Note sur l’enseignement agricole en France et à l’étranger/Allemagne

ALLEMAGNE


L’empire d’Allemagne est aujourd’hui à la tête de l’Europe, si ce n’est pour la production, du moins pour l’enseignement agricole. Ses stations agronomiques, ses laboratoires de chimie, ses écoles de tous genres dépassent tout ce qui existe ailleurs. Après nous avoir vaincus par les armes, il cherche à nous vaincre par la science et par l’esprit d’entreprise commerciale. C’est pourquoi l’étude de ce qui se passe de l’autre côté du Rhin et sur les divers marchés du monde, doit être pour nous l’objet des plus sérieuses méditations. Puisse l’avenir nous faire regagner l’avance que nos voisins ont déjà prise sur nous !

La plus ancienne école a été établie en 1722 à Kœnigshorst, dans le Brandebourg, par Frédéric-Guillaume Ier. Il faut ensuite venir jusqu’au célèbre Thaer pour voir surgir un système complet d’enseignement agricole : il débuta par l’établissement d’une école privée, à Mœglin, en 1807. Thaer fut nommé professeur à l’Université de Berlin, où il resta jusqu’en 1818. Six ans après, l’école de Mœglin fut érigée en Académie royale d’Agriculture ; on fonda l’Académie de Hohenheim, puis celle de Schleishem, en 1822, d’Iéna en 1826, d’Eldena en 1835, de Wiesbaden en 1836, de Tharand en 1839, de Begenwaide en 1842, de Poppelsdorf en 1846, de Proskau en 1847, etc.

Examinons rapidement l’état actuel de l’enseignement en commençant par les écoles supérieures[1].

Ce sont d’abord les académies agronomiques, forestières et vétérinaires qui correspondent à notre enseignement supérieur et se divisent en deux catégories suivant qu’elles ont une vie propre ou qu’elles sont rattachées à une Université royale ; elles comprennent :

1° L’Institut agronomique de l’Université de Kœnigsberg, avec jardin spécial pour les plantes économiques, une clinique vétérinaire et un laboratoire de chimie agricole ;

2° L’Institut agronomique de l’université royale de Breslau ; on y trouve un laboratoire de chimie zoologique et un institut vétérinaire, qui sont en relations avec la station d’essai de la Société d’Agriculture de la Silésie ;

3° L’Institut agronomique de l’Université royale de Halle, fondée en 1863 : il contient un vaste jardin, un parc d’animaux domestiques, une station d’essais chimiques, des champs d’expériences, une clinique vétérinaire, une école de laiterie, un musée, etc ;

4° L’Institut agronomique de l’Université de Kiel avec une station d’essais chimiques et une école de laiterie ;

5° L’Institut agronomique de l’Université royale de Gœttingen : on y trouve des laboratoires pour la chimie agricole, un institut vétérinaire, une station d’essai, des jardins spéciaux, etc.

Les écoles suivantes ont une existence propre :

6° L’École agronomique supérieure de Berlin. Cette école définitivement installée en 1881, avec un grand luxe, comprend un institut minéralogique, un institut de géologie agricole, un institut technique de culture, un institut botanique, un laboratoire de physiologie végétale et animale, un laboratoire de recherches pour l’industrie sucrière, la distillerie et la féculerie, un institut zootechnique, un magnifique musée de machines agricoles, une collection complète des crânes des animaux domestiques et une collection de plantes agricoles ;

7° L’Académie royale agronomique de Poppelsdorf, près de Bonn. Elle a un institut de géodésie agricole, un institut technique de culture, comme à Berlin, et une ferme-modèle, un champ d’essai, une école d’arboriculture et de culture potagère, une vaste bibliothèque et une salle de machines ;

8° L’Académie royale forestière d’Eberswald dans la province de Brandebourg ;

9° L’École royale vétérinaire de Berlin ;

10° L’Académie royale forestière de Munden, près de Gottinguen, province de Hanovre ;

11° L’École royale vétérinaire de Hanovre.

Ces écoles ont eu, pendant l’hiver 1884-1885, 1296 élèves.

Le nombre des professeurs titulaires et suppléants a été de 179 pour l’enseignement supérieur seulement.

Le Ministère de l’Agriculture, des Domaines et des Forêts a donné, du 1er avril 1884 au 31 mars 1885, une subvention de 971 787 marks, dont 237 800 marks pour les sociétés d’agriculture chargées des stations d’essai et de l’instruction agricole. En outre de cette somme, le ministère de l’Agriculture a alloué une somme de 244 692 marks pour les écoles vétérinaires.

Parlons maintenant des Écoles agronomiques ou écoles secondaires.

Elles sont réparties dans différentes villes et sont au nombre de seize ; elles comptent 2200 élèves environ avec 488 professeurs et des subventions de 350 000 marks provenant de l’État, des villes voisines et du cercle où elles se trouvent. Souvent, les villes intéressées constituent des bourses ou des demi-bourses pour des cas particuliers : les deux écoles qui comptent le plus d’élèves sont, celles d’Hildesheim et de Bitburg.

Passons aux Fermes-Écoles.

Elles sont au nombre de trente-trois, ayant chacune environ 40 élèves, sous l’inspection de 4 à 5 professeurs. Leur subvention est de 432 500 marks.

C’est ici le cas de parler de ce qu’on appelle en Allemagne les « curatoriums » ou comités de patronage et d’administration, qui se composent des membres de l’Université, de la haute administration et des gros propriétaires fonciers dont l’expérience pèse d’un grand poids dans la direction à donner aux études. Cette institution de « curatoriums » a l’avantage de consacrer les écoles aux intérêts de la région dans laquelle elles sont placées.

Les Écoles agronomiques d’hiver ont pour but d’utiliser, pour la théorie, la saison qui commence en octobre pour finir aux premiers jours d’avril, et pendant laquelle beaucoup de travaux des champs sont suspendus. Ces écoles d’hiver sont fréquentées par 1200 élèves environ et elles reçoivent une subvention de 160 000 marks.

Il existe en Allemagne un très grand nombre d’écoles ayant pour objet une branche particulière de la science agricole comme la laiterie, l’art forestier, la maréchalerie, le jardinage, etc. ; nous allons rapidement les passer en revue, en commençant par :

Les Écoles spéciales de culture de prairies et de drainage, au nombre de cinq, à Dhame, Suderbourg, Siegen, Hof Geisberg et Kersch-Neuhaus.

Les Instituts pomologiques et Écoles de Jardinage en tête desquelles nous plaçons leur aînée, l’École royale de Potsdam, fondée en 1834 et qui compte une quarantaine d’élèves. Puis l’Institut pomologique de Proskau, fondé en 1868 : il avait, en 1884, 67 élèves : sa subvention est de 35 000 marks. L’École royale de pomologie et de viticulture de Geisenheim, fondée en 1872 : ses cours sont suivis par 130 auditeurs divers groupés autours de 9 professeurs, avec une subvention annuelle de 49 000 marks. Enfin, la Flora, école supérieure de jardinage, près de Cologne. Elle a pour directeur M. J. Nieprasehk. Commencée en 1872, cette école est la propriété d’une Société anonyme.

Les Écoles de Jardinage sont au nombre de trente : il serait trop long et sans intérêt de les énumérer ici ; elles sont fréquentées, en moyenne, par une vingtaine d’élèves : la plus suivit est celle de Imgenbroich, près d’Aix-la-Chapelle ; elle avait, en 1884, 136 élèves.

Il nous reste à parler des Établissement divers que nous ne ferons que mentionner. Ce sont ceux qui s’occupent de la fabrication du sucre et des spiritueux dans les fermes, les écoles de laiterie, celles qui enseignent la tenue de la maison, l’apiculture, enfin les écoles de maréchalerie.

Je termine ce qui concerne la Prusse en citant les écoles de perfectionnement au nombre de quatre cent soixante-quinze, réparties dans treize provinces.

Voyons maintenant rapidement les écoles qui existent en dehors de la Prusse, en commençant par la Bavière.

Comme enseignement supérieur et secondaire, on compte :

1° La section agronomique de l’École technique de Munich ; 2° L’École des ingénieurs agricoles ; 3° L’École centrale d’Agronomie de Weihenstephan, prés Freising, fondée en 1822 à Schleischeim, réorganisée en 1852 à Weihenstephan ; 4° les cours forestiers à l’Université de Munich et celui de l’Académie forestière d’Aschaffenburg ; enfin l’école royale vétérinaire de Munich.

L’enseignement primaire dans la Bavière, le Palatinat et la Franconie serait trop long à détailler ici : il a pour objet l’arboriculture, la laiterie, etc., etc. et comprend 23 Écoles régionales et 944 écoles de perfectionnement.

En Saxe, l’enseignement supérieur comprend : 1° L’institut agronomique de l’Université royale de Leipzig : 2° l’Académie royale forestière de Tharand, près Dresde, avec une station de contrôle de graines : 3° l’École royale vétérinaire de Dresde.

L’enseignement secondaire et primaire comprend dans le cercle de Dresde, de Leipzig, de Zwickau, de l’Erzgebirge et de la haute Alsace, 15 écoles agronomiques, de jardinage ou de culture du lin.

Dans le Wurtemberg, il y a en première ligne, l’Institut agronomique de Hohenheim, établissement modèle, qui a une ferme de plus de 250 hectares, comprenant des ateliers de machines, une sucrerie, une brasserie, une distillerie, etc., puis viennent 3 écoles d’agriculture à Ellvangen, Ochsenhausen et Kirchberg ; 4 écoles agronomiques de Hall sur le Kocher, de Heilbronn, de Ravensbourg, de Reutlingen et d’Ulm ; l’École de viticulture de Weineberg, l’école vétérinaire de Stuttgard, où se trouve aussi une école pour ingénieurs agricoles ; enfin, le grand Institut pomologique de Reutlingen et l’école de jardinage de Unter-Lenningen, alliée à celle de Reutlingen, établissement privé de M. Lucas.

Dans le Grand Duché de Bade, il y a à Calsruhe, l’école forestière annexée au « Polytechnicum » l’école agronomique d’hiver, l’école d’arboriculture, l’école de drainage et un Institut œnologique avec une station d’essais chimiques : on compte en outre en diverses villes, douze écoles agronomiques d’hiver.

Le Duché de Hesse possède, à l’Université de Giessen, un institut agronomique, un institut forestiers et un institut vétérinaire. Il y a en plus à Worms, une école agronomique supérieure et 4 écoles agronomiques d’hiver à Darmstadt, Friedberg, Alsfeld et Büdingen.

Il serait trop long d’énumérer toutes les autres écoles dans le grand Duché de Mecklenbourg-Schwerin, de Saxe-Weimar d’Oldenbourg, de Brunswig, Saxe-Meiningen, Saxe-Altenbourg, d’Anhalt, et Alsace-Lorraine. Dans ces divers duchés, on compte 22 écoles ayant pour objet l’enseignement de l’agriculture et du jardinage.

En Allemagne, il nous faudrait citer encore les stations d’essais ou de contrôle s’occupant surtout de l’analyse des terres et des engrais et de l’examen des semences : on compte de 28 à 30 laboratoires d’analyses. Quant aux sociétés agricoles, il y a en Prusse environ quarante sociétés centrales ayant 1600 sociétés affiliées.

Je terminerai cette étude en résumant le nombre de quelques sources d’enseignement scientifique : on compte en Allemagne 99 sociétés de botanique et de sciences naturelles, 50 stations agronomiques, enfin 39 jardins botaniques.

Je craindrais de fatiguer le lecteur en continuant cette longue énumération d’écoles, de sociétés, de laboratoires et d’académies de tous genres, qui prouvent les gigantesques efforts de l’Allemagne pour répandre partout l’enseignement agricole. Je ne saurais trop engager mes compatriotes à parcourir les principaux établissements scientifiques de nos voisins. C’est le voyage le plus instructif que puisse faire un agronome jaloux de la gloire de son pays.



  1. Statistik der landwirthschaftlichen und Zweckverwandten Unterrichts — Anstalten Preussens, 1884 — Mentzel und Lengerke’s Kalender. Berlin, 1886.