Flambergenuméro 2 (p. 33).

Les gros ! les grands ! si c’est à vous,
Écus sonnants et bonnes terres…
Les gros, les grands, si c’est à vous,
Vous les gardez pour vous
— Mais nos vingt ans, ils sont à nous
Et c’est notre seul bien sur terre
Mais nos vingt ans ils sont à nous
Nous les gardons pour nous !

Gueux, qu’avions-nous jusqu’à ce jour ?
De l’or pas un sou ! Du sol : pas un pouce !
Notre âge nous livre l’Amour
Blond trésor et vigne aux vendanges douces !
Mais voici qu’on veut nous voler
Trois ans d’un bonheur éclos bien à peine
Et voici qu’on veut affubler
Nos tendres vingt ans d’oripeaux de haine !

Pourquoi des clairons, des tambours ?
— Le violon jase au fond des charmilles —
Les galons et les brandebourgs ?
— Ça fait mieux autour du jupon des filles !
Notre nom dans un cœur aimé
Reposera mieux qu’au sein de l’Histoire
Car nous nous flattons d’estimer
Une nuit d’amour plus qu’un jour de gloire !

Notre bonheur n’est pas jaloux
Du bonheur de ceux qui disent : « je t’aime »
Dans un autre patois que nous…
Nous ne voulons pas troubler leur poème
Et fiers d’épeler à présent
Dans un livre plein de douces paroles
Pour apprendre à verser du sang
Nous ne voulons pas aller à l’école !

Le Mensonge en l’Amour prend corps
Mais il prête une âme aux drapeaux qui bougent
Alors nous préférons encor
Le mensonge rose au mensonge rouge.
Et sur ce, bourgeois impotents
Dont le champ fleurit, dont le coffre brille,
Ne demandez plus nos vingt ans
— Ils sont promis pour le prochain quadrille !

Les gros ! les grands !… si c’est à vous
Écus sonnants et bonnes terres…
Les gros ! Les grands ! si c’est à vous,
Vous les gardez pour vous !
— Mais nos vingt ans, ils sont à nous
Et c’est notre seul bien sur terre
— Mais nos vingt ans, ils sont à nous
Nous les gardons pour nous !