Note sur les inscriptions sanskrites découvertes dans le Rajasthan

Note sur les inscriptions sanscrites découvertes par M.  le lieutenant-colonel Tod dans le Râdjasthân, et données par lui à la Société asiatique[1].

Les inscriptions que la Société asiatique doit à la libéralité de M.  le lieutenant-colonel Tod, appartiennent à une des contrées les plus intéressantes et les moins connues de l’Inde, au pays des Radjpoutes ou Râdjasthân, qui doit à ses montagnes et au courage de ses habitans de n’avoir jamais été complètement soumis par les Mahométans. Elles sont relatives à des princes dont l’histoire est tout-à-fait inconnue en Europe, et sur lesquels on doit espérer de trouver des renseignemens précieux dans les Recherches historiques et géographiques sur le Râdjasthân que M.  Tod va bientôt publier. Ces inscriptions sont divisées en six numéros, dont nous allons donner la liste avec une courte description.

N.° 1. Cahier de 10 pages in-fol. avec cette note de la main de M.  Tod : Inscription de l’ancien temple de Tchar-Tchaomou dans l’Haravati, dédié à Tchandra-Ishvara-Mahâdeva ; datée de l’ère samvat 500 (de la nôtre 444), et découverte en 1819. Elle est écrite, suivant M.  Tod, avec le caractère usité anciennement par les Djaïnas et les Bouddhistes, lequel offre un rapport frappant avec l’écriture tibétaine nommée dvou-djan. Dans l’état actuel de nos connaissances, ces inscriptions sont à peine lisibles : au premier aspect, on croirait chaque lettre formée de clous, comme celles des monumens persépolitains ; mais un examen plus attentif permet de reconnaître dans ces clous apparens, le petit carré représentant l’a bref joint à chaque consonne du caractère dévanagari, et dont les inscriptions de Radjoulotchan, insérées dans le tome XV des Recherches asiatiques, ont fait connaître l’existence.

N.° 2. Transcriptions de quatre inscriptions sur cuivre, copiées sur les originaux appartenant à Mahârâdja Daulet Rao Sindia, recueillies à Gwalior en 1814. Ces originaux trouvés dans le Décan, comme nous l’apprend la lettre qui accompagne l’envoi de M.  Tod, sont d’une date antérieure aux inscriptions précédentes. Ils paraissent presque indéchiffrables, et offrent un mélange de caractères empruntés les uns au dévanagari, les autres aux alphabets vulgaires de l’Inde méridionale, comme le télinga et le tamoul.

N.° 3. Inscription trouvée à Djesselmer dans le désert indien, d’une date ancienne et relative au prince Bidjy Rae, qui vivait dans le ix.e siècle. M.  Tod possède les annales de la famille de ce prince, qui descend, dit-on, de Krichna. C’est la plus lisible, et en même temps la plus intelligible de toutes celles que la Société doit à M.  Tod. Elle contient une liste généalogique depuis Brahmâ jusqu’à Vidjaya Râdja (Bidjy Rae), et a été écrite par Somanâthaka, qui se dit descendant de Vyâsa. La date manque.

N.° 4. Inscription arabe trouvée dans les ruines de Gourgor gur’h, dans l’Haravati, et relative, suivant M.  Tod, à Mahmoud Chah. — On lit au dos de cette copie le mot Avalaphataïvina Mahamoumd, écrit en caractères devanagari ; ce qui doit se lire Abou’l fatah ben-Mahmoud, ابو العتى بن محمود, et semblerait indiquer que cette inscription est relative à ce fils de Mahmoud.

N.o 5. Inscription trouvée sur les remparts de l’ancienne ville de Tchitore, écrite avec le même caractère que celle du n.o 1. Elle passe pour ancienne, mais n’a pas de date.

N.o 6. Rouleau composé de six feuilles de grandeurs différentes, contenant des inscriptions sur marbre, pour la plupart tronquées, relatives aux princes Solanki ou Tchâloûka, les mêmes que les souverains Balhara de Nehrwala, et des Voyageurs arabes de Renaudot. Lorsque cette dynastie fut renversée par les Mahométans, au xiiie siècle, les Tchaloûka se réfugièrent dans le Meiwar. C’est dans le district de Mandelgurh, qui fait partie de cette province, qu’ont été découvertes ces inscriptions, auprès d’une ancienne fontaine.

N.o 7. Empreintes à peine lisibles d’une planche en cuivre, contenant une donation de terres, et attribuée, quoique sans preuves, à Râma. L’original, trouvé dans le Décan, appartient à Senapati, l’un des grands officiers du Pechvâ, et parent de Sindia. Les empreintes sont au nombre de dix.

Nous n’avons eu, en rédigeant cette note, d’autre but que d’exprimer pour notre part la reconnaissance que les personnes livrées à l’étude de l’Inde doivent à M. le colonel Tod. Il faudrait, pour en dire davantage, soumettre ces inscriptions à un long examen, et sans doute que l’insuffisance de nos moyens d’interprétation nous empêcherait d’en donner l’explication complète. Le meilleur moyen selon nous, de tirer du précieux envoi de M.  Tod tout le parti possible, serait de répandre ces inscriptions au moyen de la lithographie, et de les mettre ainsi dans les mains de toutes les personnes qui, en Allemagne et en France, ont acquis la connaissance du sanscrit. Une fois cet exemple donné, tous les propriétaires d’inscriptions indiennes s’empresseraient de l’imiter ; ces monumens se multiplieraient, les trésors de l’Angleterre nous deviendraient accessibles, et de la réunion de ces matériaux sortiraient des interprétations incomplètes et inexactes d’abord, mais que des comparaisons nouvelles viendraient bientôt rectifier.

Eug. Burnouf.

M. Semelet, l’un des plus anciens élèves de M. Silvestre de Sacy, vient de faire paraître, en un vol. in-4.o, une édition autographique du Gulistan de Saady, sous le titre شيخ مطلح الدّين سعدى سيرازى, le Parterre de fleurs du cheikh Moslih-eddin Sâdi de Chiraz. Ce travail, commencé depuis fort long-temps, a dû coûter beaucoup de peine, et ce n’est qu’après des essais souvent répétés et plusieurs fois infructueux, qu’on l’a pu achever. On ne doit pas douter que cette édition ne soit fort utile aux personnes qui veulent se livrer à l’étude de la langue persane ; elles y trouveront un texte plus pur que dans toutes les autres éditions, et meilleur que dans la plupart des manuscrits. Nous pensons que cette impression fera autant d’honneur à la science qu’à la patience de l’auteur. Dans une préface française qu’il a placée à la tête de son ouvrage, il rend compte des motifs qui le lui ont fait entreprendre, et des difficultés qu’il lui a fallu surmonter. Il y annonce de plus une traduction française du Gulistân, qui sera le complément de son travail. M. Semelet se propose, à cette occasion, de relire avec le plus grand soin son édition persane, et de réunir dans un errata les fautes légères qu’il sera parvenu à y découvrir, et de le joindre à sa traduction française. L’ouvrage de M. Semelet se trouve chez M. Cluis, imprimeur lithographe, place du Châtelet, et chez l’éditeur, rue du Parc-royal, no 2.

  1. Voyez notre numéro de mars, ci-dev. pag. 246 et 247.