Notes archéologiques

Collectif
Texte établi par Société des lettres, sciences et arts de l'Aveyron, Société des lettres, sciences et arts de l'Aveyron (p. 212-216).

NOTES ARCHÉOLOGIQUES





LE GRAND SCEAU DE L’ABBAYE DE CONQUES.


Les RR. PP. Prémontrés, établis depuis quelques années à Conques, poursuivent, avec un zèle des plus louables, la création d’un musée d’archéologie, dans lequel ils réunissent, à côté du remarquable trésor de cette antique abbatiale, une foule de documents de toutes sortes pouvant servir à l’histoire de ce monastère.

Déjà un grand nombre de pièces ayant un très-grand intérêt local ont été trouvées par leurs soins : ce sont de nombreux manuscrits, des inscriptions lapidaires, des étoffes et objets de toutes sortes.

Parmi ces objets tous intéressants, il en est un dont la découverte sera certainement appréciée par les véritables connaisseurs, c’est le grand sceau de l’abbaye.

Peut-être en existe-t-il quelques empreintes appendues à de vieux actes ; mais désormais la cire molle dont elles sont faites peut se déformer : on a retrouvé la matrice en cuivre.

Nous allons essayer d’en donner la description : Sa forme est ogivale (vesicula piscis) et mesure sept centimètres sur le grand axe et quatre centimètres cinq millimètres sur le petit axe.

On lit autour l’inscription suivante :

S’-POR’ET-COVETVS-MON-CONCHEN-AD-CAVSAS
ET LIRAS-CLAVSAS.

« Sceau du prieur et du couvent des moines de Conques pour les causes et les lettres clauses. »


Le champ du sceau sur fond quadrillé est divisé en deux parties par un exergue de forme semi-circulaire contenant deux vers léoniens :

Duc nos quo resides
Inclita virgo Fides.

La partie supérieure est occupée par une sorte de niche avec couvre-chef, dans laquelle est figurée sainte Foy couronnée, tenant dans une main la palme du martyre et dans l’autre un livre. Au-dessous six moines agenouillés, vêtus de la coule monastique, les mains jointes, semblent adresser à sainte Foy l’invocation contenue dans l’exergue. Au milieu d’eux s’élève un palmier avec ses fruits. La pointe du sceau est occupée par une belle fleur de lis ornementée.

Le style des détails architectoniques de la niche et du couvre-chef est celui du XIIIe siècle. Les lettres des inscriptions ont également les caractères de cette époque. On peut, sans crainte de se tromper, attribuer ce sceau au commencement du XIIIe siècle.



SCEAU D’UN ABBÉ DE CANDEIL.

Les auteurs de la Gallia christiana, t. II, p. 250, nous donnent la filiation des monastères cisterciens dans le pays d’Aquitaine.

« Dans le temps du roi Philippe un certain Gérard vint dans l’Aquitaine et fonda sept monastères, dans lesquels il établit la règle et le vêtement de Cîteaux. »

Ces abbayes étaient :

Cadunium au diocèse de Sarlat, fille de Pontigny, fondée en 1119.

Dalona au diocèse de Limoges, fille de Pontigny, fondée en 1119.

Absia, diocèse inconnu, fille de Pontigny, fondée en 1119.

Castellaris, au diocèse de Poitiers, fille de Clairvaux, fondée en 1128.

Bornetum, au diocèse d’Angoulême, fille d’Aubazine.

Allodium, diocèse inconnu, fille de Cîteaux.

Grandis silva, au diocèse de Toulouse, 49e fille de Clairvaux, fondée en 1140.

L’abbaye de Grandselve fonda en 1152 l’abbaye de Candeil dans le diocèse d’Albi.

L’abbaye de Bonnecombe, dans le diocèse de Rodez, était fille de Candeil de la filiation de Clairvaux. La Gallia christiana dit qu’elle fut fondée en 1162 sous le patronage de la B. Vierge Marie et des Vertus, par Raymond, comte de Toulouse, et Hugon, évêque de Rodez, et frère du comte de Rodez.

Le sceau dont nous avons l’honneur de présenter l’empreinte était celui d’un abbé de Candeil.

Sa forme est ogivale, l’exergue est occupé par cette inscription :

SIGIL-ABBATIS-MONASTERII-SANCTI-ANDREE-DE-CANDEIL.

On peut l’attribuer aux premières années du XIIIe siècle.

Ce sceau se rattache donc à l’abbaye de Bonnecombe, et c’est à ce titre que nous nous en sommes occupé.


LE SCEAU DE L’ABBAYE DE BONNECOMBE.

Dans les déblais faits récemment à Bonnecombe pour la restauration, on a trouvé un grand nombre de pierres moulurées et sculptées. Les clefs de voûte de quelques travées du cloître, rebâtis au XVe siècle, ont été retirées des décombres et sont conservées avec soin par les Pères trappistes.

On remarque sur ces clefs de voûte les armes de plusieurs abbés commendataires de Bonnecombe. Les armes de Clément de la Rovère, évêque de Mende et cardinal (1498-1524) ; celles de Paul de Carretto (1524-…) ; celles d’Alexandre de Carretto, des princes de Final (1566-1571), et quelques autres assez frustres que je n’ai pu encore déchiffrer. Sur une des clefs de voûte se trouve un écusson inscrit dans un quatrebobe redenté ; sur le champ de l’écu on remarque deux crosses adossées et posées en pal. Je supposais avec raison que c’était les armes de l’abbaye, j’y voyais le symbole des deux pouvoirs dans les mains des abbés-évêques et le signe de leur juridiction abbatiale et épiscopale représentée par les crosses tournées une en dedans et l’autre en dehors. La découverte d’un acte de 1720 qui m’a été communiqué par le R. P. Joachim, prieur de Bonnecombe, est venu confirmer cette hypothèse assez fondée. Cet acte est scellé d’un cachet en cire rouge reproduisant exactement les mêmes armes avec indication d’émail azur pour le fond. Cet écusson entouré de deux palmes est surmonté d’une couronne comtale.

Les RR. PP. trappistes ont fait graver un magnifique sceau reproduisant exactement les formes anciennes.



UN AUTEL DU XIIe SIÈCLE À BONNECOMBE.

Sur la route qui longe le Viaur en face de Bonnecombe dans un tour de soutènement, est incrusté une pierre mesurant 0m 40 cent. de côté ; c’est le fragment d’une table d’autel. Sur la face antérieure est gravé dans un nimbe, en forme de cercle, le signe Chrisma composé des trois lettres grecques Χ Ρ Σ et accosté de Α Ω. Sur le bord intérieur du cercle on lit en lettres couchées, les unes à côté des autres, le mot « altare » divisé en deux groupes de trois lettres, et à l’intérieur sur une seule ligne coupée par le chrisma sont gravés deux mots qui complètent l’inscription : « Sancti Salvatoris. » C’est donc l’autel du Saint-Sauveur. Le signe et la forme des caractères accusent le commencement du xiie siècle.

Des personnes qui ont été témoins de la démolition de l’ancienne abbaye m’ont assuré que deux pierres semblables ont été trouvées dans les décombres et transportées à Rodez par un amateur dont il m’a été impossible de connaître le nom.

Il serait à désirer que l’on obtînt de l’administration l’autorisation d’enlever cette pierre remarquable à plus d’un titre pour la conserver dans le musée lapidaire de Rodez, ou encore mieux pour la confier aux RR. PP. trappistes qui réunissent avec la plus grande sollicitude tous les documents qui concernent leur antique abbaye.