Nécrologie de M. François Giroud

Auteur anonyme avec discours de M. Quenardel
Nécrologie de M. François Giroud
Revue pédagogique, second semestre 1890 (p. 383-384).

NÉCROLOGIE : M. GIROUD, Inspecteur d’académie de la Somme.

Le 6 septembre dernier, M. Giroud, inspecteur d’académie de la Somme, est décédé à la suite d’une courte maladie à Éveux (Rhône), où il passait ses vacances au milieu de sa famille.

Ses obsèques ont eu lieu le 9 de ce mois à Romanèche (Saône-et-Loire), son pays natal, au milieu d’une affluence considérable de parents et d’amis. Le département de la Somme était représenté par MM. Parent, inspecteur primaire à Abbeville ; Quenardel, directeur de l’école normale d’instituteurs d’Amiens ; Boulfroy, commis principal d’inspection, et Froideval, délégué des instituteurs.

Deux discours ont été prononcés par MM. Quenardel et Parent. Nous reproduisons quelques passages du discours de M. Quenardel :

« Esprit fin, observateur judicieux, M. Giroud savait mieux que personne apprécier les hommes et se former une idée très nette et juste de la valeur de ceux qui l’approchaient.

» En général, il se montrait sobre et discret dans ses appréciations. Lui-même reconnaissait cette disposition de son esprit. Dans une causerie intime, la veille de son départ d’Amiens, un ami lui reprochait doucement sa tendance à ne pas prodiguer d’encourageantes paroles à des fonctionnaires dont cependant il se louait : « C’est vrai », répondait-il ; « je ne suis pas très démonstratif ; question de tempérament. Il est pourtant facile de lire sur ma physionomie l’expression de mon contentement. » Du reste, il ne ménageait pas sa confiance à ceux qu’il en avait jugés dignes.

» Fonctionnaire de la République, et républicain convaincu, il estimait que la première qualité du vrai républicain est l’honnêteté, et que le meilleur moyen d’être utile à son pays est de demeurer le serviteur de la justice et de la vérité. Vainement on frappait à sa porte pour violenter sa conscience : « Quand vous me couperiez en quatre », disait-il un jour à un solliciteur trop pressant, « je ne consentirais pas à faire ce que vous me demandez ».

» Les hommes de cette valeur et de ce caractère font aimer la République. Il est vrai que M. Giroud était une nature d’élite. Dussé-je commettre une indiscrétion, je répéterai sur la tombe de cet inspecteur distingué une parole tombée de la bouche de M. René Goblet, alors président du conseil des ministres : « M. Giroud est l’un des premiers inspecteurs d’académie de France ».

» Il aimait ses écoles normales, accordant à l’éducation des élèves une sollicitude particulière, et honorant les professeurs de sa confiance.

» Il était heureux de se rendre au milieu de nous et de constater les efforts de tous. Quand il assistait aux conférences des professeurs, il venait en ami plutôt qu’en maître. « Il est doux de récompenser, disait-il parfois, mais pénible de réprimander et de punir ». Sa physionomie calme et grave s’éclairait à l’occasion pour manifester sa satisfaction. Nos jeunes élèves-maîtres, il les affectionnait. Pas un d’eux n’oubliera les conseils qu’il donnait aux vétérans, lorsqu’à la fin de leurs études ils l’assuraient de leur reconnaissance et de leur dévouement. Il passait alors en revue les obligations de l’instituteur, signalant les fautes les plus fréquentes et indiquant d’un mot les moyens de les éviter.

» La stupeur qui nous a saisis à la nouvelle de l’irréparable malheur indique assez de quelle affection il était entouré. Tous ses collaborateurs l’aimaient, tous ses instituteurs avaient confiance en lui.

» Je suis sûr d’être l’interprète de mes collègues MM. les inspecteurs primaires et les instituteurs de la Somme en déposant ici l’hommage des regrets unanimes d’un corps de plus de dix-huit cents fonctionnaires qui déplore la perte considérable qu’il vient de faire. »