Notes d’un condamné politique de 1838/00


NOTES


D’UN


CONDAMNÉ POLITIQUE DE 1838.


UN MOT D’INTRODUCTION.


Je n’ai point la prétention d’écrire ici des mémoires, encore moins une histoire des troubles de 1837 et 1838 : mon titre dit tout ce que cet écrit contient ; il dit que j’ai été condamné et que j’ai pris note des événements dans lesquels j’ai été acteur, avant et pendant mon exil.

Je m’abstiendrai de toute réflexion, de tout commentaire sur les mouvements insurrectionnels, qui ont caractérisé l’époque dont il s’agit : encore une fois je ne fais pas de l’histoire ; mais j’ai voulu fournir à ceux qui la feront, ma part de renseignements exacts, concernant les choses que j’ai vues de mes yeux, touchées de mes mains et souffertes de ma personne.

Il y a longtemps que j’ai demandé pardon à Dieu de ce que mes actes, à moi, ont pu avoir de répréhensible, pour n’avoir pas alors obéi aux ordres de l’Église exprimés par nos premiers pasteurs ; il y a longtemps aussi que j’ai pardonné à tous ceux qui m’ont fait du mal ; c’est donc avec calme que j’écris, en vue de la vérité, et je prends le ciel à témoin de la candeur et de la bonne foi de mon témoignage.

Je dirai les choses telles qu’elles se sont opérées, sans exagération aucune et, surtout, sans désir de nuire ; mais avec l’intention qu’elles servent de leçon à ceux qui les liront.

Ces notes commencent à l’automne de 1838, époque à laquelle j’ai fait mes premières et, je l’espère, mes dernières armes, et elles se terminent à l’automne de 1846, époque de mon retour de l’exil : elles ont été recueillies sur des feuilles volantes, dans le cours de ces longues années de misère, pendant lesquelles une seule chose m’a défendu contre les tortures du cœur et du corps, contre les violences du tempérament ; cette chose, ceux qui croient la devineront sans peine, c’est la Religion… Merci, ah ! merci, mon Dieu, de m’avoir fait naître dans le sein de votre Église, une, sainte et catholique, et merci à vous, mes bons vieux parents, de m’en avoir inculqué les saintes doctrines !

J’ai revu ces notes, dont quelques-unes ont été prises dans le sein d’un cachot, alors que pesait sur moi le poids d’une condamnation à mort, alors que pendaient au gibet les corps inanimés de compagnons de ma captivité… J’ai mis un peu d’ordre dans ces feuillets, et comme je n’ai pas l’habitude d’écrire, je les ai communiqués à un ami, qui a bien voulu y faire les corrections de style nécessaires pour les rendre acceptables au lecteur.

Je le répète, je ne parle que de ce que j’ai pu connaître directement, de science certaine, et j’en parle sans rancune, mais aussi sans peur : à chacun ses œuvres pour l’histoire et l’enseignement de tous. Des causes de la rebellion, de son organisation (si organisation il y avait), de la direction des mouvements, des conséquences, je ne dirai rien : le lecteur ne devra donc pas être étonné du caractère purement personnel de notes prises dans les conditions que je viens d’énoncer.