Nomination de Charles duc de Bourbon connétable de France

Ordonnances des rois de France de la troisième race
impr. royale (19p. 154-157).

[1]Nomination du duc de Bourbon[2], à l’état et office de connétable de France (1483)


Charles, par la grace de Dieu, Roy de France, à tous ceux qui ces presentes lectres verront, salut. Comme, après le trespas de feu nostre très-cher seigneur et pere, que Dieu absoille, et par aucuns grands seigneurs de nostre sang et lignage et autres notables personnages de nostre grand conseil estant presentement autour de nous, ayons esté avertis de plusieurs grandes affaires de nostre royaume, entre autres choses, nous ayant esté par eulx remonstré que, pour le bien de nous, seureté et entretenement de nostre royaume et de toute la chose publique d’iceluy et conduite de nos gens de guerre, attendu nostre jeune asge, estoit très-necessaire, convenable et expédient de pourvoir à l’estat et office de connestable de France, duquel estat et office nous avons trouvé nostre royaume depourvu ; et à cette cause, ayant esté avisés par les dessusdits que audit office et estat soit par nous pourvu d’un personnage de grande autorité, prudence et longue experience, tant es faicts de la guerre que es autres plus grands et principaux matieres et affaires de nostredit royaume, à nous toutesfois seur et féable, sçavoir faisons que, après que cette matiere a esté debattue entre lesdits seigneurs de nostre sang et lignage, prelats, barons et autres notables personnages en nostredit grand conseil, et que, par l’opinion de tous, eulx convenans ensemble en grand nombre, reduisans à memoire la consanguinité, affinité et proximité de lignage qui tousjours a esté entre nos prédécesseurs Roys de France et les Ducs de Bourbonnois et d’Auvergne, qui sont descendus de nostre maison, de nos predecesseurs Roys de France en la lignée de Monseigneur Sainct Louis nostre predecesseur, et dont nous attient et est prochain nostre très-cher et très-amé oncle et cousin Jean, Duc de Bourbonnois et d’Auvergne, Comte de Forez et de l’Isle, seigneur de Chastel-Chinon, de Roche et de Nonnay, pair et chambrier de France, nostre lieutenant general et gouverneur en nostre pays de Languedoc, les sens, prudence, vaillance, longue experience qui sont et ont esté en sa personne dès son jeune asge, tant en faict des guerres que autres grandes affaires de nostre royaume, et aussi les hauts, louables et recommandables services que nostredit oncle et cousin a faits par cy-devant, en ensuivant comme vray imitateur des memorables faicts et grandes vertus de ses predecesseurs et ancestres, dont les aucuns sont morts et autres esté pris des Anglois anciens ennemis de nostredit royaume, pour la tuition et defense d’iceluy, et mesmement que nostredit oncle et cousin a faits depuis sa jeunesse à feus nos très-chers ayeul et père es conquestes des duchés de Normandie et Guyenne, esquelles il s’est grandement et vaillament porté, tant à la bataille de Fromigny, gagnée sur nosdits ennemis, où il estoit lieutenant general et chef, ayant la principale charge et conduite de l’armée et gens de guerre de nostredit seigneur et ayeul, que en plusieurs autres batailles et rencontres desdits ennemis, sieges et autres actes de guerre, où il s’est trouvé vertueusement et continuellement employé de tout son pouvoir, sans y epargner corps ne biens, tellement qu’il a bien merité d’en estre de nous et de toute la chose publique de nostredit royaume reconnu d’honneur et de preeminence ; par quoy, entre les autres princes et seigneurs de nostre sang et lignage, estoit digne et suffisant d’avoir et d’obtenir de nous ledit office et estat de connestable de France, nous, pour consideration des choses dessusdites, en reconnoissant les services dont dessus est faite mention, faits par nostredit oncle et cousin, et qu’il nous fait de présent en la conduite et direction des plus grands et plus hauts faits et affaires de nostre royaume et de toute la chose publique d’iceluy, en quoy, despuis nostre nouvel advenement à la couronne, il s’est très-affectueusement employé en grande cure, diligence et sollicitude, et esperons que tousjours fasse le temps à venir, confiant par ce singulierement et entierement de ses grandes et louables vertus, iceluy pour ces causes et autres à ce nous mouvans, et par ladvis et deliberacion des dessusdits, avons fait, constitué, estably et ordonné, et par ces presentes faisons, constituons, establissons et ordonnons connestable de France, et ledit office de connestable lui avons donné et octroyé, donnons et octroyons, de grace especiale, par cesdites presentes, pour iceluy office de connestable de France avoir, tenir et d’ores en avant exercer par nostredit oncle et cousin, ensemble et avec ledit gouvernement du Languedoc et autres estats, gages, pensions et bienfaits qu’il a de present et pourra avoir cy-après de nous, aux honneurs, prerogatives, preeminences, facultés, droits, gages, profits et autres quelzconques emolumens accoustumés et audit office appartenans, et avec tels pouvoirs, jurisdiction et autorité que les connestables de France qui par cy devant ont esté ses predecesseurs audit office, ont, pour raison d’iceluy, eu et accoustumé d’avoir ; et voulons et entendons aussi, et ainsi nous plaist estre fait, à ce qu’en toutes choses raisonnables il lui soit mieux obey par tous nos sujets et qu’il puisse mieux et plus convenablement pourvoir à toutes les choses où le besoin sera, pour le bien, seureté et tranquillité de nous et nostre royaume, qu’il ayt faculté et puissance de user par tout nostredit royaume de l’autorité et pouvoir de lieutenant general de par nous, pour pourvoir en notre absence à toutes les choses où il verra besoin estre pour le bien de nous, de la chose publique, soulagement, repos et tranquillité de nosdits subjets ; et auquel estat de lieutenant de par nous, par tout nostre royaume, l’avons ordonné et constitué, ordonnons et constituons par cesdites présentes, sans prejudice toutesfois du pouvoir et auctorité de lieutenant par nous baillé et octroyé en aucunes contrées particulières de nostre royaume, à aucuns seigneurs de nostre sang et lignage, et autres quelzconques ; et entendons que, esdits lieux où il y a lieutenance particuliere, à l’occasion de ces presentes aucune chose ne soit derogée, ainçois que, quand le cas y echerra, nostre oncle et cousin et les autres seigneurs de nostre sang et lignage et autres quelzconques à qui avons baillé lesdites lieutenances particulieres, puissent user les uns avec les autres en bonne amour et union, chacun en ses fins et metes, en tout ce qu’ils verront estre à faire pour et au bien de nous et de nosdits royaume et subjets. Si donnons en mandement par ces mesmes presentes à nos amez et féaulx conseillers les gens de nos parlemens à Paris, Toulouse, Bordeaux et Dijon, aux gens aussi de nos comptes à Paris, tresoriers de France et generaulx conseillers par nous ordonnés sur le fait et gouvernement de toutes nos finances, chacun ainsi qu’a luy appartiendra, que desdits office et estat de connestable de France et lieutenance generale par nostre royaume, ainsy que dessus est declaré, ils fassent, seuffrent et laissent, chascun en son endroit, nostredit oncle et cousin, duquel avons pris et reçu le serment et hommage pour ce à nous deubs et en tel cas accoustumez, et lequel avons mis et institué en possession et saisine de par nous desdits office et estat, ensemble des honneurs, prerogatives, preeminences, facultés, droits, profits et emolumens dessusdits, joyr et user plainement et paisiblement, et à luy obeir et entendre de tous ceux et ainsy qu’il appartiendra, es choses touchant et regardant lesdits estats et offices. Mandons en outre auxdits tresoriers et generaulx conseillers sur le faict et gouvernement de toutes nos finances, que les gages audit office appartenans ils facent, des deniers tant ordinaires que extraordinaires, payer et delivrer à nostredit oncle et cousin ou à ses commis et deputés par iceluy, ou ceux de nos receveurs qu’ils aviseront, aux termes et en la maniere accoustumés, et par rapportant ces presentes ou vidimus d’icelles fait soubz scel royal, pour une fois, et sur quittance suffisante de nostredit oncle et cousin tant seulement, nous voulons lesdits gages estre alloués, comptés et rabattus de la recepte d’iceluy ou ceux de nos receveurs qui payés les auront, par lesdits gens de nosdits comptes, auxquels nous mandons ainsy le faire sans difficulté. Mandons aussy et commandons à tous nos capitaines et conducteurs de nos gens de guerre, tant de nostre ordonnance que autres mis ou à mettre sus de par nous, capitaines des places, villes, chasteaux et forteresses de nostre royaume, et à tous nos autres justiciers, officiers et sujets et à chacun d’eulx, que à nostredit oncle et cousin, ses commis et deputés, en faisant et exerçant les offices et estats dessusdits par nous à luy baillés, ils obeissent et entendent diligemment, lui fassent ouverture desdites places quand le cas le requerra, et donnent conseil, confort, ayde, faveur et prisons se mestier est et requis en sont. Et, pour ce que on pourra avoir affaire de ces presentes en plusieurs et divers lieux, nous voulons que au vidimus d’icelles, faict soubz scel royal, foy soit adjoustée comme à ce present original. En temoin de ce nous avons fait mettre nostre scel à cesdites présentes. Donné à Blois, le vingt-troisiesme jour d’Octobre, l’an de grace mil cccc quatre-vingt-trois, et de nostre regne le premier. Et sur le reply desdites lectres est écrit ce qui s’ensuit : Par le Roy en son Conseil, Messeigneurs les Ducs d’Orléans et d’Alençon[3], les Comtes d’Angoulesme[4], de Clermont, Comte Dauphin d’Auvergne[5], de Bagié seigneur de Bresse, de Vendosme, de Monfort, de Danois, de Roussillon Admiral, et de Comminges, Vous, les Archevesque de Rheims[6] et Evesque de Langres[7], Pairs de France ; les Evesques d’Alby[8], de Constances[9] et de Périgueux[10], le Grand-Maistre[11], les seigneurs de Chastillon, de Torcy, de la Tremoille, de Richebourg, de Curton, Desquerdes et de Gié, Mareschaulx de France, de Chastillon, de Touteville, de Moyon, de Maulny, de Montresor, de Genly, de Boissy, de Monteil, et autres presens.

  1. Manuscrits de Dupuys, vol. 755 ; Godefroy, Histoire de Charles VII, « preuves », p. 359 et suiv.
  2. Jean II du nom, Duc de Bourbon, fils aîné de Charles Ier, long-temps connu sous le titre de Comte de Clermont, et qui se distingua comme guerrier sous le règne de Charles VII. Voir les lettres suivantes. Il avoit pour frère Pierre de Bourbon, sire de Beaujeu. Celui-ci avoit épousé en 1474 la Princesse Anne, fille aînée de Louis XI, à laquelle le Roi mourant confia l’administration de la France ; décision qui excita de vives réclamations de la part des Princes les plus voisins du trône, et de Charlotte de Savoie, mère de Charles VIII. Jeanne, Duchesse de Berry, autre fille de Louis XI, avoit épousé le Duc d’Orléans, mariage qui fut annullé après l’avénement de ce Prince à la couronne : il épousa alors Anne de Bretagne, veuve de Charles VIII.

    On lit, au sujet de la volonté de Louis XI pour l’administration de la France après sa mort, quelques détails pleins d’intérét dans le registre du conseil du Parlement, pag. né ; les droits du Prince et les maximes de la monarchie y sont rappelés avec autant de force que d’indépendance, et la conduite de Madame de Beaujeu jugée comme elle devoit l’étre par de sages et fidèles magistrats. C’étoit au mois de janvier 1483 ; les États généraux venoient de s’assembler à Tours.

  3. René, fils de Jean le Beau, d’abord si favorisé par Louis XI, et renferme ensuite par ses ordres dans une cage de fer, où il resta plusieurs mois. Jean le Beau, son père, avoit été deux fois condamné à mort sous le règne de Louis XI, et les deux fois le Roi lui avoit fait grâce de la vie.
  4. Le Comte d’Angouléme étoit alors Charles d’Orléans, père de François I.er Voir la note b de la page 591 du tome XVIII.
  5. Louis de Bourbon, premier du nom, devenu Dauphin d’Auvergne par la donation de sa femme, fille unique du Dauphin Beraud III.
  6. Pierre de Laval.
  7. Jean d’Amboise, frère du Cardinal qui devint si célèbre comme ministre sous le règne de Louis XII. Voir le Gallia christiana, tome IV, p. 65 1 et 652.
  8. Voir la note b, ci-dessus, page 131.
  9. Geofroy Herbert. Voir le Gallia christiana, tome XI, page 896.
  10. Geofroy de Pompadour. Gallia christiana , tome II, p. 1482. L’évéque de Périgueux, celui d’Alby et celui de Montauban, furent accusés, trois ans après, dune conspiration dans laquelle Philippe de Commines fut aussi impliqué. Voir, outre la Gaule chrétienne, Godefroy, Histoire de Charles VIII, pag. 14.
  11. C’étoit alors le Comte de Laval.