Note sur l’origine des Ouigours

Note sur l’origine des ouigour.

Les historiens et les orientalistes qui ont parlé des Ouigour ont prouvé l’origine turque de ce peuple ; M. J.-J. Schmidt de Saint-Pétersbourg est le seul qui, sur ce point, a cru devoir être d’un avis différent. Ce savant estimable s’occupe, avec beaucoup de succès, de la littérature des Mongols et des Kalmuks. Guidé par un passage d’un livre mongol très-récent, il a soutenu que les Ouigour étaient des Tangoutains, ou, ce qu’il croit synonyme, des Tubétains ; cependant un texte unique d’un auteur dont l’exactitude même est très-douteuse, et qui a écrit long-temps après les événemens dont il parle, ne peut militer contre le témoignage d’un grand nombre d’écrivains graves et en partie contemporains. Ces écrivains, qui appartenaient à des pays et à des époques très-différentes, loin de se copier, ignoraient même l’existence de leurs ouvrages respectifs : tous ont cependant dit positivement que les Ouigour étaient des Turcs. L’extrait de leurs livres, les endroits où il est principalement question de ce sujet, et qui, combinés avec d’autres preuves matérielles, nous offrent l’évidence mathématique de cette assertion, me dispensent de reprendre, à l’avenir, une question déjà tant rebattue.

1o La peuplade nommée par les anciens Chinois Kiu-szu ou Gouz est la même qui, plus tard, fut appelée Kao tchhang.

2o Ces Kao tchhang s’appelaient, dans leur langue, Ouigour.

3o Les auteurs chinois disent que le peuple appelé Ouigour sous la dynastie mongole des Youan, était le même qui, sous celle des Tchhang, avait porté le nom de Kao tchhang.

4o La langue des Kao tchhang, de laquelle nous possédons un vocabulaire d’environ huit cents mots ; est du turc oriental pur :

5o Rachid-eddin, auteur de la meilleure histoire des Mongols, écrite en persan, et le vizir Ala-eddin, qui a composé une histoire des conquêtes de Tchinghiz khan, savaient tous les deux la langue des Ouigour ; ils déclarent que ce peuple était de race turque.

6o Les missionnaires catholiques envoyés aux XIIIe et XIVe siècles, dans l’intérieur de l’Asie, pour convertir les Tatars, nous instruisent que la langue des Ouigour était la véritable source du turc et du coman.

7o Les historiens chinois du temps de la dynastie de Youan, nous apprennent que les Ouigour formaient un même peuple avec les Hoei he, et que les langues de ces deux nations étaient identiques.

8o Tous les mots Hoei he, conservés par les Chinois, sont turcs.

9o Les historiens chinois du moyen âge disent que les Hoei he descendent des Hioung nou, peuple de race turque.

10o Les mêmes auteurs assurent que les Thou kiu, ou Turcs proprement dits, étaient les descendans d’une tribu Hioung nou, chassée des frontières chinoises, vers le nord-ouest.

11o Les Tatars de la Crimée se servaient, dans leurs actes, d’une langue appelée lingua ugaresca par les Génois fixés dans ce pays. M. de Hammer a publié, dans les Mines de l’Orient (tom. capIV, pag. 359), un diplôme écrit dans cette langue, qui est du turc oriental.

Ces onze points démontrent clairement,

Que les OUIGOUR sont = HOEI HE = TURCS.

J’ai prouvé ailleurs que les Ouigour ou Hoei he, pouvaient être appelés Tangoutains par les écrivains mongols postérieurs à Tchinghiz khan, parce que le Tangout était à cette époque, habité par une partie de la nation Hoei he. (Voy. Verzeichniss der Chinesischen Bücher und Handschriften der Koeniglichen Bibliothek zu Berlin. Paris, 1822, in-fol. Anhang, pag. 65.)

Klaproth.