Napoléon et la conquête du monde/I/16

H.-L. Delloye (p. 73-76).

CHAPITRE XVI.

PROMOTIONS.



L’empereur quitta l’Angleterre et revint à Paris dans les premiers jours du mois d’août.

Le 15 du même mois, jour de sa fête, il fit paraître un décret dans lequel, en souvenir des grands événements des deux années précédentes et principalement de la conquête de l’Angleterre, il appelait à de hautes dignités quelques-uns des grands fonctionnaires de l’état.

Eugène Beauharnais fut nommé roi d’Italie.

Napoléon détacha en sa faveur ce titre de sa propre couronne. Le nouveau roi conserva pour l’empereur le gouvernement du royaume d’Italie, sans rien gagner à cette magnifique faveur, qu’une dignité plus complète, mais sans augmentation de puissance.

Napoléon avait appris à l’Europe qu’il pouvait s’emparer à son gré du titre de roi, il voulut aussi lui apprendre qu’il pouvait le résigner et l’abandonner selon son bon plaisir.

Le duc de Cadore fut créé prince d’Oldembourg.

C’était la récompense des traités de paix que, depuis le célèbre traité de Vienne, M. de Champagny avait conclus avec une grande habileté, et en dépassant quelquefois les prévisions de l’empereur. C’était encore un juste hommage rendu par Napoléon à ce ministre aussi distingué par sa probité sévère que par ses hautes facultés, le seul d’ailleurs pour lequel il eût une déférence qui tenait presque de la vénération.

Lorsqu’en 1818 le prince architrésorier de l’empire mourut, le duc de Cadore, prince d’Oldembourg, fut promu à cette éminente dignité.

Les comtes Montalivet, Mollien et Daru furent créés ducs.

Le comte Roy, alors président du corps législatif, et plus tard ministre des finances, fut créé duc d’Illyrie.

Furent nommés maréchaux de France les six généraux :

  
Belliard, 
 créé duc de Mantoue ;
  
Gouvion Saint-Cyr, 
 créé duc de Ferrare ;
  
Molitor ;
  
Foy, 
 créé duc de Tolosa ;
  
Clausel, 
 créé duc de Calabre ;
  
Gérard, 
 créé duc de Ravenne.

Le vice-amiral Gantheaume fut fait comte de Yarmouth et investi de la nouvelle dignité d’amiral, créée dans la marine par le même décret.

Douze généraux de brigade furent nommés généraux de division, et d’autres nombreuses promotions ainsi que des décorations furent répandues dans l’armée sur ceux qui avaient bien mérité dans les derniers événements militaires.

L’empereur voulut aussi que sa mère prît le titre d’impératrice-mère.

Madame mère (comme on l’appelait alors) reculait devant cette magnifique dignité. Elle s’y refusa d’abord, mais Napoléon insista, et lui fit reconnaître que la mère de tant de souverains devait elle-même avoir un titre impérial. Elle fut couronnée à Notre-Dame de Paris, le 27 août de la même année ; l’empereur demanda au pape de poser lui-même la couronne sur la tête de sa mère. Cette cérémonie eut lieu au milieu d’une grande pompe, et l’on y vit, pour la dernière fois, les mains tremblantes et froides du pape Pie VII donner la bénédiction aux peuples. Depuis quelques mois ce saint pontife s’affaiblissait de plus en plus, et il succomba quelques jours après le couronnement de l’impératrice-mère.

À la même époque, les habitants de Marseille crurent l’occasion favorable pour renouveler, auprès de l’empereur, une demande qui, faite une première fois, ne leur avait pas été accordée, c’était d’élever sur la principale place publique de cette ville une statue à Charles Bonaparte, père de l’empereur. Mais Napoléon, qui voulait que tout fût extraordinaire et plus qu’humain dans lui et sa famille, était comme importuné de cette maladroite flatterie ; son père n’avait été qu’un citoyen ordinaire. Le présent et l’avenir lui appartenaient bien, à lui, Napoléon ; mais il ne pouvait rien dans le passé. Il sentait qu’il lui était impossible d’aller fouiller une tombe pour y planter ces vains titres de roi et d’empereur qui n’y germent plus. Il répondit par un second refus.