Noelz de Jehan Chaperon/Avant-propos

Noelz de Jehan Chaperon, dit le Lassé de repos
(p. vii-xvii).

AVANT-PROPOS.



Nous ne possédons pas de détails biographiques sur Jehan Chaperon, dit le Lassé de Repos ; l’étude de ses ouvrages permet de penser qu’il était Parisien ou tout au moins qu’il habitait Paris, mais ne nous fournit aucun autre renseignement[1]. Notre auteur n’appartint pas au petit groupe des poëtes qui jouirent des faveurs de la Cour et exercèrent une influence sensible sur la littérature de leur temps ; ce fut sans doute un écrivain besogneux, qui rima pour le peuple et sous une forme triviale, tantôt des complaintes sur les héroïnes du Champ-Gaillard, tantôt des cantiques pieux ou des chants de victoire. Nous trouvons dans ses œuvres les véritables refrains de la rue. Ce caractère populaire donne aux productions de Chaperon un certain intérêt, en même temps qu’il explique leur extrême rareté. Voici la liste de celles qui nous sont connues ; nous plaçons les Noëlz à leur date, sous le no III.


I


¶ Les grans re || gretz et cõplainte || de ma damoysel- || le du pallais. — [À la fin :] Tout par soullas. S. l. n. d. [Paris ?, 1536 ?], pet. in-8 goth. de 4 ff. de 25 lignes à la page, sans chiffres, réclames ni signature.

L’édition n’est ornée d’aucun bois. Le texte commence au vo du f. de titre, lequel est resté à moitié blanc.
Biblioth. nat., Y. 4437 A (11), Rés.
Cette pièce a été reproduite en 1842, par les soins de M. A. Veinant, dans la Collection de Poésies, Romans et Chroniques de Silvestre (no 17), et, en 1877, par MM. de Montaiglon et de Rothschild, dans leur Recueil de Poésies françoises, XIII, 414–425.


II


Le Dieu || gard de Marot a || son retour de Ferrare en France A || uecques la triũphe des trioletz ou || est comprins les neuf preuses, Les || deuis de deux amans & plusieurs || ballades Rõdeaux espitres, disains || huictains & quatrains ensemble la || chanson de hesdim composez pa [sic] || Iehan Chapperon dit le lasse || de Repos.|| ¶ On les vent a Paris a la rue || neufue nostre dame a lanseigne || Sainct Nicolas. S. d. [vers 1537], in-16 de 32 ff. non chiff. de 21 lignes à la page, impr. en jolies lettres rondes, sign. A-D par 8.

Le titre est entouré d’un élégant encadrement. L’adresse est celle du libraire Pierre Sergent.
Biblioth. nat., Y. 4496 (recueil) — Exempl. incomplet du dernier f.

Ce volume contient les pièces suivantes :


1o (fol. Ai b). Le Dieu Gard de Marot a la Court.

Viéne la Mort,quant bon luy semblera ;
Moins que jamais mon cueur en tremblera…

Voy. Marot, éd. Jannet, I, 238.


2o (fol. Aiij b). Huictain du Lassé de repos disant Dieu gard audit Clement Marot.

Ung doulz Dieu gard Clement si nous donna
A son retour, ainsi que home tressage…


3o (fol. Aiiij a) : La Triumphe des Trioletz, ou est compris les Neuf preuses et vertueuses Femmes, le Devis de deulx amans, avec plusieurs ballades, rondeaux, epistres, disains, huictains et quatrains, ensemble la Chanson de Hedin ; composez par Jehan Chapperon, dit le Lassé de repos :


a. A ung sien amy, a qui le Lassé de repos presente ce livre pour son lendit.

b. Les Neuf Preuses (Semiramis, Menelape, Amasonne, Lampheton, Creüsa, Panthasillée, Hipolite, Deiphile, Talestra).

c. Les Devis des deux Amantz par seize trioletz.

d. Plusieurs (34) Trioletz a tous propos.

e. Aux benins Lecteurs J. Ch., dit le Lassé de repos, donne salut.

f. Rondeau d’une dame que le Lassé de repos vit sur une lingiére, luy estant en son estude, composant la presente Triumphe des Trioletz.

g. Balade sur la delivrance du genre humain.

h. Balade du temps present.

i. A Nicolle Le Févre, a qui le Lassé de repos donna le jour de l’an en bonne estraine unnes heures, laquelle le pria d’aprendre a dancer.

j. A noble et scientifficque seigneur Eustache Picard, secretaire du roy, nostre sire, a present eschevin de Paris et seigneur de Mauguichet, le Lassé de repos estant a Balleau envoya ce bref.

k. Epistre a ung sien amy estant a Potiers, qui luy avoit escript.

l. Fentasie dudit Lassé de repos. Envoyé a scientifficque parsonne maistre Christophe de Belin, maistre et administrateur de l’Hostel Dieu de Gonnesse.

m. Rondeau d’aucuns compaignons qui furent desbochez de dessur leur maistre.

n. Rondeau en maniére d’oraison a Dieu le Pére, priant pour ung amy malade.

o. Rondeau de deux compaignons qui furent prins au boys des Briéres avecq deux triumpheuses.

p. Huictain dudit Lassé de repos envoyé en une sienne amye, luy estant devant Hesdin.

q. Huictain a celle mesme, luy envoyant ledit bracelet par loppins, pource qu’elle avoit faict nouveau amy a son absence.

r. Disain a un sien amy.

s. Huictain contre folles femmes.

t. Quatrain a un sien amy, le voulant retirer d’amours.

u. Autre Quatrain a une dame qui[2] l’avoit blasmé de ce quatrain premier.

v. Huictain a quelque sien amy, l’advertissant de l’astuce de la dame qu’il poursuyvoit par amours.

w. Huictain de honneste et familiére compaignie.

x. Huictain sur deux motz qu’une dame luy dit que le masculin se met avec le feminin.

y. Disain du Landit donné a une sienne amye.

z. Huictain a maistre Arthus Barthier, son trescher amy, qui estoit retourné de court.

aa. La Chanson de Hesdin sur le chant de : Marseille la jolie.

Hedin fut assaillie
Par le roy des Françoys,
Devant Pasques fleurie,
En merveilleux arroys…


Cette chanson se rapporte à la prise d’Hesdin à la fin du mois de mars 1537[3] et non à celle de 1521. Le volume de la Bibliothèque nationale, incomplet du dernier f., ne nous a conservé que les cinq premiers vers de la pièce, mais on en trouve le texte complet dans le recueil intitulé : Plusieurs belles Chansons nouvelles (Paris, Alain Lotrian, 1542, pet. in-8o goth., no 37 ; p. 66 de la réimpression donnée par M. Percheron chez J. Gay et fils à Genève, en 1867) et dans les Chansons nouvellement composées sur plusieurs chants, tant de musique que rustique (Paris, Jehan Bonfons, 1548, pet. in-8 goth., no 53 fol. K 5 a de la réimpression publiée par M. Baillieu, à Paris en 1869). Le dernier couplet de la chanson est ainsi conçu :


Un compagnon de France
La chanson composa,
Que[4] au lict de souffrance
Fortune disposa[5] ;
Chaperon[6] se nomma,
Des malheureux l’esclave,

Qui du camp retourna
En estat non trop brave.


Ces mots donnent à penser qu’en 1537, c’est-à-dire l’année qui précéda la publication de ses noëls, Chaperon faisait partie de quelque troupe d’aventuriers.


III


Sensuyt Plu- || sieurs Noelz nouueaulx de Ceste || presente annee Mil cinq cens XXXVIII. Sur || plusieurs chansons nouuelles : Composez || par le lasse de Repos. || ¶ Et premierement. || ¶ On les vend a Paris en la rue neufue || nostre dame a lenseigne sainct Nicolas. — [À la fin :] ¶ Ainsi soit il de nous || Amen || Tout par soulas. Pet. in-8 goth. de 12 ff. non chiffr. de 26 lignes à la page pleine, sign. A-C par 4.

Au titre, un petit bois de la Fuite en Égypte, entouré de bordures. Le même bois et les mêmes encadrements se retrouvent au verso.
L’adresse est celle du libraire Pierre Sergent.
Biblioth. ducale de Wolfenbüttel, B. 798, dans un volume contenant quatre autres recueils de Noelz, qui ont dû paraître en même temps chez P. Sergent.


IV


Le Chemin || de long estude || de dame Cristine || de Pise. || Ou est descrit le debat esmeu au || parlement de Raison, pour l’e- || lection du Prince digne de gou- || uerner le monde. Traduit de || langue Romanne en prose Fran- || çoyse, par Ian Chaperon, dit || lassé de Repos. || Tout par soulas. || Auec Privilege. || À Paris || De l’imprimerie d’Estienne Groulleau, de- || mourant en la Rue Neuue nostre Dame à || l’enseigne saint Ian Baptiste. || 1549. In-16 de 140 ff. non chiffr. de 22 lignes à la page pleine (non compris le titre courant), impr. en jolies lettres rondes, sign. A-R par 8, S par 4.

Au vo du titre, se trouve un Extrait du privilége accordé pour six ans à Estienne Groulleau, « marchand libraire et imprimeur à Paris », à la date du 27 mars 1547.
Les 3 ff. suivants sont occupés par une épître en vers « A treshonorée damoyselle Nicole Bataille » et par un avis Au[x] Lecteurs.
Au vo du dernier f., la marque de Groulleau, représentant un vase rempli de chardons, sur les côtés duquel sont placées ces deux devises : Patere, aut abstine ; Nul ne s’y frote.
Biblioth. nat., Y². 728, Rés.
La version de Chaperon a été reproduite, en 1787, par Mlle  de Kéralio dans la Collection des meilleurs ouvrages français composés par des femmes, II, 297–415.

Du Verdier[7] attribue en outre à Jehan Chaperon une traduction du Cortegiano de Balthasar Castiglione qui parut pour la première fois à Paris chez Vincent Sertenas et Jehan Longis en 1537, mais cette attribution repose sur une erreur. La version française du Cortegiano, qui eut au moins quatre éditions de 1537 à 1549, est l’œuvre de Jacques Colin d’Auxerre, dont les initiales sont d’ailleurs les mêmes que celles de Chaperon[8].

Notre auteur n’était pas un savant capable de traduire un livre italien ; tout son talent consistait à composer quelques couplets dénués de prétentions académiques.

Les noëls en général se recommandent plutôt par la naïveté de l’expression que par l’élégance du style ; ils n’en méritent pas moins de fixer l’attention de ceux qui s’intéressent aux vieux chansonniers. On peut y trouver bien des détails curieux, surtout si l’on étudie, comme nous nous proposons de le faire, les « timbres » des chansons. On verra par exemple que Jehan Chaperon débute par le remaniement d’une pièce bien connue de Marot et l’on en pourra conclure qu’en 1538 la chanson : Vous perdez temps, était dans toutes les mémoires.

Plusieurs bibliophiles ont compris l’intérêt qu’offrent ces poésies en apparence grossières. Sans parler des noëls disséminés dans les recueils de chants populaires, M. de Clinchamp a fait paraître ceux de Nicolas Denisot[9] ; M. le baron Pichon a réédité ceux de Lucas le Moigne[10] ; M. Chardon nous a donné ceux de Jehan Daniel[11] et de Samson Bedouin[12] ; M. Lemeignen a réuni en trois volumes un certain nombre de noëls de divers temps et de diverses provenances[13]. Les productions de Jehan Chaperon ont leur place marquée à côté des recueils dont nous venons de rappeler les titres ; nous les recommandons à l’indulgence des lecteurs.

  1. Selon la remarque de MM. de Montaiglon et de Rothschild (Recueil de Poésies franç., XIII, 418), il y eut à Rouen plusieurs poëtes du nom de Chaperon : Louis Chaperon, couronné aux Palinods en 1486 et 1487 (Ballin, Notice sur les Palinods ; Rouen, 1834, in-8) ; — Arnould Chaperon, auteur d’un chant royal présenté aux Palinods au commencement du xvie siècle (Biblioth. nat., mss. franç., no 2206, fol. 230 ; Palinodz, Chantz royaulx, Ballades, Rondeaux et Epigrammes a l’honneur de l’immaculée conception de la toute belle mére de Dieu ; Paris, a l’enseigne de l’Elephant, s. d., in-8 goth., fol. 74 a), et qui paraît se confondre avec le Chapperon, dont un ms. de la Biblioth. Bodléienne nous a conservé deux pièces composées pour les Palinods de 1511 (Ms. Douce 379, fol. 14 a, 86 b ; — frère Chaperon, jacobin, qui présenta diverses pièces au Puy des Pauvres, en 1554 (Sireulde, Thresor immortel trouvé et tiré de l’Escriture saincte ; Rouen, Martin le Megissier, 1556, pet. in-8, fol. 33 a, 54 b, 56 a). Rien ne prouve que ces personnages fussent parents de notre Chaperon.
  2. Impr. qu’il.
  3. Voy. les Mémoires de Du Bellay, ap. Petitot, Collection complète des Mémoires relatifs à l’histoire de France, 1re sér., XIX, 207.
  4. Bonfons : Qui.
  5. Bonfons : desposa.
  6. Lotrian : Chappereau.
  7. Bibliothèque françoise, 671 ; éd. de 1773, II, 380.
  8. Voyez Brunet, I, 1630.
  9. Noelz par le comte d’Alsinoys (Nic. Denisot). Autres Noelz sur les chants de plusieurs belles chansons. On les vend au Mans, chez A. Lanier, 1847. Pet. in-8, tiré à 50 exemplaires.
  10. Noëls de Lucas le Moigne, curé de Saint-Georges du Puy-la-Garde, en Poitou, publiés sur l’édition gothique par la Société des Bibliophiles françois : on y a joint les noëls composés (vers 1524) par les prisonniers de la Conciergerie et deux aguillanneufs tirés du recueil des noëls du Plat d’Argent. Paris, imprimerie de Lahure, 1860. In-16 de xvi et 172 pp., tiré à 30 exemplaires.
  11. Les Noëls de Jean Daniel, dit Maître Mitou, organiste de Saint-Maurice et chapelain de Saint-Pierre d’Angers, 1520–1530, précédés d’une étude sur sa vie et ses poésies par Henri Chardon, président de la Société d’agriculture, sciences et arts de la Sarthe, etc. Le Mans, imprimerie Edmond Monnoyer, 1874. In-8 de lxx et 65 pp., tiré à 50 exemplaires.
  12. Les Noëls de Samson Bedouin, moine de l’abbaye de la Couture du Mans, de 1526 à 1563 ; précédés d’une étude sur les recueils de noëls manceaux du xvie siècle, par Henri Chardon. Le Mans, imprimerie Edmond Monnoyer, 1874. In-8 de 72 pp.

    Extr. du Bulletin de la Société d’Agriculture, Sciences et Arts de la Sarthe, tiré à 50 exemplaires.

  13. Vieux Noëls composés en l’honneur de la naissance de Notre Seigneur Jésus-Christ. — Noëls très-anciens ; Noëls des xviie et xviiie siècles. — Pastorales ; Noëls des provinces de l’Ouest. — Musique des vieux Noëls ; Noëls divers. Nantes, Libaros, 1876, in-8, 3 vol. in-12. — Le nom de l’éditeur, M. Henri Lemeignen, avocat, ne se trouve qu’à la fin des avant-propos.