Moulan - Cours de mecanique elementaire 1910/Notions Préliminaires
NOTIONS PRÉLIMINAIRES
PROPRIÉTÉS DES CORPS
On appelle corps des portions de l’étendue que nous pouvons voir et toucher.
La présence des corps nous est révélée par toutes les sensations qu’ils produisent en nous, puis, à mesure que notre éducation se fait, nous n’avons plus besoin du concours de toutes nos sensations ; et, souvent, une seule suffit pour que nous connaissions la présence d’un corps en un lieu déterminé.
Nous étendons la main et nous éprouvons une résistance qui l’arrête ; en même temps, le toucher nous révèle certaines particularités, telle que la dureté, la continuité ; de là nous concluons à la présence d’un corps solide. Si le toucher est affecté d’une certaine manière, si l’obstacle a une mobilité particulière, nous dirons que le corps est liquide ; si la mobilité est plus grande encore, nous dirons qu’il est gazeux.
Les corps se subdivisent en trois classes distinctes : corps solides, liquides, gazeux.
Les corps à l’état solide sont : les pierres, les bois, les métaux, etc.
Les corps à l’état liquide sont : l’eau, les boissons, les liqueurs, etc.
Les corps gazeux comprennent l’air, l’oxygéne, l’hydrogène, etc, et les vapeurs provenant des liquides soumis à l’action de la chaleur.
Les corps ont des propriétés communes que les observations les plus simples nous font connaître ; les principales sont : l’étendue, l’impénétrabilité, la porosité, la divisibilité, la compressibilité, l’élasticité, la dilatabilité, la pesanteur, la mobilité et l’inertie. Les trois dernières ont une grande importance dans l’étude de la mécanique ; nous les étudierons spécialement.
Mobilité. — On appelle mobilité la propriété que possèdent les corps de pouvoir occuper successivement différentes positions de l’espace.
Cette propriété est générale, car il n’est aucun corps qui ne puisse passer d’un lieu dans un autre.
On dit qu’un corps est en mouvement lorsqu’il occupe successivement diverses positions de l’espace.
En mécanique, on donne le nom de mobile au corps dont on étudie le mouvement.
Contrairement à un corps en mouvement, un corps est en repos quand il occupe la même place dans l’espace.
On ne peut pas évaluer le mouvement d’un corps d’une manière absolue, on peut le déterminer par rapport à d’autres corps ou points de l’espace que l’on suppose fixes.
Nous savons, en effet, distinguer l’homme qui stationne de l’homme qui marche, une voiture en marche d’une voiture arrêtée. Ces repères fixes peuvent être considères connue des corps en repos, mais non d’une manière absolue, car tous les corps participent à la rotation du globe autour de son axe et à son mouvement autour du soleil.
L’astronomie nous enseigne que la terre est une planète, qu’elle est isolée dans l’espace, qu’elle a la forme d’une sphère, légèrement aplatie en deux points diamétralement opposés, nommés pôles. Elle se meut et nous entraîne dans l’espace, malgré l’immobilité que nous pouvons nous attribuer. En même temps que son centre se transporte autour du soleil, décrivant son orbite en une année, la terre a un mouvement de rotation autour d’un axe imaginaire qui joint les pôles. Elle tourne ainsi sur elle-même, d’occident en orient, en un jour.
Le soleil lui-même n’est pas immobile. Il se meut dans l’espace et l’on ne peut douter qu’il n’existe dans l’univers une seule molécule en état de repos absolu.
De ce qu’il n’existe pas de corps à l’état de repos absolu, il en résulte qu’il n’existe pas non plus de corps qui possède de mouvement absolu ; il n’y a que des mouvements relatifs, c’est-à-dire des mouvements observés par rapport à des objets considérés comme fixes, ou en repos relatif.
Un objet peut être en repos relatif en même temps qu’en mouvement relatif. Un Objet fixe sur le pont d’un bateau en marche est en mouvement relativement aux repères fixes placés sur le bord du fleuve, mais il est en repos relativement aux matelots en mouvement, placés sur le pont du bateau.
Inertie. — Les êtres animés, du moins dans les conditions normales de l’existence, peuvent agir, se déplacer, s’arrêter s’ils sont en marche, selon le caprice de leur propre volonté.
On ne peut reconnaître une faculté semblable à la matière privée de vie. Nous n’admettons pas qu’un objet matériel dépourvu de volonté puisse, de lui-même, cesser de demeurer en repos, aller à droite plutôt qu’à gauche, accélérer ou ralentir sa marche, ou s’arrêter s’il est en mouvement. Ce fut l’immortel Newton qui, le premier, reconnut l’inertie de la matière et formula comme suit ce principe fondamental, dont on rencontre à chaque pas des applications en mécanique :
« Tout corps persévère dans l’état de repos et de mouvement rectiligne et uniforme dans lequel il se trouve, à moins que quelque cause étrangère n’agisse sur lui et ne le contraigne à changer son état ou sa direction. »
L’inertie est la propriété que possèdent les corps de ne pouvoir prendre d’eux-mêmes du mouvement, quand ils sont en repos, et de ne pouvoir modifier d’eux-mêmes leur mouvement rectiligne et uniforme, quand ils sont en mouvement.
La première proposition de cette définition est évidente, nous ne voyons jamais, en effet, un corps en repos se mettre de lui-même en mouvement, ou, ce qui revient au même, nous constatons toujours que, quand un corps passe de l’état de repos à l’etat de mouvement, ce dernier est produit par une cause étrangère.
La deuxième proposition nous parait, au premier abord, en contradiction avec les faits que nous observons à chaque instant.
Nous trouvons, en effet, que les corps auxquels nous imprimons un mouvement éprouvent à chaque instant, des modifications, soit dans la direction, soit dans la vitesse de ce mouvement. Ces modifications proviennent des causes extérieures, qui sont ordinairement le frottement, la résistance des milieux et la pesanteur.
Une bille lancée sur un tapis de billard, par exemple, ne tarde pas à s’arrêter. Les deux surfaces mises en contact, celle du tapis et celle de la bille, sont couvertes d’inégalités plus ou moins sensibles à la vue ou au toucher ; ces inégalités forment, en s’enchevêtrant, des obstacles au mouvement de la bille. Aussi verra-t-on son mouvement persévérer d’autant plus que les surfaces, mises en contact, auront un poli plus parfait. Ce sera le cas, si l’on remplace le billard par une table de marbre bien unie, et la bille, aux contours rugueux, par la bille d’acier bien tournée.
Cette résistance au mouvement, qui provient du défaut de poli des surfaces en contact, s’appellent frottement.
L’expérience montre qu’une boule suspendue au bout d’un fil oscille plus de temps dans l’air que dans l’eau et plus de temps dans le vide que dans l’air. Un foulard ne peut jamais être lancé à une bien grande distance ; mais s’il est pelotonné en boule compacte, la même impulsion le portera beaucoup plus loin. Ce genre de résistance, offerte par un fluide aux différents corps qui s’y meuvent, s’appelle : la résistance des milieux. Si, dans l’exemple que nous avons choisi tantôt, la table de marbre est indéfinie de longueur et que le frottement et la résistance de l’air soient complètement nuls, la bille devrait continuer à se mouvoir sans quitter la ligne droite : il n’y a pas, en effet, de raison pour qu’elle s’en écarte d’un côté plutôt que de l’autre et son mouvement sera toujours le même, c’est-à-dire uniforme. Pourquoi, en effet, ce mouvement se retarderait-il ou s’accélérerait-il, en l’absence de tout effet de cause extérieure ?
De même que le frottement et la résistance des milieux s’opposent à l’inertie des corps en mouvement, la pesanteur s’y oppose également : en effet, une pierre lancée en l’air, suivant une ligne droite non verticale, retombe en décrivant une courbe. Cela tient à ce que la pierre est soumise à l’action d’une cause appelée pesanteur, qui se combinant avec l’impulsion première, l’oblige à quitter la direction imprimée d’abord.
Exemples de l’influence de l’inertie. — Un dit d’un individu qui ne sait rien faire par lui-même, qui ne sait jamais prendre d’initiative : « Il est comme une masse inerte. »
Un cavalier dont le cheval s’arrête brusquement tombe en avant, parce que, en raison de son inertie, il tend à persévérer dans son état de mouvement.
Un voyageur qui descend d’un train en marche risque fort, s’il ne prend pas certaines précautions au moment où il met pied à terre de tomber dans la direction que prend le train, car au moment où le pied touche le sol, le dessous du corps est arrêté, mais le dessus continuant le mouvement dont il est animé en vertu de l’inertie, fait tomber le voyageur la tête en avant.
Un cheval, pour arrêter brusquement un camion en marche, doit développer un effort considérable pour vaincre l’inertie dont est animé le véhicule.
Si deux hommes courent l’un après l’autre, celui qui a l’avance ne manquera jamais, au moment d’être atteint par le deuxième, de changer brusquement de direction : il s’y préparera en s’appuyant convenablement sur le sol, mais l’autre, qui n’a pas prévu la manœuvre, ne pourra l’exécuter à son tour, qu’après avoir fait encore quelques pas sur sa direction première où son élan, son inertie, tend à le maintenir.
Pour emmancher un outil, on a souvent coutume, après l’avoir plus ou moins engagé sur le manche, de frapper celui-ci vigoureusement et à diverses reprises contre un obstacle. Le choc arrête la marche imprimée au manche, mais l’outil, que le manche a entraîné, continue à se mouvoir quelque peu et s’enfonce chaque fois de plus en plus. Les volants des laminoirs tournent encore longtemps après que le machiniste a fermé le modérateur de la machine. Les locomotives, lancées à grande vitesse, ne peuvent pas s’arrêter instantanément à proximité d’un danger, même si le mécanicien a fermé l’accès de la vapeur dans les cylindres et a fait fonctionner les freins.
L’expérience nous montre qu’il faut une force plus considérable pour mettre un corps en mouvement que pour continuer son mouvement.
Cela s’explique, car dans le premier cas, il faut vaincre l’inertie et le frottement ; tandis que dans le second cas, on n’a plus à vaincre que le frottement seul.
Fig. 1.
Si on interpose entre l’effort F à faire pour soulever un poids P, un dynamomètre (fig. 1), on remarquera que, lors du déploiement de l’effort, les deux branches du dynamomètre se rapprocheront considérablement.
Le dynamomètre indiquera en ce moment l’effort qu’il a fallu faire pour vaincre l’inertie et l’action d’une cause que nous allons étudier, qui s’appelle la pesanteur, après il n’indiquera plus que l’action de la pesanteur.
Un cheval, pour mettre un camion en mouvement, pour démarrer, doit déployer un effort plus considérable que celui qu’il effectue ensuite, pour continuer le mouvement du camion.
Force. — D’après le principe de l’inertie, nous le répétons, aucun corps ne peut se mettre en mouvement ou changer son état de mouvement sans l’action d’une cause extérieure.
Cette cause extérieure est ce que l’on appelle d’une manière générale : une force.
Une force est donc une cause quelconque qui modifie, ou tend à modifier, l’état de repos ou de mouvement d’un corps.
Les forces reçoivent diverses dénominations usuelles, selon les circonstances particulières ou elles se produisent, ou selon qu’elles exercent diversement leurs effets (frottements, résistance des milieux, actions calorifiques, traction, pression, tension, effort, puissance, attraction, répulsion, etc.).
Pesanteur. — La pesanteur est la force qui fait tomber les corps quand ils sont abandonnés librement à eux-mêmes. Cette force agit sur tous les corps, car ils tombent tous dès qu’aucune cause ne s’oppose plus à leur chute.
La direction de la pesanteur est la ligne suivant laquelle les corps tombent quand ils sont libres : on lui donne le nom de verticale.
La pesanteur est un cas particulier de l’attraction universelle, dont Newton a énoncé la loi comme suit : Tous les corps s’attirent en raison directe de leurs masses et en raison inverse du carré de leurs distances.
Il ne faut pas confondre les expressions : pesanteur et poids. La pesanteur est la force qui fait tomber tous les corps vers la terre ; le poids d’un corps est la pression qu’il exerce sur un autre corps qui le soutient, par l’action que la pesanteur exerce sur lui. La pesanteur est donc la cause ; et le poids, l’effet.
Définition de la mécanique. — Ainsi que nous avons déjà eu l’occasion de le remarquer, tous les phénomènes que l’on observe dans la nature ne sont que des mouvements on des transformations de mouvements, dus à certaines forces.
L’homme utilise les forces qu’il trouve dans la nature de deux manières différentes :
1° Directement, comme quand il applique sa force musculaire pour porter des fardeaux ou qu’il emploie la force des courants d’eau pour traîner les bateaux.
2° En les transformant, c’est-à-dire en produisant des mouvements qui ont pour but d’appliquer ces forces sur un seul objet et de les faire agir, soit également, soit inégalement sur différents points.
Ainsi, dans les machines à vapeur, on produit la vapeur dans la chaudière et on la dirige dans le cylindre pour faire marcher le piston, et ce mouvement est transmis au moyen de courroies, d’engrenages, aux tours, aux machines à percer, à raboter, à laminer, etc.
On peut donc définir la mécanique en ces termes :
La mécanique est la science qui a pour but l’étude des lois des forces et des mouvements.
La mécanique se subdivise en plusieurs branches embrassant chacune un point de vue distinct :
La cinématique, la statique et la dynamique.
La cinématique ( du mot grec cinéma, mouvement) étudie le mouvement, indépendamment de ses causes ou des forces qui le produisent.
La statique ( de l’adjectif grec staticos, qui pèse) étudie les forces appliquées à un corps lorsqu’elles s’entre-détruisent et qu’ainsi le corps ne prend aucun mouvement.
La dynamique (du mot grec dynamis, force, puissance) traite des relations entre les forces et les mouvements qu’elles produisent. Elle s’occupe, en particulier, de l’emploi de la force motrice dans les machines ; son rôle dans l’industrie est donc considérable.
Mais avant d’aborder la partie de la dynamique qui étudie les machines à vapeur et autres, il faut savoir déterminer les dimensions des pièces qui entrent dans la construction des machines, afin qu’elles puissent résister aux efforts extérieurs auxquels elles sont soumises ; c’est pourquoi l’étude des machines sera précédée de l’étude de la résistance des matériaux.