Beauregard (p. 129-132).


CHAPITRE XXVI.


LE RETOUR.


Roger et Paul revenaient à Némoville. Leurs recherches avaient été vaines, et ils éprouvaient le besoin de revoir leurs amis, qu’ils avaient quittés depuis assez longtemps.

Ils avaient sillonné le Pacifique, allant du nord au sud, sans trouver nulle part de trace du sous-marin contenant Gaétane et Jeanne.

Une nuit qu’ils naviguaient à la surface, ils passèrent au large d’une île volcanique, qui était en irruption. Le spectacle attira les deux amis, qui se rapprochèrent de l’île. Ils restèrent toute la nuit à contempler cette illumination gigantesque, puis, le lendemain, lorsque tout sembla être rentré dans l’ordre, ils eurent la pensée hardie d’aller explorer les abords de l’île mystérieuse, afin de voir si elle n’était pas habitée.

Ils s’approchèrent donc avec l’intention d’atterrir, si cela était possible. Au moment où ils cherchaient un endroit, où ils pourraient ancrer le sous-marin en sûreté, Roger leva les yeux et crut être le jouet de son imagination, en apercevant le drapeau qui flottait sur la grotte, et que les laves n’avaient pas atteint.

— « Paul ! Paul ! cria-t-il, vois donc ce drapeau. Qui aurait pu le planter ici, sinon Gaétane et Jeanne ! »

— « Nos bien-aimées ont sûrement habité cette île volcanique, répondit Paul, fasse le Ciel que nous n’arrivons pas top tard pour les sauver. »

En proie à la joie et à la crainte en même temps, les deux amis débarquèrent sur la plage et se mirent à l’explorer en tous sens. Ils se mirent à appeler « Gaétane ! Jeanne ! » mais les deux femmes ne pouvaient les entendre et comme le sous-marin n’avait pas abordé en vue du Rocher de la Délivrance, elles ne pouvaient voir ceux qui les cherchaient.

Les deux hommes entrèrent dans la grotte et en trouvant ainsi évidentes les preuves que celles qu’ils cherchaient avaient habité là, ils éprouvèrent un instant un véritable découragement, car ils crurent y voir aussi la preuve qu’elles avaient péri en essayant de fuir et qu’elles avaient été consumées vives par les laves bouillantes.

Qui saurait exprimer la douleur de ces hommes, devant la certitude d’un malheur si épouvantable !

Ils se laissèrent tomber sur la plage et pleurèrent, comme on pleure à vingt ans l’écroulement de son bonheur.

Le bon chien Turko, qui accompagnait son maître, donnait des signes de joie auxquels ni Roger ni Paul ne faisaient attention, dans l’état d’esprit où ils se trouvaient. Turko délassait ses jambes en gambadant sur la grève, et poussait de petits aboiements joyeux. Il revint vers ses maîtres et entra dans la grotte, d’où il ressortit bientôt en gambadant de joie et tenant dans sa gueule un mouchoir ayant appartenu à Gaétane. Il vint le déposer sur les genoux de Roger.

Celui-ci mit sa main sur la tête de son chien et dit en le caressant : « Brave animal ! »

Enfin, les deux amis se disposèrent à regagner leur bateau, mais le chien semblait ne pas vouloir les suivre, il s’arrêta sur la grève aboya obstinément, et lorsque Roger l’appela pour l’embarquer, l’animal s’enfuit vers la chaîne de roches qui conduisait au Rocher de la Délivrance. À ce moment, la marée était haute et on ne pouvait apercevoir que la tête des récifs, qui avait l’air d’écueils isolés, qu’il était impossible de franchir.

Les allures du chien finirent par inquiéter les voyageurs. « Que peut bien signifier ce manège de Turko ? » demanda Roger. « Les pauvres femmes affolées par le danger se sont peut-être enfuies de ce côté, et c’est leur piste que Turko flaire ; mais s’il en est ainsi, elles ont dû se noyer infailliblement. »

— « Faisons le tour du rocher », suggéra Paul.

Ils remontèrent dans leur embarcation et firent le tour du rocher en se tenant aussi près de terre que le permettait la prudence.