Nos travers/Formation physique

C.O. Beauchemin & Fils (p. 189-191).

FORMATION PHYSIQUE

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J’ai déjà dit un mot de l’encouragement que quelques-uns donnent au vice de la gourmandise, l’un des premiers qui se manifestent chez l’homme. Je connais des familles dont tous les membres portent la peine d’une pareille incurie. Ces malheureux expient par une dyspepsie invétérée les inconséquences d’une mère qui, loin de mettre des bornes à leur gloutonnerie enfantine, s’ingénia à l’augmenter encore. L’erreur que je signale est des plus communes et des plus enracinées dans notre population. S’il venait à l’idée des médecins des familles de mettre, comme c’est leur devoir, les jeunes femmes en garde contre les dangers de ce traitement inhumain, s’ils faisaient observer aux mamans inexpérimentées qu’il est absolument contre nature de tenir de pauvres petits organismes en perpétuelle fonction, cela leur prendrait de nombreuses années avant de triompher d’un vice radical et national. Mais, Dieu sait qu’ils ne songent guère à entreprendre cette réforme urgente et longtemps encore, nos mignons compatriotes pourront à leur aise crever d’indigestion.

L’habitude se répand fort heureusement de conserver dans les familles de ces traités d’hygiène et de médecine qui suppléent à l’imprévoyance de la plupart des médecins et guident les jeunes mères dans l’«  élevage » de leurs bébés.

Il faut convenir que sous le rapport de l’hygiène, l’éducation de la jeunesse a fait de grands progrès dans notre pays depuis quelques années. Nos filles, durant la période de leurs études, sont maintenant initiées aux « sports » athlétiques et d’agréments. Le malheur est qu’on ne poursuive pas plus loin ce salutaire entraînement. De même qu’elles ferment irrévocablement leurs livres, du jour où elles quittent le couvent, la plupart de nos mondaines abandonnent tout exercice physique pour tomber dans cet engourdissement, général que nous avons déploré plus d’une fois. Cette double oisiveté conduit dans bien des cas, à une sorte d’anémie à la fois physique et morale qui les laisse défaillantes, affolées devant le danger ou dans les situations critiques exigeant du sang-froid et de la force de caractère. On ne trouve pas à toutes les portes de vaillantes canadiennes comme celle qui, il y a quelques années, accomplit — on se le rappelle peut-être — deux fameux exploits. La fille énergique dont je veux parler sauva une fois la vie à son père qui allait se noyer, et dans une autre circonstance délivra un enfant, enlevé par un aigle en visant d’une main ferme et tuant raide l’oiseau ravisseur.

Par le fait de la couardise de névropathes élevées dans la mollesse et l’inertie, de précieuses vies ont été souvent perdues qu’une initiative courageuse et de la présence d’esprit auraient pu conserver.

Notre peuple endormi depuis de longues années dans la banalité d’une existence historiquement obscure, a besoin d’un stimulant pour réveiller en lui le sentiment chevaleresque qui se meurt et fouetter son sang gaulois en train de se figer.

Les patriotes qui sont à la tête de l’Académie Nationale, en laquelle nous fondons tant d’espérances, trouveront matière à exercer leur zèle à cet égard. Déjà les cours d’histoire populaire qu’ils y donnent, les drames héroïques dans les spectacles offerts comme divertissements, tendent à faire renaître chez le citoyen français du Canada le culte passionné de l’honneur ainsi que cette fière et joyeuse vaillance, qualité essentielle de la race française.

Il faudrait encore ouvrir à notre jeunesse un gymnase qui lui donnât toutes les facilités d’acquérir la force et la grâce physiques et mît un tempérament plus ferme et plus viril au service de ses facultés. Il faut que notre compatriote, en un mot, ne soit dans son pays, et d’aucune façon, l’inférieur de qui que ce soit.