Néologie, ou Vocabulaire de mots nouveaux/Causerie (2)

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Causerie. Douce et affectueuse conversation, pleine d’agrément, dégagée de toute prétention ; épanchement naïf et délicieux de l’ame, qui a lieu dans le tête-à-tête de deux amis, soit du même sexe et du même âge, soit de sexe et d’âge différens. Si le cercle est plus nombreux, le touchant caractère de la Causerie s’affaiblit sensiblement, à moins qu’il n’y ait convenance parfaite entre les personnes qui se réunissent. La Causerie est à la conversation soutenue, ce que la réserve est à la pensée, à la méditation ; elle a quelque chose d’intéressant et de vague ; elle suppose une ame aimante et honnête, qui ne craint pas de se laisser voir, de se laisser connaître, qui aime à se rendre compte à elle-même et aux autres, à régulariser ses positions et ses mouvemens, par cette comptabilité intime et amicale, et à fortifier, en quelque sorte, le ressort de sa moralité et de sa conscience, en joignant la force, la chaleur et la lumière des plus douces affections.

La Causerie est le moment, le véhicule des confidences, des aveux ; elle instruit sur eux-mêmes, ceux qui s’y livrent ; elle leur révèle leurs propres secrets, qu’ils parviennent ainsi à démêler et à reconnaître. Elle apprend bien plus que de gros livres sur les passions, leurs ruses, leurs sophismes, leurs piéges en général sur le cœur humain.

Un jeune homme peut avoir de très-agréables, de très-instructives Causeries, même avec une femme âgée ; mais il faut qu’il y ait de l’amitié. On a des conversations à la ville ; on a plus aisément, plus volontiers des Causeries à la campagne. Ce précieux genre de communication suppose une connaissance intime à laquelle toutes les parties intéressées n’ont qu’à gagner. Des amis peuvent s’inviter à une Causerie le soir, comme l’on s’invite à un thé.

Une mère fait la Causette avec l’un de ses enfans âgé de six ans, et une Causerie avec son fils aîné, âgé de vingt, qu’elle veut diriger dans le choix d’une compagne.

Parler avec franchise, s’appelle penser tout haut. Une Causerie semble exprimer une rêverie parlée entre deux personnes, dans laquelle on n’aperçoit que les sentimens, que les idées, sans faire aucune attention aux paroles, si ce n’est pour accuser souvent d’insuffisance, le langage humain, quelque parfait qu’il soit entre deux amis. Une Causerie réelle et sentimentale me représente deux ames allant ensemble, cherchant à s’unir, à se confondre, comme deux météores enflammés, ne connaissant le besoin d’être distinctes, que pour se livrer au charme d’être réunies. (Mat.)