Nos enfants/L’Écurie de Roger

Hachette (p. 18-19).

L’ÉCURIE DE ROGER


C’est un grand souci qu’une écurie. Le cheval est un animal délicat, qui exige mille soins. Demandez plutôt à Roger.

En ce moment il panse son bel alezan, qui serait la perle des chevaux de bois, la fleur des haras de la Forêt-Noire, s’il n’avait perdu la moitié de sa queue à la bataille. C’est pour Roger une question de savoir si les queues des chevaux de bois repoussent.

Après les avoir pansés en idée, Roger donne à ses chevaux une avoine imaginaire. C’est ainsi qu’il convient de nourrir ces menus fantômes de bois qui promènent les petits garçons à travers le pays des rêves.

Voilà Roger parti pour la promenade. Il a monté son cheval. Bien que la pauvre bête n’ait plus d’oreilles et que sa crinière ressemble à un vieux peigne ébréché, Roger l’aime. Pourquoi ? On ne saurait le dire. Ce cheval rouge, c’est le cadeau d’un pauvre homme. Et peut-être y a-t-il dans les présents des pauvres une grâce secrète. Souvenez-vous du Dieu qui bénit l’offrande de la veuve.

EN CE MOMENT, ROGER PANSE SON BEL ALEZAN QUI SERAIT LA PERLE DES CHEVAUX DE BOIS, LA FLEUR DES HARAS DE LA FORÊT NOIRE, S’IL N’AVAIT PERDU LA MOITIÉ DE SA QUEUE À LA BATAILLE.

Roger est parti. Il est bien loin. Les fleurs du tapis lui semblent les fleurs des tropiques. Bon voyage, petit Roger ! Puisse votre dada vous conduire heureusement par le monde ! Puissiez-vous n’en avoir jamais de plus dangereux ! Petits et grands, nous chevauchons tous le nôtre ! Qui n’a pas son dada ?

Les dadas des hommes courent comme des fous sur tous les chemins de la vie ; l’un vole à la gloire, l’autre au plaisir ; beaucoup sautent dans les précipices et cassent les reins à leur cavalier. Je vous souhaite, petit Roger, d’enfourcher, quand vous serez grand, deux dadas qui vous mèneront toujours dans le droit chemin : l’un est vif, l’autre est doux ; ils sont beaux tous deux : l’un se nomme Courage et l’autre Bonté.