Néologie, ou Vocabulaire de mots nouveaux/Jobberie

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Jobberie. L’extrait de la séance de la chambre des communes (1794) donne la définition de cette nouvelle expression.

« M. Shéridan se lève, et déclare qu’il demande la parole, pour satisfaire à l’engagement qu’il a pris, et à l’impatience que M. Pitt a éprouvée, ou feint d’éprouver, d’entendre sa motion relative à la communication de certains papiers.

« Le premier devoir de la chambre, dit-il, est de connaître l’emploi des fonds publics, comme l’intérêt de tout ministre qu’on supposera honnête dans sa conduite, et franc dans ses comptes, est d’aller au-devant de cet examen, qui ne fut, à aucune époque de notre histoire, aussi nécessaire qu’au temps actuel.

« Souvenons-nous sans cesse que le denier du malheureux ne doit pas être la proie du ministre, que le pain du laboureur et de sa famille indigente ne doit pas être coupé par morceaux, et arraché de ses mains.

« Hier, je désignai sous le nom de Jobberie, une partie de la conduite du ministre, relativement aux traitemens alloués à ce gouvernement depuis la guerre ; le ministre (Pitt), dans la simplicité et la candeur de son ame, affecta de ne pas comprendre le sens de ce mot, Jobberie : il est vrai que cette expression n’est pas du style élevé, mais elle est très-intelligible ; et puisque l’honorable membre en desire l’explication, je vais la lui donner.

« Quand les émolumens, le profit, le salaire, les honneurs, la faveur, les avantages enfin, de quelque nature qu’ils soient, sont accordés à une personne qui ne les mérite point, soit par ses talens, soit par son caractère, soit par ses services publics ; enfin, quand ce qu’elle donne n’est pas proportionné à ce qu’elle reçoit, c’est alors une Jobberie.

« Si des intérêts privés, si des affections personnelles, ou tout autre motif que le bien général, font placer un individu à un poste qu’un autre remplirait beaucoup mieux, c’est une Jobberie. Or, ma motion porte sur des faits de ce genre. » (Shéridan.)