Neant sur la requête du curé de Fontenoy, son Vicaire, le Marguillier, le Maistre d’Ecole, et les Enfans de Choeur de ladite Paroisse. Par Phebus, le Capucin du Lieu

NEANT SUR LA REQUÊTE DU CURÉ DE FONTΕΝΟΥ, SON VICAIRE, LE MARGUILLIER, LE MAISTRE D’ECOLE, ET LES ENFANS DE CHOEUR de ladite Paroisse. Par PHEBUS, le Capucin du Lieu.

A FONTENOY.

M. DCC. XLV.

AVERTISSEMENT.


PHebus le Capucin avertit le Public qu’il donnera incessamment un détail de la Bataille de Fontenoy, parce qu’à l’aspect de quelques Housards, la peur le saisit si fort qu’il se sauva & grimpa au haut de l’arbre presbyteral de la Paroisse, de là au clocher, d’où il a vû avec le Sacristain d’icelle, tout ce qui s’est passé, & rendra le plus fidéle compte qu’il pourra il rapportera la valeur & l’intrépidité du Roy son Maître, & celles des Illustres Heros compagnons de ses victoires ; & comme la valeur ne dépend point d’une imagination foible ou forcée, leur éloge se tirera de leur action même, dans le naturel ; il laissera l’art & la fiction à des plumes mieux humectées & mieux entretenues que la sienne.

Il tâchera d’être ni trop court ni trop négligé ; mais comme le Public est raisonnable, il a aussi trop de compassion pour l’exposer à se casser le col, en exigeant de lui qu’il n’employe que trois heures pour lui faire le récit d’un voyage où il faudroit au moins un an pour en rapporter toutes les beautez & les circonstances ; il sçait qu’il y auroit de l’imprudence d’en faire une Capilotade indigeste, où le sel & le poivre domineroient plus d’un côté que de l’autre, & d’en laisser encore une partie sans assaisonnement ; ne voulant pas d’ailleurs se donner en risée sur une excuse ridicule d’une indispensabilité de devoirs d’Etat, que le Public à qui rien n’échape, sçauroit qu’il n’auroit pas, pouvant fort bien disposer de son tems à loisir & à son aise.

Protestant fort pieusement que quelque avis qu’il survienne, il ne fera ni augmentation ni changement ni d’addition ; & qu’il laissera la critique à qui la voudra faire, n’étant pas assez suffisant pour se croire infaillible & impeccable.

La République Littéraire d’ailleurs ayant le droit de la balance des esprits & du glaive, il se soumettra toujours à ses decrets sans mauvaise humeur & sans mépris.

NEANT

SUR LA REQUESTE

DU CURÉ

DE FONTENOY.

LE VICAIRE, LE MARGUILLIER,

LE MAISTRE D’ECOLE, ET LES ENFANS DE CHŒUR, par PHEBUS le Capucin.


SAns mentir, Monsieur le Curé,
Vous allez d’un air assuré
Donner en Cour une Requête,
Qui n’est ni juste, ni honnête ?
Vous comptez un nombre de morts,
Et vous exigez de leurs corps,
Un droit de mise dans la Terre ?
A-t’on jamais vû dans la Guerre,
Un Curé taxer ses Vainqueurs ?
Crier pour foi, ses Enterreurs ?
Demander sordides salaires,
Pour son, de chaudron, luminaires,
Un chant langoureux, & forcé
De notre Ennemi terrassé ?

Vous calculez bien à votre aise,
Jamais un Commis de Falaise
Sçut mieux que vous l’Addition
& la Multiplication ?
Vraiment l’on fera des victoires
Exprès pour enfler vos memoires,
A l’âge de quatre-vingts ans
Etre encor de ces gens friands,
Qui font des rentes casuelles,
Sur l’espoir des Parques cruelles ?
Vous prenez, dites-vous, six francs
Pour chaque corps de vos Faisans,
Et vous croyez sans avoir honte
Faire aux Guerriers morts, un bon compte ?
En mettant un prix, & marché
A vingt sols le corps tout haché ?
Ah ! votre conscience est tendre
Elle en devroit beaucoup plus prendre ?
Nous voïons bien la charité
De votre blanche vetusté.
Elle compte tant par douzaine,
Par trente, quarante & centaine
Au bout d’un huit font trois zeros.
Que vous ajoûtez à propos ?
Et vous n’êtes pas une bête,
Vous voudriez sur jeune tête
Affermir ce bon revenu,
Le coup me paroit ingenu.
Argent ou rente viagere
Est toujours chose mobiliaire.

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Mais comme il ne vous est rien dû
Qu’en tous vos points j’ai répondu.
Et pour m’avoir rompu la tête,
Je mets Néant sur la Requête.
Attendu même que l’on voit
De tous côtés voler l’exploit,
Que votre dangereux exemple
En abandonnant votre temple,
Pousse Vicaire à même ardeur,
Marguillier, Pedagogue, & chœur.
A former aussi des demandes,
Qui non contens de leurs offrandes,
Veulent du nouveau Pain Beni,
Leur en donnera-t-on ? nenny,
Ils iront boire à la Fontaine,
Non de l’eau de notre Hipocrene
Mais d’une eau qui rafraichira,
Leur grande soif appaisera
Soit de la Meuse ou la Moselle,
Qui bientôt en auront dans l’aile.

Par PHEBUS, le Capucin.