Néologie, ou Vocabulaire de mots nouveaux/Poupée de marbre
Poupées de marbre. J’appelle ainsi nos statues, et les plus belles, ces Poupées de grands enfans, amateurs de ces arts purement imitatifs, et qui entraînent tant de dépenses extravagantes. Il serait bien temps de faire rentrer dans le rang qui leur est assigné par la vraie philosophie, ces arts somptueux et vains, tant par leur inutilité, que parce qu’ils sont contraires aux véritables intérêts de la grande société.
J’aime comme un autre, la Poupée de marbre dite l’Apollon du Belvedère ; mais je ris de moi-même, quand je me surprends attaché à ce fantôme : en ce moment je cesse d’être homme, je redeviens enfant, et je me condamne, lorsque je réfléchis. Sortons, s’il est possible, des toiles coloriées, des illuminations, des Poupées de marbre, de ces trompeuses et futiles jouissances, tandis que nous en aurions tant d’autres à conquérir et à cultiver. Malgré le peu de valeur de ces arts matériellement imitatifs, pour la félicité d’un peuple, ceux qui les exercent, sont souvent mieux récompensés et plus recherchés que les hommes les plus utiles et les plus estimables. À ce symptôme, on reconnaît que la contagion des frivolités a perverti toute une nation ; alors il faut être fou de la folie universelle : mais quand on a la tête forte, en sent du moins son ivresse. Et la colonne départementale qui doit coûter huit à dix millions ! en vérité, Scaron n’aurait pas mieux fait. J’aime mieux lire la Gigantomachie, que de contempler cet étrange monument ; elle est beaucoup plus amusante. (Voyez Pyramider.)