Note sur l’enseignement agricole en France et à l’étranger/États-Unis

ÉTATS-UNIS

Le « Département de l’Agriculture » à Washington, publie annuellement la liste complète des sociétés ayant pour objet le progrès agricole dans toutes ses branches[1]. De plus, chaque année, le congrès vote une somme considérable (plus d’un million de francs en 1884) pour l’impression du rapport du « Commissioner of Agriculture » au nombre de 400,000 exemplaires : 300,000 sont donnés aux membres de la Chambre des représentants, 70,000 aux sénateurs et 30,000 sont distribués parle ministère. Le volume officiel renferme chaque année le rapport succinct du ministre au Président, puis ceux du chimiste, du botaniste, de l’entomologiste du gouvernement, le rapport du bureau des forêts, du bureau de statistique, celui de l’élevage du bétail, etc. Tous les faits nouveaux de Tannée, les maladies des végétaux et des animaux, la culture des plantes de nouvelle introduction, l’étude des insecticides, l’état des récoltes, leur prix de vente, tout est passé en revue dans le rapport officiel. On conçoit quel intérêt possède une publication semblable répandue à 400,000 exemplaires. Pour en démontrer l’importance, je vais en indiquer rapidement les divisions principales.

Le Bureau de statistique est en rapport avec les bureaux similaires institués dans chaque État et possède en outre plus de 10,000 correspondants sur tous les points du pays. 11 a de plus, à Londres, un agent spécial chargé de le tenir au courant des récoltes et du prix des denrées sur tous les marchés européens. Le bureau centrai à Washington réunit toutes les données relatives à l’état des récoltes, à l’élevage du bétail, aux prix des transports, aux produits de la laiterie. Je relève quelques chiffres sur le rapport de 1884 : [Tableau à insérer]

PRODUCTION AGRICOLE DES ÉTATS-UNIS
nature des produits
en 1860
en 1880
Bétail
Doll. 300.000.000 Doll. 800.000.000
Maïs
360.680.000
694.800.000
Blé
124.600.000
436.900.000
Foin
152.600.000
409.500.000
Produits de la laiterie
152.350.000
352.500.000
Coton
211.500.000
271.600.000

En y joignant les autres produits du sol, la valeur des récoltes aurait monté de un milliard six cents millions à trois milliards six cents millions de dollars, soit dix-huit milliards de francs.

D’après le rapport officiel de 1885, en 15 ans, la surface cultivée en maïs se serait augmentée de 37,000,000 d’acres, celle du blé, de 20 millions, de l’avoine, de 3 millions ; en général, la culture des céréales se serait augmentée de 67 millions d’acres, ou plus de 16 millions d’hectares.

Le bureau des Gardens and grounds a pour but d’introduire et de répandre toutes les plantes utiles, comme les kakis du Japon, les orangers du Brésil, le mûrier, les plantes à thé, le quinquina, le sorgho, les plantes médicinales, le coca, etc. Le bureau envoie des collecteurs spéciaux pour explorer tous les nouveaux territoires non encore habités ; il a aussi une division chargée de distribuer des semences, des fleurs et des planta de tous genres : en 1884, il a fait plus de 3,600,000 envois.

Le Bureau of Botany étudie la Flore et les besoins de tous les États non explorés. Les rapports de M. Hayden sur les Etats du Nord-Ouest renferment les renseignements les plus instructifs sur ces intéressantes contrées.

La Microscopic Division est chargée des parasites végétaux engendrés soit par les grandes sécheresses ou les pluies incessantes ; elle étudie les invasions des sauterelles, les champignons propres à l’alimentation, etc.

La Chimical Division examine les diverses variétés de céréales, les résultats des divers modes de mouture, les meilleurs procédés de fabrication du sucre, la falsification des beurres ; elle analyse les plantes fourragères, les sols et les engrais.

L’Entomological Division se met en rapport avec les Entomologistes créés et payés par chaque État pour étudier les maladies qui affectent les oranges dans les Florides, le « Cottonworm » dans l’Alabama et le Texas, les lieux d’où partent les légions de sauterelles des montagnes Rocheuses, le phylloxéra et en général tous les ennemis des récoltes et des forêts. Le congrès vient de voter 5000 doll. pour faire progresser l’ornithologie dans ses rapports avec l’agriculture : on donne aussi des encouragements à la sériciculture et des sociétés importantes existent déjà à Philadelphie, puis en Californie, sous le nom de « Ladies Silk culture Societies » dans le comté d’Alameda.

La Veterinary Division étudie les maladies contagieuses du bétail, les divers systèmes de vaccination préventive ; certaines maladies, au Texas, ont pris un grand développement par suite de l’accumulation du bétail sur certains points, et du manque d’eaux potables ; elles se sont propagées dans plusieurs États du Sud. Le choléra des poules et la trichinose ont été l’objet d’études spéciales. Le Congrès a fait publier 50,000 exemplaires du rapport relatif à ces maladies.

La Forestry Division a une importance de premier ordre ; aux États-Unis, comme en Europe, dans plusieurs États de l’Ouest, de vastes territoires sont dénudés et infertiles ; des agents spéciaux sont chargés d’étudier les meilleurs modes de plantation d’arbres forestiers appropriés au sol et au climat, puis de trouver des semences de plantes propres aux immenses plaines de l’Arizona, du Nouveau Mexique et du Texas. D’autres agents sont chargés de creuser des puits artésiens surtout dans le voisinage des lignes de chemin de fer.

Après avoir étudié l’organisation officielle de l’Agriculture à Washington, nous allons examiner rapidement quelques sociétés dites « Inter State », c’est-à-dire ayant un but d’intérêt général, puis nous verrons en terminant l’organisation scientifique de chaque État en particulier.

Il existe dans divers États 32 associations ayant pour but l’introduction de races d’élite comme la race percheronne, puis les races Les plus renommées du gros bétail anglais et en général de tous les animaux de ferme étrangers. Il y a neuf sociétés pour les abeilles seulement : 1 pour les progrès de la basse-cour, à Frédonia ; une pour répandre l’Ensilage des récoltes, puis à Washington, l’excellente « Commission of Fish and Fisheries » dirigée par M. Spencer F. Baird, qui a fait faire tant de progrès à la pisciculture sur les deux continents.

L’association importante des « pépiniéristes, des floristes et des grainiers » a son siège à Galena, dans l’Illinois. Elle a pour but : l’étude des pépinières, l’exposition des nouvelles variétés de fleurs ou de fruits, les meilleurs modes d’emballage et d’expédition de plantes, les tarifs de chemins de fer, etc.

La « Société pomologique américaine », fondée en 1848, compte plus de 400 membres et tient ses sessions, tous les deux ans, sur différents points du pays. À chaque session, il y a une exposition générale de tous les fruits des États-Unis, et des délégués de chaque État font un rapport spécial sur les variétés qu’ils cultivent, sur les maladies et les parasites des plantes, sur les meilleurs modes de taille et de plantation, enfin sur les meilleurs modes d’emballage, de dessiccation et de conservation des fruits.

Avant d’examiner les Sociétés particulières à chaque État, disons quelques mots du « Report on Forestry », publié en 1884 par le département de l’Agriculture à Washington. Là il n’existe pas encore d’école forestière proprement dite, mais le gouvernement attache la plus grande importance à la question, puisque dans un rapport de 1883, il évalue le produit des forêts à 700,000,000 de dollars.

Il existe une association spéciale sous le nom d’ « American Forestry Congress » qui a pour objet l’étude des plantations forestières, la conservation des forêts existantes et la statistique qui les concerne. Sa dernière réunion a eu lieu en septembre 1885 à Boston. Aux États-Unis, comme en Europe, les forêts diminuent et leur disparition entraîne non seulement un sérieux changement dans le climat, mais des inondations et la disparition de sources jadis intarissables ; on signale surtout la consommation immense qu’exigent l’exécution et l’entretien des 150,000 milles de chemins de fer actuels ; pour leur entretien seul, il faudrait une surface de plus de 16 millions d’acres de forêts ; dans un but de prévoyance, on a conseillé aux compagnies de chemins de fer qui possèdent de vastes terrains de chaque côté de leurs lignes, d’y planter les arbres nécessaires à l’entretien de la route.

Nous allons maintenant jeter un rapide coup d’œil sur l’enseignement agricole et horticole dans les divers États.

Constatons d’abord que le système d’éducation générale est fondé sur la liberté la plus entière, contrairement à ce qui se fait chez nous où l’instruction est toujours plus ou moins sous la direction de l’État, si ce n’est pour renseignement lui-même, du moins pour les examens. Aux États-Unis, les devoirs et la responsabilité de l’éducation nationale reposent sur la législation des États et sur les municipalités qui taxent directement les citoyens pour cet objet. On comptait, en 1880, deux cent vingt-six mille écoles de tous genres fréquentées par six millions d’élèves. Un acte du Congrès, en date du 2 juillet 1862, a alloué à chaque État des terrains considérables dont la vente devait faciliter les moyens de développer l’enseignement de l’Agriculture et des Arts industriels. Quelques États ont d’abord une Société centrale d’agriculture, un entomologiste spécial, un bureau de statistique en rapport avec celui de Washington, puis des collèges et des universités ou établissements d’instruction supérieure. Je citerai ceux d’Harvard et d’Amherst, dans le Massachusetts, celui de Brown dans le Rhode-Island, le Yale collège, dans le Connecticut, l’université de Michigan, à Ann Harbour, de Missouri, à Columbia, de Gornell à Ithaca, d’Arkansas à Fayetville, de Berkeley, en Californie, enfin l’Agricultural Institute de Hampton en Virginie. Plusieurs de ces universités joignent à l’enseignement agricole des cours techniques de sciences et d’arts industriels.

Après ces universités viennent une légion de collèges d’agriculture qu’il serait trop long d’énumérer ; qu’il me suffise de dire que dans le Rapport officiel, les Clubs, Granges et les associations agricoles, en général, sont au nombre de plus de cinq mille.

Toutes ce3 associations ont pour but le progrès agricole, sous toutes ses formes, y compris l’élevage du bétail, l’agriculture, la laiterie, la pisciculture, et toutes les industries y relatives.

Disons maintenant quelques mots des sociétés d’horticulture proprement dites.

Lu première a été établie à New-York en 1818 ; après elle vint celle de Philadelphie en 1827, puis celle de Boston en 1829.

Aujourd’hui, les Sociétés principales, après les trois que je viens de nommer, sont « l’American horticultural Society » qui a succédé à la Société de la vallée du Mississipi, puis la Société de Californie, de la Floride, de la Géorgie, de l’Illinois, de l’Indiana, de l’Iowa, du Michigan, de l’Ohio. En somme, on compte soixante-cinq Sociétés principales ayant des ramifications multiples, et trente-huit publications spéciales à l’agriculture ou à l’horticulture. Des aima ni ; hs spéciaux donnent les noms des principaux fleuristes, horticulteurs, grainiers et pépiniéristes : leur nombre s’élève à plus de dix mille.

Les États-Unis, il y a quelque tr ; nie ans, avaient recours à nous et à la Belgique pour l’importation des arbres fruitiers ; aujourd’hui, ils ont obtenu, par les semis, des raisins et des fruits de tous genres adaptés à leur sol et à leur climat ; ils nous envoient à leur tour quelques-uns de leurs grains qui, comme les pèches Amsden et Alexander, sont venus enrichir nos collections. La production fruitière est si abondante dans quelques États qu’on a recours à la dessiccation sur une grande échelle pour l’exportation ; quelques-uns de leurs fruits de conserve viennent déjà lutter à prix égal sur nos marchés et il est hors de doute que, dans un temps donné, quand les procédés de vinification seront mieux connus, les vins de la Californie, du Missouri et de l’Ohio feront une sérieuse concurrence aux nôtres sur les marchés du nouveau monde.


  1. A Directory of départements, boards, societies, collèges, and other organizations in the interest of Agriculture, etc. Washington, april 1885. — Report of the département of Agriculture. Washington, 4884. — Transactions ot the American horticultural society. Indianapolis, 4885. — Report of the commissioner of Agriculture, 1885.