Almanach du Père Peinard1894 (p. 7).

ALMANACH DU PÈRE PEINARD


NIVÔSE



Nivôse, le mois de la neige, brouh ! Ohé, les fistons, prenez soin de votre blair : si vous ne voulez pas qu’il coule, kif-kif une fontaine Wallace, collez-lui un caleçon.

Et vous autres les niguedouilles qui, pour prendre femme, avez demandé permission au mâre ou au ratichon, tenez vos moitiés à l’œil. L’insigne du mois étant le Capricorne, les bougresses auront le diable au corps et voudront être chauffées de partout. Quoique le printemps soit encore loin, elles ne rateront pas une occase de faire pousser cornes au front de leur mari… Si celui-ci a seulement pour quat’sous de philosophie dans son sac, il se consolera, — le désagrément qui lui arrive étant preuve que sa femme est gironde.

Ce mois-là, la bise buffera ferme, coupant les visages en quatre, — tandis que le gel fendra les pierres et emboudinera les doigts des prolos.

Finaud sera, le mariole, qui fera le compte des mouches blanches voletant dans l’air. À celui-là, le père Peinard promet pour étrennes trente centimètres de ruban wilsonien.

Heureux seront les bidards qui auront pour couverte autre chose que le grand édredon qui emmaillotera la terre.

Turellement, ces sacrés bidards seront ceux qui méritent le moins cette veine. Ceux qui ne souffleront pas dans leurs doigts, parce qu’ils auront des gants et des mitaines, — qui ne battront pas la semelle, parce qu’ils auront leurs pieds de cochons bien au chaud, — ce sont les richards ! Ces birbes-là ne se plaindront pas du frio ; engoncés dans leurs fourrures, ayant dans leurs caves du soleil en bouteilles, c’est-à-dire du chauffage pour se roussir à gogo leurs poils du creux de la main, ils trouveront la saison admirable.

Pour ce qui est des déchards, nom d’une pipe, ce sera une autre paire de manches : les refileurs de comète se patineront ferme pour arriver aux asiles de nuit, avant qu’on ne colle à la porte, kif-kif au cul des omnibus, le triste mot « complet ! »

C’est en Nivôse que les crétins et les jean-foutre de la gouvernance font commencer leur année. Turellement, elle débute par une chiée d’hypocrisies et de menteries.

Des birbes de tout calibre s’enfarineront la gueule, pour faire des mamours à des types qu’ils ne peuvent voir en peinture.

Les fils souhaiteront à leurs vieux de vivre kif-kif Mathieu-Salé, jusqu’à 834 ans, — tandis qu’en réalité ils voudraient les voir crampser illico, afin d’hériter vivement.

Et tous feront pareillement, mille dieux : du plus gros matador au plus petit larbin, c’est à qui fera sa bouche en cul de poule, disant le contraire de ce qu’il pense.

L’année s’ouvrira donc par des mensonges. Quoi d’étonnant qu’elle se continue par mille misères, par des crimes, par des horreurs sans nom, dont sera victime le populo…, tant qu’il sera assez poire pour se laisser faire.