Notes et Sonnets/Le dernier des onze sonnets de Charles Lamb


LE DERNIER DES ONZE SONNETS
DE CHARLES LAMB
traduit


Hélas ! répondez-moi, qu’est-elle devenue
Mathurin Régnier, Stances.


Nous étions deux enfants à passer notre enfance,
Mais Elle si charmante et plus jeune que moi ;
Nous vivions d’une égale et mutuelle foi,
Et cette sœur aimable avait nom Innocence.

Nous aurions tous les deux pleuré pour une absence.
Mais voilà qu’un matin l’Orgueil me prend : « Et Toi,
N’es-tu pas homme enfin ? » Il dit, et je le croi ;
Je me mêle à la foule, et l’air impur m’offense,

Ma jeune amie en pleurs s’enfuit à cet affront,
Cachant dans ses deux mains la rougeur de son front :
Je la perdis alors dans la forêt profonde.

Ô douce Bien-Aimée, où donc a-t-elle fui ?
Dites, quel chaste Éden me la cache aujourd’hui ?
Que je la cherche encor, fût-elle au bout du monde !