensuite dans sa cabane, où elle lui donna à manger. Un conseil de vieillards s’assembla, pour délibérer sur son sort. Cette femme assista à leur délibération et insista tellement en faveur du prisonnier, que prenant sa ceinture, ils la passèrent autour du bras de Radisson, comme signe d’adoption de ce dernier, par cette vieille femme. De ce jour, en effet, il fut réellement considéré comme membre de la famille. Son mari devint son père et ses fils et ses filles, ses frères et sœurs. La vieille lui donna le nom « d’Orinha » qui signifie « Pierre ». C’était ainsi que s’appelait l’un de ses fils, qui avait été tué dans une expédition, et qu’elle voulait faire revivre dans Radisson.

Il reçut comme présent, un fusil et des bracelets. Ils lui ornèrent la tête de plumes d’aigle. Leur nourriture habituelle consistait en farine de blé d’inde, mêlée à de la graisse d’ours. Ce plat favori s’appelait « Orinniack ». Il était considéré partout, comme un des leurs. L’adoption chez eux, effaçait presque la différence du sang. Un jour, il partit avec trois Iroquois pour aller chasser. Au retour, il rencontra un sauvage qui lui adressa la parole en Algonquin. Il lui dit, qu’il était né près de Québec et qu’il y avait deux ans, qu’il était prisonnier chez les Iroquois.

« Il me demanda, dit Radisson dans son récit, si j’aimais les Français. Je lui répondis que j’étais Français moi-même. Il proposa alors de nous sauver. Je lui dis que mes trois compagnons s’y opposeraient et qu’ils avaient promis à ma mère de me ramener. Préfères-tu, me dit il, vivre en esclavage comme les Hurons ou rester libre et manger du bon pain chez les Français ? Ne les crains pas, ajouta-t-il, en désignant mes compagnons ; nous les tuerons, tous les trois, cette nuit. Je me rendis à ses sollicitations. D’ailleurs, les Iroquois, n’étaient-ils pas, les plus cruels ennemis des Français et n’avaient-ils pas tué ou brûlé bon nombre de mes proches ! Je promis donc de l’aider. Cette conversation se passait en Algonquin. Mes compagnons s’informèrent de ce que je disais. Je leur donnai une réponse évasive. Mes compagnons ne tardèrent pas à dormir. Au milieu de la nuit, l’Algonquin se leva. Les trois Iroquois, étaient plongés dans un profond sommeil. Il me fit signe ; je m’approchai du feu, pendant qu’il enlevait leurs haches et m’en passait une. À vrai dire, il me répugnait de frapper des gens, qui ne m’avaient jamais rien fait de mal ; mais pour les raisons que je viens de donner, j’acceptai la hache. Pendant que l’Algonquin en assommait un, moi j’enfonçai ma hache, jusqu’au manche, dans la tête d’un autre, tellement que je ne pûs que difficilement la dégager. L’Algonquin frappa le troisième et moi je tirai sur lui pour l’achever. »

Arrêtons nous un instant, après ce récit, pour condamner ce triple meurtre, tout à fait injustifiable. Les raisons qu’il donne, ne peuvent pas même pallier sa faute. D’ailleurs, puisqu’ils dormaient, pourquoi ne pas en profiter pour se sauver. Il n’était pas besoin pour cela, de les assassiner lâchement. Était-ce comme mesure de précaution et pour mieux assurer sa fuite qu’il en agissait ainsi ? Sans doute que ce fut le motif de ces meurtres. Cette dernière raison toutefois ne vaut pas mieux, que les autres.

Radisson, après ce méfait, se hâta de s’éloigner avec son nouveau compagnon de voyage. Après 14 jours de marche pénible, ils atteignirent les bords du lac Saint-Pierre. Il en était temps car ils se mourraient de faim. Ils commençaient déjà à humer l’air de la patrie et allaient bientôt saluer Trois-Rivières, lorsqu’ils furent surpris par une flottille Iroquoise. L’Algonquin fut percé d’une balle et Radisson cerné de toutes parts, fut pris de nouveau au moment où son canot, troué de plusieurs balles, allait couler à fond. Il vit ces cannibales dépecer et dévorer sous ses yeux, le malheureux Algonquin. Lui même, fut étroitement lié et traité cruellement. Le parti de guerre, entre les mains duquel il venait de tomber, se composait de 150 hommes. Il revenait d’une course jusque sous les murs de Québec. Ces Iroquois emportaient comme prisonniers, deux Français, une Française, 17 Hurons et presqu’autant de Huronnes. De plus, ils avaient 11 têtes, qui ornaient la proue de leurs bateaux. Comme on le voit, ils avaient fait une ample moisson et s’en revenaient tout enorgueillis de leurs succès. Radisson eut beaucoup à souffrir de leur brutalité. Les prisonniers étaient attachés pendant la nuit, à des poteaux, à demi nus, et de manière à être privés de tout mouvement. Les moustiques, pendant ce temps là, leur brûlaient le corps, sans compter les maringouins qui avaient aussi beau jeu.

Comme manière de passe temps, leurs gardiens leur enlevaient de temps à autres, qui, un ongle, qui, un doigt. Le jour de leur entrée dans le village Iroquois, auquel appartenait ce parti de guerre, ils furent liés et amenés en file, entre deux haies d’hommes et femmes. qui en passant, ne leur ménageaient pas les coups de bâton.

Ils arrivèrent ainsi, couverts de sang, au lieu du supplice. Les Hurons entonnèrent bravement leur chant de mort. La nouvelle du triple meurtre et de la fuite de Radisson, s’était répandue et mûs par la vengeance, les Iroquois se pressaient autour de lui. À ce moment, il aperçut son père et sa mère adoptifs, qui l’amenèrent à leur cabane. Ils se mirent alors à pleurer et à lui reprocher son ingratitude. Radisson, leur avoua tout ce qui s’était passé. Il venait à peine de terminer son récit, qu’une troupe vint le chercher. Revenu au lieu du supplice, il vit l’un des prisonniers Français, couvert de sang et respirant à peine. Un jeune Iroquois voyant qu’il ne pouvait plus supporter les tourments, lui trancha la tête. Radisson, ne mentionne pas le nom de cet infortuné, mais il cite un nommé Coutu, aux supplices duquel il assista. À diverses distances, s’élevaient des échafauds, sur lesquels étaient placés les prisonniers. Il vit en ce moment là, 5 hommes, 3 femmes et 2 enfants, qui subissaient les tortures les plus cruelles, que pouvait inventer l’imagination de ces barbares. Les parents amenaient leurs jeunes enfants, assister à ce triste spectacle, afin de leur apprendre, de bonne heure, les leçons de la sauvagerie.

Un groupe d’Iroquois, faisait rougir des haches et des cercles de fer, pour les appliquer ensuite sur la peau, jusqu’à ce qu’elle fut rôtie ; d’autres encore leur enlevaient des morceaux de chair vive, qu’ils faisaient bouillir et les forçaient ensuite à les manger ; d’autres enfin les suspendaient à des arbres, pendant qu’on leur brûlait les pieds à petit feu. Ils leur offraient souvent à manger, de peur que les tourments ne les épuisent trop vite. À peine, un prisonnier avait-il expiré, que les femmes se hâtaient de lui arracher le cœur et de laver leurs enfants dans son sang, afin de les rendre plus valeureux. Les corps étaient ensuite ou brûlés ou livrés en pâture aux corbeaux et aux chiens.

Parvenu à l’échafaud, qui lui était destiné, Radisson servit de cible, pendant quelque temps, à des jeunes gens qui s’amusaient à décocher leurs flèches sur lui. Ils s’apprêtaient déjà à lui écorcher la peau, à plusieurs endroits, lorsqu’un heureux événement vint lui donner plusieurs heures de répit. Un orage éclata, tout à coup. La pluie se mit à tomber par torrent et les Iroquois le laissèrent seul, attaché à un poteau. Ce soir là, une femme, vint près de lui, tenant par la main un enfant de quatre ans. Elle prit la main de Radisson et se mit à indiquer à son petit enfant, comment s’y prendre, pour lui couper le pouce, avec une pierre aiguë qu’elle lui donna. Ce pauvre petit, trop faible encore, ne put que donner des preuves de sa bonne volonté. Il ne réussit, au grand déplaisir de sa mère, qu’à lui scier la peau. Cédant aux pressantes sollicitations de cette mère inhumaine, il se mit ensuite à sucer le sang qui sortait de cette blessure. C’est ainsi que se formait l’éducation de la jeunesse Iroquoise, en développant chez elle dès l’enfance, des instincts de cruauté. Le lendemain, sa mère adoptive, le visita à son échafaud et après avoir pansé ses plaies, l’encouragea à souffrir avec courage. Elle lui assura, qu’il ne serait pas mis à mort. Ce jour là, un Iroquois prit un des doigts de Radisson et le mit dans sa pipe. Il fuma ainsi 3 pipes. Son doigt était tout calciné. Le fumet de chair qui s’en exhalait, semblait enivrer de joie, ce barbare. Dans la soirée, ils lui passèrent des lames d’acier rougies, sous la plante des pieds et promenèrent des charbons ardents sur son corps pendant que des enfants s’amusaient à lui mâcher les doigts avec leurs dents. Le troisième jour, ils le traînèrent à une cabane spacieuse, où fumaient accroupis, 50 vieillards. Laissons maintenant la parole à Radisson :

« Ils me firent asseoir. J’étais à demi-mort. Je vis là, mon frère somptueusement paré de colliers de porcelaine, portant une hache à la main. Mon père vint ensuite, tenant un calumet de pierre rouge. Tous portaient, suspendu à leur épaule, un sac de médecine. Ce sac contenait du tabac, des plantes ou racines ayant des vertus médicales, les os de leurs parents ou des têtes de loups, d’écureuil etc. Ils gardèrent pendant quelque temps, un silence absolu. Les prisonniers, qui avaient survécu aux tortures, furent amenés : ils comprenaient 2 hommes, 7 femmes et 10 enfants. Après force harangue, de la part de quelques uns de ces vieillards, il fut décidé qu’une femme et deux enfants auraient la tête tranchée et que le reste demeurerait esclave. La sentence fut exécutée sur le champ. Ils se mirent alors à discuter sur mon sort. Les opinions étaient partagées. Mon père parla près d’une heure, gesticulant de mille façons et menaçant même de me défendre au péril de sa vie. Il me réclamait comme son fils. Mon frère en fit autant. Ma mère entra, elle aussi, dans le conseil, en chantant et en dansant, comme pour apaiser ces vieillards. Elle passa, un collier de porcelaine autour de mon cou et en jeta un autre, au milieu des vieillards. Après que tous mes parents se furent retirés, le conseil siégea longtemps. De temps à autres, l’un d’eux se levait, allait jeter du tabac dans le feu et poussait une exclamation. Enfin il fut décidé, de convoquer une assemblée de toute la tribu et de lui remettre la décision de cette affaire. Près de 2000 Iroquois se réunirent. Mon père fit une seconde harangue, exaltant mon courage et étalant les services que la tribu pourrait retirer de mon adoption. Il parlait avec tant de force et de chaleur, que les sueurs l’inondaient. Finalement, un chef fort âgé, s’approcha de moi, brisa mes liens, et au milieu des cris d’approbation de tous les assistants, je fus conduit à la cabane de mon sauveur où je reçus tous les soins voulus. Mes plaies ne tardèrent pas à se cicatriser, mes ongles repoussèrent et je fus guéri complètement, moins un de mes doigts, qui demeura estropié. »

Radisson, passa l’hiver parmi les Iroquois, chéri de ses parents d’adoption et traité par la tribu, absolument comme s’il eut toujours été un des leurs.

Son père adoptif était un chef, jouissant d’un grand crédit. Il avait commandé un grand nombre d’expéditions, tué 19 ennemis et reçu 9 blessures. Il avait encore, jeune, enlevé une Huronne, qu’il avait épousée. Il y avait 40 ans, qu’il vivait avec elle. Cette femme avait conservé le souvenir de l’attachement de sa tribu pour les Français. C’est ce qui explique le dévouement qu’elle portait à Radisson. Vers la fin de l’hiver, il s’enrôla dans une bande de 10 guerriers, avec l’un de ses frères et partit en expédition de guerre. Chacun d’eux, emportait un fusil, une hache, un poignard et un sac de voyage, contenant 6 lbs de poudre ; 15 lbs de balle ; 2 chemises ; 1 casque ; 8 paires de chaussures en peau d’orignal ; une couverte, un collier de porcelaine et une courroie pour attacher les prisonniers. Les esclaves traînaient tout ce bagage. En passant par les villages Iroquois, ils étaient fêtés et accueillis comme des frères. Ils semblaient surtout tirer vanité, de la présence d’un Français au milieu d’eux. Parvenus, aux confins du territoire de leur nation, ils renvoyèrent leurs esclaves et chacun dût se charger de son bagage.

Ils voyagèrent ainsi plusieurs semaines, traversant les forêts et remontant le cours des rivières, en canot d’écorce. Enfin, ils arrivèrent à un endroit où ils bâtirent un petit fort, qui devint leur quartier général. De là, ils se dispersèrent, cherchant quelque victime. Le récit de cette expédition, n’est qu’une série d’assassinats. Ne roder que la nuit comme des bêtes fauves, tomber à l’improviste sur de pauvres malheureux sans défense, tuer cruellement femmes et enfants, se nourrir souvent de leur chair, telle fut en résumé l’occupation de ces bandits en quête de sang. Le résultat de tous ces exploits fut 22 chevelures et 5 prisonniers. On peut juger par les prouesses de cette petite troupe de tout le mal que ces sauvages ont fait aux premiers colons de la Nouvelle France. Cette expédition ne fait pas honneur à Radisson, d’autant plus qu’il l’entreprit de son bon gré. Il fait mal au cœur, de le voir en si mauvaise compagnie. La narration de ce voyage, semble indiquer toutefois, qu’il s’abstint plusieurs fois de prendre part aux méfaits de ses compagnons.

Au retour, il reçut pour sa part de butin, une Huronne, qu’il donna comme esclave à sa mère, 20 peaux de castor et 2 peaux remplies de graisse d’ours, d’orignal et de chevreuil.

À peine s’était-il reposé quelques jours, qu’il partit pour une seconde expédition, dirigée contre certains établissements Hollandais. Ces derniers, dès la première approche des sauvages, abandonnèrent leurs villages. Les Iroquois, firent main basse sur tout ce qu’ils trouvèrent.

Ils disaient souvent que les Français se battaient comme des braves, mais que les Hollandais étaient pusillanimes et ils les désignaient sous le nom de « ventres de bière. » Le quatrième jour après leur départ, ils arrivèrent à Orange, où ils furent bien accueillis, à cause du grand nombre de pelleteries qu’ils apportaient, Radisson, se rendit au fort où il rencontra le gouverneur et un soldat Français. Il leur raconta sa vie et malgré leur sollicitation et leur reproche, il refusa d’abandonner les Iroquois. Il avoue lui même, qu’il commençait à être très attaché, à ses nouveaux parents et au genre de vie qu’il menait. Il n’est pas le premier, qui se soit laissé entraîné par les séductions de la sauvagerie. Cependant les paroles du gouverneur, et le contact avec les blancs, réveillèrent chez lui, les souvenirs de la patrie absente. À peine était-il de retour, qu’il se prit à regretter la civilisation. Il se décida à retourner à Orange. Il prétexta un tour de chasse et partit le 29 Août 1653. Il fut reçu avec bienveillance par le gouverneur et fit la connaissance du Père Noncet. Ce dernier, avait été fait prisonnier en Canada et amené par les Mohawks dans leur pays. Subséquemment, il avait été conduit au fort Orange. Dans la relation des Pères Jésuites, le père Noncet mentionne qu’il trouva à cet endroit un jeune homme qui avait été fait prisonnier près de Trois-Rivières et agissait comme interprète. C’est évidemment de Radisson, dont il veut parler.

Il demeura caché dans le fort, pendant trois jours. Pendant ce temps là, ses parents arrivèrent, s’informant partout de lui et se lamentant sur sa perte. D’Orange, il passa à Menada, d’où il s’embarqua pour la Hollande. Il arriva à Amsterdam le 4 janvier 1654 et se rendit ensuite à LaRochelle. C’est là, que se termine le récit des premières aventures de Radisson.